CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 14 novembre 2019, n° 19/06536
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Souleiado (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bourrel
Conseillers :
Mme Malgras, Mme Farssac
FAITS et PROCÉDURE-MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Souleiado a pour objet notamment la confection d'articles de fantaisie en tissu, pour dames et ameublement, négoce en demi gros de tous textiles, commerce en gros, demi gros et détail de tous objets mobiliers et articles de décoration.
Cette société a été rachetée en avril 2009 au groupe N. ; elle a été transformée en société par actions simplifiée le 1er septembre 2014 et ses statuts ont été signés à cette même date ; elle est constituée avec deux associés, qui sont deux sociétés holding détenant chacune 50 % du capital social : la société Stéphane R. holding (SRH) et la SARL Daniel R. (DR SARL). Monsieur Daniel R. est associé et gérant de la SARL Daniel R. ; monsieur Stéphane R., fils de monsieur Daniel R., est associé et gérant de la SARL SRH.
La société SRH a été nommée présidente de la société Souleiado ; monsieur Daniel R. a été nommé en personne comme directeur général.
Plusieurs procédures sont en cours entre les parties devant le tribunal de commerce de Tarascon et la présente cour.
Par acte du 20 mars 2019, la société Daniel R. SARL et monsieur Daniel R. ont fait assigner à bref délai devant le tribunal de commerce de Tarascon, la SAS Souleiado, monsieur Stéphane R., la SELARL S. R. et B. représentée par maître Charles de S. R. en sa qualité d'administrateur judiciaire désigné à cette fonction suivant jugement du tribunal de commerce du 21 décembre 2018, aux fins de désignation en qualité de PDG de monsieur Daniel R., faute pour monsieur Stéphane R. d'avoir été désigné représentant permanent d'une personne morale elle-même présidente de la SAS Souleiado.
Par jugement du 15 avril 2019, le tribunal de commerce de Tarascon a :
- déclaré la société SARL Daniel R. et monsieur Daniel R. mal fondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions ; par conséquent, a rejeté leurs demandes
- constaté que monsieur Stéphane R., représentant légal de la société SRH SARL est fondé à se prévaloir de sa qualité de représentant de la société Souleiado (SAS)
- rejeté la demande indemnitaire formée à titre reconventionnel par la société Souleiado et par monsieur Stéphane R.
- dit n'y avoir lieu, pour des raisons d'équité, de faire droit aux demandes formées par les parties au titre des frais irrépétibles
- laissé les dépens, dont frais de greffe du jugement taxés et liquidés à la somme de 147,85 euros TTC, à la charge des parties demanderesses.
Par déclaration du 16 avril 2019, la SARL Daniel R. et monsieur Daniel R. ont relevé appel de cette décision, en vue de sa réformation.
Par conclusions déposées et notifiées le 25 juillet 2019, monsieur Daniel R. et la SARL Daniel R. demandent à la cour de :
- accueillir l'appel, le déclarant fondé et réformer le jugement querellé vu l'article 26 des statuts de la SAS Souleiado, les articles L.227-5, L.227-6 et R 123-54 du code de commerce,
- constater la violation des dispositions des articles précités et des statuts
- constater que monsieur Stéphane R. n'a pas été désigné en qualité de représentant permanent d'une personne morale elle-même présidente de la SAS Souleiado avec ses conséquences conformément aux dispositions de l'article 26 des statuts et de la loi
- constater que l'assemblée générale extraordinaire du 1er septembre 2014 n'a pas désigné de représentant permanent du président personne morale
- constater que monsieur Stéphane R. est un dirigeant de fait et qu'il ne peut soutenir être président de la SAS et ce, avec toutes les conséquences civiles et pénales que cela entraîne
- constater que les différentes décisions judiciaires prises à la requête de monsieur Stéphane R. en qualité de président de fait ne peuvent avoir aucun effet et seront donc déclarées nulles ou sans effet
- dire et juger que monsieur Stéphane R. ne peut plus se prévaloir de la fonction de président de la SAS Souleiado et designer en qualité de président monsieur Daniel R. porteur de 50% du capital social désigné préalablement directeur général par l'assemblée générale extraordinaire avec l'ensemble des pouvoirs de représentation et de direction définis par les articles L.227-6 et L.227-7 du code de commerce
- dire que les décisions judiciaires obtenues à la demande de monsieur Stéphane R. ou de la SAS Souleiado ainsi que les actes de représentation ou de gestion seront déclarés nuls et de nul effet
- rejeter les écritures de Me j., ès-qualités de mandataire judiciaire et de Me de S. R. ès-qualités d'administrateur judiciaire
- condamner les intimés à payer in solidum la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
Formant appel incident, la SAS Souleiado et monsieur Stéphane R. demandent à la cour, par conclusions déposées et notifiées le 27 juin 2019, de :
vu les articles L227-5, L227-6, L235-1 et R123-54 du code de commerce,
Vu l'article 1240 du code civil,
Vu l'article 32-1 du code de procédure civile,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 15 avril 2019 par le tribunal de commerce de Tarascon sous le numéro 201901530
- rejeter en conséquence l'ensemble des demandes formulées par monsieur Daniel R. et la société SARL Daniel R.
En conséquence,
- constater l'absence d'obligation pour la SAS Souleiado, de déclarer un représentant permanent de la personne morale présidente
- constater l'absence de conséquences liées au défaut de nomination de représentant permanent
- dire et juger que monsieur Daniel R. et la société SARL Daniel R. ont abusé de leur droit d'agir
Y ajoutant,
- condamner monsieur Daniel R. et la société SARL Daniel R. in solidum à leur verser la somme de 10 000 euros chacun en réparation du préjudice subi du fait de leur abus du droit d'agir
- condamner monsieur Daniel R. et la société SARL Daniel R. in solidum à leur verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner les mêmes aux entiers dépens.
Formant appel incident, la SELARL de S. R. et B. en sa qualité d'administrateur judiciaire de la SAS Souleiado demande à la cour par conclusions déposées et notifiées le 26 juin 2019, de :
- Sur la demande de nullité de l'assignation prendre acte qu'elle s'en remet à l'appréciation des juges
- Sur le fond
dire et juger que pour la bonne exécution de la mission de l'administrateur judiciaire en charge de la sauvegarde judiciaire, il est nécessaire que la décision entreprise soit confirmée
Partant
confirmer le jugement rendu le 15 avril 2019 par le tribunal de commerce de Tarascon
statuer ce que de droit sur les dépens.
Bien que régulièrement cité à domicile le 5 juin 2019, maître Pierre J., mandataire judiciaire à la sauvegarde n'a pas comparu.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 10 septembre 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 Sur la demande de rejet des écritures de maître J. par la SARL Daniel R. et Daniel R.
Est sans objet, la demande de monsieur Daniel R. et de la SARL Daniel R. tendant au rejet des écritures de maître J. ès qualités, ce dernier n'ayant pas conclu, ni même constitué avocat.
2 Sur les demandes tendant à la désignation de monsieur Daniel R. au poste de président et à la nullité des décisions, actes de représentation ou de gestion de monsieur Stéphane R.
Monsieur Daniel R. et la SARL Daniel R. font valoir qu'aux termes d'un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 1er septembre 2014, les associés de la société Souleiado ont nommé la société SRH SARL en qualité de présidente de la SAS Souleiado et monsieur Daniel R. en qualité de directeur général de ladite société, mais qu'aucun représentant permanent personne physique n'a été désigné, en méconnaissance des dispositions de l'article 26 des statuts et, qu'aucune inscription n'est intervenue au RCS ; ils estiment dès lors que monsieur Stéphane R., dirigeant de fait, ne peut se prévaloir de sa qualité de président au sein de la SAS Souleiado, exercée en toute illégalité ; ils considèrent donc comme nulles, les différentes décisions prises par monsieur Stéphane R. ou obtenues à sa demande.
L'article L227-6 du code de commerce dispose que :
La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l' objet social .
Dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du président qui ne relèvent pas de l' objet social , à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.
Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article.
Les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers.
Aux termes de l'article L227-7 qui suit, lorsqu'une personne morale est nommée président ou dirigeant d'une société par actions simplifiée, les dirigeants de ladite personne morale sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civile et pénale que s'ils étaient président ou dirigeant en leur nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu'ils dirigent.
L'article 26 des statuts invoqué stipule que : Le président est désigné par décision collective des associés. Lorsque le président est une personne morale, celle-ci doit obligatoirement désigner un représentant permanent personne physique.
En l'espèce, la SRH Sarl, personne morale, a été désignée par les associés de la SAS Souleiado en qualité de présidente de ladite société.
Il n'appartient pas aux associés de la SAS de désigner le représentant permanent personne physique, alors que ce pouvoir relève de la seule personne morale désignée comme président, en l'occurrence la Sarl SRH.
En outre, lorsqu'une personne morale est nommée président d'une société par actions simplifiée, c'est à elle qu'il revient d'en assurer la représentation légale, au travers de ses propres dirigeants, soumis aux mêmes conditions et obligations et encourant les mêmes responsabilités civile et pénale que s'ils étaient président en leur nom propre.
Dès lors, la personne morale présidant la SAS Souleiado, en l'occurrence la SRH Sarl est nécessairement représentée par monsieur Stéphane R., gérant de cette personne morale, qui est responsable de droit en vertu de l'article L 227-7 du code de commerce.
De plus, il n'y a aucune ambiguïté sur l'identité du représentant permanent personne physique ; d'ailleurs, monsieur Daniel R. et sa société n'ont saisi le tribunal de cette question qu'en mars 2019, près de cinq ans après l'assemblée générale extraordinaire du 1er septembre 2014.
Il découle de surcroît de l'article L 227-6 précité que les actes de monsieur Stéphane R. à l'égard des tiers sont valables.
Les appelants ne peuvent davantage tirer argument de l'absence d'inscription du représentant permanent au RCS ; en effet, aucun texte n'exige cette inscription dans le cas d'une société par actions simplifiée, pour laquelle l'inscription reste une simple faculté ; c'est seulement lorsque le représentant permanent est une personne autre que le représentant légal de la personne morale présidente, que la mention au RCS est susceptible d'être imposée.
Ce faisant, toute critique à l'égard des décisions obtenues à la requête de monsieur Stéphane R. et des actes de représentation ou de gestion, au demeurant non précisés, est inopérante.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de désignation en qualité de président de monsieur Daniel R., désigné préalablement directeur général, ainsi que toutes les demandes subséquentes, quant à la nullité des décisions et actes de représentation ou de gestion.
3 Sur la demande de dommages-intérêts pour abus du droit d'agir en justice
La SAS Souleiado et monsieur Stéphane R. sollicitent le paiement de la somme de 10 000 euros chacun pour abus du droit d'agir.
Il n'est toutefois pas démontré que les appelants auraient agi en justice de mauvaise foi ; le seul fait de se méprendre sur ses droits ne revêt pas un caractère fautif.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts.
4 Sur les frais irrépétibles et les dépens
Succombant sur leur appel, la SARL Daniel R. et monsieur Daniel R. doivent être condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la SAS Souleiado et monsieur Stéphane R. la somme de 3000 euros au titre des frais non taxables que ceux-ci ont dû exposer en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le jugement sera confirmé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut,
Dit que la demande de Monsieur Daniel R. et de la SARL Daniel R. tendant au rejet des écritures de maître J. ès qualités, est sans objet,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Tarascon en date du 15 avril 2019,
Condamne in solidum la SARL Daniel R. et Monsieur Daniel R. aux dépens d'appel et de première instance, ainsi qu'à payer à la SAS Souleiado et Monsieur Stéphane R. la somme de 3000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toute demande plus ample ou contraire,
Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.