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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 12 septembre 2019, n° 17/07290

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

BNP Paribas (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dallery

Conseillers :

Mme Cordier, Mme Fallenot

T. com. Valenciennes, du 14 nov. 2017, n…

14 novembre 2017

FAITS ET PROCEDURE

La SAS DPDO Flandres - Diffusion de Pièces Détachées d'Origine (ci-après dénommée la société DPDO) était titulaire d'un compte professionnel ouvert dans les livres de la société BNP Paribas.

Celle-ci lui a consenti :

- un prêt d'un montant de 100.000 euros, au taux de 2,29 % l'an, amortissable en 48 mensualités à compter du 24 janvier 2013 ;

- un prêt d'un montant de 80.000 euros, au taux de 2,39 % l'an, amortissable en 48 mensualités à compter du 23 juin 2013.

Par ailleurs, la société BNP Paribas était bénéficiaire de deux billets à ordre souscrits à son bénéfice, l'un de 813.198,87 euros à échéance au 31 janvier 2015 et l'autre de 383.851,44 euros à échéance au 28 février 2015.

Par jugement en date du 19 janvier 2015, le tribunal de commerce de Valenciennes a prononcé le redressement judiciaire de la société DPDO, et nommé la SELARL Éric R. et Gilbert D., prise en la personne de Me Gilbert D., en qualité d'administrateur provisoire, et Me Julien M. en qualité d'administrateur judiciaire.

Par deux ordonnances en date du 6 novembre 2015, le tribunal de commerce de Valenciennes a nommé en tant que technicien M. Hubert de La B., expert près la cour d'appel, avec pour mission :

- d'identifier les causes de la défaillance de la SARL Fas/respectivement SAS DPDO,

- de mettre à jour les divers montages juridiques comptables et financiers mis en place pour générer artificiellement de la trésorerie,

- de rechercher s'il existe entre la société Fas/ respectivement SAS DPDO et ses différents fournisseurs, et notamment la société Adhoc, des relations contractuelles anormales.

Le 23 mars 2015, la société BNP Paribas a déclaré sa créance à titre chirographaire entre les mains de Maître M. au moyen de quatre bordereaux. Cette créance était composée du solde débiteur du compte courant pour 86.513,72 euros, des billets à ordre impayés pour 1.197.050,31euros et du solde des prêts pour 49.243,73 euros et 51.143,76 euros.

Maître M. a contesté les créances relatives aux billets à ordre, aux motifs que leur signataire n'était pas détenteur d'un pouvoir en la matière et qu'en outre, ils présentaient des irrégularités de forme (ratures et surcharges) portant atteinte à leur validité.

Par ordonnance du 28 avril 2016, le juge-commissaire, au visa de l'article R624-5 du code de commerce, constatant l'existence d'une contestation sérieuse, s'est déclaré incompétent.

Par jugement du 25 avril 2016, le tribunal de commerce de Valenciennes a converti la procédure de redressement de la société DPDO en liquidation judiciaire.

Par acte d'huissier en date du 27 mai 2016, la société BNP Paribas a assigné la société DPDO ainsi que les organes de la procédure collective à l'effet de voir sa créance admise au passif.

Par jugement rendu le 14 novembre 2017, le tribunal de commerce de Valenciennes a statué en ces termes :

Vu les articles L217-6, L512-1 et L650-1 du code de commerce ;

Met hors de cause la SELARL Éric R. & Gilbert D., prise en la personne de Maître Gilbert D., ès-qualités d'ancien administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la SAS DPDO ;

Accueille la BNP Paribas partiellement en ses demandes ;

En conséquence ;

Dit que les billets à ordre ne sont pas entachés de nullité ;

Constate que la créance déclarée au passif du redressement judiciaire ouvert à l'encontre de la société DPDO au titre des billets à ordre est justifiée ;

Admet la société BNP Paribas au passif de la liquidation judiciaire de la société D.P.D.O. - Flandres diffusion de pièces détachées d'origine pour la somme de 1.197.050,31 euros à titre chirographaire se décomposant en deux billets à ordre de :

- 813.198,87 euros à échéance du 31 janvier 2015 ;

- 383.851,44 euros à échéance du 28 février 2015 ;

Dit que la présente décision sera mentionnée en marge de l'état des créances de la SAS DPDO par Monsieur le greffier de ce tribunal sur justification, par la partie la plus diligente, du caractère définitif de la décision ;

Déboute Maître Julien M., ès-qualités, de sa demande de dommages etintérêts ;

Dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire, les frais de greffe sont liquidés à la somme de 112,46 euros.

Par déclaration du 21 décembre 2012, Maître M., ès qualités, a relevé appel des dispositions de cette décision en ce qu'elle a :

'- dit que les billets à ordre de 813.198,87 euros à échéance du 31 janvier 2015 et de 383.851,44 euros à échéance du 28 février 2015 ne sont pas entachés de nullité ;

- constaté que la créance déclarée par la BNP Paribas au passif de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société DPDO au titre des billets à ordre est justifiée ;

- admis la société BNP Paribas au passif de la procédure collective de la société DPDO pour la somme de 1.197.050,31 euros à titre chirographaire se décomposant en deux billets à ordre de :

813.198,87 euros à échéance du 31 janvier 2015 et 383.851,44 euros à échéance du 28 février 2015 ;

- débouté Maître M. ès qualité de sa demande de dommages et intérêts,

- débouté Maître M. ès qualité de sa demande d'indemnité procédurale sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

- ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire.'

PRETENTIONS DES PARTIES

Par conclusions régularisées par le RPVA le 17 septembre 2018, Maître M., ès qualités, demande à la cour de :

'Vu les articles 122 et 857 du Code de Procédure Civile

Vu l'article R.624-5 du Code de Commerce

Vu les articles L.227-6 du Code de Commerce et L.313-12 du Code Monétaire et Financier

Vu les articles 1134 et 1147 du Code Civil,

Il est demandé à la Cour D'appel de Douai de bien vouloir

A TITRE PRINCIPAL

- INFIRMER le jugement entrepris ;

- DIRE ET JUGER la saisine du Tribunal de Commerce de Valenciennes comme tardive eu égard aux dispositions de l'article R624-5 du Code de Commerce.

En conséquence.

- DECLARER l'action de la BNP Paribas irrecevable.

A TITRE SUBSIDIAIRE

- INFIRMER le jugement du Tribunal de Commerce de Valenciennes en date du 14 novembre 2017

Et statuant à nouveau :

- REJETER purement et simplement la demande de fixation de la banque pour la somme de 1197050.31 € en ce qu'elle se base sur des effets de commerce manifestement viciés.

A défaut,

- CONDAMNER la BNP Paribas au paiement de 1 197 050.31 € de dommages-intérêts

- DIRE ET JUGER que cette somme doit venir se compenser avec la demande de fixation au passif de BNP Paribas.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- CONDAMNER la BNP Paribas au versement d'une indemnité procédurale de 5 000.00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- Le CONDAMNER aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux exposés en première instance.'

Maître M. plaide que, conformément à l'article R.624-5 du code de commerce, il appartient au créancier, lorsqu'il est désigné par l'ordonnance du juge commissaire, de saisir le tribunal de commerce. Cette saisine est matérialisée par la remise au greffe d'une copie de l'assignation. Or la BNP Paribas ne justifie nullement avoir enrôlé l'assignation délivrée dans le délai du mois à compter de la notification. Dans ces conditions, il convient d'infirmer la décision entreprise et de déclarer la BNP Paribas irrecevable en sa demande de fixation au passif de la société DPDO.

Sur le fond, Maître M. soulève que les deux billets à ordre, socle de la déclaration de créance de la banque, sont grevés d'irrégularités entachant leur validité :

- le billet à ordre d'un montant 383 851,44 euros est surchargé et le numéro SIREN du souscripteur n'est pas renseigné ;

- le billet à ordre d'un montant de 813 198,87 euros comporte une rature non paraphée par le souscripteur, et ni le cachet de la société DPDO, ni aucune référence à son SIREN n'apparaissent.

Mais plus encore, la nullité de ces deux billets à ordre est d'évidence dès lors qu'il manque l'une des mentions obligatoires, en l'espèce le lieu de création. Faute de ces éléments substantiels, le billet à ordre apparaît frappé d'une nullité absolue et en toute hypothèse, est parfaitement inopposable à la société DPDO.

Par ailleurs, les concours bancaires litigieux ont été souscrits par M. D., personne n'ayant pas la qualité de président, cette fonction étant assumée par la SARL Fas.

Il appartenait à la banque, professionnel du crédit, de s'assurer que M. D. avait bien statutairement pouvoir pour engager la société DPDO. Or les statuts de la société DPDO stipulent, en leur article 28, que l'assemblée des actionnaires est seule compétente pour les financements à mobiliser au-delà d'un seul arrêté par exercice de 50 000 euros. Il est donc incontestable que l'assemblée des actionnaires avait statutairement une compétence exclusive s'agissant du consentement aux effets litigieux.

La BNP Paribas savait nécessairement que M. D. dépassait les pouvoirs qui lui étaient conférés, dès lors qu'elle était légalement tenue d'avoir les statuts de la société DPDO en sa possession. Or si les dispositions statutaires limitant les pouvoirs sont inopposables aux tiers, encore faut-il que ce tiers soit dans l'ignorance absolue de cette limitation.

Enfin, la méthode de financement proposée par la BNP Paribas à la société DPDO était absolument inadaptée, notamment au regard des usages bancaires, comme le montre le rapport de M. de la B., lequel est parfaitement opposable à la société BNP Paribas. En effet, il est possible de tirer des éléments de preuve d'un rapport établi à la demande d'un juge-commissaire, dès lors que ce document a été régulièrement versé aux débats et soumis à discussion contradictoire. Le technicien s'est intéressé au financement bancaire de la société DPDO. Son action a permis de confirmer les doutes émis par la société DPDO s'agissant du comportement de M. D., actionnaire évincé, responsable de la partie financière de DPDO.

S'agissant plus précisément des relations entretenues avec les banques, le rapport relève :

- une absence manifeste de prise en compte de la situation alarmante de la société DPDO au regard de sa cotation banque de France ; l'expert a demandé à la BNP Paribas de fournir la preuve d'un suivi régulier du risque via les copies des interrogations Fiben ; elle n'a cependant pas répondu sur ce point ; aucune banque, si ce n'est la Monte Paschi, ne justifie d'une quelconque vérification de l'inscription de privilèges de créanciers impayés via infogreffe.

- une absence absolue de prise en compte de l'environnement bancaire de DPDO ; les encours de crédits centralisés mettaient en évidence un total de crédits mobilisés de 6 770 000 euros en août 2014 pour une société générant environ 11 000 000 euros de chiffres d'affaires.

Dans ces conditions il est absolument incontestable que la BNP Paribas a failli à ses obligations de professionnel du crédit en acceptant de mettre en place un financement de l'entreprise sans aucune cohérence avec les besoins réels de la société DPDO, justifiant l'allocation de dommages-intérêts.

Par conclusions régularisées par le RPVA le 18 octobre 2018, la société BNP Paribas demande à la cour de :

'Vu les articles 1134 et 1234 du Code Civil (ancienne numérotation),

Vu les articles L 511-77, L 512-6, L 624-2 du Code de Commerce,

Vu l'article L650-1 du Code de Commerce,

Vu les articles 9, 16 et 238 et suivants et 954 du Code de Procédure Civile,

Vu les déclarations de créance de BNP Paribas au passif du redressement judiciaire de la société DPDO Flandres - Diffusion de Pièces Détachées d'Origine,

Vu l'ordonnance rendue par le Juge Commissaire près le Tribunal de Commerce de Valenciennes en date du 28 avril 2016,

Vu le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Valenciennes en date du 14 novembre 2017,

Dire et juger recevable l'action de la Banque BNP Paribas car respectant le délai de forclusion de l'article R624-5 du Code de Commerce.

Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Valenciennes en date du 14 novembre 2017 dans l'ensemble de ses dispositions sauf à octroyer à la banque BNP Paribas un article 700 au regard des frais exposés pour sa défense.

Ainsi,

Dire bien jugé, mal appelé,

Débouter Maître M. es qualité de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Déclarer irrecevable le moyen relatif aux irrégularités de forme et de fond affectant les deux billets à ordre en application de l'article 954 du Code de Procédure Civile.

Constater dire et juger que la créance déclarée par la banque BNP Paribas au titre des billets à ordre est justifiée.

Ainsi

Confirmer l'admission au passif de la liquidation judiciaire ouverte à l'encontre de la société DPDO Flandres - Diffusion de Pièces Détachées d'Origine la créance chirographaire de la banque BNP Paribas pour un montant de 1.197.050,31 € (bordereau de créance 2/4) à raison des deux billets à ordre (billet à ordre de 813.198,87 €, à échéance du 31 janvier 2015 et billet à ordre de 383.851,44 € à échéance du 28 février 2015).

Confirmer le débouté de la demande indemnitaire formulée par Maître M. es qualité,

Constater dire et juger la demande de condamnation formulée à l'encontre de BNP Paribas mal fondée en application de l'article L650-1 du Code de Commerce.

Constater dire et juger, que la Banque BNP Paribas n'a commis aucun manquement.

Constater dire et juger n'y avoir lieu à compensation,

En tout état de cause

Condamner Maître Julien M. ès qualité à régler à la banque BNP Paribas une indemnité procédurale de 8.000,00 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'en tous frais et dépens.'

La BNP Paribas plaide que c'est à tort qu'il est prétendu que son action est atteinte de forclusion, faute de ne pas justifier de la saisine effective du tribunal de commerce de Valenciennes dans le mois suivant la notification de l'ordonnance du juge-commissaire déclarant que la nature des contestations sur la déclaration de créance échappe à son pouvoir juridictionnel, par l'enrôlement de l'acte au greffe de la juridiction dans le délai précité. En effet, le tribunal est réputé saisi dès la date de délivrance de l'assignation, dès lors que celle-ci a été remise au greffe (c'est-à-dire le placet au rôle et non l'enrôlement effectif, diligence relevant de la seule volonté du greffe), même après l'expiration du délai d'un mois. Or elle justifie que la délivrance de l'acte, son dépôt au greffe et son enrôlement sont bien intervenus dans le délai d'un mois.

Les deux billets à ordre sont en outre parfaitement réguliers car ils comportent les mentions obligatoires fixées à l'article L 512-1 du code de commerce.

L'appelant sollicite le rejet des créances au regard de prétendues irrégularités, mais ces moyens sont irrecevables en application de l'article 954 du code de procédure civile car ne constituant pas une prétention.

Au demeurant, en ce qui concerne le billet de 383.851,44 euros, la surcharge de la date de création a été émise par le souscripteur lui-même, et en ce qui concerne le billet de 813.198,87 euros, la surcharge sur la date d'émission correspond à une modification apportée lors de l'escompte qui ne pouvait avoir lieu le 30 novembre 2014, ce jour n'étant pas ouvré, et a été automatiquement reporté au 1er décembre 2014. Il ne s'agit donc pas d'altérations telles que strictement et limitativement énumérées à l'article L 511-77 du code de commerce. Il est en outre de jurisprudence constante que des modifications sont autorisées lorsqu'il s'agit de rectifier des erreurs matérielles comme cela est le cas en l'espèce. La validité des billets à ordre ne peut être ainsi valablement remise en cause.

A supposer que ces rature et surcharge soient considérés comme une altération au sens de l'article L 511-77 du code de commerce, le souscripteur demeurerait engagé dans les termes du texte originaire et par conséquent serait tenu au paiement de la somme à son échéance qui n'est pas contestée. En d'autres termes, si la validité des effets était effectivement remise en cause, cela entraînerait inévitablement une créance en restitution des sommes versées par la concluante au passif de la liquidation judiciaire de la société DPDO.

S'agissant du signataire des deux billets à ordre, il s'agit de M. Patrick D., directeur général délégué de la société DPDO, de sorte que ce dernier était manifestement habilité à les signer. En effet, selon l'article L 227-6 du code de commerce, une société en forme de SAS est représentée à l'égard des tiers par un président qui est investi des plus larges pouvoirs pour agir en toutes circonstances au nom de la société. Il ressort ainsi de l'article L 227-6 du code de commerce que, sans équivoque, les dispositions statutaires qui limiteraient les pouvoirs du président sont inopposables au tiers.

Le moyen excipé par Maître M. est mal fondé, ou à tout le moins empreint de mauvaise foi, d'autant que M. D. était, non seulement directeur général délégué de la société DPDO, mais aussi le gérant de la société Fas lorsqu'il a émis les effets.

La banque a reçu le 19 janvier 2015 une lettre datée du 16 janvier 2015 de la société DPDO l'informant de la démission de M. D. et du fait qu'il n'était plus habilité à signer pour le compte de la société DPDO. Ceci démontre que le prétendu manquement invoqué est particulièrement fallacieux puisque M. D. était toujours habilité au moment où il a signé et émis les deux billets à ordre. De plus, il n'est pas démontré que la banque savait que l'émission des effets dépassait les pouvoirs du signataire. En effet, dans le rapport non contradictoire de M. de la B., il est établi que M. D., par la répartition des tâches entre les deux dirigeants, était le seul interlocuteur auprès de diverses administrations et des établissements bancaires. Ainsi, la banque serait fondée à invoquer également la théorie de l'apparence.

La demande de dommages et intérêts de Maître M. est quant à elle mal fondée juridiquement puisque seul l'article L 650-1 du code de commerce, prévoyant un régime spécial de responsabilité du fait des concours financiers accordés à une entreprise, s'applique après l'ouverture d'une procédure collective, à l'exclusion du droit commun de la responsabilité, selon une jurisprudence constante. Cet article pose le principe d'exclusion de la responsabilité des banques, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ses concours sont disproportionnées à ceux-ci.

Maître M. se fonde sur le rapport déposé le 15 janvier 2017 par M. de la B., sans cependant le produire aux débats. Ce rapport met en exergue que la réalité comptable a été travestie par un des dirigeants. Il ne peut absolument pas asseoir les allégations de l'appelant. Tout d'abord, il est inopposable à la banque qui n'a pas été partie aux opérations d'expertise. Le juge ne peut, pour déterminer le montant de l'obligation d'une partie, se fonder exclusivement sur un rapport d'expertise judiciaire non contradictoire à son égard. La Cour de Cassation a rappelé qu'une telle mesure ne relève pas des dispositions relatives à l'expertise judiciaire car intervenant dans le cadre spécifique des procédures collectives.

Par ailleurs, ce rapport non contradictoire n'est absolument pas probant dans la mesure où cet expert a porté des appréciations dépassant le cadre strict de la mission qui lui a été confiée.

Surtout, ce rapport démontre les fautes de gestion et le laxisme des dirigeants de la société DPDO, l'utilisation volontaire de concours à court terme dans des conditions non conformes aux dispositions statutaires, des cessions de créances irrégulières, une présentation des comptes et bilans de façon à les rendre faussement présentables, à telle enseigne que le commissaire aux comptes les a approuvés et que les divers établissements financiers ont été dupés.

Les griefs de légèreté et de naïveté faits aux établissements financiers apparaissent non seulement exagérés mais particulièrement injustifiés , d'autant que le bilan 2013 n'a été rendu disponible que fin 2014, que les explications fournies par M. L. et M. D. sur les perspectives et les besoins semblaient crédibles au regard de l'activité de la société DPDO et ses contraintes. L'ensemble des concours a été consenti à un emprunteur particulièrement averti, privilégiant volontairement certaines formes du financement et multipliant volontairement les divers interlocuteurs financiers.

Il est omis l'antériorité de la relation entre les parties, la société DPDO bénéficiant de ce type de concours par escompte de billets adossé à des cessions de créances depuis 2008. L'ancienneté de cette relation plaçait évidemment la banque dans une relation de confiance.

En tout état de cause, s'agissant d'une perte de chance, l'indemnisation du préjudice qui en serait né ne saurait être égale au montant des concours accordés.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 avril 2019.

SUR CE

I - Sur la forclusion

Aux termes de l''article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l''article R.624-5 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au présent litige, lorsque le juge-commissaire se déclare incompétent ou constate l'existence d'une contestation sérieuse, il renvoie, par ordonnance spécialement motivée, les parties à mieux se pourvoir et invite, selon le cas, le créancier, le débiteur ou le mandataire judiciaire à saisir la juridiction compétente dans un délai d'un mois à compter de la notification ou de la réception de l'avis délivré à cette fin, à peine de forclusion à moins de contredit dans les cas où cette voie de recours est ouverte.

Aux termes de l'article 857 du code de procédure civile, le tribunal est saisi, à la diligence de l'une ou l'autre partie, par la remise au greffe d'une copie de l'assignation. Cette remise doit avoir lieu au plus tard huit jours avant la date de l'audience, sous peine de caducité de l'assignation constatée d'office par ordonnance, selon le cas, du président ou du juge chargé d'instruire l'affaire, ou, à défaut, à la requête d'une partie.

Il résulte de la combinaison des textes précités que le tribunal de commerce est réputé saisi à la date de délivrance de l'assignation, dès lors que celle-ci a été remise au greffe.

En l'espèce, il est démontré que l'ordonnance du 28 avril 2016 a été notifiée par lettre datée du 2 mai 2016, et réceptionnée par la société BNP Paribas le 6 mai 2016. L'assignation a été délivrée le 27 mai 2016. Il est justifié par la banque d'un courrier pour placer l'assignation litigieuse datée du 31 mai 2016 pour un enrôlement à la date du 28 juin 2016, soit 8 jours avant la date d'audience, et de l'établissement par le greffier d'un reçu pour provision délivré le 2 juin 2016.

Dès lors, le juge du fond a bien été saisi dans le délai d'un mois imposé par les dispositions susvisées de l'article R 624-5 du code de commerce.

La fin de non-recevoir doit être rejetée.

II - Sur l'admission des créances

1 ) Sur le moyen relatif aux irrégularités de forme et de fond affectant les deux billets à ordre

Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

En l'espèce, le dispositif des conclusions déposées par Maître M. saisit la cour d'une prétention visant à faire 'rejeter purement et simplement la demande de fixation de la banque pour la somme de 1.197.050,31 euros en ce qu'elle se base sur des effets de commerce manifestement viciés', à l'appui de laquelle le moyen tenant à l'irrégularité formelle des effets de commerce objet de la déclaration de créance est bien développé dans le corps de ces écritures.

Il convient donc de constater que la cour est bien saisie de cette prétention.

2) Sur la validité des billets à ordre litigieux

A- Sur les ratures et surcharges

Aux termes des articles L512-1 et L512-2 du code de commerce :

I.- le billet à ordre contient ;

1° La clause à ordre ou la dénomination du titre insérée dans le texte même et exprimée dans la langue employée pour la rédaction de ce titre ;

2° La promesse pure et simple de payer une somme déterminée ;

3° L'indication de l'échéance ;

4° Celle du lieu où le paiement doit s'effectuer ;

5° Le nom de celui auquel ou à l'ordre duquel le paiement doit être fait ;

6° L'indication de la date et du lieu où le billet est souscrit ;

7° La signature de celui qui émet le titre dénommé souscripteur.

II. - Le billet à ordre dont l'échéance n'est pas indiquée est considéré comme payable à vue.

III. - A défaut d'indication spéciale le lieu de création du titre est réputé être le lieu de paiement et, en même temps, le lieu du domicile du souscripteur.

IV. - Le billet à ordre n'indiquant pas le lieu de sa création est considéré comme souscrit dans le lieu désigné à côté du nom du souscripteur.

Le titre dans lequel une des énonciations indiquées au I de l'article L. 512-1 fait défaut ne vaut pas comme billet à ordre, sauf dans les cas déterminés aux II à IV de l'article L. 512-1.

Aux termes de l'article 512-3 du code de commerce, sont applicables au billet à ordre, en tant qu'elles ne sont pas incompatibles avec la nature de ce titre, les dispositions des articles L. 511-2 à L. 511-5, L. 511-8 à L. 511-14, L. 511-18, L. 511-22 à L. 511-47, L. 511-49 à L. 511-55, L. 511-62 à L. 511-65, L. 511-67 à L. 511-71, L. 511-75 à L. 511-81, relatives à la lettre de change.

Aux termes de l'article 511-77 du code de commerce, en cas d'altération du texte d'une lettre de change, les signataires postérieurs à cette altération sont tenus dans les termes du texte altéré ; les signataires antérieurs le sont dans les termes du texte originaire.

En l'espèce, si le billet à ordre de 383.851,44 euros comporte une surcharge sur sa date de création, en l'espèce le 31 décembre 2014, tandis que le billet à ordre de 813.198,87 euros comporte une rature sur sa date de création, le 30 novembre 2014 ayant été biffé au profit du 1er décembre 2014, ces altérations, qui réparent manifestement des erreurs purement matérielles et ne constituent en aucune façon des falsifications, sont sans incidence sur la validité des effets litigieux puisqu'elles ne sont pas de nature à modifier les engagements de l'avaliste.

Maître M. soutient à tort que les dispositions de l'article L.512-1 du code de commerce n'ont pas été respectées en ce que le lieu de création ne figure pas sur ces titres, dès lors qu'il est expressément indiqué par les textes susvisés que le titre continue dans ce cas à valoir billet à ordre et que le lieu de création est considéré comme souscrit dans le lieu désigné à côté du nom du souscripteur.

De la même façon, il est indifférent que le numéro SIREN ne figure sur aucun desdits effets, et que le cachet de la société DPDO ne soit pas apposé sur le billet à ordre de 813.198,87 euros, dès lors qu'aucune des mentions imposées par les dispositions de l'article L512-1 du code de commerce ne fait défaut.

En conséquence, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit que les billets à ordre litigieux n'étaient pas entachés de nullité.

B - Sur la capacité de M. D. à engager la société DPDO

Aux termes de l'article L227-6 du code de commerce, la société par actions simplifiée est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l' objet social .

Dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du président qui ne relèvent pas de l' objet social , à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.

Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article.

Les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers.

En l'espèce, il ressort des pièces versées à la procédure que la société BNP Paribas et la société DPDO sont entrées en relations d'affaire en 2008.

La société DPDO, initialement constituée en société anonyme, a été transformée à compter de l'été 2013 en société par actions simplifiée, dont la présidence était assurée par la SARL Fas, dirigée par M. D. et M. L. en qualité de co-gérants. Ces derniers ont également été chargés d'assumer conjointement la direction générale de la société DPDO et de la représenter dans ses rapports avec les tiers en qualité de directeurs généraux.

A la suite d'un différent avec M. L., un protocole a été conclu le 20 décembre 2014, prévoyant que M. D. n'exerce plus de responsabilités opérationnelles et quitte ses fonctions de direction au plus tard le 31 janvier 2015.

C'est ainsi que par une lettre datée du 16 janvier 2015, la société BNP Paribas a été avisée par M. L. de la démission de M. D. et du fait que ce dernier n'était plus autorisé à signer aucun paiement émanant des comptes détenus par les sociétés Fas et DPDO, ce courrier indiquant expressément : 'nous vous demandons donc de bien vouloir annuler les pouvoirs de signature et procuration dont il disposait dès réception de la présente'.

M. D. a finalement été révoqué de sa qualité de directeur général de la société DPDO le 21 avril 2015 et de sa qualité de gérant de la société Fas le 7 mai 2015.

S'il ressort de l'article 28 des statuts de la société DPDO que la collectivité des actionnaires est seule compétente pour les financements à mobiliser au-delà d'un seuil cumulé par exercice de 50000 euros, il doit être rappelé que cette disposition statutaire est inopposable à la banque, en sa qualité de tiers, Maître M. ne démontrant pas que cette dernière ait eu connaissance desdits statuts, qu'il ne produit d'ailleurs pas en intégralité à la présente procédure.

Il convient donc de dire la société DPDO engagée par les billets à ordre signés par M. D., agissant en qualité de représentant de la société Fas, présidente de la société DPDO.

En conséquence, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

- constaté que la créance déclarée au passif du redressement judiciaire ouvert à l'encontre de la société DPDO au titre des billets à ordre est justifiée ;

- admis la société BNP Paribas au passif de la liquidation judiciaire de la société D.P.D.O. - Flandres diffusion de pièces détachées d'origine pour la somme de 1.197.050,31 euros à titre chirographaire se décomposant en deux billets à ordre de :

- 813.198,87 euros à échéance du 31 janvier 2015 ;

- 383.851,44 euros à échéance du 28 février 2015.

III - Sur la demande de dommages et intérêts présentée à l'encontre de la société BNP Paribas

Maître M., ès qualités, fonde sa demande sur les articles 1134 et 1147 anciens du code civil, en affirmant que ces règles s'appliquent aux relations bancaires et sont même renforcées eu égard à la nature spécifique de ces dernières, et sur les articles L561-6 et R561-12 du code monétaire et financier, ainsi que sur l'article 1 de l'arrêté du 2 septembre 2009 pris en application de l'article R561-1 du code monétaire et financier, qui font obligation aux organismes bancaires de recueillir toutes informations sur les personnes avec lesquelles elles entretiennent une relation d'affaires, au titre d'une obligation de vigilance .

Cependant, aux termes de l'article L650-1 du code de commerce, lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours peuvent être annulées ou réduites par le juge.

Ce texte est le seul applicable à l'action en responsabilité dirigée contre les créanciers dispensateurs de crédits lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte.

Il en résulte un principe d'irresponsabilité des créanciers, à moins que ne soit établie une des trois causes de déchéance prévues par le texte, et si les concours consentis sont en eux-mêmes fautifs, ce qui implique la pratique d'une politique de crédit ruineux pour l'entreprise provoquant une croissance continue et insurmontable de ses charges financières ou l'apport d'un soutien artificiel à une entreprise dont le créancier connaissait ou aurait dû connaître, s'il s'était informé, la situation irrémédiablement compromise participant, au préjudice des autres créanciers, à l'augmentation du passif.

Ces deux conditions sont cumulatives, de sorte que l'absence de l'une suffit à conserver l'application des règles protectrices.

L'établissement d'une cause de déchéance de l'irresponsabilité bénéficiant en principe au dispensateur de crédit est donc un préalable nécessaire pour la mise en oeuvre de l'article L 650-1 du code de commerce.

Or en l'espèce, l'appelant fonde sa mise en oeuvre de la responsabilité de la banque sur des manquements quant à l'information sur les produits bancaires proposés, en arguant que celle-ci a accepté de mettre en place un financement de la société DPDO sans cohérence avec ses besoins réels.

Force est de constater qu' il n'est allégué ni a fortiori caractérisé aucune fraude de la banque, pas plus qu'une immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur, ou encore des garanties disproportionnées par rapport aux concours consentis.

Il convient dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les manquements reprochés à l'intimée et l'opposabilité du rapport de M. de la B., de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages intérêts de Maître M., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société DPDO, ainsi que sa demande de compensation avec le montant de la créance déclarée par la banque.

IV - Sur les demandes accessoires

1) Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

L'issue du litige justifie de condamner Maître M., ès qualités, aux dépens d'appel et de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit que les dépens de première instance seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

2 ) Sur les frais irrépétibles

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

La décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle n'a pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés par les parties en première instance.

En revanche, l'issue de la procédure d'appel justifie de condamner Maître M., ès qualités, à verser à la société BNP Paribas la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, et de le débouter de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la saisine de la juridiction du fond ;

Confirme le jugement rendu le 14 novembre 2017 par le tribunal de commerce de Valenciennes en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne Maître M., en qualité de liquidateur de la SAS DPDO Flandres - Diffusion de Pièces Détachées d'Origine, à payer à la société BNP Paribas la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

Déboute Maître M., ès qualités, de sa demande au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

Condamne Maître M., ès qualités, aux dépens d'appel.