CA Nancy, 5e ch. com., 6 mars 2019, n° 17/01612
NANCY
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Diepenbroek
Conseillers :
M. Soin, M. Firon
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 22 février 2010, la SA Banque populaire des Alpes a accordé à la SAS GC2MP un prêt professionnel d'un montant de 225 000 euros, pour lequel M. Michel P., président de ladite société, s'est portée caution solidaire dans la limite de 129 375 euros.
Par jugement du 19 septembre 2014, le tribunal de commerce de Thonon-les-Bains a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société GC2MP, procédure convertie ensuite en liquidation judiciaire par jugement du 21 novembre 2014.
Par lettre recommandée du 03 octobre 2014, avec demande d'accusé réception, la banque a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire de cette société.
Le 05 janvier 2015, la banque a vainement mis en demeure M. Michel P., en sa qualité de caution solidaire de la société GC2MP, de garantir le remboursement du prêt professionnel consenti le 22 février 2010.
Par acte d'huissier du 16 février 2015, la banque a fait assigner M. Michel P. devant le tribunal de commerce de Nancy, afin de l'entendre condamné à lui payer la somme principale de 59 702,89 euros avec intérêts au taux de 3,90 % l'an à compter du 30 janvier 2015.
Par jugement du 29 février 2016, le tribunal de commerce de Nancy a déclaré mal fondée l'exception d'incompétence soulevée par M. Michel P..
Par jugement du 22 mai 2017, le tribunal de commerce de Nancy a':
- condamné M. Michel P., en sa qualité de caution solidaire de la société GC2MP, à payer à la Banque populaire des Alpes la somme de 59 702,89 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2015,
- débouté les parties de leur demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné M. Michel P. aux dépens.
M. Michel P. a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions, il demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et jugeant à nouveau, de :
- dire nul et de nul effet l'acte de prêt et l'acte de cautionnement dont se prévaut la Banque populaire des Alpes,
- débouter la Banque populaire des Alpes de l'ensemble de ses prétentions,
- condamner la Banque populaire des Alpes à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, l'appelant fait valoir que le prêt a été irrégulièrement conclu faute de production du procès-verbal de délibération de la société GC2MP l'autorisant à le contracter.
Il soutient par ailleurs que la banque a manqué à son obligation d'information, de conseil et de mise en garde, quant à la nature et à la portée réelle de la garantie d'OSEO, ainsi que dans l'apport en compte courant d'associé, sachant qu'il n'est pas une caution avertie puisqu'il n'est ni juriste ni financier.
De même, il reproche à la banque de ne pas l'avoir informé annuellement, en sa qualité de caution, du montant restant dû au titre du prêt professionnel consenti le 22 février 2010, contestant ainsi avoir reçu les prétendus courriers que la banque verse aux débats.
Il prétend également que la banque a manqué de l'informer de la défaillance du débiteur dans le remboursement, à bonne date, des échéances du prêt professionnel litigieux.
Dans ses dernières conclusions, la Banque populaire Auvergne Rhône Alpes demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. Michel P. à lui payer la somme de 59 702,89 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2015,
- dire que le prêt consenti et l'engagement de caution sont parfaitement valables, M. Michel P. ayant les pouvoirs d'engager la société,
- dire que la Banque populaire Auvergne Rhône Alpes a satisfait à ses obligations en matière de garantie, d'information annuelle de la caution et d'information des incidents de paiement,
- condamner M. Michel P. au paiement de la somme de 3 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. Michel P. aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, l'intimée fait valoir que le prêt professionnel consenti le 22 février 2010 et le cautionnement litigieux ont été valablement contractés au motif que la délibération du conseil d'administration de la société GC2M, quant à la conclusion de ce prêt est inutile au regard de l'article L. 227-6 du code de commerce, dès lors que le président, M P., est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société.
Elle soutient que M. P. était valablement informé de la garantie d'OSEO dès lors que les conditions générales de ladite garantie étaient annexés au contrat de prêt signé par ses soins, ainsi que dans son engagement de caution solidaire.
Elle réfute les critiques quant à l'apport en compte courant d'associé puisqu'il s'agit d'une opération classique dont le mécanisme est parfaitement connu par l'appelant eu égard à sa qualité de caution avertie.
Elle considère qu'elle justifie suffisamment du respect de son obligation d'information de la caution quant à la défaillance de la société GC2MP et quant au montant restant dû à payer au titre du prêt professionnel litigieux.
SUR CE, LA COUR,
A titre liminaire, il convient de constater que la SA Banque populaire Auvergne Rhônes est intervenue en cause d'appel aux droits de la SA Banque populaire des Alpes.
Sur la nullité du contrat
Selon contrat de prêt professionnel souscrit le 22 février 2010 par la société GC2MP, la Banque populaire des Alpes a consenti à cet emprunteur un prêt d'un montant de 225 000 euros destiné à financer l'acquisition d'un fonds de commerce d'exploitation d'un centre de lavage automatique.
Pour conclure à la nullité de ce contrat de prêt et partant, à la nullité du contrat de cautionnement s'y rapportant, M. P. fait valoir en premier lieu qu'en dépit de la clause intitulée 'Garanties', figurant page 1 des conditions particulières du prêt, stipulant notamment, entre autres garanties, que L'emprunteur s'engage à produire le Procès-verbal de délibération du Conseil d'Administration (...) autorisant la société SAS GC2MP à emprunter et à donner les garanties prévues au contrat, le prêteur s'est abstenu de verser aux débats ledit procès-verbal et reconnaît même, aux termes de ses propres conclusions, l'inexistence d'une telle délibération.
Toutefois, outre le fait qu'en développant ce moyen, M. P. tente en réalité de se prévaloir de sa propre turpitude, celui-ci, en sa qualité de président et représentant de la société GC2MP, n'ayant en effet manifestement pas accompli la diligence à laquelle il s'était lui-même engagé lors de la signature du contrat de prêt, il résulte de l'article L. 227-6 alinéa 1 du code de commerce que le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société dans la limite de l' objet social , étant précisé à cet égard d'une part que le prêt en litige est bien conforme à l' objet social de la société GC2MP, d'autre part qu'à supposer que les statuts de cette société aient entendu déroger à cette plénitude de pouvoirs de son président, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, le dernier alinéa de l'article précité dispose en tout état de cause que les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers.
Il s'évince en conséquence de l'ensemble des observations qui précèdent que, contrairement à ce que soutient l'appelant dans ses conclusions, l'autorisation préalable donnée par délibération du conseil d'administration de la société emprunteuse ne constituait nullement une condition de validité du prêt, mais simplement une garantie, au demeurant superfétatoire, prévue au bénéfice du seul prêteur et dont l'emprunteur et/ou la caution ne peuvent utilement se prévaloir, afin de solliciter l'annulation du contrat de prêt.
M. P. sera en conséquence débouté de sa demande visant à voir prononcer la nullité du contrat de prêt et, partant, celle du contrat de cautionnement.
Pour conclure à la nullité du contrat de cautionnement, M. P. soutient en second lieu qu'il a été induit en erreur quant à la portée réelle de son engagement, faute pour la banque d'avoir satisfait à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde au titre des garanties.
S'agissant de la garantie d'OSEO, il est constant qu'en sa qualité de représentant de la société GC2MP, emprunteur, M. P. a reconnu avoir pris connaissance des conditions particulières et générales fixées par OSEO Garantie, étant précisé qu'un exemplaire desdites conditions était annexé au contrat de prêt.
M. P., en sa qualité de caution, ne peut en conséquence valablement soutenir qu'il n'a pas été informé par la banque des conditions d'intervention d'OSEO Garantie et le tribunal doit être approuvé en ce que, dans les motifs de sa décision, il a rejeté ce moyen.
Le jugement doit cependant être complété dans la mesure où son dispositif a omis de répondre au moyen pris de la nullité du contrat de cautionnement.
S'agissant de l'apport en comptes courants d'associés, préalablement à la mise à disposition des fonds, de la somme de 80 000 euros avec engagement de blocage à ce montant pendant toute la durée du crédit, sauf incorporation au capital ou accord préalable de déblocage de l'établissement intervenant et d'OSEO Garantie, M. P. se borne, dans les motifs de ses conclusions, à soutenir que cette disposition contractuelle est à l'origine d'un vice du consentement, sans cependant expliquer concrètement en quoi il a pu être induit en erreur par une telle disposition.
Ce moyen ne peut en conséquence être que rejeté.
Sur le défaut d'information de la caution
S'agissant de l'information annuelle due à la caution, la cour ne peut que constater qu'en présence d'une contestation de la part de M. P. sur l'effectivité de l'envoi par la banque des lettres d'information prévues par les dispositions de l'article L. 341-6 ancien du code de la consommation, l'intimée est dans l'incapacité de rapporter la preuve certaine de cet envoi, étant observé à cet égard que la production des lettres censées avoir été adressées à la caution au titre des années 2011 à 2014 incluses, est insuffisante à établir la réalité de ces envois, comme constituant une simple preuve à soi-même.
Dès lors, faute pour la banque d'établir qu'elle a satisfait à son obligation annuelle d'information de la caution, il convient de prononcer la déchéance des pénalités ou intérêts de retard échus sur la créance revendiquée par la banque et le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point.
Selon contrat de cautionnement du 22 février 2010, M. P. s'est porté caution de l'emprunteur dans la limite de la somme de 129 375 euros, représentant 50 % de l'encours restant dû sur le prêt concernant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard.
En conséquence, en considération de la déchéance prononcée ci-avant et des pièces versées aux débats par la banque, M. P. doit être condamné à payer à cette dernière une somme limitée à 54 849,82 euros, en exécution de l'engagement de caution souscrit par lui le 22 février 2010, montant égal à 50 % de la somme de 109 699,64 euros correspondant au montant de l'encours restant dû sur le prêt, déduction faite des pénalités ou intérêts de retard échus sur cet encours.
Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 05 janvier 2015, date de la mise en demeure.
Le jugement sera donc infirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires
Le jugement doit être confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.
L'appelant, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel.
L'intimée ayant exposé des frais irrépétibles afin de faire valoir ses droits, il convient de lui allouer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, sans que la partie adverse puisse prétendre à une telle indemnité.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
CONSTATE que la SA Banque populaire Auvergne Rhône Alpes est intervenue en cause d'appel aux droits de la SA Banque populaire des Alpes,
DEBOUTE M. Michel P. de sa demande visant à voir dire nul et de nul effet le contrat de prêt ainsi que le contrat de cautionnement dont se prévaut la Banque populaire Auvergne Rhône Alpes,
INFIRME le jugement prononcé le 22 mai 2017 par le tribunal de commerce de Nancy, sauf en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sauf en ce qu'il a condamné M. Michel P. aux dépens.
Statuant à nouveau,
DEBOUTE M. Michel P. de sa demande visant à voir dire nul et de nul effet le contrat de cautionnement dont se prévaut la Banque populaire Auvergne Rhône Alpes,
DIT que la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard,
CONDAMNE en conséquence M. Michel P. à payer à la Banque populaire Auvergne Rhône Alpes la somme de cinquante-quatre mille huit cent quarante-neuf euros et quatre-vingt-deux centimes (54 849,82 €), au titre de son engagement de caution, avec intérêts au taux légal à compter du 05 janvier 2015,
DEBOUTE la Banque populaire Auvergne Rhône Alpes du surplus de sa demande en paiement.
Y ajoutant,
CONDAMNE M. Michel P. à payer à la Banque populaire Auvergne Rhône Alpes la somme de deux mille euros (2 000 €) au titre des frais irrépétibles d'appel,
DEBOUTE M. Michel P. de ce chef de demandes,
CONDAMNE M. Michel P. à payer les dépens d'appel.