CA Aix-en-Provence, 3e et 4e ch. réunies, 14 novembre 2019, n° 19/06538
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Souleiado (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Bourrel
Conseillers :
Mme Malgras, Mme Farssac
FAITS et PROCÉDURE-MOYENS et PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Souleiado a pour objet notamment la confection d'articles de fantaisie en tissu, pour dames et ameublement, négoce en demi gros de tous textiles, commerce en gros, demi gros et détail de tous objets mobiliers et articles de décoration.
Elle a été rachetée en avril 2009 au groupe Nicollin ; elle a été transformée en société par actions simplifiée le 1er septembre 2014 et ses statuts ont été signés à cette même date ; elle dispose d'un réseau de 23 boutiques en France et commercialise ses collections en ligne ; elle emploie actuellement 89 salariés.
Elle est constituée par deux associés, qui sont deux sociétés holding détenant chacune 50 % du capital social : la société Stéphane R. holding (SRH) et la Sarl Daniel R. (DR Sarl) ; monsieur Daniel R. est associé et gérant de la Sarl Daniel R. ; monsieur Stéphane R., fils de monsieur Daniel R., est associé et gérant de la Sarl SRH.
La société SRH a été nommée présidente de la société Souleiado ; monsieur Daniel R. a été nommé en personne comme directeur général.
Par courrier du 9 août 2018, monsieur Daniel R. a mis en demeure la société Souleiado de lui rembourser, sous quinzaine, l'intégralité du compte courant d'associé d'un montant de 8,6 millions d'euros détenu par la société Daniel R..
La société Souleiado a saisi le président du tribunal de commerce de Tarascon en vue de la désignation d'un conciliateur ; suivant ordonnance du 13 novembre 2018, maître Charles de S. R. a été désigné en cette qualité ; aucun accord n'est intervenu.
A la demande de la société Souleiado, une procédure de sauvegarde a été ouverte selon jugement du 21 décembre 2018, ayant désigné la Selarl de S. R. et B. en qualité d'administrateur judiciaire (prise en la personne de maître de S. R.) et maître Pierre J. en qualité de mandataire judiciaire ; par déclaration du 8 janvier 2019, la société Daniel R. et monsieur Daniel R. ont formé opposition à l'encontre de ce jugement ; l'opposition a été rejetée le 22 mars 2019 ; l'affaire est pendante devant la cour d'appel ; la période d'observation a été prolongée jusqu'au 21 décembre 2019.
Une autre procédure est actuellement pendante devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sur appel d'une ordonnance du 19 octobre 2018 du juge des référés du tribunal de commerce de Tarascon.
Par acte du 20 mars 2019, la SAS Souleiado a fait assigner à bref délai devant le tribunal de commerce de Tarascon, monsieur Daniel R., aux fins de révocation de son mandat social de directeur général, en présence des organes de la procédure.
En réponse, pour l'essentiel, monsieur Daniel R. a soulevé la nullité de l'assignation et a conclu au rejet de la demande de révocation ; reconventionnellement, il a demandé sa désignation comme président de la SAS , l'annulation de l'ensemble des décisions prises depuis 2014 par monsieur Stéphane R., outre l'exclusion de l'associée SRH Sarl.
Par jugement du 15 avril 2019, le tribunal a :
sur la demande de nullité soutenue in limine litis
- déclaré monsieur Daniel R. et la société Sarl Daniel R., en l'absence de preuve d'un grief, mal fondés en leur demande
- par conséquent, les en a déboutés
sur la demande principale de révocation de mandat formée par la SAS
- sursis à statuer jusqu'à 1'issue de la période d'observation de la procédure de sauvegarde dont bénéficie la société Souleiado ( SAS )
- ordonné, avec exécution provisoire, la suspension de monsieur Daniel R. de ses fonctions de directeur général au sein de la société Souleiado ( SAS ) jusqu'à ce que ce tribunal, saisi dans les conditions de l'article 379 du code de procédure civile à l'issue de la période d'observation de la procédure de sauvegarde, statue sur la demande principale dont il aura à connaître
- ordonné, pendant la même durée, que les références relatives à la direction générale de la société Souleiado ( SAS ) soient effacées du registre du commerce et des sociétés de Tarascon
- rappelé les dispositions de l'article L 622-1-IV du code de commerce d'où il résulte qu'à tout moment, le tribunal peut modifier la mission de l'administrateur sur la demande de celui-ci, du mandataire judiciaire ou du ministère public,
sur les demandes reconventionnelles formées par monsieur Daniel R. et la société Sarl Daniel R.
- déclaré monsieur Daniel R. et la société Sarl Daniel R. mal fondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions
par conséquent, les en a déboutés
sur le surplus
- dit n'y avoir lieu, à ce stade de la procédure, de statuer sur les demandes formées par les parties au titre des frais irrépétibles lesquelles seront examinées ainsi qu'il est dit ci-dessus
- débouté les parties de leurs conclusions plus amples ou contraires
- réservé les dépens, dont frais de greffe du présent jugement taxés et liquidés à la somme de 126,72 euros TTC, jusqu'en fin d'instance.
Par déclaration du 16 avril 2019, monsieur Daniel R. et la société Sarl Daniel R. ont relevé appel de cette décision et intimé la SAS Souleiado, la Selarl de S. R. et B. ès-qualités d'administrateur judiciaire de la SAS , maître Pierre J. ès-qualités de mandataire judiciaire à la sauvegarde de la SAS .
Par conclusions déposées et notifiées le 25 juillet 2019, monsieur Daniel R. et la Sarl Daniel R. demandent à la cour de :
- accueillir l'appel, le déclarer fondé
- réformer le jugement entrepris
In limine litis
- rejeter la nouvelle demande de 50.000 euros de dommages et intérêts au profit de la SAS Souleaido en application de l'article 564 du code de procédure civile
- déclarer l'assignation nulle pour les causes sus-énoncées
Vu les articles L.227-5 et suivants du code de commerce, les articles 1134 du code civil et 700 du code de procédure civile
- déclarer nul et de nul effet ladite assignation
- réformer le jugement entrepris dans son intégralité
- débouter la SAS Souleiado de ses demandes non justifiées et non fondées
- faire droit à l'ensemble des demandes formulées par la Sarl Daniel R. associée à 50 % et créancière de 8.660.000 euros et par monsieur Daniel R. ès-qualités
- rejeter la demande de révocation du directeur général
- condamner la SAS Souleiado à leur payer chacun la somme de 20.000 euros comme indiqué ci-dessus au titre des dommages et intérêts pour procédure vexatoire et abusive ainsi que celle de 20.000 euros chacun au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Reconventionnellement
Tenant les statuts et le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 1er septembre 2014
- constater que la résolution n°5 du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire a désigné une personne morale présidente et qu'aucun représentant permanent personne physique ne l'a été, conformément à la loi et à l'article 26 des statuts qui précise 'obligatoirement désignée'
- constater que la SAS Souleiado n'a aucun organe de représentation et que monsieur Stéphane R. a usurpé le titre et la fonction depuis 2014 et qu'il n'est que le gérant de la société SRH Sarl
- constater qu'il n'a donc aucun pouvoir délégué en raison de la violation de la loi et de l'article 26 des statuts
- désigner en conséquence monsieur Daniel R. en qualité de président de la SAS Souleiado avec les pouvoirs de représentation, de gestion et de direction
- dire que l'ensemble des décisions depuis 2014 prises par monsieur Stéphane R. qui n'a aucun pouvoir seront nulles et de nul effet avec les conséquences y afférentes
- leur donner acte de l'apport par incorporation de 7 à 8 millions d'euros du compte courant au capital social et de l'apport de la somme de 500.000 euros en cash dans les conditions susdites
Tenant le comportement préjudiciable et déloyal à la SAS Souleiado et à l'associé la Sarl Daniel R., porteur de 50 % du capital social
- prononcer l'exclusion de l'associée SRH Sarl avec ses conséquences pour les causes sus-énoncées
- condamner la société SAS Souleiado à leur payer chacun une somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens distraits au profit de la SELARL Lexavoue Aix En Provence.
Formant appel incident, la SAS Souleiado demande à la cour, par conclusions déposées et notifiées le 9 septembre 2019, de :
Vu les articles L227-5 et suivants du code de commerce
A titre principal
confirmer la décision du tribunal de Tarascon du 15 avril 2019 en toutes ses dispositions
A titre subsidiaire et à titre incident
- constater l'ensemble des actes commis par monsieur Daniel R. comme étant contraires à l'intérêt social
- dire et juger qu'ils constituent une entrave au bon fonctionnement de la société Souleiado et sont susceptibles de mettre à néant les efforts de redressement déployés sous l'impulsion de la société Stéphane R. holding, président, et épaulés par le tribunal de commerce de Tarascon via les mesures de conciliation et de sauvegarde déjà mises en place
- infirmer la décision de première instance en ce qu'elle a prononcé la suspension de monsieur Daniel R. de ses fonctions de directeur général
- en conséquence et statuant à nouveau
* condamner monsieur Daniel R. à payer à la société Souleiado une somme forfaitaire de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts compte tenu du comportement irrationnel et délibérément nuisible qu'il a adopté ces derniers mois, conduisant à la désorganisation totale de la société Souleiado et mettant en péril sa pérennité
* ordonner la révocation du mandat social de monsieur Daniel R. en sa qualité de directeur général
En tout état de cause
- condamner monsieur Daniel R. en sa qualité de directeur général à payer à la société Souleiado une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- le condamner aux entiers dépens de l'instance, ceux d'appel avec distraction.
Formant appel incident, la Selarl de S. R. et B. en sa qualité d'administrateur judicaire de la SAS Souleiado demande à la cour par conclusions déposées et notifiées le 26 juin 2019, de :
- Sur la demande de nullité de l'assignation
prendre acte qu'elle s'en remet à l'appréciation des juges
- Sur le fond
dire et juger que pour la bonne exécution de la mission de l'administrateur judiciaire en charge de la sauvegarde judiciaire, il est nécessaire que la décision entreprise soit confirmée
Partant
confirmer le jugement rendu le 15 avril 2019 par le tribunal de commerce de Tarascon
statuer ce que de droit sur les dépens.
Bien que régulièrement cité à domicile le 2 mai 2019, maître Pierre J., mandataire judiciaire à la sauvegarde n'a pas comparu.
Il est renvoyé, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
C'est en l'état que l'instruction a été clôturée par ordonnance du 10 septembre 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 Sur la nullité de l'assignation
La Sarl Daniel R. et monsieur Daniel R. soulèvent la nullité de l'assignation délivrée le 20 mars 2019 à la requête de la SAS Souleiado «prise en la personne de son
représentant légal», pour défaut d'indication de l'organe de représentation de la SAS demanderesse en première instance, en méconnaissance de l'article 58-1 du code de procédure civile ; ils soutiennent qu'il s'agit d'une nullité de fond en application de l'article 117 du code de procédure civile, dés lors que la société SRH a été nommée en qualité de présidente de la SAS mais qu'à aucun moment la personne morale n'a désigné son représentant permanent, malgré l'article 26 des statuts.
Aux termes de l'article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :
- le défaut de capacité d'ester en justice
- le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice
- le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.
Il en résulte que quelle que soit la gravité de l'irrégularité alléguée, seules affectent la validité d'un acte de procédure, indépendamment du grief qu'elles ont pu causer, les irrégularités de fond limitativement énumérées à l'article 117.
Selon l'article 114 alinéa 2 du même code, la nullité pour vice de forme ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
Il est de droit que le défaut de désignation de l'organe représentant légalement une personne morale dans un acte de procédure, lorsque cette mention est prévue à peine de nullité, ne constitue qu'un vice de forme au sens de l'article 114 du code de procédure civile.
En l'occurrence, l'assignation ne vise pas nominativement et avec ses fonctions précises l'organe de représentation de la SAS Souleiado ; néanmoins, cela ne constitue qu'un vice de forme ; or la Sarl Daniel R. et monsieur Daniel R. n'ont subi aucun grief ; en effet, ils ont largement conclu en réponse dans des écritures ne faisant nullement apparaître l'existence d'un quelconque doute sur la personne du représentant légal de la société à l'origine de l'introduction de l'instance.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité.
2 Sur les fautes de gestion et atteintes à l'intérêt social
A l'appui de sa demande principale de confirmation du jugement sur la suspension de monsieur Daniel R. de ses fonctions de directeur général et de sa demande subsidiaire de révocation de son mandat de directeur général, la SAS Souleiado fait état de fautes de gestion et d'actes contraires à l'intérêt social , constitutifs d'une entrave à son bon fonctionnement et susceptibles de mettre à néant les efforts de redressement.
L'article 27 des statuts prévoit que le directeur général peut être révoqué à tout moment pour juste motif et notamment en cas de faute grave.
Il est de droit en matière de révocation de dirigeants que :
- la faute s'entend d'une mauvaise gestion ou de la violation d'une disposition légale ou statutaire ; dans ces cas il n'y a pas lieu de constater en outre une atteinte à l'intérêt social
- le comportement du dirigeant même non fautif peut constituer un juste motif de révocation, s'il est de nature à compromettre l'intérêt social ou le fonctionnement de la société.
En outre, la mise en cause de la responsabilité du dirigeant pour fautes de gestion ne nécessite pas l'examen de la gestion dans sa globalité ; un comportement isolé actif ou passif suffit dès lors qu'il est contraire aux diligences attendues d'un dirigeant et porte atteinte à l'intérêt social ; de plus, les dirigeants des SAS doivent assumer certains devoirs particuliers inhérents à leur fonction de représentation, parmi lesquels l'obligation de discrétion sur les affaires sociales.
En l'espèce, contrairement à ce que soutient la SAS Souleiado, la demande faite le 9 août 2018 par monsieur Daniel R. de remboursement de son compte courant d'associé dans un délai de quinzaine, alors que la convention de compte-courant prévoit un préavis de six mois ne constitue pas un motif de révocation de la fonction de directeur général ; en effet, cette demande a été présentée par monsieur Daniel R., non en sa qualité de dirigeant, mais en sa qualité d'associé.
Les longs développements sur la genèse et le contexte de cette opération sont donc vains.
C'est cependant à bon droit que la SAS Souleiado invoque la tentative opérée le 23 janvier 2019 par monsieur Daniel R. auprès du service comptabilité pour faire payer des factures de la société Daniel R. Sarl, malgré la procédure de sauvegarde, après avoir prétexté que la sauvegarde était suspendue.
Il est également justifié du fait que monsieur Daniel R., dans le cadre de ses fonctions de directeur général a insulté à plusieurs reprises monsieur Stéphane R., lors de réunions ou d'entretiens officiels avec le personnel, notamment le 15 janvier 2019 ; ce qui dénote un comportement inadapté pour un dirigeant.
De même, il a manqué gravement à son obligation de discrétion sur les affaires sociales, en accusant ouvertement monsieur Stéphane R. d'abus de biens sociaux et en précisant avoir déposé plainte contre lui, ou encore en donnant des informations sur leur mésentente, le tout soit au moyen de courriels adressés aux magasins et aux responsables des boutiques (courriels détaillés des 15 octobre 2018 et 22 décembre 2018), soit lors d'une réunion avec le personnel tenue le 16 octobre 2018.
Par ailleurs, la mésentente est avérée entre les deux dirigeants ; monsieur Daniel R. et monsieur Stéphane R. sont en désaccord permanent sur l'organisation du bureau de style, sur l'opportunité de certaines réunions de travail, sur les opérations promotionnelles, sur les séances de shooting-photos ; ainsi monsieur Daniel R. a annulé sans concertation une réunion prévue avec toutes les boutiques le 6 septembre 2018 et prévu à la place une tournée des boutiques, selon mail adressé à l'ensemble des responsables le 27 juillet 2018 ; de même, il a annulé la réunion commerciale du 16 octobre 2018 que monsieur Stéphane R. a reprogrammée le 10 octobre ; alors que monsieur Stéphane R. a annulé par mail du 15 novembre 2018 une opération promotionnelle décidée par monsieur Daniel R., celui-ci a demandé dés le lendemain au personnel de la maintenir.
Il en résulte des perturbations dans le fonctionnement des équipes de salariés, ainsi qu'il ressort d'un courriel du 7 septembre 2018 de l'équipe Souleiado Avignon relativement à la nouvelle décision de monsieur Daniel R. quant au port obligatoire d'un uniforme en boutique, ou encore des courriels du 17 novembre 2018 de la responsable de la boutique Saintes Marie de la mer qui se déclare « perdue » et, du 9 décembre 2018 de la responsable de Nîmes qui demande une information claire pour être crédible auprès des clients suite aux annonces contradictoires d'opérations promotionnelles.
Le malaise ressenti par le personnel ressort également clairement d'un message électronique de la responsable de la boutique de Nîmes, laquelle écrit le 22 décembre 2018 à monsieur Daniel R. : « ce que nous vivons, nous vos salariés, est un véritable cauchemar !! Quel déballage !...Ce comportement n'est pas digne de chefs d'entreprise, responsables. Nous sommes très inquiets pour notre avenir... ».
Plusieurs salariés travaillant au Siège ont établi des attestations pour se plaindre de harcèlement moral, qu'ils imputent à monsieur Daniel R. ; ainsi la dénommée Lise Lorek occupant le poste de chef de projet indique avoir été suspendue de ses missions en septembre 2018 par monsieur Daniel R. et n'avoir pu réintégrer un bureau qu'après plusieurs semaines bien que monsieur Stéphane R. lui en ait alloué un ; la dénommée Rachel M. occupant le poste de modéliste explique que monsieur Daniel R. était contre sa présence et qu'il a multiplié les tentatives d'intimidation dés son embauche en mars 2019 ; la dénommée Béatrice B., responsable des achats, mentionne dans une attestation du 28 mars 2019 que monsieur Daniel R. l'a menacée verbalement de licenciement si elle collaborait avec le bureau de style.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les instructions données par monsieur Daniel R. en sa qualité de directeur général et son comportement engendrent des perturbations dans le fonctionnement des équipes et une déstabilisation des salariés, de nature à compromettre sérieusement l'intérêt de la société Souleiado.
En outre, l'équilibre financier de la société Souleiado, qui présente déjà une certaine fragilité, est susceptible de se trouver également compromis.
Cette fragilité de la société est reconnue par l'ensemble des parties ; il était déjà relevé un recul d'activité sur l'exercice 01 04 2016 au 31 03 2017 dans une correspondance du 15 avril 2018 entre les consorts R., même si le résultat s'est avéré positif (502 779 euros sur l'exercice clos au 31 décembre 2017), selon le rapport de gestion versé aux débats ; cependant la situation s'est aggravée ; ainsi il est fait état dans diverses correspondances entre les consorts R. le 14 avril 2018 d'une situation passée pour la première fois « dans le rouge », le 23 juin 2018 d'une baisse de 12% en comparaison d'une baisse du secteur général textile-habillement de 2%, le 23 décembre 2018 d'une performance 2018 qui s'écroule et, dans une correspondance du 8 janvier 2019 d'un net recul de la vente collection hiver 2019.
Monsieur Daniel R. ne peut valablement arguer de fausses allégations et de contrevérités avancées par la SAS Souleiado, compte-tenu des nombreux témoignages concordants ; en particulier, il ne démontre nullement que le mail de la responsable de Saint Rémy de Provence a été dicté ; au contraire, comme tous les autres mails envoyés par les responsables de boutique, les termes employés pour faire part des inquiétudes des salariés sont à la fois circonstanciés et personnalisés ; l'analyse des messages électroniques et des attestations ne permet pas davantage de corroborer la thèse de monsieur Daniel R., selon laquelle monsieur Stéphane R. a procédé à une désorganisation volontaire du bureau de style ; de même, c'est à tort que monsieur Daniel R. se retranche derrière un simple contentieux entre deux associés, au regard des fautes et actes inadaptés qu'il a commis en sa qualité de dirigeant.
En considération de ce qui précède, la cour dispose d'éléments suffisants pour statuer, de sorte que la décision du tribunal de surseoir à statuer sera réformée.
Il existe de justes motifs au sens de l'article 27 des statuts, de procéder à la révocation de monsieur Daniel R. de sa fonction de directeur général, compte-tenu des fautes commises et du comportement de nature à porter atteinte à l'intérêt social ainsi qu'au fonctionnement de la société Souleiado ; la révocation sera donc prononcée.
Le jugement sera réformé en ce qu'il ordonne la suspension de monsieur Daniel R. de ses fonctions de directeur général, jusqu'à l'issue de la période d'observation prolongée jusqu'au 21 décembre 2019 et, en ce qu'il ordonne pour la même durée l'effacement des références relatives à la direction générale de la société Souleiado du RCS de Tarascon.
Par ailleurs, la société Souleiado réclame la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts ; sur ce point, elle invoque le comportement irrationnel et délibérément nuisible de son directeur entraînant une désorganisation considérable et une mise en péril de sa pérennité.
Contrairement à ce que soutient monsieur Daniel R., cette demande est recevable au regard de l'article 564 du code de procédure civile qui dispose que, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
En effet, il s'agit d'une demande qui est l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de la demande de révocation ; cette demande figurait au demeurant déjà selon les mêmes termes, dans le corps de l'assignation et des conclusions de la société Souleiado devant le tribunal de commerce.
Au fond, cependant la demande sera rejetée en l'absence de production du bilan 2018 permettant de caractériser le préjudice.
3 Sur les demandes de monsieur Daniel R. et de la SARL Daniel R.
Monsieur Daniel R. et la SARL Daniel R. font valoir qu'aux termes d'un procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 1er septembre 2014, les associés de la société Souleiado ont nommé la société SRH SARL en qualité de présidente de ladite société, et monsieur Daniel R. en qualité de directeur général de ladite société, mais qu'aucun représentant permanent personne physique n'a été désigné, en méconnaissance des dispositions de l'article 26 des statuts et, qu'aucune inscription n'est intervenue au RCS ; ils estiment dès lors que monsieur Stéphane R., dirigeant de fait, ne peut se prévaloir de sa qualité de président au sein de la SAS Souleiado, et qu'il y a lieu de désigner monsieur Daniel R. au poste de président ; ils considèrent donc comme nulles, les différentes décisions prises par monsieur Stéphane R. ; ils reprochent en outre à l'associée SRH Sarl un comportement déloyal par ses agissements frauduleux, justifiant son exclusion en application de l'article 23 des statuts.
L'article L227-6 du code de commerce dispose que :
La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l' objet social .
Dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du président qui ne relèvent pas de l' objet social , à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.
Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article.
Les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers.
Aux termes de l'article L227-7 qui suit, lorsqu'une personne morale est nommée président ou dirigeant d'une société par actions simplifiée, les dirigeants de ladite personne morale sont soumis aux mêmes conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités civile et pénale que s'ils étaient président ou dirigeant en leur nom propre, sans préjudice de la responsabilité solidaire de la personne morale qu'ils dirigent.
L'article 26 des statuts invoqué stipule que : Le président est désigné par décision collective des associés. Lorsque le président est une personne morale, celle-ci doit obligatoirement désigner un représentant permanent personne physique.
En l'espèce, la SRH Sarl, personne morale, a été désignée par les associés de la SAS Souleiado en qualité de présidente de ladite société.
Il n'appartient pas aux associés de la SAS de désigner le représentant permanent personne physique, alors que ce pouvoir relève de la seule personne morale désignée comme président, en l'occurrence la Sarl SRH.
En outre, lorsqu'une personne morale est nommée président d'une société par actions simplifiée, c'est à elle qu'il revient d'en assurer la représentation légale, au travers de ses propres dirigeants, soumis aux mêmes conditions et obligations et encourant les mêmes responsabilités civile et pénale que s'ils étaient président en leur nom propre.
Dés lors, la personne morale présidant la SAS Souleiado, en l'occurrence la SRH Sarl est nécessairement représentée par monsieur Stéphane R., gérant de cette personne morale, qui est responsable de droit en vertu de l'article L 227-7 du code de commerce.
De plus, il n'y a aucune ambiguïté sur l'identité du représentant permanent personne physique ; d'ailleurs, monsieur Daniel R. et sa société n'ont saisi le tribunal de cette question qu'en mars 2019, près de cinq ans après l'assemblée générale extraordinaire du 1er septembre 2014.
Il découle de surcroît de l'article L 227-6 précité que les actes de monsieur Stéphane R. à l'égard des tiers sont valables.
Les appelants ne peuvent davantage tirer argument de l'absence d'inscription du représentant permanent au RCS ; en effet, aucun texte n'exige cette inscription dans le cas d'une société par actions simplifiée, pour laquelle l'inscription reste une simple faculté ; c'est seulement lorsque le représentant permanent est une personne autre que le représentant légal de la personne morale présidente, que la mention au RCS est susceptible d'être imposée.
Ce faisant, toute critique à l'égard des décisions prises depuis 2014 par la SAS Souleiado est inopérante.
Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de désignation en qualité de président de monsieur Daniel R., désigné préalablement directeur général, ainsi que toutes les demandes subséquentes, quant à la nullité des décisions.
S'agissant par ailleurs de la demande d'exclusion de l'associée SRH, l'article 23 des statuts prévoit la possibilité de prononcer l'exclusion d'un associé en cas de violation des statuts et d'un comportement déloyal ou préjudiciable à la société ou à ses associés.
Monsieur Daniel R. et la Sarl Daniel R. sont cependant malvenus à solliciter l'application de ces dispositions à l'encontre de la Sarl SRH, alors d'une part qu'elle n'est pas dans la cause, que d'autre part les fautes invoquées le sont en réalité à l'encontre de Stéphane R., lequel ne se confond pas avec la société SRH qu'il dirige.
Par suite, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'exclusion.
4 Sur les demandes indemnitaires de monsieur Daniel R. et de la SARL Daniel R.
En cause d'appel, monsieur Daniel R. et la SARL Daniel R. sollicitent la somme de 20 000 euros chacun à titre de dommages-intérêts pour procédure vexatoire et abusive.
Au regard des développements qui précèdent, la procédure diligentée par la société Souleiado ne présente aucun caractère abusif, ses demandes ayant été pour l'essentiel accueillies favorablement.
La demande doit par conséquent être rejetée.
5 Sur le donner-acte des apports par incorporation du compte-courant et cash
Monsieur Daniel R. et la SARL Daniel R. demandent qu'il leur soit donné acte de l'apport par incorporation de 7 à 8 millions du compte courant au capital social et de l'apport de 500 000 euros en cash.
Il ne s'agit nullement d'une prétention au sens de l'article 12 du code de procédure civile, lequel prévoit que le juge tranche le litige.
6 Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité commande d'allouer à la SAS Souleiado une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner, monsieur Daniel R. conformément à sa demande, à lui payer la somme de 3000 euros au titre des frais non taxables qu'elle a dû exposer.
Succombant sur leur appel, monsieur Daniel R. et la SARL Daniel R. doivent être condamnés aux dépens de première instance et d'appel.
Le jugement qui a simplement réservé les dépens et les frais irrépétibles, sera réformé.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut,
Réforme le jugement du tribunal de commerce de Tarascon en date du 15 avril 2019, mais seulement en ce qu'il a :
- sursis à statuer sur la demande principale de révocation de mandat formée par la SAS Souleiado jusqu'à l'issue de la période d'observation de la procédure de sauvegarde dont bénéficie la société Souleiado (SAS)
- ordonné, avec exécution provisoire, la suspension de monsieur Daniel R. de ses fonctions de directeur général au sein de la société Souleiado (SAS) jusqu'à ce que ce tribunal, saisi dans les conditions de l'article 379 du code de procédure civile à l'issue de la période d'observation de la procédure de sauvegarde, statue sur la demande principale dont il aura à connaître
- ordonné, pendant la même durée, que les références relatives à la direction générale de la société Souleiado (SAS) soient effacées du registre du commerce et des sociétés de Tarascon
- dit n'y avoir lieu, à ce stade de la procédure, de statuer sur les demandes formées par les parties au titre des frais irrépétibles lesquelles seront examinées ainsi qu'il est dit ci-dessus
- réservé les dépens, dont frais de greffe du présent jugement taxés et liquidés à la somme de 126,72 euros TTC, jusqu'en fin d'instance,
Statuant à nouveau de ces chefs,
Ordonne la révocation de monsieur Daniel R. en sa qualité de directeur général de la SAS Souleiado, avec toutes conséquences de droit,
Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit que la demande en paiement de la somme de 50 000 euros de dommages-intérêts formée par la SAS Souleiado est recevable,
La rejette au fond,
Rejette la demande de monsieur Daniel R. et de la SARL Daniel R. en paiement de la somme de 20 000 euros chacun à titre de dommages-intérêts pour procédure vexatoire et abusive,
Rejette toute demande plus ample ou contraire,
Condamne monsieur Daniel R. à payer à la SAS Souleiado la somme de 3000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne monsieur Daniel R. et la SARL Daniel R. aux dépens de première instance et d'appel,
Dit que les dépens d'appel seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code.