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Décisions

CA Douai, ch. 2 sect. 2, 1 décembre 2016, n° 15/01958

DOUAI

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Littoral Automobile (SAS)

Défendeur :

Banque Populaire du Nord (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Fontaine

Conseillers :

Mme André, Mme Cordier

T. com. Dunkerque, du 2 mars 2015, n° 20…

2 mars 2015

FAITS ET PROCEDURE

Le 29 novembre 2007, la Banque populaire du Nord (la BPN) a consenti à la société Compagnie européenne de distribution (la CED) un prêt de 150 000 euros, garanti par le cautionnement donné le même jour par la société Littoral automobile (la caution), à hauteur de 150 000 euros en principal, outre accessoires.

Les sociétés CED et Littoral automobile étaient toutes deux dirigées par M. D..

Le 20 novembre 2007, les associés de la société Littoral automobile, réunis en assemblée générale, avaient expressément autorisé l'engagement de celle-ci en qualité de caution solidaire et indivisible.

La société CED a été placée en liquidation judiciaire le 24 novembre 2009 puis a fait l' objet d'un plan de cession.

La créance de la BPN (la banque) a été admise au passif 'pour une somme de 130 031,59 euros, outre intérêts au taux contractuel, à titre privilégié en vertu d'une inscription de privilège de nantissement sur fonds de commerce' (arrêt du 11 janvier 2012 de la cour d'appel de Douai confirmant l'ordonnance du juge commissaire du 7 janvier 2011).

Cette somme globale correspondait, au vu de la déclaration de créance rectificative du 14 janvier 2010, aux 22 319,53 euros restant dus pour un autre prêt (n°07762742 de 76 000 euros) et aux 107 712,06 euros restant dus pour le prêt n° 07776401 de 150 000 euros.

La société Europ'motors a présenté une offre de reprise à hauteur de 110 000 euros pour le fonds, et de 26 200 euros pour le stock de pièces détachées.

La BPN, créancier nanti, convoquée à 1'audience du 24 février 2010 devant le tribunal de commerce devant statuer sur la reprise de la CED, a demandé le transfert de cette charge au cessionnaire, la société Europ'motors.

Le 24 février 2010, le tribunal a arrêté le plan de cession et a ordonné la consignation du prix entre les mains du liquidateur, mais n'a pas statué sur la 'difficulté' soulevée par la banque, indiquant 'qu'il ne lui appartenait pas de décider de cette opposabilité ou non

et pas plus de transférer de plein droit la charge de la sûreté mobilière au profit du cessionnaire'.

Le 12 mars 2010, la BPN a interjeté appel nullité de ce jugement, avant de former, le 22 mars 2010, une tierce opposition à l'encontre du même jugement.

Le 16 juin 2010, le tribunal de commerce de Dunkerque a déclaré la banque irrecevable en sa tierce opposition.

La BPN a fait appel de cette décision et les deux instances ont été jointes.

Par un arrêt du 18 novembre 2010, la cour d'appel de Douai a,

-d'une part :

- déclaré irrecevable l'appel nullité formé par la banque à l'encontre du jugement arrêtant le plan de cession (du 24 février 2010), au motif que la BPN n'avait pas la qualité de partie ;

- d'autre part :

- infirmant le jugement du 16 juin 2010 en toutes ses dispositions,

- déclaré la banque recevable en sa tierce opposition nullité formée à l'encontre du jugement du 24 février 2010 (arrêtant le plan de cession) ;

- dit que les juges avaient commis un excès de pouvoir en ne statuant pas sur le transfert au cessionnaire de la charge du nantissement dont se prévaut la BPN ;

- annulé le jugement du 24 février 2010 en une de ses dispositions ;

- puis, évoquant et statuant sur ce seul point, a remplacé la phrase du dispositif ainsi annulée, par celle-ci : 'ordonne le transfert de plein droit de la charge du nantissement sur fonds de commerce de la BPN, inscrite au greffe, au cessionnaire sous réserve que la créance de la BPN soit reconnue comme privilégiée lors de la procédure de vérification du passif'.

Par ailleurs, la banque ayant assigné la société Europ'Motors, cessionnaire, en paiement des sommes dues par elle en application de l'article L. 642-12 du code de commerce, le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer a rendu un jugement, le 10 juin 2015, par lequel - notamment - il a condamné Europ'motors à payer à la BPN la somme de 84 963,59 euros au titre du prêt n°0777 6401, outre les intérêts de retard au taux conventionnel de 5, 03 % à compter du 5 février 2010 (à savoir : 96 313,50 euros - 11 349,91 euros perçus lors de la poursuite d'activité),

La société Europ'motors en a fait appel (total) par déclaration d'appel du 17 novembre 2015 (enrôlée sous le n°15/6750).

Ce dossier a été plaidé à la même audience que celui-ci, le 20 septembre 2016, et mis en délibéré à la même date.

Le 14 janvier 2010, la BPN a mis en demeure la société Littoral automobile d'honorer les termes de son engagement de caution solidaire.

Par acte d'huissier du 29 mars 2010, la banque a assigné la société Littoral automobile devant le tribunal de commerce de Dunkerque en paiement des sommes dues en application de cet engagement.

En cours d'instance, cette société a appelé en la cause - et en garantie - la société Europ'motors, cessionnaire du fonds de commerce de la société CED à l'occasion du plan homologué dans le cadre de la procédure collective.

Dans le dernier état de ses prétentions devant le tribunal de commerce, la banque sollicitait - à titre principal - la condamnation de la caution au paiement de la somme de 89 298,55 euros outre intérêts au taux contractuel de 5, 03 % l'an à compter du 5 février 2010.

Par jugement du 2 mars 2015, le tribunal de commerce a :

- disjoint l'instance principale de l'appel en garantie,

- sursis à statuer sur celui-ci dans l'attente du jugement à intervenir dans l'affaire opposant la BPN à Europ'motors et pendante devant le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer,

- condamné Littoral automobile à payer à la BPN la somme de 89 298,55 euros avec intérêts au taux contractuel de 5, 03 % à compter du 5 février 2010 (outre une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens).

Par une déclaration d'appel du 31 mars 2015 (n° de rôle 15-1958), la SAS Littoral automobile a fait appel (total) du jugement rendu le 2 mars 2015 par le tribunal de commerce de Dunkerque.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions récapitulatives signifiées par voie électronique le 7 juillet 2016, la société Littoral automobile demande à la cour de :

Vu le jugement du tribunal de commerce de Boulogne-sur du 10 juin 2015 condamnant la société Europ'Motors à payer à la BPN, avec exécution provisoire, l'intégralité du montant des condamnations prononcées à l'encontre de la concluante par le premier juge,

Constater que la présente procédure n'a donc plus d' objet et, à tout le moins, surseoir à statuer tant que la cour n'aura pas statué par ailleurs sur les appels qui ont été formés à l'encontre de ce jugement et/ou tant que la BPN n'aura pas justifié des diligences qu'elle a accomplies pour le recouvrement des condamnations prononcées à l'encontre de Europ'motors,

Subsidiairement, débouter la BPN de l'ensemble de ses prétentions dirigées à l'encontre de la société concluante,

La condamner à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner la BPN aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction, pour ceux d'appel, au profit de la SCP D. - F. aux offres de droit et en voir ordonner le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait principalement valoir que la société Europ'motors a été condamnée en tant que débitrice principale de la somme qui lui est réclamée en sa qualité prétendue de caution ; que, cette société étant solvable, la banque est nécessairement d'ores et déjà désintéressée ; qu'à supposer qu'elle puisse être reconnue caution, son engagement n'a

donc plus d' objet et se trouve éteint, en application des dispositions combinées des articles 2311 et 1234 du code civil ; que le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer a condamné Europ'motors aux sommes qui lui sont aujourd'hui réclamées et qui ont sûrement déjà été versées puisque le jugement était assorti de l'exécution provisoire.

À titre subsidiaire, 'sur la prétendue irrecevabilité de ses moyens de défense', elle expose qu'aucun texte, aucune jurisprudence ne lui imposait, à peine d'irrecevabilité, de soutenir immédiatement que le cautionnement lui était inopposable dès lors qu'elle ne l'avait consenti que pour une affectation différente de l'énoncé du prêt ; que la renonciation à un droit ne se présume pas ; qu'à aucun moment elle n'a admis avoir une dette à l'égard de la banque ; que l'admission de la créance de la banque au passif de la société CED n'interdit pas à la caution de se prévaloir de toutes les exceptions qui lui sont personnelles.

Sur les circonstances de la signature de l'acte de cautionnement, elle explique notamment que les agencement intérieurs des concessions automobiles sont à la charge de l'exploitant, qui doit respecter les normes du constructeur fournisseur ; qu'ayant épuisé ses fonds pour les travaux d'aménagement de ses locaux ouverts au public, la société CED a eu un besoin de trésorerie lié aux frais d'achat et de commercialisation des véhicules de marque Fiat ; que la BPN a accepté le principe du prêt sollicité mais a exigé son cautionnement, avec une délibération de l'assemblée générale autorisant le président à signer l'acte ; que c'est la banque qui a dicté le texte de la résolution ; que, cependant, l'acte de prêt a pour objet le financement de travaux d'aménagement intérieur', ce qui est différent de l' objet visé dans l'acte de cautionnement ; que, d'ailleurs, à la date de signature de ce prêt du 29 novembre 2007, la concession Fiat avait été inaugurée depuis plus de deux mois.

Elle réfute ensuite l'argumentation de la BPN, selon laquelle l'engagement de caution était conforme à son intérêt social, puis lui reproche un manquement à son obligation d'information et de conseil, comme n'ayant pas avisé M. D., le dirigeant, de la distorsion entre la mention figurant sur la délibération de l'assemblée générale (besoin de trésorerie pour développer les ventes de véhicules) et celle figurant sur le prêt.

'Sur l'opposabilité du cautionnement à son égard', elle explique que cet engagement ne correspond pas à son objet social et que la délibération du 20 novembre 2007 ne peut en être le support juridique ; qu'elle est une société par actions simplifiée et peut donc se prévaloir du 2ème alinéa de l'article L. 227-6 du code de commerce ; que, selon la jurisprudence , une société ne peut se porter caution que dans la mesure où il est possible de trouver une contrepartie à son engagement ; que l'intérêt social de Littoral automobile, distributeur de véhicules Fiat dans le dunkerquois, était effectivement d'assurer une extension des ventes de cette marque dans le boulonnais ; que la banque ne pouvait ignorer que la délibération prise par les associés, concernant l'achat de véhicules Fiat, ne pouvait être rattachée à un prêt pour des travaux d'aménagement d'un bâtiment destiné par la famille D. à l'ouverture ultérieure d'une concession Land Rover ; que la destination du prêt est totalement étrangère à l' objet de la délibération, ce qui la prive de tout support juridique.

Elle critique le jugement attaqué, en relevant que le tribunal l'a à plusieurs reprises confondue avec une société 'Littoral formalités' et a estimé qu'elle ne démontrait pas un défaut de pouvoir de son dirigeant, ni même un abus de pouvoir de celui-ci, alors qu'elle-même n'a jamais prétendu que la délibération du 20 novembre 2007 serait nulle ou que M. D. aurait commis un abus de pouvoir ; qu'en effet elle ne dénie pas la validité de cette décision, mais maintient que l' objet n'était pas de garantir des travaux d'aménagement d'une concession Land Rover ; qu'à tort les premiers juges ont amalgamé les concessions Fiat et Land Rover.

Sur le manquement à l'obligation de conseil qu'elle reproche à la banque, la société Littoral automobile explique que c'est la BPN qui avait un intérêt personnel à modifier l' objet du financement sollicité ; qu'elle bénéficiait ainsi d'une sorte de droit de suite en se ménageant une garantie qu'elle n'aurait pas obtenue dans le cadre d'une simple avance de trésorerie ; qu'il lui incombait d'attirer l'attention de M. D. - qui n'est pas un professionnel bancaire - sur l'impossibilité pour une société de se porter caution lorsqu'il n'est pas possible de trouver une contrepartie à son engagement ; que M. D. ne pouvait pas deviner la ruse utilisée, dont la BPN s'est bien gardée de l'informer.

Par ses conclusions récapitulatives signifiées par voie électronique le 9 août 2016, la BPN demande à la cour de :

- 'Débouter purement et simplement la société Littoral automobile de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions irrecevables ou/et mal fondées' ;

- Confirmer le jugement, sauf à rectifier l'erreur matérielle commise par le tribunal dans l'orthographe du nom de la société Littoral automobile et à faire droit à la demande de dommages et intérêts formulée par la Banque populaire du Nord ;

En conséquence,

- Condamner la société Littoral Automobile, en sa qualité de caution solidaire et indivisible de la Société CED, au paiement de :

- 89 298,55 euros outre intérêts conventionnels à compter du 5 février 2010 jusqu'à parfait paiement ;

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et de la procédure d'appel ;

- aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Elle considère au préalable irrecevable et dilatoire la demande de sursis à statuer présentée par la société Littoral automobile, fondée notamment sur le sort de l'action diligentée par la banque à l'encontre du cessionnaire, Europ'motors, en se référant à l'article 74 du code de procédure civile et en précisant que dès le 12 novembre 2015 Littoral automobile avait connaissance du jugement rendu le 10 juin 2015 par le tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer à l'encontre du cessionnaire, indiquant aussi que nonobstant le prononcé de l'exécution provisoire Europ'motors n'a versé aucune somme.

Elle explique ensuite que la débitrice principale du prêt reste la CED ; que la société Europ'motors, cessionnaire, s'est vu transférer la charge du prêt, en application de l'article L. 642-12 du code de commerce, à la date de prise de jouissance, sans qu'il y ait eu novation de débiteur ; que l'appelante est la caution solidaire de la CED et pas celle d'Europ'motors ; que l'engagement de Littoral automobile et celui de la société Europ'motors sont autonomes ; qu'elle-même est donc fondée à agir pour obtenir un titre exécutoire définitif à l'encontre de chacune.

Elle souligne que la créance réclamée à l'encontre de la caution est exigible depuis 2009 et l'ouverture de la liquidation judiciaire de la CED.

Sur la validité ou l'opposabilité de l'engagement de caution, elle observe que dans ses premières conclusions Littoral automobile ne discutait pas de ces critères, puisqu'elle invoquait une prétendue décharge du cautionnement motif pris de la prétendue perte de privilège imputable à la banque ; qu'en raison de l'échec de la stratégie défensive mise en oeuvre de concert avec la CED et le liquidateur judiciaire, Littoral automobile a imaginé de conclure à l'inopposabilité du cautionnement ; que cela se heurte cependant au principe de cohérence et justifie que ce moyen de défense soit déclaré irrecevable.

À cet égard, elle soutient que, 'concernant la contestation de créance, une telle procédure tend à voir juger inopposable une créance à la procédure collective d'une société débitrice principale et par extension aux cautions ; qu'il s'agit d'une exception inhérente à la dette garantie et d'un moyen de défense qui ne saurait être évoqué que dans le cas où la caution reconnaît que son cautionnement est valide ; que cela implique un aveu judiciaire de la validité de l'engagement de caution' ; qu'il est totalement incohérent pour l'appelante de soulever un moyen tenant à la nullité de son engagement après avoir sollicité un sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive dans le cadre de 'ces deux procédures' et après avoir à deux reprises admis la validité de son engagement ; que la demande de sursis à statuer ne s'explique que si la caution reconnaît cette validité.

Elle fait ensuite valoir que sa créance a été admise de manière définitive et à titre privilégié ; que cette décision a force de chose jugée à l'égard de la débitrice principale, la CED, et autorité de chose jugée à l'égard de la caution ; que l'argumentation selon laquelle Littoral automobile n'aurait jamais entendu cautionner un contrat de prêt pour travaux révèle sa mauvaise foi, ce d'autant que celle-ci a le même dirigeant que la CED, M. D. ; que celui-ci a signé l'acte de prêt et l'engagement de caution, le même jour, en cette double qualité ; qu'elle-même ne s'est jamais immiscée dans le fonctionnement de Littoral automobile et n'a jamais demandé aux associés une délibération autorisant un cautionnement pour les besoins de trésorerie Fiat ; que M. D. est un homme d'affaires averti, dirigeant de plusieurs sociétés, doté d'une capacité de discernement suffisante pour être en mesure d'apprécier la nature des engagements qu'il souscrit.

Pour répondre à l'argument de l'appelante selon lequel 'l'engagement de caution serait totalement étranger à l' objet de la délibération et en conséquence aucune délibération n'autoriserait un tel engagement, ce qui aurait pour effet de faire échapper cet engagement à l' objet social ', elle ajoute que l'assemblée générale des associés a autorisé la société à souscrire un engagement de caution à hauteur de 150 000 euros en garantie d'un prêt de 150 000 euros octroyé à la CED ; que ce crédit devait permettre la réalisation de travaux de mise aux normes du fonds de commerce de la CED, indispensables à la commercialisation des véhicules de marque Fiat ; qu'à aucun moment les associés de Littoral automobile n'ont désavoué l'engagement signé par M. D. et qu'aucune instance n'a été introduite par l'un d'eux pour attaquer la délibération ; qu'en tout état de cause elle serait prescrite ; que, sauf à faire état de sa propre turpitude et créer une insécurité juridique en remettant en cause les conditions ayant présidé à l'octroi du prêt, Littoral automobile ne peut, a posteriori, après octroi du prêt et défaillance de la débitrice principale, invoquer une prétendue inopposabilité de son engagement ; que les développements de l'appelante sont hors de propos, puisque les associés n'ont pas contesté l'acte de cautionnement.

Elle insiste sur sa demande de dommages et intérêts, au motif que Littoral automobile a multiplié les arguments fallacieux et a eu une position contraire à l'exécution de bonne foi des conventions, rappelée par l'article 1134 du code civil.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

1 - l'article L. 642-12 du code de commerce dispose que :

'Lorsque la cession porte sur des biens grevés d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, une quote-part du prix est affectée par le tribunal à chacun de ces biens pour la répartition du prix et l'exercice du droit de préférence.

Le paiement du prix de cession fait obstacle à l'exercice à l'encontre du cessionnaire des droits des créanciers inscrits sur ces biens.

Jusqu'au paiement complet du prix qui emporte purge des inscriptions grevant les biens compris dans la cession, les créanciers bénéficiant d'un droit de suite ne peuvent l'exercer qu'en cas d'aliénation du bien cédé par le cessionnaire.

Toutefois, la charge des sûretés immobilières et mobilières spéciales garantissant le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement d'un bien sur lequel portent ces sûretés est transmise au cessionnaire. Celui-ci est alors tenu d'acquitter entre les mains du créancier les échéances convenues avec lui et qui restent dues à compter du transfert de la propriété ou, en cas de location-gérance, de la jouissance du bien sur lequel porte la garantie. Il peut être dérogé aux dispositions du présent alinéa par accord entre le cessionnaire et les créanciers titulaires des sûretés.

Les dispositions du présent article n'affectent pas le droit de rétention acquis par un créancier sur des biens compris dans la cession'.

Le plan de cession n'emporte pas novation : le cessionnaire ne sera tenu d'exécuter le contrat qu'à compter du transfert de propriété ou de l'entrée en jouissance, et ne peut être tenu du passif contractuel né avant cette date.

Il y a ainsi adjonction et non substitution d'un débiteur.

Il en résulte que cette transmission ne libère pas le débiteur principal de son obligation. Ainsi, le créancier dispose de deux débiteurs principaux, le débiteur en procédure collective et le cessionnaire, et d'un débiteur accessoire, la caution.

L'engagement pris par le cessionnaire de payer, après arrêté du plan de cession de l'emprunteur, les mensualités à échoir ne valant pas, sauf accord exprès du prêteur, novation par substitution de débiteur, la caution solidaire des engagements de l'emprunteur demeure tenue de garantir l'exécution de ce prêt, tant pour les échéances échues antérieurement au plan de cession que pour les échéances échues postérieurement.

En conséquence, en l'espèce, les moyens développés par Littoral automobile et tenant à l'existence de la condamnation de la société Europ' motors à l'égard de la banque, à l'absence d' objet et à l'extinction subséquente de son engagement, comme à un sursis à statuer ou à la justification d recouvrement, ne sont pas fondés.

2 - La banque invoque ensuite un principe de cohérence, que la société Littoral automobile aurait méconnu en ne présentant ses actuels moyens de défense qu'après avoir, dans un premier temps, soutenu être déchargée de son engagement en raison - notamment - d'une prétendue perte de privilège par la banque.

Toutefois, il ne ressort pas des éléments de la cause que la société Littoral automobile aurait reconnu la validité et l'existence de son cautionnement (la demande de sursis à statuer n'étant à cet égard pas caractéristique du prétendu aveu judiciaire) et l'incohérence des argumentations d'une partie ne les rend pas légalement irrecevables.

Par ailleurs, même si la banque ne cite pas expressément le principe dit d'estoppel, il peut être considéré que c'est lui qu'elle vise, lorsqu'elle écrit 'on ne peut plaider tout et son contraire, comme le rappelle de manière constante la jurisprudence (page 11 de ses conclusions).

Certes, une partie ne peut se prévaloir d'une position contraire à celle qu'elle a prise antérieurement lorsque ce changement se produit au détriment d'un tiers.

Toutefois, la seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d'autrui n'emporte pas nécessairement fin de non-recevoir si les actions engagées n'étaient ni de même nature, ni fondées sur les mêmes conventions et n'opposaient pas les mêmes parties.

Enfin, ainsi que le souligne la société appelante, l'admission de la créance de la banque au passif de la société débitrice principale n'empêche pas la caution de se prévaloir des exceptions qui lui sont personnelles et le fait, pour cette dernière, d'avoir d'abord contesté l'existence ou la validité de la dette principale ne saurait constituer à lui seul une quelconque reconnaissance judiciaire de la validité de son propre engagement.

La fin de non-recevoir soulevée par la banque sera donc écartée.

3 - Le procès-verbal de délibération de l'assemblée générale des associés de Littoral automobiles du 20 novembre 2007 fait état d'une autorisation donnée (à l'unanimité) de se porter caution, à hauteur de 150 000 euros, de la société CED, 'dont notre société est associée et dont M. D. est également gérant', pour le remboursement du prêt (d'un montant de 150 000 euros et d'une durée de cinq ans) consenti par la BPN, 'étant précisé que ce prêt est souscrit par CED 'pour faire face à son besoin de trésorerie lié au développement des ventes de véhicules de la marque Fiat'.

L'acte de cautionnement signé le 29 novembre 2007 par le gérant de la société désigne l'obligation garantie comme étant un prêt de 150 000 euros, remboursable en 5 ans (60 mensualités).

La cour observe que le cachet commercial apposé par M. D., sous sa signature, comporte l'intitulé suivant : 'SA Littoral automobile - Land Rover'.

Enfin, sur l'acte de prêt signé le 29 novembre 2007 par la société CED, figurent les renseignements suivants : montant de 150 000 euros, durée de 60 mois, financement de travaux d'aménagement intérieur, prêt équipement standard.

La cour note aussi avec intérêt que ce prêt était également garanti par - outre un nantissement sur fonds de commerce, une intervention de la Sofaris - une délégation du bénéfice de contrats d'assurance-vie par MM. Marc et Benoît D. (tous deux associés de Littoral automobile et signataires du procès-verbal susvisé en qualité de président et secrétaire).

4 - La société Littoral automobile est une société par actions simplifiée ( SAS ) et se prévaut de l'article L. 227-6, 2ème alinéa, du code de commerce, lequel dispose que :

'La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l' objet social .

Dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du président qui ne relèvent pas de l' objet social , à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.

Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article.

Les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers.'

Littoral automobile soutient que la banque, spécialisée dans les actes de prêts cautionnés, ne pouvait ignorer que la délibération prise par les associés concernant l'achat de véhicules Fiat ne pouvait être rattachée à un prêt pour des travaux d'aménagement d'un bâtiment destiné à l'exploitation d'une concession Rover.

Étant observé que la société appelante tend à amalgamer objet social et décision prise par les associés le 20 novembre 2007, la cour retient que :

- l' objet visé dans le prêt n'est pas aussi précis et limitatif que le prétend Littoral automobile,

- un 'besoin de trésorerie' est une formule susceptible d'être utilisée pour désigner un besoin de financement en vue autant d'acheter des véhicules que de réaliser les aménagements exigés par le fournisseur,

- le 'besoin de trésorerie lié au développement des ventes de véhicules de la marque Fiat' est compatible avec la nécessité de financer des travaux d'aménagement des locaux destinés à l'exploitation d'une concession de cette marque, ce d'autant que la société appelante indique elle-même qu'il est d'usage que les agencements intérieurs des concessions automobiles sont à la charge de l'exploitant qui doit respecter les normes du constructeur,

- il ne ressort d'aucune des mentions du prêt qu'il était destiné au financement d'une concession Land Rover, et la banque ne saurait se voir opposer le fait que la société bénéficiaire du financement ait ensuite, le cas échéant, utilisé les fonds à d'autres fins,

- les affirmations de l'appelante quant à son intérêt pour la concession Fiat et son absence d'intérêt pour une exploitation Land Rover sont mises à mal par son propre cachet commercial, utilisé par son directeur général sur l'acte de cautionnement (ci-dessus décrit) ;

- il ressort du procès-verbal susvisé que la société Littoral automobile est associée de la société CED (moyen de fait qui figure dans les pièces communiquées, et que les parties n'ont pas exploité), ce qui caractérise l'intérêt de la première à voir la seconde obtenir les financements nécessaires à son exploitation,

- comme les premiers juges l'ont indiqué, la société Littoral automobile affirme, sans le démontrer, que les fonds ont en réalité été utilisés pour l'exploitation de la marque Land Rover,

- l'invitation envoyée en vue de l'inauguration de la nouvelle concession Fiat (pièce n°4 de l'appelante), le 19 septembre 2007, ne suffit pas pour démontrer que tous les travaux d'aménagement avaient alors déjà été payés et que la société CED n'avait nul besoin d'un financement supplémentaire pour les payer ou réaliser des aménagements complémentaires.

En outre, la cour s'étonne de lire, dans les conclusions de l'appelante, que la banque aurait manqué à une obligation de conseil à l'égard de M. D., représentant la société Littoral automobile (notamment comme n'ayant pas attiré son attention sur l'impossibilité pour une société de se porter caution lorsqu'il n'est pas possible de trouver une contrepartie à son engagement et comme ne l'ayant pas informée que la délibération visait uniquement des ventes de véhicules Fiat et ne pouvait convenir pour un prêt permettant le financement de travaux d'aménagement extérieurs de la concession Land Rover) alors que ledit M. D. présidait l'assemblée générale du 20 novembre 2007, qu'il en a signé le procès-verbal, qu'il a rempli et signé l'acte de cautionnement en sa qualité de gérant/directeur général de Littoral automobile le jour-même où il signait l'acte de prêt en qualité de directeur général de la société CED.

Quant aux 'ruses', manoeuvres et intérêt personnel de la banque, ils sont affirmés - et non établis - par la société appelante, qui se borne à considérer 'comme une évidence' que 'c'est la BPN qui a monté le dossier de prêt qui devait être consenti à CED pour lui permettre d'acquérir des véhicules Fiat, d'où la délibération demandée à Littoral automobile pour 'couvrir' la BPN de l'avance de fonds destinés à procéder aux achats' ou à attribuer à la banque des dons de divination comme ayant anticipé la liquidation judiciaire de la CED et la cession avec la mise en oeuvre de l'article L. 642-12 du code de commerce.

Enfin, il est inutile de suivre la société appelante dans le détail et le surplus de son argumentation, totalement inopérante.

En conséquence, la société Littoral automobile est bien engagée par l'acte de cautionnement que son dirigeant a signé, en exécution d'une délibération de ses associés, pour garantir un prêt souscrit par une société dont elle est elle-même associée.

5 - La société Littoral automobile ne présente aucun autre moyen de droit, aucune critique à l'encontre des sommes réclamées par la banque et des condamnations prononcées par le tribunal, dont le jugement sera confirmé en ce qu'il condamne cette société au principal et aux intérêts.

6 - La BPN ne caractérisant pas la faute que la société Littoral automobile aurait commise en se défendant en justice et qui aurait dégénéré en abus, ni ne justifiant du préjudice qu'elle aurait subi de ce chef, sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à ce titre - et le jugement confirmé sur ce point.

7 - La société appelante, qui succombe en ses prétentions, sera condamnée aux dépens de première instance (par confirmation du jugement) et d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il est équitable de confirmer le jugement, en ce qu'il a octroyé 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile à la BPN et, en cause d'appel, de lui allouer une somme complémentaire de 4 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

CONFIRME le jugement du 2 mars 2015 en ce qu'il condamne la société Littoral automobile, en sa qualité de caution solidaire de la société CED, à payer à la Banque populaire du Nord la somme de 89 298,55 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,03 % à compter du 5 février 2010, outre une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

CONFIRME le jugement en ce qu'il déboute la BPN de sa demande de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE la société Littoral automobile à payer à la BPN une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE la société Littoral automobile de sa demande à ce titre,

CONDAMNE la société Littoral automobile aux dépens d'appel.