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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. c, 3 novembre 2016, n° 14/08374

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

La Maison du Bon Café (SAS)

Défendeur :

Caisse d'Epargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Ponsot

Conseillers :

Mme Cesaro-Pautrot, Mme Philippe

T. com. Tarascon, du 31 mars 2014, n° 20…

31 mars 2014

EXPOSE DU LITIGE

Vu le jugement du 31 mars 2014 par lequel le tribunal de commerce de Tarascon a :

- condamné la société LA MAISON DU BON CAFE à payer à la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse

* la somme de 78 000 euros dans la limite de son engagement de caution au titre du solde débiteur du compte bancaire,

* la somme de 90 000 euros dans la limite de son cautionnement au titre du prêt n° 7875467

* la somme de 20 250 euros dans la limite de son cautionnement au titre du prêt n° 7875466

* la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire à concurrence du montant de la condamnation en principal,

- condamné la société LA MAISON DU BON CAFE au paiement des dépens,

Vu la déclaration du 24 avril 2014 par laquelle la société LA MAISON DU BON CAFE a interjeté appel de cette décision,

Vu les dernières conclusions du 24 septembre 2014, aux termes desquelles la société LA MAISON DU BON CAFE demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré,

- juger irrégulière la déclaration de créance de la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse,

- la décharger de toute obligation,

- débouter la banque de ses prétentions,

- constater l'inopposabilité des actes de caution à la société LA MAISON DU BON CAFE

- débouter en conséquence la banque de ses demandes,

subsidiairement,

-sommer la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse d'avoir à communiquer les conditions générales de la convention de compte courant souscrite par la société Distribution Boissons Services et l'ensemble des relevés bancaires de ce compte du 25 août 2009 à la clôture du compte,

- surseoir à statuer dans l'attente de ces documents,

- surseoir à statuer sur les créances relatives aux prêts dans l'attente d'information permettant d'apprécier la conformité entre le motif de l'octroi des prêts et l'utilisation qui en a été faite par la société Distribution Boissons Services,

très subsidiairement,

- constater l'absence de déchéance du terme,

- au regard de l'acte introductif d'instance juger que seules la somme de 12 776,95 euros au titre du prêt n° 7875467 et la somme de 1 683,22 euros au titre du prêt n° 7875466 peuvent être réclamées, les prêts n'ayant jamais fait l' objet d'aucune déchéance du terme,

- reconventionnellement, condamner la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse à lui payer la somme de 170 000 euros de dommages et intérêts,

- ordonner la compensation des créances respectives,

En tout état de cause,

- condamner la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse au paiement d'une somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles et au paiement des dépens qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions du 30 janvier 2015 par lesquelles la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse ( la société Caisse d'Epargne) demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- débouter la société LA MAISON DU BON CAFE de l'ensemble de ses prétentions,

- condamner la société LA MAISON DU BON CAFE au paiement d'une somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du même code,

MOTIFS

Attendu que pour financer son activité la société Distribution Boissons Service ( la société DBS) a ouvert dans les livres de la société Caisse d'Epargne un compte courant professionnel selon une convention datée du 25 août 2009 et obtenu de cet établissement bancaire deux prêts :

- un prêt en date du 31 janvier 2011 d'un montant de 45 000 euros au taux de 4,08 % remboursable en 120 mensualités, garanti par le cautionnement souscrit par la société LA MAISON DU BON CAFE dans la limite de 20 250 euros,

- un prêt en date du 31 janvier 2011 d'un montant de 450 000 euros remboursable en 120 mensualités, garanti par la société LA MAISON DU BON CAFE dans la limite de 90 000 euros,

Que par acte du 18 septembre 2009, la société LA MAISON DU BON CAFE s'est engagée en qualité de caution solidaire à garantir le solde débiteur du compte courant ouvert par la société DBS, dans la limite de 78 000 euros et pour une durée expirant au 31 juillet 2013 ;

Que par jugement du 6 juin 2012 le tribunal de commerce d'Avignon a ouvert une procédure de sauvegarde à l'égard de la société DBS ;

Que par courrier du 6 août 2012 la société Caisse d'Epargne a déclaré ses créances échues et à échoir au titre des deux prêts et sa créance d'un montant de 169 513,42 euros au titre du solde débiteur du compte courant ;

Que par courrier du 6 août 2012 elle a mis en demeure la société LA MAISON DU CAFE de lui régler les sommes dues dans la limite de ses engagements, en vain ;

Qu'elle a assigné la société LA MAISON DU CAFE, en sa qualité de caution solidaire, en paiement devant le tribunal de commerce de Tarascon, lequel a fait droit pour l'essentiel à ses demandes ;

Sur la régularité de la déclaration de créance

Attendu que la société LA MAISON DU BON CAFE, appelante, soutient qu'elle doit être déchargée de toute obligation dans la mesure où la société Caisse d'Epargne n'a pas régulièrement déclaré sa créance dans la procédure de sauvegarde ouverte à l'égard de la société DBS, débitrice principale ;

Qu'elle précise qu'aucun élément du dossier n'établit que la déclaration de créance a effectivement été signée par Mme Gaya O., délégataire de pouvoir ;

Mais attendu que, comme le soutient à juste titre la société Caisse d'Epargne, la société LA MAISON DU CAFE n'est plus recevable à contester la déclaration de créance dans la mesure où cette déclaration n'a pas été contestée dans le cadre de la procédure collective et où les créances déclarées ont été définitivement admises par le juge commissaire (pièce n° 15 de l'intimée) ;

Que cette décision du juge commissaire est revêtue de l'autorité de la chose jugée qui s'impose à la débitrice principale comme à la caution solidaire ;

Que l'argument tiré de l'irrégularité de la déclaration de créance doit par conséquent être écarté ;

Sur l'inopposabilité des actes de cautionnement

Attendu qu'au visa des articles L 225-35 et L 225-68 du code de commerce la société LA MAISON DU CAFE soutient que les actes de cautions lui sont inopposables car il n'est pas justifié que le signataire de ces actes disposait d'une autorisation du conseil d'administration pour souscrire un cautionnement au nom et pour le compte de la société ;

Mais attendu que les textes sus visés sont relatifs au fonctionnement des sociétés anonymes et que le fonctionnement des sociétés par actions simplifiées est régi par les articles L 227-1 et suivants du code de commerce ;

Que la société LA MAISON DU BON CAFE est une société par actions simplifiée ;

Que l'article L 227-6 du code de commerce dispose que dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du président qui ne relèvent pas de l' objet social , à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication de statuts suffise à constituer cette preuve ;

Qu'en l'espèce, les trois actes de caution litigieux ont été signés au nom et pour le compte de la société LA MAISON DU BON CAFE par son président, M. Daniel R. ;

Qu'il n'est ni allégué ni établi que la société Caisse d'Epargne savait que M. Daniel R. dépassait ses pouvoirs en signant ces actes, de sorte qu'en application de l'article L 227-6 du code de commerce, les trois cautionnements sont opposables à la société LA MAISON DU BON CAFE ;

Que l'argumentation développée de ce chef par l'appelante sera écartée ;

Sur les sommes dues au titre du compte courant

Attendu que la société LA MAISON DU BON CAFE sollicite un sursis à statuer sur la demande en paiement formée par la banque au titre du solde débiteur du compte courant de la société DBS, dans l'attente de la production, par l'intimée, des conditions générales du compte courant et de tous les relevés bancaires ;

Qu'elle précise que ces renseignements sont nécessaires afin de déterminer si la banque a de manière imprudente et fautive laisser s'aggraver le solde débiteur, faute qui pourrait justifier le rejet de sa demande en paiement dirigée à l'encontre de la caution ;

Mais attendu que, comme le soutient justement la société Caisse d'Epargne, la société LA MAISON DU BON CAFE est une personne morale, professionnelle, d'autant plus avertie de la situation financière de la société DBS qu'elle détient une partie du capital de cette dernière ;

Qu'ainsi, en sa qualité d'associée de la société DBS, la société LA MAISON DU BON CAFE pouvait avoir connaissance de la comptabilité de la société DBS et de la situation du compte bancaire ;

Que la clause 8 du contrat de cautionnement du 18 septembre 2009 prévoit expressément que ' la caution entend s'attacher personnellement au suivi des opérations réalisées par le débiteur principal ; qu'elle dispense à cet effet la Caisse d'Epargne de lui notifier toute mesure d'information non requise par la loi et notamment de lui signifier tous avis de non paiement, de prorogation ou autre événement affectant la situation du débiteur principal ou de toute autre caution et l'engagement de celle-ci' ;

Qu'au regard de ces éléments, il appartenait à la société LA MAISON DU BON CAFE, en sa qualité de caution, personne morale professionnelle, de se renseigner sur la situation du solde débiteur de la société DBS et il n'est, dès lors, pas nécessaire que la société Caisse d'Epargne produise aux débats les documents réclamés par l'appelante ;

Que la demande de sursis à statuer sera rejetée ;

Attendu que la caution n'est tenue de payer que les dettes du débiteur principal devenues exigibles ; Qu'en ce qui concerne le solde débiteur du compte courant, celui-ci ne devient exigible qu'à la clôture du compte ;

Qu'il résulte des pièces communiquées que le solde du compte courant était d'un montant de 169 513,42 euros au jour de l'ouverture de la procédure de sauvegarde ;

Que par un courrier du 13 novembre 2012 adressé à la banque, l'administrateur judiciaire a sollicité la clôture du compte courant ; que ce compte présentait alors un solde débiteur de

169 239,78 euros pièces n°9 et 10 de l'intimée) ;

Que la société LA MAISON DU BON CAFE ayant limité son engagement de caution à 78 000 euros, il y a lieu de la condamner à payer ce montant à la Société Caisse d'Epargne ;

Sur les sommes dues au titre des deux prêts an date du 31 janvier 2011

Attendu que la société LA MAISON DU BON CAFE expose qu'elle a garanti le remboursement des deux prêts consentis le 31 janvier 2011 à la société DBS et que ces prêts, d'un montant respectif de 45 000 euros et 450 000 euros, étaient destinés à l'acquisition de matériel ;

Qu'elle sollicite un sursis à statuer sur la demande en paiement formée par la banque au titre de ces deux prêts dans l'attente de la communication de documents établissant que les fonds prêtés ont effectivement eu la destination conventionnellement prévue ;

Mais attendu que, comme le soutient à juste titre la société Caisse d'Epargne, les clauses relatives à l'utilisation des fonds prêtés ne concernent que les rapports contractuels instaurés entre la banque et la débitrice principale ;

Qu'elles ne concernent nullement l'engagement de caution souscrit par la société LA MAISON DU BON CAFE, laquelle n'a pas subordonné son cautionnement à une utilisation déterminée des fonds prêtés ;

Qu'au contraire, en page 2 des deux actes de caution la société LA MAISON DU BON CAFE a renoncé expressément 'à se prévaloir d'une utilisation des sommes mises à la disposition de la société Distribution Boissons Service par le prêteur à des fins non conformes à leur destination' ;

Que, dès lors, l'utilisation effective des fonds empruntés est indifférente à l'engagement de caution de l'appelante ; que la communication de documents relatifs à cette utilisation n'est dès lors pas nécessaire à la solution du litige ;

Qu'il convient de rejeter sa demande de sursis à statuer ;

Attendu que s'agissant des sommes dues au titre des prêts, il convient de rappeler que le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde à l'égard de la société DBS n'a pas entraîné la déchéance du terme des deux prêts et que cette déchéance n'avait nullement été prononcée par la banque avant l'ouverture de cette procédure collective ;

Que conformément à l'argumentation développée par l'appelante, la société Caisse d'Epargne ne produit aucune pièce probante de nature à établir que des échéances sont restées impayées après l'ouverture de la procédure de sauvegarde ni qu'une déchéance du terme a été prononcée postérieurement au jugement ouvrant cette procédure de sauvegarde ;

Qu'en l'état des documents produits, il est seulement justifié et non contesté qu'à la date du 6 août 2012, date de la mise en demeure adressée à la caution, les échéances impayées du prêt n° 7875467 s'élevaient à 12 777,95 euros et que les échéances impayées du prêt n° 7875466 s'élevaient à 1 683,22 euros ;

Que ces montant étant inférieurs au montant des engagements de caution souscrits par la société LA MAISON DU BON CAFE, cette dernière sera condamnée à payer à la banque la somme de 12 777,95 euros au titre du prêt n° 7875467 et la somme de 1 683,22 euros au titre du prêt n° 7875466 ;

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société LA MAISON DU BON CAFE

Attendu que reconventionnellement, la société LA MAISON DU BON CAFE fait valoir que la société Caisse d'Epargne a soutenu abusivement la société DBS en autorisant un découvert bancaire de 169 513,42 euros ; qu'elle ajoute que ce soutien financier démesuré lui a causé un préjudice dont elle réclame réparation à hauteur de 170 000 euros ;

Mais attendu que, comme le fait justement valoir l'intimée, la société LA MAISON DU BON CAFE ne produit aucun élément sur la situation économique de la société DBS de nature à établir que cette dernière se trouvait dans une situation irrémédiablement compromise et que le découvert bancaire était excessif par rapport à ses facultés financières ;

Que la société LA MAISON DU BON CAFE, ne démontrant pas le caractère fautif du concours consenti par la société Caisse d'Epargne, sera déboutée de sa demande indemnitaire ;

Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qui concerne le montant des condamnations prononcées à l'encontre de la société LA MAISON DU BON CAFE en sa qualité de caution solidaire de la société Distribution Boissons Service,

Statuant à nouveau de ces chefs,

- Condamne la société LA MAISON DU BON CAFE à payer à la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse la somme de 78 000 euros au titre du solde du compte courant,

- Condamne la société LA MAISON DU BON CAFE à payer à la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse la somme de 12 777,95 euros au titre du prêt n° 7875467,

- Condamne la société LA MAISON DU BON CAFE à payer à la société Caisse d'Epargne et de Prévoyance Provence Alpes Corse la somme de 1 683,22 euros au titre du prêt n° 7875466,

Y ajoutant,

- Déboute les parties de leurs autres prétentions et notamment la demande indemnitaire formée par l'appelante et les demandes présentées au titre des frais irrépétibles d'appel,

- Condamne la société LA MAISON DU BON CAFE au paiement des dépens d'appel qui seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.