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Décisions

CA Chambéry, ch. civ. sect. 1, 13 mai 2014, n° 13/00775

CHAMBÉRY

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Docy (SAS)

Défendeur :

Dodo (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Billy

Conseillers :

M. Leclercq, M. Morel

Avocats :

SCP Ballaloud-Aladel, SCP Bollonjeon Arnaud Bollonjeon

TGI Bonneville, du 1 mars 2013, n° 11/00…

1 mars 2013

Attendu que la SAS Docy, exploitant un magasin Intermarché dans des locaux donnés à bail par la SCI Dodo, a, par acte du 30 juin 2008, promis de vendre un immeuble bâti à usage d'entrepôt à ladite SCI Dodo, au prix de 50.024 €, l'acte précisant que, au jour de la vente, ce local serait inclus dans l'assiette du bail commercial sans augmentation de loyer ;

Que, les conditions suspensives ayant été levées, le notaire Socquet a demandé en vain des documents nécessaires à l'établissement de l'acte authentique de vente, puis établi un projet, convoqué les parties mais, le 16 septembre 2010, la SAS Docy a indiqué qu'elle ne se présenterait pas et que le compromis de vente n'était pas valable en l'absence d'autorisation du président par l'assemblée générale extraordinaire des associés, en sorte qu'un procès-verbal de carence a été établi le 20 septembre 2010 et publié ;

Que le tribunal de grande instance de Bonneville, par jugement du 1er mars 2013, a débouté la SAS Docy, dit la vente de l'immeuble cadastré B 399 - 400 - 3123, [...] parfaite pour le prix de 50.024 €, dit irrecevable la demande d'expertise pour lésion de la société Docy, ordonné l'exécution forcée de la vente, condamné la SAS Docy à régulariser l'acte authentique de vente dans le mois de la signification du jugement et dit qu'à défaut le jugement vaudra titre de propriété et avenant au bail commercial du 30 juin 2008, ordonné l'exécution provisoire et condamné la SAS Docy à payer à la SCI Dodo 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que la SAS Docy en a interjeté appel par déclaration du 8 avril suivant ;

Attendu que, soutenant que monsieur Piroird a acquis les titres de la société Docy sans avoir eu connaissance de la promesse de vente, que le président n'a pas été autorisé par l'assemblée générale à la majorité des deux tiers à signer un compromis de cession nonobstant les statuts (art 19), qu'il n'y a pas eu d'assemblée générale entre le 30 novembre 2007 et le 31 octobre 2008, qu'il n'y a pas eu de délibération du président mandatant un tiers pour régulariser un compromis de cession, que monsieur Martellucci, qui a signé le compromis, n'avait aucun pouvoir, que l'autorisation produite n'est qu'un document établi par les actionnaires de la société Velta, elle-même un des deux actionnaires de Docy, que le gérant de la SCI Dodo avait été créateur et dirigeant de Docy, que les conditions suspensives devaient être réalisées au plus tard le 15 janvier 2009, que le droit de préemption n'a été purgé que le 20 mai 2009 (déclaration d'intention d'aliéner par Piroird le 11 mai), que la caducité opère de plein droit, que les conditions suspensives ont été stipulées dans l'intérêt des deux contractants, que la déclaration d'intention d'aliéner n'est pas la preuve d'une renonciation dès lors que le prix n'est pas le même et que la SCI Dodo n'y est pas mentionnée et qu'elle a été remplie par le notaire, qu'il n'est pas justifié d'une volonté claire et non équivoque de renoncer à la caducité, que le certificat d'urbanisme n'a été demandé par le notaire que le 13 janvier 2010 et délivré le 10 février, que le prix est dérisoire, que c'est le prix qui avait été payé en 1996 pour l'acquisition du terrain nu, que la vente ne présentait pas de caractère aléatoire, que le terrain est estimé à 330.000 € que le loyer est assorti d'une clause-recette qui le fait échapper à la réglementation des loyers, la SAS Docy demande d'infirmer le jugement, de dire nul le compromis du 30 juin 2008, subsidiairement de le dire caduc, très subsidiairement de désigner trois experts pour apporter la preuve de la lésion, de débouter la SCI Dodo et de la condamner à lui payer 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que, alléguant que monsieur Piroird a personnellement signé la déclaration d'intention d'aliéner le 11 mai 2009, confirmant ainsi l'engagement de la société Docy et la validité de l'acte de vente, que la société est engagée à l'égard des tiers par les actes de son président même pour des actes ne relevant pas de l' objet social à moins de prouver la connaissance par le tiers, que les représentants légaux peuvent déléguer le pouvoir d'effectuer des actes déterminés ce qui est rappelé par l'article 17 des statuts, que l'article 19 imposant une décision collective est une limitation des pouvoirs du président inopposable aux tiers, que monsieur Cormorèche, président, a expressément délégué ses pouvoirs pour signer le compromis à monsieur Martellucci le 30 juin 2008, que, quand monsieur Lapalus, gérant de la SCI Dodo, a vendu le 3 janvier 1997 ses actions de la société Docy, celle-ci était une société anonyme, sans limitation des pouvoirs du président, qui a depuis lors modifié ses statuts, que la société Docy n'a pas invoqué la caducité après le 15 janvier 2009, qu'elle y a renoncé en signant la déclaration d'aliéner le 11 mai 2009 acceptant sans équivoque de proroger la validité du contrat, que c'est le vendeur qui devait purger le droit de préemption sans délai et il a empêché par son inaction la réalisation de la condition suspensive en temps voulu, qu'il n'était pas stipulé de caducité automatique, que la condition suspensive de l'obtention des documents d'urbanisme a été stipulée dans le seul intérêt de l'acheteur, qu'elle y avait renoncé, que la précision que le bien vendu serait grevé du bail commercial sans loyer spécifique confère à la vente un caractère aléatoire interdisant l'action en rescision pour lésion, que tant que l'enseigne Intermarché subsiste la jouissance des biens est gratuite, que l'estimation annoncée par la société Dodo est inadaptée, que monsieur Piroird était informé de la promesse de vente avant d'acquérir les titres de la SAS Docy ainsi que du bail commercial du 30 juin 2008, la SCI Dodo conclut à la confirmation du jugement, et à la condamnation de la SAS Docy à lui payer 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu qu'il résulte de l'article L 227-6 du code de commerce que 'dans les rapports avec les tiers, la société (par actions simplifiée) est engagée par les actes du président qui ne relèvent pas de l' objet social , à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve... Les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers' ;

Qu'il n'est pas allégué que l'acte litigieux dépassait l' objet social de la SAS Docy ;

Que la société Docy produit un pouvoir spécial donné le même 30 juin 2008 par monsieur Cormorèche, président de ladite société, à monsieur Martellucci de signer pour la société un compromis de vente de l'immeuble litigieux 'aux conditions qu'il jugera les plus favorables' et le renouvellement du bail de la station de lavage ;

Que la société Docy ne peut donc pas remettre en cause la promesse de vente litigieuse au motif d'un défaut de pouvoir du président faute d'autorisation de l'assemblée générale ;

Attendu qu'aucune décision du conseil d'administration, constitué en l'espèce par le seul président, n'est imposée pour la délégation de pouvoir par celui-ci ;

Attendu que, concernant les conditions suspensives, si l'article 6 de la promesse synallagmatique de vente précise que 'le présent compromis est soumis à la réalisation des conditions suspensives et particulière exprimées ci-après qui sont déterminantes et sans lesquelles les parties n'auraient pas contracté', il n'affirme pas que ces conditions ont été prévues dans l'intérêt des deux parties ;

Qu'il ajoute que 'la réalisation des conditions suspensives et particulières visées ci-dessus devra intervenir au plus tard le 15 janvier 2009", mais ne prévoit expressément aucune caducité de ce chef ;

Attendu que la condition de contrôle de la situation d'urbanisme n'intéresse que l'acquéreur dès lors que, a priori, le vendeur la connaît et ne peut tirer aucune conséquence de son contenu, en sorte que l'acquéreur peut seul renoncer à se prévaloir de l'absence de réalisation ;

Que la purge de tous droits de préemption ou de préférence intéresse les deux parties dans la mesure où la condition précise que 'si un droit de préemption est exercé le présent compromis de vente sera rendu caduque (sic)', et aussi que ' si le ou les droits de préemption sont purgés, la présente vente pourra produire ces (sic) effets dans les conditions stipulées aux présentes' ;

Que, toutefois, concernant cette dernière condition, sa réalisation dépend de la bonne volonté du vendeur, que ce dernier a présenté la déclaration d'intention d'aliéner bien après la date fixée du 15 janvier 2009, soit le 14 mai 2009, trois jours après l'avoir signée, manifestant ainsi expressément sa volonté de ne pas se prévaloir de la caducité du fait du dépassement du terme du 15 janvier 2009 et la persistance, en deux temps : signature le 11 mai, dépôt le 14, de sa volonté de vendre le même bien pour le même prix, la différence de 24 € étant sans incidence, alors surtout que l'arrondi du prix à 50.000 € pourrait tout au plus constituer une renonciation aux dits 24 euros ;

Attendu que l'article 7 de la promesse ne fixe pas de terme pour la réitération authentique de la vente, disant seulement que 'cet acte de vente authentique devra être dressé et signé au plus tard dans le délai d’un mois qui suivra la réalisation des conditions suspensives' ;

Attendu que la lésion ne peut être envisagée dès lors que le prix doit nécessairement tenir compte du fait que le bâtiment acheté ne produira aucun revenu pendant une durée au moins égale à celle du bail en cours tout en étant mis à la disposition du locataire d'autres locaux appartenant à l'acquéreur selon un bail unique non autrement modifié, caractérisant ainsi l'existence d'un aléa incompatible avec la lésion ;

Attendu que le jugement, pour ces motifs et ceux non contraires qu'il a retenus, ne peut dès lors qu'être confirmé ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris,

Condamne la SAS Docy à payer à la SCI Dodo la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamne aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP Bollonjeon-Arnaud-Bollonjeon.