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Décisions

CA Amiens, ch. économique, 26 septembre 2013, n° 12/04971

AMIENS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

AB Inbev France (SAS)

Défendeur :

Lefranc Vinolux (SAS), Grave-Randoux (Selarl), SCP Berkowicz-Henneau (ès-qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. de Mordant de Massiac

Conseillers :

M. Bougon, Mme Bousquel

Avocats :

Me Margules, Me Pierlot, Me Colignon

T. com. Saint-Quentin, du 25 oct. 2012

25 octobre 2012

Faits

A l'occasion de 32 actes de prêts accordés à des cafetiers dans le cadre de contrats 'Brasseurs', pour des montants totaux de127 435,98 EUR et 22 992,28 EUR, la SAS AB INBEV FRANCE s'est porté caution de cafetiers, clients communs à elle-même et à la SAS LEFRANC VINOLUX tandis que cette dernière s'est portée caution de la SAS AB INBEV pour les sommes qu'elle pourrait être amenée à régler aux banques.

Par jugement rendu le 16 septembre 2011, le tribunal de commerce de Saint Quentin a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la SAS LEFRANC VINOLUX et a désigné la SELARL GRAVE RANDOUX en qualité de mandataire judiciaire et la SCP BERKOWICZ-HENNEAU en qualité d'administrateur judiciaire ;

Le 27 septembre 2011, la SAS AB INBEV FRANCE a déclaré par courrier signé par Madame Isabelle MARRANT, salariée de cette société, à Maître GRAVE les créances suivantes :

1) 123 309,30 EUR à titre de créance de marchandises ;

2) 22 992,28 EUR dans le cadre des cautions exigibles ;

3) 127 435,98 EUR dans le cadre des cautions à échoir, outre intérêts au taux conventionnel dans des dossiers pour les cautions non encore exigibles.

La créance de marchandises à hauteur de la somme de 123 309,30 EUR a été admise.

Par courrier du 11 mai 2012, le mandataire judiciaire contestait le surplus des créances déclarées en raison du défaut de pièces justificatives concernant les cautions ; et demandait à la société déclarante de lui transmettre ses statuts pour vérifier la validité de la déclaration de créances.

Par jugement rendu le 17 décembre 2012, ce même tribunal a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la SAS LEFRANC VINOLUX, a désigné la SELARL GRAVE RANDOUX en qualité de liquidateur judiciaire et a maintenu la SCP BERKOWICZ-HENNEAU en qualité d'administrateur judiciaire afin de mener à bien les licenciements.

Procédures

C'est dans ce contexte que le juge commissaire a été saisi ;

Par ordonnance rendue le 25 octobre 2012, le juge commissaire au redressement judiciaire de la SAS LEFRANC VINOLUX, prés le tribunal de commerce de Saint Quentin a débouté la SAS AB INBEV FRANCE de sa demande d'admission au passif de la procédure collective précitée ;

Pour statuer ainsi, le premier juge a considéré qu'il n'était pas justifié de la délégation de pouvoir du signataire de la déclaration de créance, et que dans les statuts du créancier la délégation de pouvoir au préposé n'était pas prévue.

La SAS AB INBEV FRANCE a interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée au secrétariat-greffe de la cour d'appel de céans le 8 novembre 2012.

Demandes en appel

La SAS AB INBEV FRANCE , appelante, demande notamment à la cour dans ses dernières écritures transmises au secrétariat greffe de la juridiction de céans le 22 janvier 2013 d'infirmer la décision entreprise et de l'admettre au passif de la procédure collective de la SAS LEFRANC VINOLUX à hauteur de ses créances de cautions d'un montant total de 150 428,26 EUR ;

Elle soutient que la signataire de la délégation de créance litigieuse était parfaitement habilité à procéder à cette formalité ; qu'un pouvoir avait été donné à cette fin par Monsieur Eric LAUWERS, président, à Madame Emilie RUYANT, directrice juridique, qui avait notamment la faculté d'agir seule ou conjointement en cas de procédure collective de quelque débiteur que ce soit ; que cette dernière a subdélégué cette prérogative à trois autres salariés, dont Madame MARANT ; l'appelante ajoute que le président d'une SAS représente la société à l'égard des tiers ; qu'il peut librement déléguer l'un de ses pouvoirs sans que cette faculté doive être prévue dans les statuts ni publiée et qu'un préposé peut opérer une subdélégation; elle ajoute que sa créance est justifiée.

La SAS LEFRANC VINOLUX et la SELARL GRAVE RANDOUX, es qualités de liquidateur judiciaire de la SAS LEFRANC VINOLUX demandent notamment à la cour dans leurs dernières écritures, transmises au secrétariat greffe de la juridiction de céans le 29 mars 2013, de confirmer l'ordonnance attaquée et de débouter l'appelante de toutes ses demandes ;

Elles font valoir qu'en vertu des dispositions de l'article L227-6 du code de commerce, le pouvoir de représentation en justice de la SAS que le président détient de sa fonction ne pouvait être délégué qu'aux directeurs généraux et directeurs généraux délégués et que les statuts ne prévoyaient, à leur article 11-5 d'autres possibilités de délégation qu'à des tiers et non à des salariés qui ne peuvent endosser cette qualité.

Le Ministère Public s'en rapporte.

EN CET ÉTAT,

Sur la recevabilité de l'appel :

La SAS AB INBEV FRANCE ayant formé son recours dans les délais et forme prévus par la loi, et la recevabilité de l'acte n'étant pas contestée, la cour recevra l'intéressée en son appel.

Sur le bien-fondé de l'appel :

Aux termes des dispositions de l'article 227-6 du code de commerce régissant les SAS : la société est représentée à l'égard des tiers par un président délégué dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société dans la limite de l' objet social .

Dans les rapports avec les tiers la société est engagée même par les actes du président qui ne relèvent pas de l' objet social .

Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes, autres que le président, portant le titre de directeur général ou directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article.

Aux termes du paragraphe 11-5 des statuts, le président peut, sous sa responsabilité, consentir toutes délégations de pouvoirs à tout tiers pour un ou plusieurs objets déterminés.

La SAS INBEV FRANCE justifie des délégations de signatures aux fins de déclaration de créances données par Monsieur Éric LAUWERS, président, à Madame Emilie RUYANT, directrice juridique, qui avait notamment la faculté d'agir seule ou conjointement en cas de procédure collective de quelque débiteur que ce soit ; que cette dernière a subdélégué cette prérogative à trois autres salariés, dont Madame MARANT;

Cependant, la déclaration de créances équivaut à une demande en justice et la personne qui la signe doit avoir les pouvoirs de représenter la société et non bénéficier d'une simple délégation de fonction dans le cadre de son travail ;

En l'espèce, aux termes des dispositions de l'article 227-6 du code de commerce précité, dans les SAS seul le président peut représenter la société, ou si les statuts le prévoient, le directeur général ou le directeur général délégué ; le président peut aussi déléguer ses pouvoirs dans les conditions prévues dans les statuts, c'est à dire, en l'espèce, à des tiers ;

Les préposés, employés de la société, ne sont pas des tiers par rapport à elle,

En conséquence, la signataire de la délégation de créance ne bénéficiait pas d'un pouvoir régulier pour procéder à cette déclaration et la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de la SAS AB INBEV FRANCE de sa demande d'admission au passif de la procédure collective de la SAS LEFRANC VINOLUX de ses créances à hauteur des montants de127 435,98 EUR et 22 992,28 EUR, soit, 150 428,26 EUR au total et en toutes ses dispositions ;

L'appelante sera déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

La partie perdante devant, aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, être condamnée aux dépens, la cour condamnera la SAS AB INBEV FRANCE, qui succombe, à supporter les dépens de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Reçoit la SAS AB INBEV FRANCE en son appel,

Mais le déclarant mal fondé, confirme la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Condamne l'appelante aux dépens de la procédure d'appel.