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Décisions

CA Grenoble, ch. soc., 22 mars 2010, n° 09/01919

GRENOBLE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Euroda Aciers (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigny

Conseillers :

Mme Jacob, Mme Combes

Avocats :

Me Thiebault, Me Bongrand

Cons. prud’h. Vienne, du 5 mars 2009, n°…

5 mars 2009

Monsieur Villard a été embauché par la S.A.S. Euroda Aciers le 5 janvier 1981 comme magasinier. Il a par la suite exercé les fonctions de chauffeur livreur puis a repris ses anciennes attributions.

Monsieur Villard a été en arrêt de travail à partir du 16 juin 2006 qui se prolongera.

Le médecin du travail, lors de la visite de reprise a rendu un avis d'inaptitude, en visant l'urgence (danger immédiat, pas de propositions de poste données dans le cadre de cette entreprise).

Le 26 juillet 2007 Monsieur Villard a été licencié pour inaptitude.

Le Conseil de Prud'hommes de Vienne, par jugement du 5 mars 2009 a débouté Monsieur Villard de toutes ses demandes.

Monsieur Villard a relevé appel, il conclut à la nullité de licenciement :

- au motif qu'il a été notifié par une personne sans qualité et sollicite le paiement de la somme de 62.627 € à titre de dommages-intérêts outre 4.175,12 € au titre de préavis plus les congés payés afférents

- au motif qu'il résulte de harcèlement dont il a été victime et sollicite les mêmes sommes.

Subsidiairement, il conclut à l'absence de cause du licenciement.

Il expose que :

- le signataire de la lettre de licenciement n'était pas habilité, la lettre est signée 'P.O.' sous l'indication 'La Direction' sans indication de la qualité du signataire (peut-être signature de Madame Thibault, responsable administratif et comptable. Or, le président de la Société est Monsieur Frige et le R.C.S. ne mentionne pas de délégataire autre que lui.

- l'inaptitude a pour origine le harcèlement subi de la part de Madame Faurat, responsable du bureau. Il s'est plaint à sa hiérarchie mais son courrier n'a été transmis à la Direction qu'au bout de 3 mois, en vain.

Il verse des attestations : Mesdames Jaussen, Gatepaille, Servoz...

Madame Jaussen a saisi le Conseil de Prud'hommes de Vienne, il y a eu une transaction : la Société a admis que la rupture lui était imputable.

- son médecin traitant lui a prescrit des anti dépresseurs. La Caisse Primaire d'Assurance Maladie a reconnu une dépression pour harcèlement au travail.

Le médecin du travail a retenu le lien de la pathologie avec le travail.

La S.A.S. Euroda Aciers conclut à la confirmation du jugement et sollicite 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

- sur le défaut d'habilitation du signataire de la lettre de rupture : le signataire de la lettre avait reçu délégation de pouvoir

- le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse : la Société a proposé à Monsieur Villard un poste de magasinier avec maintien du salaire à Cluses, autre site de la Société, où Monsieur Villard ne serait plus en contract à avec Madame Faurat.

- le licenciement n'est pas frappé de nullité : Monsieur Villard n'a pas subi de faits de harcèlement de la part de Madame Faurat avec laquelle il était très rarement en contact. Monsieur Villard avait des relations difficiles avec ses collègues. La Société a répondu aux courriers d'alerte de Monsieur Villard . Madame Jaussen entretenait de bonnes relations avec Madame Faurat qui a été élue à l'unanimité aux élections de représentant du personnel en 2002.

L'état de santé de Monsieur Villard n'est pas en lien avec le comportement de Madame Faurat, mais avec ses problèmes personnels.

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MOTIFS DE L'ARRET :

L'article L 227-6 al. 1 et 3 du code de commerce dispose :

'La Société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l' objet social .

Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article'.

De ces dispositions, il résulte que la S.A.S. Euroda Aciers est représentée, à l'égard de tiers, par son seul président.

La délégation de pouvoirs, énoncée dans les statuts doit être complétée par une déclaration au registre du commerce et des sociétés afin que les mentions correspondantes soient portées sur l'extrait K bis de la Société.

A cet égard, l'article 15-10 du Décret du 30 mai 1984 relatif au registre du commerce et des sociétés prévoit que : 'doivent être déclarés, pour figurer à ce registre, notamment les noms, prénoms... des associés et tiers ayant le pouvoir d'engager la Société'.

Monsieur Villard avait, à l'égard de la Société intimée la qualité de tiers.

En l'espèce, si le président de la S.A.S. Euroda Aciers avait donné, le 25 juillet 2007, délégation à Madame Thibault pour signer en son nom la lettre de licenciement de Monsieur Villard, la Société intimée ne justifie pas que ses statuts permettaient à d'autre personne que le président d'exercer ses pouvoirs et ne justifient pas non plus que la délégation ait été mentionnée au registre du commerce et des sociétés.

Madame Thibault n'avait pas qualité pour procéder au licenciement de Monsieur Villard. En conséquence, le licenciement prononcé contre Monsieur Villard sera déclaré nul.

Monsieur Villard ne sollicite pas sa réintégration.

En considération de l'ancienneté de Monsieur Villard au sein de la Société intimée -26 ans- et de sa situation - Monsieur Villard est demeuré au chômage pendant 2 ans, a effectué un stage FIMO marchandises et a occupé des emplois intérimaires-, son préjudice sera fixé à la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts.

En outre il est dû à Monsieur Villard, une indemnité compensatrice de préavis de 4.175,12 € outre les congés payés afférents de 417,51 €.

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L'équité commande la condamnation de la Société intimée à payer à Monsieur Villard 1.600 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

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PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi;

Infirme le jugement.

Statuant à nouveau

Dit le licenciement de Monsieur Villard nul.

Condamne la S.A.S. Euroda Aciers à payer à Monsieur Villard :

- 50.000,00 euros à titre de dommages-intérêts

- 4.175,12 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 417,51 euros au titre des congés payés afférents

- 1.600,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la S.A.S. Euroda Aciers aux dépens de première instance et d'appel.