Livv
Décisions

CA Versailles, 12e ch. sect. 1, 12 février 2009, n° 07/04372

VERSAILLES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Défendeur :

Me Legras de Grancourt (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mandel

Conseillers :

Mme Valantin, Mme Lonne

Avoués :

SCP Jupin & Algrin, SCP Bommart Minault

Avocats :

Me Demarthe-Chazarain, Me Sizaire, Me Marguet le Brizault

T. com. Nanterre, du 27 févr. 2004

27 février 2004

La SCI [...] a entrepris en qualité de maître de l'ouvrage, la réalisation d'un ensemble immobilier [...].

Les travaux ont été confiés à l'entreprise DEVILETTE CHISSADON selon un marché de 15.800.000 F HT (2.408.694,47 euros HT). Une avance de 3.600.000 F TTC a été remise lors de la signature du marché.

La société DEVILETTE CHISSADON a fait l' objet d'une procédure de redressement judiciaire le 4 octobre 2001 suivie de sa mise en liquidation judiciaire et elle a abandonné le chantier.

C'est dans ces circonstances que le 6 décembre 2001, la SCI [...] a adressé une déclaration de créance à Maître LEGRAS DE GRANCOURT es qualité de représentant des créanciers de la société DEVILETTE CHISSADON pour un montant de 7.255.988,36 euros TTC soit 1.106.168,29 euros TTC.

Par ordonnance du 27 février 2004 signifiée le 16 mars 2004 à la SCI [...] le juge commissaire a rejeté la déclaration de créance au motif que le signataire de la déclaration de créance n'était pas salarié de la SCI [...] et que la déclaration n'était pas accompagnée d'un mandat ad litem dans le délai légal de la déclaration.

Par arrêt en date du 29 septembre 2005 la cour d'appel de ce siège (13ème chambre) a confirmé cette ordonnance.

La SCI [...] a formé un pourvoi en cassation contre cette décision et par arrêt en date du 24 avril 2007, la chambre commerciale, économique et financière de la cour de cassation a au visa de l'article L 621-43 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 et de l'article 1844-8 du code civil cassé et annulé cette décision sauf en ce qu'elle avait révoqué l'ordonnance de clôture du 28 juin 2005 et en a reporté les effets à la date de l'audience au motif que la déclaration de créance effectuée par le représentant de la personne morale gérante d'une SCI est régulière même si cette désignation n'a pas encore été publiée au registre du commerce et des sociétés.

La SCI [...] qui a régulièrement saisi la présente cour désignée comme cour de renvoi, demande à la cour dans le dernier état de ses écritures (conclusions du 11 avril 2008) de réformer l'ordonnance du 27 février 2004, de fixer sa créance à la somme de 1.106.168,29 euros TTC, de dire qu'elle sera inscrite au passif de la société DEVILETTE ET CHISSADON, à titre subsidiaire de constater que cette dernière reconnaît une créance à hauteur de 364.963,67 euros et de l'inscrire pour ce montant. Elle réclame par ailleurs le versement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Répondant à l'argumentation de Maître LEGRAS DE GRANCOURT, elle soutient que sa déclaration de créance est parfaitement régulière puisque son rédacteur et signataire, Monsieur JOREZ, était un préposé du GIE KAUFMAN & BROAD lequel a mis son personnel à disposition de la SCI [...], société dont le gérant était la société KAUFMAN & BROAD PARTICIPATIONS (venant aux droits de la société SEFIMA) laquelle était elle-même membre du GIE et bénéficiait donc de la mise à disposition de personnels. La SCI en déduit que Monsieur JOREZ n'avait besoin ni de détenir un mandat 'ad litem' ni de fournir une délégation de pouvoir.

Sur le montant de la créance, la SCI [...] fait valoir que le montant du marché augmenté des travaux supplémentaires fait apparaître en cumul une somme de 19.093.577,65 F TTC au lieu des 18.940.709,12 F TTC soit 2.910.797,15 euros TTC, que DEVILETTE CHISSADON a perçu la somme de 1.989.716,97 euros TTC et que le montant des paiements directs réglés aux sous-traitants s'élève de 913.371,22 euros TTC ; que si on déduit le montant du marché repris par COGEB pour la somme de 729.560 euros, il existe un solde en faveur de la SCI de 721.851,04 euros TTTC auquel s'ajoutent des postes complémentaires (prolongation de la location de la grue, reprise des malfaçons, pénalités de retard) soit une somme totale de 1.106.168,29 euros TTC en faveur de la SCI [...].

Maître LEGRAS DE GRANCOURT conclut à la nullité de la déclaration de créance et donc à la confirmation de l'ordonnance. Il réclame paiement d'une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir que la déclaration de créance qui est signée 'pour le SCI [...] sa gérante, représentée par le soussigné dûment habilité, Philippe JOREZ, directeur général adjoint' est nulle aux motifs que :

- il n'est pas justifié de ce que l'auteur de la déclaration était bien le représentant légal de la SCI [...] à la date de la déclaration ; que de nombreuses sociétés ont assuré la gérance de la SCI sans qu'il soit possible de déterminer laquelle était effectivement gérante au moment de la déclaration litigieuse,

- Monsieur JOREZ n'est pas préposé de la SCI [...] et n'était pas muni d'un pouvoir spécial aux fins d'effectuer la déclaration litigieuse.

Maître LEGRAS DE GRANCOURT ne développe aucune argumentation sur le montant de la créance.

A l'issue de l'audience de plaidoiries, la cour a demandé à la demanderesse de communiquer un extrait Kbis de la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT ce qui a été fait le 9 décembre 2008.

SUR CE, LA COUR

I. Sur la régularité de la déclaration de créance :

Considérant que selon les dispositions de l'article L 621-43 alinéa 2 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la date du 6 décembre 2001, la déclaration de créance peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix ;

Considérant que, dans le cas où le créancier est une personne morale, la déclaration de créance, si elle n'émane pas des organes habilités par la loi pour la représenter, peut être effectuée par tout préposé titulaire d'une délégation de pouvoirs lui permettant d'accomplir un tel acte ; qu'une attestation ne peut établir l'existence d'une telle délégation que si elle émane du représentant légal de la personne morale ou du titulaire d'une délégation régulière du pouvoir de déclarer les créances comportant une faculté de subdélégation ;

Considérant qu'en l'espèce la déclaration de créance effectuée le 6 décembre 2001 est signée de Monsieur JOREZ, directeur général adjoint de la SAS KAUKMAN & BROAD DEVELOPPEMENT qualité non contestée avec la mention 'pour la SCI [...] sa gérante représentée par le soussigné dûment habilité Philippe Jorez' ;

Considérant qu'il est établi que le 15 octobre 2001, Monsieur Pierre BEAUCHEF président de la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT a délégué ses pouvoirs à Monsieur Philippe JOREZ afin de 'prendre toutes mesures et décisions dans la conduite et l'organisation des chantiers dont vous avez la charge, réalisés tant par la société K.B DEVELOPPEMENT que par les sociétés dont elle est gérante, en particulier les SCI et SNC, supports de programme, ou qu'elle représente, en particulier KAUFMAN & BROAD PARTICIPATIONS et les SCI et SNC supports de programme dont KAUFMAN & BROAD PARTICIPATIONS est la gérante, en vue de :

- établir et signer pour le compte des sociétés maître d'ouvrage, la déclaration au représentant des créanciers ou au liquidateur, de toutes créances de toute nature à l'encontre de tous débiteurs soumis à une procédure de redressement ou liquidation judiciaire, joindre tous documents justificatifs' ;

Que Monsieur JOREZ a accepté cette délégation de pouvoir ;

Considérant par ailleurs qu'il résulte de l'extrait Kbis de la SCI [...] qu'à la date du 6 décembre 2001 elle avait pour gérante la société KAUFMAN & BROAD PARTICIPATIONS par suite d'une fusion absorption au profit de la société SEFIPARIM dont la dénomination sociale a été transformée par l'assemblée générale extraordinaire du 15 novembre 2000 en KAUFMAN & BROAD PARTICIPATIONS ; que la même assemblée a décidé de transformer la société en société par actions simplifiée unipersonnelle à compter du 15 novembre 2000 et de nommer la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT, représentée par Monsieur BEAUCHEF, en qualité de président de la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT ;

Qu'en conséquence à la date du 6 décembre 2001 la SCI [...] avait pour gérante la SAS KAUFMAN & BROAD PARTICIPATIONS laquelle avait pour président la SAS KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT dont le président était Monsieur BEAUCHEF ;

Considérant qu'en vertu de l'article L 227-6 du code de commerce la société par actions simplifiée est représentée à l'égard des tiers par un président qui est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l' objet social ; que KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT président de la société KAUFMAN & BROAD PARTICIPATIONS, représente donc valablement cette société et était donc habilitée de par la loi à effectuer une déclaration de créance au nom de la société la SCI [...] ayant pour gérante KAUFMAN & BROAD PARTICIPATIONS et ce même si sa désignation en qualité de gérante n'avait pas encore été publiée au registre du commerce ;

Considérant que Monsieur BEAUCHEF président de la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT ayant en cette qualité un pouvoir de délégation pouvait régulièrement conférer le 15 octobre 2001 à Monsieur JOREZ directeur général adjoint de KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT une délégation de pouvoir aux fins d'effectuer des déclarations de créances et notamment de déclarer la créance de la SCI [...] au passif de la société DEVILETTE CHISSADON sans que ce pouvoir soit soumis aux règles applicables au mandat de représentation en justice dont un tiers peut être investi ;

Considérant en conséquence que la déclaration de créance effectuée le 6 décembre 2001 est régulière et qu'en conséquence il convient de réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté la déclaration de créance ;

II. Sur le fond :

Considérant que la SCI [...] a déclaré sa créance pour un montant de 7.255.988,36 F TTC soit 1.106.168,29 euros ;

Que devant la cour Maître LEGRAS DE GRANCOURT n'émet aucune contestation sur ce point ;

Qu'il ressort des explications fournies tant avec la déclaration de créance que le 24 juillet 2003 par la société KAUFMAN & BROAD DEVELOPPEMENT, président de la société KAUFMAN & BROAD PARTICIPATIONS, gérante de la SCI [...] et des pièces qui y sont annexées (situations n°18) que le montant du marché est de 15.800.000 F HT et celui des travaux supplémentaires de 164.529,81 F HT soit un montant cumulé de 15.964.529,81 F HT comme indiqué sur la situation 18 (soit 19.093.577,65 F TTC) soit 2.910.797,15 euros ; que Maître LEGRAS DE GRANCOURT ne conteste pas que le montant des versements effectués en ce compris l'avance de démarrage s'élève à la somme de 1.989.716,97 euros TTC (à déduire) et que le montant des paiements directs aux sous-traitants s'élève à la somme de 763.688,31 euros HT soit 913.371,22 euros TTC (situation n°18 signée de DEVILETTE CHISSADON et du maître d'oeuvre) (à déduire) ; que Maître LEGRAS DE GRANCOURT ne conteste pas davantage que le montant du marché signé avec COGEB pour effectuer les travaux non réalisés par DEVILETTE CHISSADON et pour reprendre les malfaçons s'est élevé à la somme de 729.560 euros TTC (à déduire) soit un solde en faveur de la SCI [...] de 721.851,04 euros TTC ;

Considérant que la SCI [...] fait valoir qu'il convient d'ajouter à cette dernière somme des postes supplémentaires à savoir : 21.770,02 euros TTC pour la prolongation de la location de la grue, 80.035,73 euros pour des reprises de malfaçons et 259.271,87 euros TTC au titre de pénalités de retard ; que toutefois aucune pièce n'est produite justifiant des sommes réclamées en ce qui concerne la location de la grue et la reprise des malfaçons ; que s'agissant des pénalités de retard, la situation n°8 vérifiée par le maître d'oeuvre ne mentionne aucune pénalité de retard ; que dans ces conditions il n'y a pas lieu de retenir la moindre somme au titre de la location de la grue, des reprises des malfaçons et des pénalités de retard ;

Que la déclaration de créance doit donc être admise pour la somme de 721.851,04 euros TTC ;

Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à l'une ou l'autre des parties.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

- INFIRME l'ordonnance du juge commissaire du 27 février 2004,

- DIT régulière la déclaration de créance effectuée le 6 décembre 2001,

- FIXE la créance de la SCI [...] à la somme de 721.851,04 euros TTC (sept cent vingt et un mille huit cent cinquante et un euros et quatre centimes),

- DIT qu'elle sera inscrite pour ce montant au passif de la société DEVILETTE CHISSADON,

- DIT n'y a voir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNE Maître LEGRAS DE GRANCOURT ès qualités aux dépens d'appel en ce compris les dépens de la procédure d'appel ayant donné lieu à l'arrêt du 29 septembre 2005,

- ADMET la SP JUPIN & ALGRIN, avoués, au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.