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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 1 octobre 2009, n° 08/19089

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Me Pellegrini, Transrack (SAS)

Défendeur :

Rome (SCI), Ate Distribution (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Monin-Hersant

Conseillers :

M. Loos, M. Picque

Avoués :

SCP Petit - Lesenechal, Me Buret, Me Everoult

Avocats :

Me Vatier, Me Everoult

TGI Créteil, 4e ch., du 23 sept. 2008

23 septembre 2008

FAITS ET PROCEDURE

Par jugement prononcé le 10 janvier 2002, le Tribunal de commerce de Créteil a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société TRANSRACK suivie le 14 mars 2002 de la liquidation judiciaire de cette société, Maître PELLEGRINI étant désigné en qualité de représentant des créanciers et de mandataire judiciaire. L'actif de cette société comportait divers biens et droits immobiliers à usage d'ateliers et de bureaux situés 100, route du Moulin Bateau à Bonneuil sur Marne (94) sur un terrain concédé le 17 décembre 1988 par le port autonome de Paris pour une période de 30 ans renouvelable par tacite reconduction.

Le 25 mai 2004, M. Pierre VALENTIN FAYARD, agissant tant pour son compte que pour celui de la SCI ROME, a fait une offre d'achat de ces biens immobiliers pour un montant de 300.000 euros outre les frais, honoraires et commissions sous condition suspensive d'obtention d'un prêt. Par courrier du 15 septembre 2004 il a levé l'option, cette acquisition devant lui permettre d'installer l'activité d'une société ATE.

Par ordonnance du 15 octobre 2004, le juge-commissaire a autorisé la vente au profit de M. Pierre VALENTIN FAYARD, agissant tant pour son compte que pour celui de la SCI ROME en cours de constitution ou de toute société de crédit-bail qu'il pourrait se substituer.

Par une seconde ordonnance du 26 janvier 2005, le juge-commissaire a autorisé la mise à disposition anticipée de l'immeuble au profit de M. VALENTIN FAYARD, agissant en qualité de représentant légal de la SCI ROME et de la société ATE, moyennant une indemnité annuelle de 45.000 euros HT à compter du 1º janvier 2005.

Maître PELLEGRINI, ès qualités, a assigné la SCI ROME en référé pour non-paiement de l'indemnité d'occupation. La Cour d'Appel de Paris, saisie du recours contre l'ordonnance du juge des référés du 7 avril 2006 qui avait alloué une provision au titre des indemnités d'occupation, a renvoyé la procédure devant le juge du fond.

Vu le jugement prononcé le 23 septembre 2008 par le Tribunal de Grande instance de Créteil qui a:

- prononcé la résolution de la vente autorisée par le juge commissaire le 15 octobre 2004,

- condamné Maître PELLEGRINI, ès qualités, à restituer à la SCI ROME l'acompte versé à hauteur de 30.000 euros,

- rejeté les demandes en paiement de la société ATE,

- débouté la SCI ROME de sa demande de dommages et intérêts,

- débouté Maître PELLEGRINI, ès qualités, de ses demandes,

- prononcé l'exécution provisoire,

Vu l'appel déclaré le 8 octobre 2008 par Maître PELLEGRINI, ès qualités,

Vu les dernières conclusions déposées le 25 juin 2009 par Maître PELLEGRINI en sa qualité de représentant des créanciers et de mandataire judiciaire de la liquidation judiciaire de la SAS TRANSRACK, appelant,

Vu les dernières conclusions déposées le 24 juin 2009 par la SCI ROME et la SAS ATE DISTRIBUTION, intimées,

SUR QUOI, LA COUR :

a) Sur la résolution de la vente

Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L.414-20 du Code de l'environnement que

'Lorsqu'une installation soumise à autorisation a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l’acheteur ; il l'informe également pour autant qu'il les connaisse des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l'exploitation. Si le vendeur est l'exploitant de l'installation il indique également par écrit à l'acheteur si son activité a entraîné la manipulation ou le stockage de substances chimiques ou radioactives. L'acte de vente atteste de l'accomplissement de cette formalité'; qu'il est constant que la vente autorisée par l'ordonnance du juge commissaire le 15 octobre 2004 a porté sur des biens immobiliers édifiés sur un terrain appartenant au port autonome et que l'activité développée sur ce site relève de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE);

Considérant que Maître PELLEGRINI, es qualités, sollicite l'infirmation du jugement et demande à la Cour de prononcer la résolution de la vente autorisée le 15 octobre 2004 aux torts de la SCI

ROME, soutenant que l'article L.414-20 Code de l'environnement, uniquement applicable au vendeur de terrain, n'a pas à recevoir application en l'espèce, l'acquéreur ayant par ailleurs été informé; que l'appelant demande en conséquence à la Cour de dire que la vente n'a pas été réalisée du fait de l'acquéreur, l'indemnité d'immobilisation se trouvant ainsi acquise au vendeur;

Mais considérant qu'il est constant que M. VALENTIN FAYARD, ès qualités, a été avisé uniquement le 21 décembre 2004 par un courrier adressé par la Préfecture du Val de Marne à son notaire que les biens immobiliers dont il s'était porté acquéreur étaient édifiés sur un site relèvant de la réglementation des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE); que si, contrairement à ce qui a été jugé, Maître PELLEGRINI, ès qualités, qui n'a pas cédé le terrain mais uniquement les constructions ne se trouvait pas assujetti aux dispositions de l'article L.414-20 du Code de l'environnement, il est néanmoins constant qu'en sa qualité de vendeur de biens immobiliers il se trouvait tenu d' informer l'acquéreur , en l'espèce la SCI ROME, de la spécificité du site compte tenu des contraintes en résultant, les biens immobiliers étant destinés à l'exploitation d'une activité industrielle; que cette obligation d'information devait nécessairement intervenir avant le 15 octobre

2004, date à laquelle la vente a été autorisée par le juge commissaire; que dans ces conditions la SCI ROME est bien fondée à soutenir que son consentement a été donné par erreur puisqu'elle ignorait une circonstance affectant la substance même de son acquisition selon les termes de l'article 1110 du Code civil; qu'il s'en déduit que, par substitution de motifs, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente autorisée par le juge commissaire le 15 octobre 2004 et a condamné Maître PELLEGRINI, ès qualités, à restituer à la SCI ROME l'acompte versé à hauteur de

30.000 euros;

b) Sur les autres demandes

Considérant que, par ordonnance du 26 janvier 2005, le juge commissaire à la liquidation judiciaire de la SAS TRANSRACK, a autorisé la mise à disposition anticipée du bien immobilier à M VALENTIN FAYARD, agissant en qualité de représentant légal de la SCI ROME et de la SAS ATE, le bénéficiaire devant s'acquitter auprés de Maître PELLEGRINI, ès qualités, d'une indemnité d'occupation d'un montant annuel de 45.000 euros HT à compter du 1º janvier 2005;

Considérant que Maître PELLEGRINI, ès qualités, est bien fondé à solliciter l'infirmation du jugement déféré qui l'a débouté de sa demande de paiement des indemnités d'occupation dues pour les années 2005 et 2006; qu'en effet, s'il existe un lien entre la convention d'occupation précaire et la vente, la première ayant été conclue dans l'attente de la réalisation de la seconde, la résolution de cette dernière ne sauraît emporter résolution de la première dés lors que les sociétés ROME et ATE ont disposé du biens immobilier mis à leur disposition par Maître PELLEGRINI, ès qualités, et qu'en contrepartie elles se trouvent redevables du paiement de l'indemnité d'occupation contractuellement prévue; que la résolution de la vente n'a pas emporté nullité de la convention d'occupation demeurée autonome; qu'il convient dés lors de condamner la SCI ROME et la SAS ATE au paiement à ce titre de la somme de 103.155 euros à titre d'indemnités d'occupation pour les années 2005 et 2006;

Considérant, par contre, que la vente ayant été annulée en raison du comportement de Maître PELLEGRINI, ès qualités, ce dernier est mal fondé à solliciter la condamnation de la SCI ROME et de la société ATE à lui verser la somme de 49.318,85 euros correspondant à des dépenses engagées dans la perspective de la vente, en l'occurrence les factures réglées à la société SERPOL entre le 31 mars 2005 et le 31 décembre 2006, et ayant pour objet le diagnostic des sols et eaux souterraines;

Considérant que Maître PELLEGRINI, és qualités, qui a opté pour une procédure préalable de référé dont l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 19 janvier 2007 a dit qu'elle ne devait pas s'appliquer au présent litige ne saurait réclamer aux intimés le remboursement des frais d'avoué exposés à

l'occasion de ladite procédure;

Considérant que la société ATE réclame le remboursement des travaux qu'elle a fait réaliser dans les lieux loués en 2005 à hauteur de 82.419,18 euros; que ces travaux qui portent sur des charges d'entretien supportées par la société ATE en sa qualité de locataire ne peuvent être considérés

comme des investissements exposés dans la perspective de la vente à venir des biens immobiliers; que la demande de remboursement présentée à ce titre doit être rejetée; que de même doivent être rejetées les demandes de paiement des sommes de 36.625 euros pour préjudice économique de la société ATE et de 30.000 euros pour perte de revenus de la SCI ROME dés lors qu'il n'est aucunement prouvé que les préjudices ainsi invoqués sont en relation directe avec la nullité de l'acte de vente;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente autorisée par le juge commissaire le 15 octobre 2004 et condamné Maître PELLEGRINI, ès qualités, à restituer à la SCI ROME l'acompte versé à hauteur de 30.000 euros ;

Infirme le jugement déféré pour le surplus et statuant de nouveau :

Condamne la SCI ROME et la SAS ATE à verser à Maître PELLEGRINI, ès qualités, la somme de

103.155 euros à titre d'indemnités d'occupation pour les années 2005 et 2006 ;

Déboute les parties de leurs demandes de dommages et intérêts ;

Rejette toutes autres demandes ;

Dit que les dépens seront supportés pour moitié par Maître PELLEGRINI, ès qualités, et pour moitié par la SCI ROME et la SA ATE et accorde à la SCP PETIT LESENECHAL et à Maître BURET, avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.