Livv
Décisions

CA Douai, 8e ch. sect. 3, 27 janvier 2022, n° 21/02893

DOUAI

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Collière

Conseillers :

Mme Convain, Mme Billières

JEX Boulogne sur mer, du 7 mai 2021, n° …

7 mai 2021

FAITS ET PROCEDURE :

Lucie S., veuve de Pierre B., est décédée le 16 mars 2015, laissant pour lui succéder ses sept enfants, Mme Marie-Annick B., épouse B., M. Francis B., M. Jean-Pierre B., Mme Nicole B., M. Dominique B., M. Patrick B. et M. Jean-Bernard B..

Faisant valoir que ce dernier aurait bénéficié de la part de leur mère de donations indirectes en 1984 et 1985 lui ayant permis de financer l'acquisition de deux immeubles au Touquet Paris Plage, Mme Marie-Annick B., agissant en sa double qualité d'héritière réservataire et d'exécutrice testamentaire de la défunte, a obtenu le 8 septembre 2016 du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer une ordonnance l'autorisant à faire pratiquer au préjudice de son frère, Jean-Bernard, une saisie conservatoire sur l'intégralité du prix provenant de la vente de l'un de ces deux immeubles, situé [...], en garantie du rapport à la masse successorale des donations litigieuses.

La saisie a été pratiquée entre les mains de Maître Monique B., notaire à Neufchâtel-Hardelot, suivant procès-verbal du 15 septembre 2016 pour garantie du paiement d'une somme en principal de 170 000 euros, saisie dénoncée le 19 septembre suivant à M. Jean-Bernard B..

Par actes d'huissier en date des 14, 18, 21 et 28 octobre 2016, Mme Marie-Annick B. et M. Francis B. ont fait assigner MM. Jean-Pierre B., Dominique B., Patrick B. et Jean-Bernard B., ce dernier le 14 octobre 2016, et Mme Nicole B. aux fins d'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Lucie S. devant le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, lequel, par jugement du 25 mai 2021, a fait droit à leur demande et a désigné Maître Stéphanie B., notaire à Calais, pour y procéder.

Dans l'intervalle, M. Jean-Bernard B. ayant saisi, par voie de requête, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer le 19 septembre 2016 d'une demande en rétractation de l'ordonnance du 8 septembre 2016 ayant autorisé Mme Marie-Annick B. à faire pratiquer une saisie conservatoire du prix de vente de son immeuble situé [...], ce magistrat, relevant que cette demande aurait dû être présentée par voie d'assignation à la première audience utile et non par voie de requête, a, par jugement du 23 décembre 2016, déclaré l'intéressé irrecevable en sa demande et l'a condamné à payer à Mme Marie-Annick B. une somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. Jean-Bernard B. a alors assigné Mme Marie-Annick B. par acte du 19 janvier 2017 devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer en mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée entre les mains de Maître B. en soutenant que :

- le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer serait incompétent pour autoriser la saisie conservatoire litigieuse au profit du tribunal de grande instance de Valenciennes ;

- la saisie conservatoire serait vaine en l'absence de fonds disponibles ;

- la mesure serait caduque, faute pour Mme Marie-Annick B., d'avoir introduit une action au fond à son encontre dans le délai d'un mois imparti par l'article R.511-7 du code des procédures civiles d'exécution ;

- Mme Marie-Annick B. n'apporterait la preuve ni de l'existence d'une créance fondée en son principe ni de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

Par jugement du 31 mars 2017, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a :

- retenu sa compétence pour autoriser Mme Marie-Annick B. à pratiquer la saisie conservatoire litigieuse ;

- débouté M. Jean-Bernard B. de l'ensemble de ses demandes ;

- confirmé la saisie conservatoire autorisée par ordonnance du 8 septembre

2016 ;

- condamné M. Jean-Bernard B. à payer une somme de 990 euros à Mme Marie-Annick B. en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Sur appel de M. Jean-Bernard B., la cour d'appel de ce siège, par un arrêt rendu le 31 janvier 2019 et signifié le 21 février suivant, a confirmé en toutes ses dispositions la décision du juge de l'exécution, condamné M. Jean-Bernard B. à verser à Mme Marie-Annick B. une somme de 2 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, rejeté la demande de ce dernier formée en application de ce même texte et condamné le même aux dépens d'appel.

A nouveau saisi le 18 septembre 2020 par M. Jean-Bernard B. en mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée au préjudice de ce dernier le 15 septembre 2016, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, devant lequel l'intéressé soutenait que la créance alléguée au soutien de la mesure litigieuse n'était pas fondée en son principe, a, par jugement du 11 décembre 2020 :

- déclaré cette demande irrecevable comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de cette cour du 31 janvier 2019 ;

- rejeté la demande de M. Jean-Bernard B. tendant à mettre à la charge de Mme Marie-Annick B. les frais de saisie conservatoire ;

- débouté Mme Marie-Annick B. de sa demande indemnitaire ;

- dit n'y avoir lieu à amende civile ;

- condamné M. Jean-Bernard B. à payer à Mme Marie-Annick B. une somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté M. Jean-Bernard B. de sa demande formée contre Mme Marie-Annick B. sur le même fondement ;

- condamné M. Jean-Bernard B. aux dépens.

Par un nouvel acte en date du 26 janvier 2021, M. Jean-Bernard B. a fait assigner Mme Marie-Annick B. devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer aux fins de voir substituer à ses frais à la saisie conservatoire pratiquée le 15 septembre 2016 pour un montant de 168 200 euros une hypothèque judiciaire conservatoire du même montant portant sur le bien immobilier dont il est propriétaire, situé [...] et voir en conséquence ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire litigieuse.

Par jugement du 7 mai 2021, le juge de l'exécution a :

- " déclaré M. Jean-Bernard B. recevable en sa demande de substitution ;

- et y faisant droit,

- autorisé Mme Marie-Annick B. à faire inscrire une hypothèque judiciaire conservatoire pour un montant de 168 200 euros sur le bien immobilier, propriété de M. Jean-Bernard B., situé [...], (') aux seuls frais de ce dernier ;

- ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire autorisée par l'ordonnance en date du 8 septembre 2016 et pratiquée entre les mains de Maître B. le 15 septembre 2016 à compter de l'inscription de l'hypothèque judiciaire conservatoire ou, à défaut, dans un délai de deux mois à compter de la date du (') jugement ;

- rejeté l'ensemble des demandes présentées par Mme Marie-Annick B. ;

- dit n'y avoir lieu à amende civile ;

- condamné M. Jean-Bernard B. aux dépens ;

- rappelé que le jugement [était] immédiatement exécutoire, le délai d'appel et l'appel lui-même des décisions du juge de l'exécution n'ayant pas d'effet suspensif en application de l'article R.121-21 du code des procédures civiles d'exécution ".

Mme Marie-Annick B. a relevé appel de la décision en toutes ses dispositions autres que celle condamnant M. Jean-Bernard B. aux dépens par déclaration adressée par la voie électronique le 25 mai 2021.

Dans ses dernières conclusions transmises au greffe le 5 octobre 2021, elle demande à la cour, sur le fondement des articles 480 et 481 du code de procédure civile et L.512-1 du code des procédures civiles d'exécution, de :

- " infirmer le jugement [déféré] en ce qu'il :

. a déclaré M. Jean-Bernard B. recevable en sa demande de substitution ;

. [l'] a autorisée à faire inscrire une hypothèque judiciaire conservatoire pour un montant de 168 200 euros sur le bien immobilier, propriété de M. Jean-Bernard B., situé [...] ;

. ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire autorisée par l'ordonnance en date du 8 septembre 2016 et pratiquée entre les mains de Maître B. le 15 septembre 2016 ;

.a rejeté l'ensemble de [ses] demandes ;

Ainsi,

- annuler et réformer le jugement [déféré] ;

- statuer comme aurait dû le faire le premier juge ;

En conséquence,

- A titre principal,

.déclarer et juger irrecevable l'action de M. Jean-Bernard B. ;

.maintenir les effets de la saisie conservatoire autorisée le 8 septembre 2016 et pratiquée le 15 septembre 2016 entre les mains de Maître B. sur l'intégralité du prix de vente de l'immeuble sis à [...] ;

- A titre subsidiaire,

.rejeter la demande de substitution formulée par M. Jean-Bernard B. ;

.maintenir la saisie conservatoire autorisée le 8 septembre 2016 et pratiquée le 15 septembre 2016 entre les mains de Maître B. sur l'intégralité du prix de vente de l'immeuble sis à [...] ;

- En tout état de cause,

.condamner M. Jean-Bernard B. au paiement d'une amende civile de 1 000 euros ;

. condamner M. Jean-Bernard B. au paiement [à son profit] de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

. condamner M. Jean-Bernard B. au paiement [à son profit] de la somme de 2 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

. condamner M. Jean-Bernard B. aux entiers dépens d'instance ".

Dans ses écritures en réponse transmises au greffe le 14 octobre 2021, M. Jean-Bernard B., se fondant sur les dispositions des articles R. 121-22 du code des procédures civiles d'exécution, 1355 du code de procédure civile et 1240 du code civil, conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris, au rejet de l'ensemble des demandes, fins et conclusions adverses, " tant infondées qu'injustifiées " ainsi qu'à la condamnation de Mme Marie-Annick B. à lui verser une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec droit, pour son avocat, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Selon ce qu'autorise l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

MOTIFS :

Sur la demande de substitution à la saisie conservatoire d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire :

Selon l'article L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en œuvre.

En vertu par ailleurs de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire.

Selon encore l'article L. 512-1 du même code, même lorsqu'une autorisation préalable n'est pas requise, le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparaît que les conditions prescrites par l'article L. 511-1 ne sont pas réunies.

À la demande du débiteur, le juge peut substituer à la mesure conservatoire initialement prise toute autre mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties.

La constitution d'une caution bancaire irrévocable conforme à la mesure sollicitée dans la saisie entraîne mainlevée de la mesure de sûreté, sous réserve des dispositions de l'article L. 511-4.

L'article R. 512-1 précise enfin que si les conditions prévues aux articles R. 511-1 à R.511-8 ne sont pas réunies, le juge peut ordonner la mainlevée de la mesure à tout moment, les parties entendues ou appelées, même dans les cas où l'article L. 511-2 permet que cette mesure soit prise sans son autorisation.

Il incombe au créancier de prouver que les conditions requises sont réunies.

- Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme Marie-Annick B., tirée de l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt de cette cour du 31 janvier 2019 :

Pour prétendre à l'irrecevabilité de la demande de substitution à la saisie conservatoire pratiquée au préjudice de son frère le 15 septembre 2016, d'une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire sur l'immeuble appartenant à ce dernier, situé [...], Mme Marie-Annick B. fait valoir que la faculté pour le débiteur de demander à ce que soit substitu ée à la mesure conservatoire initialement prise toute autre mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties figure au chapitre II du titre premier du cinquième livre du code des procédures civiles d'exécution et est ainsi énumérée au rang des contestations des mesures conservatoires de sorte qu'elle doit être exercée avant qu'une décision contradictoire confirmant la saisie soit devenue définitive. Elle en déduit que l'arrêt de cette cour, qui a rejeté les contestations élevées par M. Jean-Bernard B. contre l'ordonnance du 8 septembre 2016 qui avait autorisé la saisie litigieuse, contestations au rang desquelles n'a jamais été proposée une hypothèque conservatoire sur le bien en question dont M. Jean-Bernard B. était pourtant déjà propriétaire, ayant été signifié le 21 février 2019 et aucun recours n'ayant été formé à son encontre, il est définitif et irrévocable de sorte que son frère n'est plus recevable à contester la saisie conservatoire pratiquée le 15 septembre 2016, laquelle a été autorisée " pour le temps de l'action au fond " et ne pourra être levée ou convertie qu'en vertu du titre exécutoire constatant ou non l'existence de la créance.

Force est toutefois de constater que, dans la présente instance, il s'agit non pas de prononcer une mainlevée en l'absence d'un principe de créance apparemment détenu par le saisissant ou de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement, mais, conformément à la distinction effectuée par l'article L.512-1 précité, de statuer sur une demande visant à substituer à la mesure conservatoire initialement prise une mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties, demande qui, contrairement à ce que soutient à tort Mme Marie-Annick B., peut être présentée à tout moment. Il ne s'agit donc pas de contester la validité de la mesure conservatoire qui a été pratiquée mais de faire en sorte qu'elle soit reportée sur un bien différent.

Il se déduit d'ailleurs des articles 480 du code de procédure civile et 1351, devenu 1355, du code civil que le principe de l'autorité de la chose jugée n'est applicable que s'il y a identité de parties, de cause et d'objet.

Or, dans sa décision du 31 mars 2017 confirmée par l'arrêt de cette cour du 31 janvier 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a refusé de rétracter sa précédente décision du 8 septembre 2016 par laquelle il avait autorisé Mme Marie-Annick B. à diligenter sa saisie contre M. Jean-Bernard B. qui s'y opposait alors en prétendant que ce magistrat n'était pas compétent pour autoriser ladite saisie, que cette mesure était vaine en l'absence de fonds disponibles, et caduque, faute pour Mme Marie-Annick B., d'avoir introduit une action au fond à son encontre dans le délai d'un mois imparti par l'article R.511-7 du code des procédures civiles d'exécution et que Mme Marie-Annick B. n'apportait la preuve ni de l'existence d'une créance fondée en son principe ni de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

Il en résulte que cette précédente instance dont l'objet diffère ainsi de l'actuelle demande de substitution est donc dépourvue à l'égard de celle-ci de toute autorité de chose jugée qui viendrait interdire la substitution à la saisie conservatoire pratiquée le 15 septembre 2016 d'une autre mesure conservatoire propre à sauvegarder les intérêts des parties.

Le jugement sera dès lors confirmé en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir soulevée par Mme Marie-Annick B., tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt de cette cour du 31 janvier 2019.

- Sur le fond :

Dans son ordonnance du 8 septembre 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer a autorisé Mme Marie-Annick B. " à pratiquer une saisie conservatoire sur l'intégralité du prix de vente de l'immeuble sis à [...], somme détenue, au plus tard à compter du 27 septembre 2016, par Maître Monique B., notaire à Hardelot, ce pour garantir les rapports à la succession de Lucie (') S. épouse B., des donations indirectes reçues en 1984 et 1985 par M. Jean-Bernard (') B. (') sur l'immeuble sis à [...] ".

Il résulte du procès-verbal de saisie conservatoire de créances signifié le 15 septembre 2016 à Maître Monique B., en sa qualité de tiers détenteur du prix de vente de l'immeuble situé [...], que la saisie litigieuse a été pratiquée pour la somme principale de 170 000 euros, Maître B. ayant à cette occasion déclaré : " Le bien immobilier appartenant à M. Jean-Bernard B. situé [...] va être vendu pour le prix de 170 000 euros net vendeur. Une opposition pour 1800 euros est déjà enregistrée. Je prends acte de votre saisie ".

Au soutien de sa demande tendant à ce que soit substitu ée, à ses frais, à la saisie conservatoire ainsi pratiquée, une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire sur l'immeuble situé [...], M. Jean-Bernard B. verse aux débats la copie du mandat exclusif de vente qu'il a donné le 25 août 2018 à l'agence Stéphane Plaza Immobilier Le Touquet en vue de réaliser l'immeuble en question au prix de 1 120 000 euros, incluant les honoraires du mandataire d'un montant de 60 000 euros devant rester à la charge du vendeur.

Ce document décrit l'immeuble en question comme étant une maison à usage d'habitation d'une superficie de 164 mètres carrés environ, comprenant cinq pièces, quatre chambres et un garage, édifiée sur une parcelle de terre d'une contenance totale de huit ares quarante-neuf centiares.

Si Mme Marie-Annick B. ne discute pas l'évaluation qui en est ainsi faite, elle fait valoir, pour s'opposer à la proposition de substitution de garanties de son frère, qu'alors que la saisie trouve sa raison d'être " dans les sommes importantes que l'intimé doit rapporter à la masse successorale ", " l'immeuble sur lequel le juge de l'exécution a accordé une inscription d'hypothèque " est précisément un immeuble soumis à rapport successoral, comme ayant été transmis à M. Jean-Bernard B. par l'effet d'un acte de donation-partage du 11 octobre 1979, remis en cause dans les opérations successorales, et dont la propriété est donc contestée dans le cadre desdites opérations. Elle en déduit que l'inscription d'hypothèque proposée ne saurait constituer une garantie réelle de sa créance alors que M. Jean-Bernard B., qui ne dispose d'aucun patrimoine propre ni ne perçoit des revenus professionnels suffisants, doit rapporter quelque 2 000 000 euros à la succession de leur mère.

Mme Marie-Annick B. reproche à cet égard au premier juge, en acceptant cette substitution, de permettre à M. Jean-Bernard B. de disposer librement de la somme saisie alors qu'il devra la rendre, lui permettant ainsi d'échapper à la restitution faute de disposer des fonds suffisants.

Mme Marie-Annick B. ajoute enfin qu'il existe des difficultés de mise en œuvre de la décision querellée permettant difficilement d'inscrire l'hypothèque conservatoire et produit des échanges entre le notaire mandaté pour procéder à l'inscription et le débiteur qui, selon elle, laissent peu de doute sur l'issue de cette formalité.

Il ressort à cet égard des éléments du dossier que, de leur vivant, Lucie S. et son mari, Pierre B., avaient, par acte du 11 octobre 1979, consenti à leurs sept enfants une donation-partage aux termes de laquelle ils faisaient notamment donation entre vifs à titre de partage anticipé, avec réserve d'usufruit, de la nue-propriété d'un immeuble situé [...], à leur fils, M. Jean-Bernard B., usufruit auquel ils avaient ultérieurement renoncé par acte du 25 mai 1992 avec effet rétroactif au 31 décembre 1991.

La preuve est donc suffisamment rapportée que M. Jean-Bernard B. est pleinement propriétaire de l'immeuble situé [...].

Si Mme Marie-Annick B., au soutien de sa demande tendant à voir ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Lucie S., avait, dans son assignation des 14, 18, 21 et 28 octobre 2016, fait valoir que l'acte de donation-partage du 11 octobre 1979 serait contestable en ce qu'il porterait atteinte à sa réserve héréditaire ainsi qu'à celle de M. Francis B., également demandeur à cette ouverture, elle ne produit, dans le cadre de la présente procédure, aucun élément qui viendrait étayer cette allégation.

Si elle produit par ailleurs une série de courriers émanant de son notaire, faisant état de l'impossibilité de procéder à l'inscription, sur le bien en question, d'une hypothèque provisoire en raison de l'impossibilité pour lui de recueillir l'accord de l'ensemble des donataires à l'acte du 11 octobre 1979, il sera rappelé que l'hypothèque dont il est proposé qu'elle soit substitu ée à la saisie conservatoire pratiquée le 15 septembre 2016 n'est pas une hypothèque conventionnelle mais une hypothèque judiciaire conservatoire qui a précisément pour intérêt de passer outre l'accord des parties intéressées et dont l'inscription est, conformément à l'article R. 532-1 du code des procédures civiles d'exécution, opérée par le dépôt au service de la publicité foncière de deux bordereaux dans les conditions prévues par l'article 2428 du code civil, ce que cet officier public ne saurait sérieusement ignorer.

Dès lors, et dans la mesure où Mme Marie-Annick B. ne discute pas que la valeur de l'immeuble sur lequel M. Jean-Bernard B. se propose de faire inscrire une hypothèque judiciaire conservatoire avoisine un million d'euros, soit un montant très largement supérieur à la créance principale, objet de la saisie conservatoire pratiquée le 15 septembre 2016, il y a lieu de considérer que la mesure proposée par M. Jean-Bernard B. en substitution à la saisie conservatoire litigieuse est suffisante pour sauvegarder les intérêts des parties.

Le jugement qui, n'est pas autrement contesté de ce chef, sera donc confirmé en ce qu'il a accueilli la demande de substitution de garanties présentée par M. Jean-Bernard B..

Sur l'amende civile :

Indépendamment même du fait que M. Jean-Bernard B. obtient gain de cause en appel, Mme Marie-Annick B. est sans intérêt à réclamer, sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, le prononcé contre ce dernier d'une amende civile qui ne profite qu'à l'Etat.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu au prononcé d'une amende civile.

Sur la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive :

M. Jean-Bernard B. obtenant gain de cause, la demande en dommages-intérêts formée à son encontre par Mme Marie-Annick B. ne saurait prospérer.

Le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande présentée de ce chef par cette dernière.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Il convient, au regard de l'ensemble de ce qui précède, de confirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, il y a lieu de laisser les dépens à la charge de Mme Marie-Annick B., appelante qui succombe et de rejeter, par voie de conséquence, la demande de cette dernière formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît enfin équitable de faire supporter par Mme Marie-Annick B., au titre des frais exposés en appel par M. Jean-Bernard B. et non compris dans les dépens, la somme de 2 400 euros.

PAR CES MOTIFS :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Condamne Mme Marie-Annick B. à payer à M. Jean-Bernard B. la somme de 2 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme Marie-Annick B. aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la S.C.P. P., avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.