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Décisions

CA Aix-en-Provence, 1re ch. A, 9 mars 2007, n° 05/07331

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

White (SAS)

Défendeur :

Marseillaise de Crédit (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Roman

Conseillers :

M. Boisseau, M. Coulange

Avoués :

SCP Tollinchi Perret-Vigneron Baradat-Bujoli-Tollinchi, Me Magnan, SCP Liberas-Buvat-Michotey

Avocats :

Me Placier, Me Masquelier

T. com. Antibes, du 2 juin 1995

2 juin 1995

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Suivant acte reçu le 6 août 1990 par Maître FABRE, Notaire à GRASSE (ALPES MARITIMES), la BANQUE LA HENIN a consenti à la SOCIÉTÉ ANONYME D'AMÉNAGEMENTS FONCIERS (la SOCIÉTÉ SAAF) un prêt de 16 MILLIONS DE FRANCS destiné à financer l'acquisition d'un immeuble situé à la ROQUETTE SUR SIAGNE (ALPES MARITIMES).

En garantie du remboursement de ce prêt deux hypothèques ont été consenties à la BANQUE LA HENIN portant sur les biens acquis.

Selon jugement en date du 2 Juin 1995, le Tribunal de Commerce d'ANTIBES a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SOCIÉTÉ SAAF avant de prononcer la liquidation judiciaire de cette même société par jugement du 19 avril 1996.

Dans le cadre de cette procédure le Juge Commissaire a par ordonnance en date du 2 juin 1997, autorisé le liquidateur à vendre de gré à gré deux parcelles de terre situées à la ROQUETTE SUR SIAGNE au profit des époux KOZIELLO.

Les actes de vente établis à cette occasion ont à la requête des époux KOZIELLO été notifiés à la SOCIÉTÉ WHITE SAS venant aux droits de la SOCIÉTÉ LA HENIN avec offre de versement du prix afin de purge des hypothèques.

Conformément aux dispositions de l'article 2185 du Code Civil et à celles de l'article 832 du Code de Procédure Civile la SOCIÉTÉ WHITE SAS a par acte du 13 Juin 2000 fait signifier aux époux KOZIELLO, à Maître ARNAUD ès-qualité de liquidateur de la SOCIÉTÉ SAAF et à la SOCIÉTÉ MARSEILLAISE DE CRÉDIT, créancier inscrit une déclaration de surenchère et leur a donné assignation à comparaître devant le Tribunal de Grande Instance de GRASSE afin que soit ordonnée la vente aux enchères publiques des deux parcelles concernées.

Par jugement en date du 28 septembre 2000, le Tribunal a :

- débouté les époux KOZIELLO, qui s'opposaient aux prétentions de la SOCIÉTÉ WHITE SAS, de leurs demandes ;

- déclaré régulières et suffisantes la surenchère ainsi que la consignation, et reçu cette dernière ;

- ordonné la vente aux enchères des deux immeubles concernés dont il a fixé la mise à prix ;

- dit que les époux KOZIELLO seront tenus de déposer au greffe les expéditions de leurs actes d'acquisition faute de quoi la SOCIÉTÉ WHITE SAS sera autorisée à s'en faire délivrer une expédition, et débouté cette dernière de sa demande formulée sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Les époux KOZIELLO ont relevé appel de cette décision par acte d'huissier en date du 10 novembre 2000 demandant à la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence d'annuler la déclaration de surenchère.

Par arrêt en date du 18 décembre 2002, la Cour d'Appel a :

- déclaré recevable l'appel relevé par les époux KOZIELLO en ce qui concerne les moyens de fond tirés du défaut de qualité de la SOCIÉTÉ WHITE SAS , pour requérir la surenchère, de la renonciation de cette Société à se prévaloir de la procédure de purge, et de l'autorité de la chose jugée de la décision du Juge Commissaire autorisant la cession ;

- l'a déclaré pour le surplus irrecevable concernant les autres moyens invoqués par les époux KOZIELLO :

- confirmé la décision entreprise ;

- y ajoutant :

- condamné les époux KOZIELLO à payer à la SOCIÉTÉ WHITE SAS et à Maître ARNAUD agissant ès-qualité, une indemnité de 1 500 € chacun en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.

Les époux KOZIELLO ont formé un pourvoi en cassation contre le jugement rendu par la Chambre des criées du Tribunal de Grande Instance de GRASSE le 28 septembre 2000 dont ils se sont désisté ultérieurement.

Ils ont également formé un pourvoi contre l'arrêt rendu le 18 septembre 2002 par la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE faisant grief à l'arrêt d'avoir déclaré irrecevable l'appel en ce qui concerne leurs moyens autres que ceux du fond.

Par arrêt en date du 10 février 2005, la Cour suprême a cassé et annulé l'arrêt de la Cour d'Appel d' AIX EN PROVENCE mais seulement en ce qu'il a déclaré l'appel irrecevable et a renvoyé la cause et les parties devant la même Cour autrement composée décidant que les moyens de forme devaient être examinés avec les moyens de fond.

Par déclaration au greffe en date du 29 mars 2005 la SOCIÉTÉ WHITE SAS a saisi la présente Cour et lui demande de confirmer le jugement rendu le 28 septembre 2000 en toutes ses dispositions et de condamner les époux KOZIELLO à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

A l'appui de ses prétentions, elle soutient :

- que sa volonté de surenchère ne peut être mise en doute ;

- que le 'pouvoir afin de surenchère' versé aux débats établit qu'un mandat spécial a bien été donné ;

- que la délégation de pouvoir consentie par le Président de la SOCIÉTÉ est parfaitement valable ;

- que l'absence de signature de la déclaration de surenchère ne cause aucun grief et ne peut entraîner la nullité de la surenchère ;

- que le pouvoir de surenchère n'a pas été communiqué tardivement mais en même temps que l'acte de réquisition de surenchère.

Les époux KOZIELLO demandent à la Cour d'infirmer le jugement rendu le 28 septembre 2000 par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE, de déclarer nulle la réquisition de surenchère de la SOCIÉTÉ WHITE SAS et de la condamner au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux dépens.

Ils font valoir :

- que le Président de la SOCIÉTÉ WHITE SAS ne pouvait déléguer ses pouvoirs sans autorisation du Conseil d'Administration ;

- que les délégués n'ont pas pu présenter valablement la réquisition de surenchère ;

- que la réquisition de surenchère devait s'exercer dans le cadre d'un mandat spécial et non d'une délégation générale ;

- que l'acte de réquisition de surenchère est nul en l'absence de toute signature ;

- que la communication du pouvoir de surenchère a été faite hors délai, après l'expiration du délai de 40 jours prévu à l'article 2185 du Code Civil ;

- que la SOCIÉTÉ WHITE SAS ne justifie pas de sa qualité de créancier hypothécaire.

Maître Michel ARNAUD, pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAAF, déclare s'en rapporter à justice sur les moyens de nullité développés par les époux KOZIELLO et conclut à la confirmation du jugement rendu le 28 septembre 2000 par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE.

Il sollicite la condamnation des époux KOZIELLO à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La SOCIÉTÉ MARSEILLAISE DE CRÉDIT, régulièrement assignée, n'a pas constitué avoué.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 29 décembre 2006.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu que la Cour de Cassation n'a pas prononcé la cassation de l'arrêt de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE en ce qu'il a dit recevables et mal fondés 'les moyens de fond invoqués' par les époux KOZIELLO relatifs :

- au défaut de qualité de la SOCIÉTÉ WHITE SAS pour requérir la surenchère ;

- à la renonciation de cette société à se prévaloir de la procédure de purge ;

- à l'autorité de chose jugée de la décision du Juge Commissaire autorisant la cession.

Que la Haute Juridiction a seulement cassé l'arrêt de la Cour d'Appel d'AIX EN PROVENCE du 18 décembre 2002 en ce qu'il a dit insusceptibles d'appel les autres moyens soulevés par les époux KOZIELLO et tenant selon eux :

- à l'illicéité de la délégation de pouvoir par le Président de la SOCIÉTÉ WHITE SAS ;

- à l'absence de mandat spécial du signataire de la réquisition de surenchère ;

- à l'absence de signature de la déclaration de surenchère ;

- à la communication tardive du pouvoir de surenchérir.

Que seuls ces moyens seront examinés par la présente Cour ;

Attendu que les époux KOZIELLO soutiennent que le Président de la SOCIÉTÉ WHITE SAS n'aurait pu consentir de délégation de pouvoirs sans autorisation préalable du Conseil d'Administration de la Société ;

Attendu que l'article L 227-6 alinéa 1er du Code de Commerce dispose que 'la Société est représentée à l'égard des tiers par un Président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le Président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la Société dans la limite de l' objet social ' ;

Mais attendu que les statuts de la SOCIÉTÉ WHITE SAS tels que mis à jour le 30 décembre 1999 précisent à l'article 12 que le Président qui dirige la Société peut mandater toute personne morale ou physique pour accomplir une partie de ses fonctions avec l'accord préalable du Conseil d'Administration ou à défaut des associés' ;

Que par délibération de l'Assemblée Générale ordinaire de la SOCIÉTÉ WHITE SAS en date du 28 janvier 2000 Monsieur Jean de POURTALES a été nommé Président ;

Qu'il est indiqué qu'il dispose 'des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la Société et ce conformément à l'article 12 des statuts' ;

Que ce renvoi à l'article 12 ne vaut aucunement autorisation du Conseil d'Administration ou de l'assemblée des associés ;

Qu'ainsi les mandataires désignés de la SOCIÉTÉ WHITE SAS Monsieur LECRY et Madame JURET-TARDY, qui n'ont pas été agréés par le Conseil d'Administration, n'étaient pas titulaires d'une délégation de pouvoir régulière les habilitant à exercer la réquisition de surenchère et à mandater leur huissier dans ce but ;

Attendu qu'il convient en conséquence et sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soumis à la Cour de constater la nullité de la réquisition de surenchère et d'infirmer le jugement entrepris ;

Attendu que les époux KOZIELLO ont du fait de l'appel engager des frais irrépétibles ; qu'il y a lieu de leur allouer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu que la SOCIÉTÉ WHITE SAS, qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire à l'égard de la SOCIÉTÉ MARSEILLAISE DE CRÉDIT et contradictoire pour les autres parties ;

- Reçoit l'appel sur les moyens de forme soulevés par les époux KOZIELLO.

- Constate l'illicéité de la délégation de pouvoir donnée par le Président de la SOCIÉTÉ WHITE SAS .

- Déclare nulle la réquisition aux fins de surenchère de la SOCIÉTÉ WHITE SAS .

- Infirme le jugement rendu le 28 septembre 2000 par le Tribunal de Grande Instance de GRASSE.

- Dit n'y avoir lieu de procéder à la vente aux enchères publiques des immeubles acquis par les époux KOZIELLO.

- Condamne la SOCIÉTÉ WHITE SAS à payer aux époux KOZIELLO la somme de DEUX MILLE EUROS (2 000 €) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

- Rejette toutes autres demandes.

- Condamne la SOCIÉTÉ WHITE SAS aux dépens de première instance et d'appel et autorise Me MAGNAN et la SCP LIBERAS - BUVAT - MICHOTEY, Avoués, à recouvrer directement contre elle ceux d'appel dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision.