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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 3, 23 mai 2013, n° 12/15416

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Sawab LTD (Sté), M. Piard

Défendeur :

CELT (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bourquard

Conseillers :

Mme Taillandier-Thomas, Mme Maunand

Avocats :

Me Fisselier, Me Pudlowski, Me Franceschi Bariani, Me Vialar

T. com. Paris, du 4 juill. 2012, n° 2012…

4 juillet 2012

M. Patrick PIARD et la société SAWAB LTD, ayant siège social aux Iles Caïmans, sont actionnaires de la société de droit luxembourgeois CELT SCA, laquelle détient 98,7 % du capital de la SAS CELT.

Par acte d'huissier du 10 avril 2012, M. Patrick PIARD et la société SAWAB LTD ont fait assigner la SAS CELT en expertise de gestion et désignation d'un administrateur provisoire devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris, lequel, par ordonnance du 4 juillet 2012, a dit irrecevables les demandes et condamné solidairement les demandeurs à verser à la défenderesse la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

M. Patrick PIARD a interjeté appel de cette décision le 13 août 2012 en intimant la seule SAS CELT.

Par conclusions déposées le 21 novembre 2012, M. Patrick PIARD et la société SAWAB LTD ont demandé à la cour de les déclarer recevables en leurs demandes, de désigner tel expert qu'il lui plaira, avec mission de se rendre en tous sièges sociaux ou locaux de CELT SAS, et au besoin, de ODIOT, SCI ODIOT et CRISTAL & BRONZE, se faire communiquer tous documents échangés relatifs à l'augmentation de capital du 15 juin 2009, à la souscription par de nouveaux souscripteurs à cette augmentation de capital, aux procédures engagées par les consorts GUYOMARD contre CELT SAS, et toutes pièces relatives aux concours bancaires sollicités par CELT SAS, se faire communiquer et examiner les registres et documents comptables notamment à compter de l'exercice 2011 et jusqu'à ce jour permettant de vérifier la conformité à l'intérêt social des opérations de gestion contestées, dire si des fautes ont été commises par le Président de CELT SAS, donner son avis sur le préjudice éventuellement subi par M. PIARD, la société SAWAB et par la société CELT SAS, désigner pour une durée d'un an tel administrateur qu'il plaira avec pour mission de gérer et administrer tant activement que passivement la société avec tous les pouvoirs du dirigeant et de prendre toutes les mesures qu'impose l'urgence et déterminer si CELT SAS est en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible et condamner CELT SAS à leur payer la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions déposées le 18 janvier 2013, la SAS CELT a demandé à la cour de, in limine litis, dire irrecevables les conclusions de l'appelant en ce qu'elles ont été prises au nom de la société SAWAB, dire irrecevables les demandes de M. PIARD, confirmer l'ordonnance dont appel, à titre subsidiaire, débouter M. PIARD de toutes ses demandes et, en tout état de cause, de condamner celui-ci à lui payer la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par arrêt du 12 mars 2013, la cour a :

- rejeté la fin de non recevoir des conclusions d'appel prises au nom de la société SAWAB LTD,

- infirmé l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de désignation d'un administrateur provisoire et statuant à nouveau de ce chef :

- déclaré cette demande recevable mais l'a rejetée,

- sur la demande d'expertise de gestion, ordonné la réouverture des débats et invité les parties à s'expliquer sur le moyen de droit tiré du défaut de pouvoirs du juge des référés pour statuer sur celle-ci,

- renvoyé l'affaire à l'audience du lundi 15 avril 2013 à 14 heures,

- réservé les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions transmises le 15 avril 2013, M. Patrick PIARD et la société SAWAB LTD demandent à la cour de dire recevable et bien fondée leur demande d'expertise de gestion, vu les articles 873 et 552 du code de procédure civile, L. 225-231 du code de commerce et 1166 du code civil, de désigner tel expert qu'il lui plaira, avec mission de se rendre en tous sièges sociaux ou locaux de CELT SAS, et au besoin, de ODIOT, SCI ODIOT et CRISTAL & BRONZE, se faire communiquer tous documents échangés relatifs à l'augmentation de capital du 15 juin 2009, à la souscription par de nouveaux souscripteurs à cette augmentation de capital, aux procédures engagées par les consorts GUYOMARD contre CELT SAS, et toutes pièces relatives aux concours bancaires sollicités par CELT SAS, se faire communiquer et examiner les registres et documents comptables notamment à compter de l'exercice 2011 et jusqu'à ce jour permettant de vérifier la conformité à l'intérêt social des opérations de gestion contestées, dire si des fautes ont été commises par le Président de CELT SAS et donner son avis sur le préjudice éventuellement subi par M. PIARD, la société SAWAB et par la société CELT SAS, et de condamner CELT SAS à leur payer la somme de 7 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par conclusions transmises le 15 avril 2013, la SAS CELT demande à la cour de se déclarer incompétente pour statuer sur la demande d'expertise de gestion au profit du président du tribunal de commerce de Paris statuant en la forme des référés et, en tout état de cause, de condamner solidairement les appelants à lui payer la somme de 20 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

SUR CE, LA COUR

Considérant que l'article L. 225-231 du code de commerce prévoit qu'une association répondant aux conditions fixées par l'article L. 225-120, ainsi que un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5 % du capital social, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque que forme que ce soit, peuvent poser par écrit au président du conseil d'administration ou au directoire des questions sur une ou plusieurs opérations de gestion de la société anonyme, ainsi que, le cas échéant des sociétés qu'elle contrôle au sens de l'article L. 233-3 ; qu'il ajoute qu'à défaut de réponse dans un délai d'un mois ou à défaut de communication d'éléments de réponse satisfaisants, ces actionnaires peuvent demander en référé la désignation d'un ou de plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion ;

Considérant que l'article R. 225-163 du code de commerce énonce que l'expert chargé de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion, dans les conditions prévues à l'article L. 225-231 est désigné par le président du tribunal de commerce, statuant en la forme des référés, après que le greffier a convoqué le président du conseil d'administration ou du directoire à l'audience par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ;

Considérant que ces dispositions sont applicables aux sociétés par actions simplifiées en vertu de l'article L. 227-1 du code de commerce, les attributions du conseil d'administration ou de son président étant exercées par le président de la société par actions simplifiée ou celui ou ceux de ses dirigeants que les statuts désignent à cet effet ;

Considérant, en l'espèce, que M. Patrick PIARD et la société SAWAB LTD ont fait délivrer, le 10 avril 2012, à la société par actions simplifiée CELT une assignation « en référé » à la double fin, au visa des articles 873 du code de procédure civile, L. 225-231 du code de commerce et 1166 du code civil, de voir, d'une part, ordonner une expertise de gestion et, d'autre part, désigner un administrateur provisoire ;

Considérant que le président du tribunal de commerce a statué par ordonnance « de référé » ;

Considérant que si la désignation d'un administrateur provisoire relevait bien de ses pouvoirs de juge des référés, il n'en est pas de même de la demande d'expertise de gestion qui aurait dû être soumise au même président mais statuant cette fois-ci en la forme des référés, c'est-à-dire par une décision non pas provisoire mais de fond ;

Considérant que le premier juge n'avait pas, en conséquence, compétence pour statuer sur la demande d'expertise de gestion ; que la cour, saisie de l'appel de sa décision, n'a pas plus de pouvoirs que lui ; qu'il y a lieu dés lors d'infirmer l'ordonnance entreprise et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir ;

Considérant que les appelants qui succombent supporteront, in solidum, les dépens de première instance et d'appel et verseront à l'intimée la somme précisée au dispositif du présent arrêt au titre des frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

Vu l'arrêt du 12 mars 2013 infirmant l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de désignation d'un administrateur provisoire et statuant à nouveau de ce chef, déclarant cette demande recevable mais la rejetant ;

Infirme l'ordonnance entreprise pour le surplus et statuant à nouveau :

Dit le juge des référés incompétent pour statuer sur la demande d'expertise de gestion ;

Renvoie les parties à mieux se pourvoir ;

Condamne M. Patrick PIARD et la société SAWAB LTD, in solidum, à verser à la SAS CELT la somme de 6 000 (six mille) euros au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. Patrick PIARD et la société SAWAB LTD, in solidum, aux entiers dépens.