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Décisions

CA Reims, ch. civ., 10 novembre 2020, n° 20/00045

REIMS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Pety

Conseillers :

Mme Lefevre, Mme Magnard

JEX Châlons-En-Champagne, du 11 juin 202…

11 juin 2020

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour le 10 Novembre 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Monsieur Benoît PETY, président de chambre et Madame Sophie BALESTRE, Greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige, de la procédure et des prétentions des parties :

Par requête enregistrée le 9 juin 2020 au greffe du tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne, M. et Mme M.-J. ont saisi le juge de l'exécution au visa des articles L. 512-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution aux fins de voir :

- Ordonner la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur la quote-part du bien immobilier sis [...], correspondant aux parcelles cadastrées section BC 268, BC 592 et BC 594, détenue par M. Stéphan M. prise pour sûreté et conservation de la créance de la société GO Sport France évaluée à la somme principale de 200 000 euros,

- Ordonner la substitution à l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire du séquestre de la somme de 200 000 euros affectée en nantissement au profit de la société GO Sport France à la garantie de l'apurement de sa créance, entre les mains de maître Hubert M., notaire convenu qui aura pour mission de consigner les fonds puis de les remettre soit à la société GO Sport France et à due concurrence des sommes à elle dues, suivant décision judiciaire devenue définitive, soit à M. M. si la société GO Sport France est déboutée de son action suivant décision judiciaire définitive.

Au soutien de leur requête, M. et Mme M.-J. exposaient qu'ils étaient propriétaires de l'immeuble décrit ci-dessus, bien constituant leur résidence principale à usage d'habitation. Par ordonnance du 15 septembre 2017, le juge de l'exécution au tribunal de grande instance de Châlons-en-Champagne a autorisé la société GO Sport France à faire inscrire sur la quote-part de M. M. dans ce bien indivis une hypothèque judiciaire provisoire pour sûreté de sa créance de 200 000 euros.

Aux termes d'un compromis régularisé le 30 septembre 2019, M. et Mme M. se sont engagés à vendre leur immeuble à M. D. et à Mme B.. Les acquéreurs n'entendent toutefois formaliser la vente qu'à la condition de l'obtention d'une mainlevée de l'inscription hypothécaire par GO Sport France contre paiement de sa créance ou d'un séquestre et d'une consignation à son profit de la somme de 200 000 euros, les frais et droits de mainlevée demeurant à la charge du vendeur.

Par ordonnance sur requête datée du 11 juin 2020, le juge de l'exécution au tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne a rejeté la demande de M. et Mme M.-J., le magistrat saisi ayant considéré que la demande de substitution de garantie devait être présentée contradictoirement au juge de l'exécution saisi par voie d'assignation.

M. et Mme M.-J. ont relevé appel de cette ordonnance par déclaration du 17 juin 2020.

Devant la cour, ils sollicitent l'infirmation de l'ordonnance querellée et réitèrent leurs prétentions déjà présentées devant le premier juge.

Ils précisent que l'hypothèque judiciaire de la société GO Sport France n'a été inscrite qu'en deuxième rang derrière le prêteur de deniers. Faire procéder à la vente judiciaire du bien est une mesure d'exécution lourde et lente. Au contraire, la détermination d'une convention de séquestre pour une somme équivalente à celle autorisée pour l'hypothèque judiciaire de 200 000 euros, déposée auprès de la Caisse des dépôts et consignations, sous le contrôle d'un officier ministériel en garantie expresse de la créance de la société GO Sport France lui assure l'exclusivité du bénéfice de cette somme disponible.

Ils font encore valoir que la substitution de sûreté leur permettra de vendre l'immeuble et d'assurer le maintien de la garantie de paiement de la personne morale créancière si M. M. était tenu de s'acquitter du cautionnement souscrit, ce qui est sans préjudice pour le créancier. Leur demande satisfaisait donc l'ensemble des parties, préservant notamment la garantie de GO Sport France.

L'ordonnance sur requête du 15 septembre 2017 qui autorise GO Sport France à faire inscrire sur l'immeuble en question une hypothèque judiciaire provisoire prévoit expressément que le juge se réserve la compétence matérielle de rétracter ou de modifier son ordonnance. Le juge de l'exécution pouvait donc être saisi dans les mêmes formes qu'initialement. Il doit être observé que l'article L. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution, contrairement à l'article 92 de la loi du 13 juillet 1991, ne mentionne plus 'le créancier dûment entendu ou appelé'. Il s'ensuit que la référence au principe du contradictoire pour une substitution de sûreté à la demande du débiteur a été supprimée. Enfin, les époux M.-J. énoncent que la société GO Sport France ne cesse de chercher à leur nuire (saisie des comptes bancaires joints et de la totalité de l'immeuble indivis). Alors qu'ils contestaient ces premières mesures, la société GO Sport France sollicitait une nouvelle ordonnance aux fins d'inscription hypothécaire. Il convient qu'ils puissent vendre leur bien sans que la société GO Sport France soit informée de cette opération contre laquelle elle userait de tous les moyens pour la contrarier. Il y a de surcroît urgence à organiser la vente, le compromis étant déjà ancien. Les candidats à l'acquisition peuvent s'installer dans les lieux car M. et Mme M.-J. ont déjà acquis un nouvel immeuble financé par un emprunt temporaire alors qu'il faut continuer à régler l'emprunt ayant financé l'immeuble à vendre. Les conditions posées par l'article R.121-23 du code des procédures civiles d'exécution sont ainsi remplies et justifient le recours à la procédure sur requête.

* * * *

La procédure a été communiquée au ministère public près cette cour qui l'a visée le 8 septembre 2020.

* * * *

Motifs de la décision :

Attendu que l'article L. 512-1 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution énonce qu'à la demande du débiteur, le juge peut substituer à la mesure conservatoire initialement prise toute autre mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties;

Attendu que M. et Mme M.-J., qui ont saisi le juge de l'exécution par la voie de la requête gracieuse, font valoir que le texte sus-rappelé, contrairement à l'ancien article 92 de la loi du 13 juillet 1992 [il doit davantage s'agir de la loi du 9 juillet 1991], ne fait plus référence au 'créancier entendu ou appelé' de sorte que le procédé de l'ordonnance sur requête est parfaitement approprié pour obtenir une subtitution de garantie ;

Attendu que l'article R. 121-23 du code des procédures civiles d'exécution rappelle que le juge de l'exécution statue par ordonnance sur requête dans les cas spécifiés par la loi ou lorsque les circonstances exigent qu'une mesure urgente ne soit pas prise contradictoirement ;

Attendu en l'occurrence que les appelants font état d'une réelle urgence à obtenir la substitution de garantie qu'il sollicitent puisqu'ils souhaitent vendre leur bien immobilier grevé d'une inscription hypothécaire judiciaire provisoire, le compromis signé avec les candidats à l'acquisition remontant au 30 septembre 2019 ;

Qu'il importe toutefois d'observer que les époux M.-J. ont la maîtrise de la saisine du magistrat compétent pour leur accorder la substitution de garantie qu'ils souhaitent, les intéressés n'ayant régularisé leur requête que le 5 juin 2020 ;

Que le motif de l'urgence allégué doit donc être relativisé, étant ajouté que leurs explications pour éviter tout débat contradictoire avec la SA GO Sport France consistent à se prémunir contre tout nouvel 'acharnement' de cette dernière pour contrarier leur projet ;

Que, quels que soient les arguments qui seraient opposés par cette personne morale créancière, et dont nul ne peut en toute évidence présumer du contenu, la décision requise est bien de la compétence du magistrat, relevant de son appréciation souveraine ;

Que la substitution de garantie au sens de l'article L 512-2 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution consiste en l'occurrence à substituer à une sûreté judiciaire provisoire qui serait levée un séquestre, les observations du créancier sur l'équivalence des garanties étant fondamentales au point qu'elles ne peuvent être éludées pour des considérations de rapidité ou d'opposition éventuelle de ce dernier ;

Que les considérations avancées par M. et Mme M.-J. pour être autorisés à procéder par voie d'ordonnance sur requête sont insuffisantes au regard du principe du contradictoire, étant acquis puisque non discuté qu'aucune disposition légale n'est invoquée pour justifier le recours à cette procédure non contradictoire ;

Qu'en définitive, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a rejeté la requête des demandeurs, lesquels doivent procéder par voie d'assignation ;

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

- Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée ;

- Condamne M. et Mme M.-J. aux entiers dépens d'appel.