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Décisions

CA Aix-en-Provence, 4e ch. a, 28 octobre 2011, n° 10/09449

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mare Immo (SARL)

Défendeur :

San Luca Immobiliare (SAS), Mme Tirozzi

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Astier

Conseillers :

M. Fortin, Mme Dampfhoffer

Avoués :

SCP Maynard Simoni, SCP MJ de Saint Ferreol et Colette Touboul

Avocat :

Me Dupont

TI Nice, du 5 mai 2010, n° 11-09-763

5 mai 2010

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 23 juin 2006 la société de droit italien 'SAN LUCA IMMOBILIARE S.N.C. DI D'ELIA CARMINE, TIROZZI GABRIELLA & C.' a acheté un studio à NICE ; par un acte sans date 'Madame TIROZZI' a confié un mandat de location de ce bien à la société MARE IMMO ; par acte du 29 octobre 2007 cette dernière a donné ledit bien à bail au nom de 'Madame TIROZZI' ; les quittances établies par l'agence immobilière montrent que le locataire a payé diverses sommes d'argent à titre de dépôt de garantie, de loyer et de provision sur charges ; se plaignant que ces sommes ne lui aient pas été représentées la société SAN LUCA IMMOBILIARE a assigné la société MARE IMMO devant le tribunal d'instance ; celle-ci a soulevé l'incompétence de la juridiction saisie au profit du tribunal de commerce, et l'irrecevabilité de la demande fondée sur un contrat conclu par Madame TIROZZI ;

Par jugement du 5 mai 2010 le Tribunal d'instance de NICE a statué ainsi :

'Dit que le présent tribunal est compétent pour connaître du litige,

Constate l'intérêt à agir de la SAS SAN LUCA IMMOBILARE,

Condamne la S.A.R.L. MARE IMMO à payer à la SAS SAN LUCA IMMOBILARE la somme de 9 000 euros en réparation du préjudice subi,

Condamne la S.A.R.L. MARE IMMO à payer à la SAS SAN LUCA IMMOBILARE une indemnité de 500 euros par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Déboute la S.A.R.L. MARE IMMO de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

Rejette comme non fondée toute autre demande plus ample ou contraire au présent dispositif,

Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

Condamne la S.A.R.L. MARE IMMO aux dépens' ;

Celle-ci a relevé appel de cette décision le 20 mai 2010 ; Madame TIROZZI est intervenue volontairement aux débats devant la Cour ;

Au terme de dernières conclusions du 23 août 2011 qui sont tenues pour intégralement reprises ici, la société MARE IMMO formule les demandes suivantes :

'A titre principal,

Vu les articles L 210-1 et L 721-3 du Code de Commerce,

Vu les pièces versées aux débats,

Constater que la SAS SAN LUCA IMMOBILIARE est une société en commandite simple ;

Dire et juger qu'une telle société est toujours commerciale quel que soit son objet au sens des dispositions de l'article L 210-1 du Code de Commerce.

Dire et juger que seul le Tribunal de commerce de NICE était compétent pour connaître du litige opposant deux sociétés commerciales ;

Par voie de conséquence,

Réformer le jugement querellé et inviter la SAS SAN LUCA IMMOBILIARE à mieux se pourvoir devant la Juridiction compétente, savoir le Tribunal de Commerce de NICE

A titre subsidiaire,

Vu les articles 31 et 32 CODE DE PROCÉDURE CIVILE

Vu les articles 1134, 1147 et 1165 du Code Civl

Constater qu'aucun contrat ne lie la S.A.R.L. MARE IMMO et la SAS SAN LUCA IMMOBILIARE

Par voie de conséquence,

Réformer le jugement querellé,

Déclarer irrecevables les demandes de la SAS SAN LUCA IMMOBILIARE, cette dernière ne justifiant d'aucun intérêt ni qualité à agir.

Vu les articles 554 et suivants du code de Procédure Civile,

Vu la jurisprudence constante de la Cour de Cassation,

Déclarer irrecevable l'intervention volontaire de Madame Gabriella TIROZZI, cette dernière élevant une demande personnelle de condamnation, non soumise au Tribunal d'Instance de NICE ;

Condamner la SAS SAN LUCA IMMOBILIARE ainsi que Madame Gabriella TIROZZI au paiement d'une somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 CODE DE PROCÉDURE CIVILE ainsi qu'aux entiers dépens, ceux d'appel distraits au profit de la S.C.P. MAYNARD - SIMONI aux offres de droit' ;

Au terme de dernières conclusions du 9 février 2011 qui sont tenues pour intégralement reprises ici, la société SAN LUCA IMMOBILIARE et Madame TIROZZI formulent les demandes suivantes :

'Vu les dispositions de la loi du 2 janvier 1970,

Vu les articles 1382 et suivants, 1992, 1993, 1994 et suivants du code civil,

Vu les articles 559 et suivants du code de procédure civile,

Vu l'article 411-4 du code de l'organisation judiciaire et la jurisprudence en la matière,

DONNER ACTE à Madame Gabriella TIROZZI de son intervention volontaire,

DÉBOUTER la S.A.R.L. MARE IMMO de toutes ses demandes, fins et conclusions,

CONFIRMER. en toutes ses dispositions le jugement du tribunal d'instance attaqué,

En y ajoutant.

CONDAMNER la S.A.R.L. MARE IMMO à payer à la société SAN LUCA IMMOBILIARE et à Madame Gabriella TIROZZI la somme de 9.000 euros (NEUF MILLE EUROS) en réparation du préjudice matériel subi, avec intérêts au taux légal à compter de la date de la mise en demeure,

CONDAMNER la S.A.R.L. MARE IMMO à payer à la société SAN LUCA IMMOBILIARE et à Madame Gabriella TIROZZI la somme de 5.000 euros (CINQ MILLE EUROS) au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

CONDAMNER la S.A.R.L. MARE IMMO à payer à la société SAN LUCA IMMOBILIARE et à Madame Gabriella TIROZZI les sommes de 3.000 euros chacune (TROIS MILLE EUROS) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens, ceux d'appel distraits au profil de la S.C.P. De Saint Ferreol - Touboul. avoués aux offres de droit' ;

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2011 ;

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appel est régulier en la forme et a été interjeté dans les délais ; il est recevable ;

Si les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt, Madame TIROZZI ne peut pas pour autant former, pour la première fois devant la Cour, des prétentions personnelles qui n'ont pas été soumises au premier juge ; son intervention est donc irrecevable ;

En vertu de l'article 25 de la loi italienne du 31 mai 1995 portant réforme du système italien de droit international privé, les sociétés sont régies par la loi italienne lorsque le siège de leur administration est situé en Italie ; or tel est le cas en l'espèce ; la société SAN LUCA IMMOBILIARE est donc soumise au droit italien pour tout ce qui concerne notamment sa nature juridique, sa capacité, et la formation, les pouvoirs et les modalités de fonctionnement de ses organes ;

Le droit italien ne connaissant pas la distinction opérée en droit français entre sociétés civiles et sociétés commerciales, le fait que la société SAN LUCA IMMOBILIARE ait été une 'SNC' et soit aujourd'hui une ' SAS ' est indifférent ; or l'achat d'un bien immobilier en vue de sa location est un acte civil ; le tribunal d'instance était donc compétent pour connaître de la demande ; au demeurant cela n'a plus aucun intérêt devant la cour d'appel, qui a plénitude de juridiction ;

Au terme des statuts de la société SAN LUCA IMMOBILIARE 'la signature et la représentation légale de la société vis-à-vis des tiers reviennent aux associés commandités, Madame TIROZZI et Mr Romano SILVIO, disjointement entre eux pour les actes d'administration ordinanire et conjointement entre eux pour les actes d'administration extraordinaire' ; Madame TIROZZI avait donc le pouvoir de donner le studio appartenant à la société SAN LUCA IMMOBILIARE en location, conformément à l' objet social de cette dernière ;

Le fait que le mandat et le bail soient établis au nom de 'Madame TIROZZI', au lieu de l'être à celui de la société SAN LUCA IMMOBILIARE, est sans emport dès lors qu'il n'existe aucune contestation ni opposition d'intérêt entre eux ; il faut d'ailleurs stigmatiser ici la mauvaise foi de la société MARE IMMO, dont le système de défense revient à soutenir qu'elle aurait agi au nom et pour le compte d'une personne qui n'est pas le propriétaire du bien ; la société SAN LUCA IMMOBILIARE a donc qualité pour agir et intérêt à le faire ;

En effet il résulte des pièces produites aux débats, et il n'est pas même contesté, que la société MARE IMMO a encaissé diverses sommes d'argent dues par le locataire en vertu du bail sans les représenter à la société SAN LUCA IMMOBILIARE, pas plus d'ailleurs qu'à Madame TIROZZI ; elle sera donc condamnée à payer la somme de 9.000 euros réclamée par celle-là, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

La résistance de la société MARE IMMO doit être considérée comme abusive ; ce comportement fautif a occasionné à la société SAN LUCA IMMOBILIARE un préjudice qui sera réparé par l'allocation de la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts ;

Cette dernière a engagé en cause d'appel des frais irrépétibles dont il serait inéquitable de lui laisser supporter intégralement la charge ; il convient de lui allouer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, s'ajoutant à la juste indemnité déjà accordée par le premier juge ;

La société MARE IMMO qui succombe doit supporter les dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, par mise à disposition au Greffe,

Déclare l'intervention de Madame TIROZZI irrecevable ;

Reçoit l'appel de la société MARE IMMO, mais le déclare mal fondé et en conséquence l'en déboute ;

Confirme le jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Condamne la société MARE IMMO à payer à la société SAN LUCA IMMOBILIARE :

- les intérêts au taux légal sur la somme de 9 000 euros à compter de l'assignation ;

- la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- la somme de 2.000 euros pour frais irrépétibles d'appel ;

Condamne la société MARE IMMO aux dépens, et dit que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la S.C.P. DE SAINT FERREOL - TOUBOUL conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.