CA Colmar, 3e ch. civ. A, 17 juin 2019, n° 18/04385
COLMAR
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Martino
Conseillers :
Mme Fabreguettes, Mme Arnold
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par arrêt de la cour d'appel de Colmar en date du 12 octobre 2015, M. S. a été autorisé à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur le bien immobilier appartenant à Mme B. à concurrence de la somme de 200 000 euros. Cette hypothèque a été dénoncée le 23 novembre 2015.
Par assignation en date du 20 mars 2018, Mme B. a saisi le juge de l'exécution du tribunal d'instance de Mulhouse pour voir ordonner la radiation de l'hypothèque judiciaire provisoire et être autorisée à lui substituer une somme de 200 000 euros consignée entre les mains du notaire chargé de la vente.
Au soutien de sa demande, elle a fait valoir que la maison, objet de l'hypothèque est un bien propre qu'elle avait acquis avant son mariage avec M. S., que la vente de l'immeuble n'a pas abouti en raison de cette sûreté et du comportement de M. S. qui refuse la proposition de consignation sans motifs valables alors que, selon elle, ses intérêts seraient protégés par la consignation.
M. S. a opposé à cette demande la caducité du compromis de vente pour défaut de renouvellement et le caractère insuffisant de la somme que Mme B. propose de consigner compte tenu du montant de l'ensemble des créances qu'il estime détenir contre elle au titre du partage post communautaire.
Par jugement en date du 7 septembre 2018, le juge de l'exécution du tribunal d'instance de Mulhouse a ordonné la radiation de l'hypothèque judiciaire provisoire et a autorisé Mme B. à lui substituer la consignation d'une somme de 200 000 euros en l'étude de Me L., notaire à Huningue, suite à la vente de l'immeuble [...] à M. F. et Mme H., conformément à l'attestation de l'officier ministériel en date du 20 mars 2018, s'engageant à conserver cette somme dans l'attente du partage de l'indivision, a condamné les parties à la moitié des frais et dépens et a rejeté les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour se déterminer ainsi, le juge s'est fondé sur l'arrêt de la cour d'appel de Colmar en date du 12 octobre 2015 qui avait autorisé M. S. à prendre une hypothèque judiciaire provisoire sur le bien immobilier de Mme B. à concurrence de la somme de 200 000 euros, montant retenu par la cour comme étant justifié en son principe et a retenu que Mme B. avait justifié de ses difficultés à vendre cet immeuble compte tenu de l'hypothèque grevant le bien. Estimant que le notaire chargé de la vente s'étant engagé à consigner la somme de 200 000 euros en son étude, il a considéré que les intérêts de M. S. étaient préservés par la consignation proposée.
Par déclaration en date du 16 octobre 2018, M S. a interjeté appel de cette décision et par dernières écritures notifiées en date du 14 janvier 2019, il demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, de rejeter la demande de Mme B., de maintenir cette inscription judiciaire provisoire, de débouter Mme B. de l'intégralité de ses demandes y compris son appel incident et de la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des entiers frais et dépens.
L'appelant fait valoir que le juge de l'exécution avait, par jugement du 31 mars 2017 rejeté une première demande de substitution de l'hypothèque provisoire par une consignation, car Mme B. ne justifiait pas d'un compromis de vente de l'immeuble en cours au moment de sa saisine. M. S. considère que le compromis de vente produit au soutien de cette nouvelle demande est à nouveau caduc et que le caractère hypothétique d'une vente interdit la mainlevée de l'hypothèque et donc toute consignation, d'autant que la somme de 200 000 euros proposée s'avère insuffisante à le désintéresser du montant global de sa créance qu'il estime supérieur à ce montant. Il soutient donc que la consignation aux lieu et place d'une hypothèque présente un risque inconsidéré pour la sauvegarde de ses droits, les seuls revenus tirés de la pension de retraite de Mme B. ne lui permettant pas de payer les montants qui lui resteront dus au titre du partage de la communauté.
Par dernières écritures en date du 11 mars 2019, Mme B. demande à la cour de déclarer M. S. recevable mais mal fondé en son appel, de l'en débouter, en conséquence, de confirmer la décision entreprise et subsidiairement, de l'autoriser à procéder à la substitution de la mesure d'hypothèque judiciaire conservatoire dénoncée le 13 novembre 2015 par la consignation de la somme de 200 000 euros auprès de la Carpa de Colmar, et en tout état de cause, de condamner M. S. à lui payer la somme de 2 000 euros pour procédure abusive, de condamner M. S. aux entiers frais et dépens ainsi qu'à la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'intimée fait valoir que le compromis de vente n'est pas caduc puisqu'il ne prévoit aucune date de réitération et qu'il est valable jusqu'à l'issue de la présente procédure, que la consignation en compte Carpa préserve les intérêts de M. S. qui ne demande pas l'augmentation du montant de la garantie proposée.
MOTIFS
En exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar en date du 12 octobre 2015, qui a considéré que M. S. justifiait d'une créance fondée en son principe à hauteur de 200 000 euros et de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement, M. S. a fait inscrire une hypothèque judiciaire provisoire sur le bien immobilier appartenant en propre à Mme B. à concurrence de cette somme.
Aux termes de l'article L 512-1 du code des procédures civiles d'exécution alinéa 2, à la demande du débiteur, le juge peut substituer à la mesure conservatoire initialement prise, toute autre mesure propre à sauvegarder les intérêts des parties.
En l'espèce, si la créance de M. S. a été jugée fondée en son principe à hauteur de 200 000 euros, elle n'a pas pour autant été définitivement fixée à ce montant, étant rappelé que M. S. revendique une créance de 316 878,29 euros dans le cadre de la procédure de partage post communautaire toujours en cours suite au procès-verbal de difficultés établi par le notaire chargé de cette procédure.
Mme B. prétend que la vente est empêchée par la sûreté grevant l'immeuble. Or , il y a lieu de rappeler qu'une inscription d'hypothèque n'empêche pas la vente d'un immeuble et nécessite seulement la mise en oeuvre d'une procédure de purge. Le fait que M. F. et Mme H. attestent de ce qu'ils ne souhaitent pas signer l'acte de vente du fait de l'inscription de l'hypothèque judiciaire est sans emport puisqu'ils indiquent vouloir signer l'acte au cours du mois d'avril 2019 au plus tard et que cette date est dépassée au jour où la cour statue, sans que Mme B. ne produise un acte qui prolongerait le délai éventuel du compromis de vente. Il ne peut donc qu'être constatée que la vente de l'immeuble est à ce jour hypothétique.
Enfin, il résulte de ce compromis de vente que Mme B. entend vendre son immeuble pour la somme de 290 000 euros et qu'il s'agit du seul patrimoine de l'intimée. Sa réalisation, alors que les ressources mensuelles de l'intimée sont faibles, puisqu'elle ne conteste pas percevoir une retraite de 1 800 euros mensuelle, font peser des menaces sur le recouvrement par M. S. de sa créance lorsque celle-ci sera définitivement fixée.
Il s'évince de l'ensemble de ces éléments qu'au jour où la cour statue, la demande de consignation doit être rejetée en son principe et que le montant proposé de 200 000 euros apparaît insuffisant à sauvegarder les intérêts de M. S. qui sont mieux protégés par l'inscription de l'hypothèque judiciaire provisoire qu'une consignation de ce montant, de sorte qu'il y a lieu de maintenir cette mesure conservatoire.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a ordonné la radiation de l'inscription de l'hypothèque judiciaire provisoire.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
L'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et si toute faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité du plaideur, encore faut il que soit caractérisée l'existence d'une faute ayant fait dégénérer en abus le droit d'agir en justice.
En l'espèce, aucune circonstance caractérisant une faute susceptible d'avoir fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice ne peut être reprochée à l'appelant dès lors que la cour a fait droit à sa demande.
Il en résulte que la demande de dommages intérêts pour procédure abusive doit être rejetée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Les dispositions du jugement déféré s'agissant des dépens et de l'article 700 du code de procédure seront confirmées.
Partie perdante à hauteur d'appel, Mme B. sera condamnée aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du même code.
En revanche, il sera fait droit la demande de M. S. au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 800 euros
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
INFIRME le jugement déféré mais seulement en ce qu'il a ordonné la radiation de l'hypothèque judiciaire provisoire inscrite par M. S. sur l'immeuble situé sur la commune de Muespach, section 9 N° [...], feuillet 830, et en ce qu'il a autorisé Mme Patricia B. à lui substituer la consignation d'une somme de 200 000 euros (deux cent mille euros),
Statuant à nouveau dans cette seule limite,
DEBOUTE Mme Patricia B. de sa demande de radiation de l'hypothèque judiciaire provisoire et de consignation,
MAINTIENT ou RETABLIT l'inscription de l'hypothèque judiciaire sur le bien immobilier situé sur la commune de Muespach, section 9 N° [...], feuillet 830 appartenant à Mme Patricia B. à concurrence de
200 000 euros (deux cent mille euros),
CONFIRME la décision déférée pour le surplus,
Y ajoutant,
DEBOUTE Mme Patricia B. de sa demande de dommages et intérêts,
CONDAMNE Mme Patricia B. à payer à M. S. la somme de 800 euros (huit cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE Mme Patricia B. aux frais et dépens.