CA Aix-en-Provence, 1re et 9e ch. réunies, 25 juin 2020, n° 18/06954
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Thomassin
Conseillers :
Mme Pochic, Mme Lefebvre
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement devenu irrévocable du 17 février 2015 du tribunal de grande instance de Nice, le syndicat des copropriétaires Palais Martine a notamment été condamné à :
' faire exécuter les travaux nécessaires pour mettre fin à des remontées d'eaux par capillarité dans l'appartement de Madame Paule G., ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant 50 jours, astreinte courant à compter du 1er septembre 2015,
' payer à Mme G. les sommes suivantes :
. 16 794,31 euros HT augmenté de la TVA applicable au titre des travaux de reprise, avec indexation sur l'indice BT 01,
. 8 100 euros au titre du préjudice de jouissance,
. 10 166 euros au titre des frais de déplacement et de stockage des meubles pendant les travaux de remise état,
. 1 275 euros au titre de son préjudice de jouissance pendant les travaux,
. 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
En vertu de cette décision signifiée au syndicat des copropriétaires le 31 mars 2015, Mme G. a fait pratiquer le 13 septembre 2017, une saisie attribution des comptes détenus par ce syndicat dans les livres de la SA BNP pour avoir paiement de la somme de 32 645,42 euros en principal, intérêts et frais, déduction faite de la somme de 20 580 euros versée.
Invoquant un accord intervenu entre les parties dans le cadre d'une assemblée générale des copropriétaires du 25 mars 2015 qu'il a respecté, aux termes duquel le syndicat des copropriétaires exécutait la décision judiciaire en ce qui concerne l'installation d'un appareil préconisé par l'expert devant assécher les murs (7 500 euros) et versait à Mme G. la somme de 22 500 euros pour solde de tout compte, le syndicat renonçant à faire appel du jugement et Mme G. à se prévaloir de cette décision pour le surplus des condamnations prononcées à son encontre, ce syndicat a saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nice d'une demande de mainlevée de la saisie attribution, sollicitant à titre subsidiaire la substitution à la saisie, d'une caution bancaire d'un montant maximum de 15 000 euros .
Par jugement du 16 avril 2018 le juge de l'exécution , retenant qu'aucun protocole d'accord n'avait été formalisé suite à l'assemblée générale du 25 mars 2015, a débouté le syndicat des copropriétaires de ses demandes, validé le procès-verbal de saisie attribution du 13 septembre 2017, débouté les parties de leurs demandes respectives de dommages et intérêts, enfin condamné le syndicat au paiement de la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de cette décision dans les quinze jours de sa notification par déclaration du 20 avril 2018.
Par écritures notifiées le 12 juin 2018 il demande à la cour au visa des articles L.121-1 et L.512-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution et 1134 du code civil, de :
- réformer le jugement entrepris,
- ordonner la mainlevée de la saisie attribution pratiquée entre les mains de l'établissement BNP par acte du 13 septembre 2017,
- à titre subsidiaire,
- substituer à la saisie une caution bancaire d'un montant maximum de 15 000 euros avec faculté de mise en oeuvre, dès l'intervention d'une décision définitive ayant statué sur le sort de la prétendue créance de Mme G.,
- à titre très subsidiaire,
- ordonner la mainlevée partielle de la saisie sur la somme de 15 000 euros,
- en tout état de cause,
- condamner Mme G. au paiement d'une somme de 10 000 euros pour saisie abusive,
- la condamner également au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses demandes l'appelant fait valoir essentiellement :
- que Mme G. ne peut faire procéder à l'exécution d'une décision devenue caduque en l'état d'une transaction approuvée par elle et qu'il a exécuté en procédant à l'installation du système permettant de traiter les remontées d'humidité et en lui réglant la somme de 20 580 euros encaissée,
- qu'elle a attendu plus de deux ans et demi avant de faire procéder à la saisie contestée,
- que les conditions de fond de l'accord résulte expressément du vote en faveur de la résolution approuvant la transaction, et que la prétendue absence de rédaction d'un protocole reprenant les termes de la résolution "valant transaction», votée par Mme G. n'a pas pour effet de supprimer ou de remettre en cause l'accord intervenu dès lors qu'à aucun moment les parties n'ont conditionné la rencontre des volontés à l'existence d'un "instrumentum",
- que Mme G. ne peut faire exécuter la totalité du jugement, sauf à être payée deux fois pour les mêmes causes,
- qu'elle ne peut obtenir le paiement de créances qui sont éteintes, la première par l'existence d'une dation en paiement résultant de l'exécution en nature des travaux acceptés par elle, la seconde pour les mêmes raisons mais également parce que les condamnations entreprises n'ont pas été assorties d'une majoration au titre des intérêts de retard, en sorte qu'il y a lieu d'ordonner la mainlevée partielle de la saisie sur la somme de 15 000 euros.
- qu'à titre subsidiaire il est fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L512-1 du code des procédures civiles d'exécution en sollicitant la substitution d'une caution bancaire d'un montant maximum de 15 000 euros.
Par écritures en réponse notifiées le 29 juin 2018 Mme G. conclut à la confirmation du jugement entrepris et au rejet des demandes de l'appelant dont elle sollicite la condamnation au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir en substance :
- qu'elle a fait procéder à la saisie attribution de la somme de 3 323,25 euros, après imputation du paiement intervenu, et non de 32 645,32 euros comme prétendu.
- que la résolution votée dans le cadre de l'assemblée générale du 25 mars 2015 énonçant les termes de la proposition faite par le syndicat des copropriétaires, acceptée par elle représentée par sa fille, précise que « la présente résolution valant transaction au sens des articles 2044 et 2152 du Code civil, sera formalisée dans le cadre d'un protocole d'accord préparé par les conseils des parties et signé par elles» mais qu'aucun protocole d'accord n'a, par la suite, été formalisé,
- qu'elle a reçu paiement de la somme de 20 580 euros mais que les travaux réalisés courant juin 2016 par le syndicat des copropriétaires se sont avérés inefficaces, son appartement étant de nouveau sujet à des dégradations dues à l'humidité ainsi que constaté par procès verbal d'huissier du 1er juillet 2016,
- que contrairement aux allégations du syndicat des copropriétaires, ses créances ne sont pas éteintes puisque l'exécution de travaux ordonnés par décision de justice, ne constitue pas une dation en paiement et qu'elle n'a pas perçu le montant de l'intégralité des condamnations prononcées à l'encontre du syndicat des copropriétaires,
- la demande subsidiaire en substitution d'une caution bancaire fondée sur l'article L.512-1 du code des procédures civiles d'exécution, n'est prévue que dans le cadre de mesures conservatoires.
L'instruction de l'affaire a été clôturée par mention au dossier à la date du 15 mai 2020.
Informées par courriel du recours à la procédure écrite sans audience, prévue par l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, les parties par lettres du 7 mai 2020 ont fait connaître qu'elles acceptaient que le dossier soit jugé dans de telles conditions.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'écrit n'est pas une condition de validité de la transaction dont l'existence en l'espèce, ressort sans ambiguïté de la résolution n°2 portant sur la question de l'appel par la copropriété du jugement de condamnation du 17 février 2015 qui a été soumise à l'assemblée générale extraordinaire des copropriétaires réunie le 25 mars 2015 aux termes de laquelle : « Après une longue négociation l'assemblée propose d'exécuter la décision du tribunal en ce qui concerne l'installation d'un appareil préconisé par l'expert devant assécher les murs (7500 euros) et de verser à Mme G. la somme de 22 500 euros pour solde de tout compte.
Mme M. représentant Mme Paule G. accepte cette proposition.
En conséquence le syndicat renonce à faire appel de la décision du tribunal de grande instance de Nice du 17 février 2015 et Mme veuve G. renonce à se prévaloir de cette décision pour le surplus des condamnations prononcées à l'encontre du syndicat.
La présente résolution valant transaction au sens des articles 2044 et 2052 du code civil , sera formalisée dans le cadre dans le cadre d'un protocole d'accord préparé par les conseils des parties et signé par elles. (...) ».
Ainsi l'absence de formalisation de ce protocole est sans incidence sur le caractère obligatoire de l'accord.
Partant,l'inexécution par une partie à la transaction suffit à délier l'autre partie de ses obligations.
En l'espèce le syndicat des copropriétaires n'est pas fondé à opposer l'exception de transaction dès lors que s'il n'est pas discuté qu'il a procédé au mois de juin 2016 au versement entre les mains de Mme G. de la somme de 20 580 euros, après déduction des provisions restant dues, il ressort du procès verbal de constat d'huissier de justice dressé le 1er juillet 2016 à requête de Mme G. que les travaux que le syndicat s'était engagé à réaliser par l'installation d'un appareil devant assécher les murs de l'appartement de l'intéressée et qui ont été effectués au mois d'avril 2016, n'ont pas remédié aux désordres.
Il ressort en effet des constatations du procès verbal d'huissier établi seulement deux mois après ces travaux, que les peintures murales du couloir et des deux chambres de cet appartement de trois pièces intégralement rénové au mois de février 2016, sont dégradées, cloquées, boursouflées, tachées d'auréoles et de moisissures, deux des murs du couloir étant humides au toucher.
L'absence d'exécution intégrale par le syndicat des copropriétaires des conditions de la transaction autorisait en conséquence Mme G. à poursuivre l'exécution forcée du jugement du 17 fevrier 2015 pour obtenir paiement du solde des condamnations.
S'agissant du montant de la créance poursuivie, contrairement à ce que soutient l'appelant il ressort du procès verbal de saisie attribution que la somme de 20 580 euros versée à Mme G. a bien été déduite du montant de la créance dont le solde s'élève à la somme de 32 645,42 euros.
Par ailleurs le moyen soulevé par le syndicat des copropriétaires tiré de l'existence d'une dation en paiement résultant de l'exécution en nature des travaux acceptés par Mme G., est inopérant, le syndicat ayant été condamné à y procéder.
Et c'est vainement que l'appelant fait valoir que le jugement fondant les poursuites n'a pas assorti les condamnations prononcées d'une majoration au titre des intérêts de retard, alors qu'en application de l'article 1231-7 du code civil, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement, ces intérêts au taux légal courant , sauf disposition contraire de la loi, à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement.
Enfin ainsi que le relève à juste titre l'intimée, la demande subsidiaire formée par l'appelant tendant à la substitution d'une caution bancaire d'un montant maximum de 15 000 euros avec faculté de mise en oeuvre dès l'intervention d'une décision définitive ayant statué sur le sort de la prétendue créance de Mme G., demande fondée sur les dispositions de l'article L.512-1 du code des procédures civiles d'exécution, a été à bon droit écartée, cette faculté de substitution étant prévue dans le cadre de mesures conservatoires et non à l'occasion d'une saisie attribution.
Il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble des contestations et demandes présentées par le syndicat des copropriétaires, infondé à prétendre au caractère abusif de la saisie.
Le sort des dépens et de l'indemnité de procédure a été exactement réglé par le premier juge.
A hauteur de cour, il convient d'accorder à l'intimée, contrainte d'exposer de nouveaux frais pour se défendre, une indemnité complémentaire sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans les conditions précisées au dispositif ci-après. Partie perdante, l'appelant ne peut prétendre au bénéfice de ces dispositions et supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,
Y Ajoutant,
Condamne le syndicat des copropriétaires Palais Martine à payer à Madame Paule M. veuve G. la somme de 2000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les autres demandes,
Condamne le syndicat des copropriétaires Palais Martine aux dépens d'appel.