CA Paris, Pôle 4 ch. 8, 2 juin 2016, n° 15/18550
PARIS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Hirigoyen
Conseillers :
Mme Lacquemant, Mme Guillaume
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme Ida Léontine M. et M. François T. ont divorcé le 12 août 2008 par jugement du tribunal du comté d'Orange en Floride aux Etats-Unis qui a, notamment, condamné M. François T. au paiement d'une pension alimentaire à Mme Ida Léontine M. pour elle-même et pour l'enfant du couple. Par arrêt du 26 juin 2014, la cour d'appel de Versailles a déclaré exécutoire sur le territoire français le jugement rendu par le tribunal du comté d'Orange en Floride aux Etats-Unis. Cet arrêt a été signifié à M. François T. le 23 octobre 2014.
Par acte d'huissier de justice du 2 septembre 2014, Mme Ida Léontine M. a fait procéder à une saisie conservatoire de l'un des comptes bancaires de M. François T. détenu par la
Bred, qui a été dénoncée à ce dernier le 4 septembre 2014, l'accusé de réception étant signé du 12 novembre 2014.
Par signification datée du 22 janvier 2015 adressée à la banque, Mme Ida Léontine M. a fait procéder à la conversion de la saisie conservatoire du 2 septembre 2014 en saisie-attribution.
L'acte de conversion a été signifié à M. François T. par acte extrajudiciaire daté du 10 février 2015, reçu le 9 avril 2015.
Par jugement du 14 septembre 2015, sur assignation délivrée le 22 juin 2015 par M. François T. à Mme Ida Léontine M., le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a :
- déclaré recevable la contestation de M. François T.,
- annulé l'acte de conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution en date du 22 janvier 2015,
- ordonné la mainlevée de la saisie sur le compte de M. François T. auprès de la Bred Banque Populaire,
- débouté M. François T. du surplus de ses demandes,
- condamné Mme Ida Léontine M. aux dépens,
- rappelé que les décisions du juge de l 'exécution bénéficient de l 'exécution provisoire de droit.
Par déclaration du 16 septembre 2015, Mme Ida Léontine M. a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions du 15 octobre 2015, elle demande à la cour, au visa des articles 643 et 700 du code de procédure civile et R. 523-9 du code des procédures civiles d'exécution, de :
- déclarer la demande M. François T. irrecevable pour cause de tardiveté,
- réformer, en conséquence, le jugement du 14 septembre 2015 rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris,
- condamner l'intimé à lui verser la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle critique le jugement du 14 septembre 2015 uniquement en ce qu'il a déclaré recevable la demande de M. T..
Dans ses dernières conclusions du 8 mars 2016, M. François T. demande à la cour, au visa des articles 643, 700 et 910 alinéa 1 du code de procédure civile, R.523-9, L.512-2 et L .21-2 du code des procédures civiles d'exécution, de :
- déclarer recevable mais mal fondé l'appel principal interjeté par Mme Ida Léontine M., - confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable sa contestation, annulé l'acte de conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution en date du 22 janvier 2015, ordonné la mainlevée de la saisie sur son compte auprès de la Bred Banque Populaire et condamné Mme Ida Léontine M. aux dépens,
- débouter Mme Ida Léontine M. de l'intégralité de ses demandes,
- déclarer recevable et fondé son appel incident,
- condamner Mme Ida Léontine M. à lui payer la somme de 10.000 euros au titre des dommages intérêts pour le préjudice qu'il a subi,
- subsidiairement,
- condamner Mme Ida Léontine M. à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article L 121-2 du code des procédures civiles d'exécution,
- en tout état de cause,
- condamner Mme Ida Léontine M. à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile et aux entiers dépens de la présente procédure.
SUR CE
Mme Ida Léontine M. fait valoir que M. François T. a saisi tardivement le juge de l'exécution du tribunal de grande instance Paris de sa contestation. Elle prétend, à l'inverse de M. François T. qui demande la confirmation du jugement rendu, que l'article 643 du code de procédure civile n'a pas vocation à s'appliquer à la présente affaire.
Selon l'article R.523-9 du code de procédures civiles d'exécution, le débiteur dispose, à peine d'irrecevabilité, d'un délai de quinze jours pour contester l'acte de conversion devant le juge de l'exécution du lieu où il demeure.
Il est constant que l'acte de conversion de saisie conservatoire de créances signifié entre les mains de la société Bred Banque Populaire à la demande de Mme Ida Léontine M., en vertu d'un arrêt contradictoire en dernier ressort rendu par la cour d'appel de Versailles du 26 juin 2014, a été signifié à M. François T. par acte du 10 février 2015 et que, par lettre recommandée avec accusé de réception, cet acte ne lui a été remis que le 9 avril 2015, date à compter de laquelle le délai de contestation a commencé à courir.
Il n'est pas davantage contesté que M. François T. a délivré une assignation en contestation de l'acte de conversion le 22 juin 2015 devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris, soit deux mois et treize jours après que le délai a commencé à courir, et que cette contestation a été dénoncée le même jour, par lettre recommandée avec accusé de réception à l'huissier qui a procédé à la saisie.
Il est tout aussi constant que M. François T. réside à Douala au Cameroun.
Or il résulte de l'article 643 du code de procédure civile que lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais de comparution, d'appel, d'opposition, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de deux mois pour les personnes qui demeurent à l'étranger, et qu'il résulte de l'article 645 de ce même code, que cette augmentation de délais s'applique dans tous les cas où il n'est pas expressément dérogé, de sorte qu'en l'absence de dérogation, la contestation de M. François T., intervenue 2 mois et 13 jours après qu'il a eu connaissance de l'acte, est recevable. Le jugement sera donc confirmé.
M. François T. forme une demande incidente en dommages et intérêts du fait de la saisie irrégulière, en réparation de son préjudice
Il demande principalement l'application de l'article L. 512 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution aux termes duquel "lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire".
Il fait valoir son préjudice et prétend, mais sans le prouver, pas plus qu'il ne démontre l'intention de nuire de son ex-épouse, qu'il n'a pu satisfaire ses engagements financiers à l'égard de ses partenaires d'affaires en France, n'ayant d'autres choix que de surseoir à certains projets en raison de l'indisponibilité de ses fonds, portant ainsi atteinte à sa crédibilité ainsi qu'à celle de son entreprise. Faute de preuve de son préjudice, il sera débouté de sa demande en dommages et intérêts.
Les autres dispositions du jugement qui ne sont pas critiquées doivent être confirmées.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme Ida Léontine M. à payer à M. T. la somme de 1.500 euros,
Rejette toute autre demande,
Condamne Mme Ida Léontine M. aux dépens d'appel.