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Décisions

CA Paris, 1re ch. A, 3 mai 2004, n° 2003/02903

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Albertini

Conseillers :

M. Le Dauphin, M. Penichon

Avoués :

SCP Bolling-Durand-Lallement, SCP Gibou-Pignot-Grappotte-Benetreau

Avocats :

Me Mairat, Me Chemssy, Me Baradez

TGI Evry, 1re ch. A, du 14 nov. 2002, n°…

14 novembre 2002

Suivant acte notaire reçu par Me Catanes, notaire à Orleans, La Banque La Henin, en qualité de chef de file, et la Banque nationale de Paris (la BNP) ont consenti à la SCI Rolan un prêt d’un montant de 1.600.000 francs destine à financer l’acquisition d’une propriété sise à Jouy le Potier.

Roland Lagarde et Annick Ligneau, son épouse, se sont portés cautions solidaires pour garantir le remboursement de ce prêt.

La SCI ayant cessé d’honorer ses engagements, la Banque la Henin a mis en oeuvre la clause de déchéance du terme et a chargé son avocat, la SCP Lemaignen-Wlodyka, d’engager une procédure de vente sur saisie immobilière dudit bien, devant la chambre des saisies immobilières du tribunal de grande instance d’Orléans.

La mise à prix ayant été fixée à la somme de 425.000 francs, l’immeuble a été adjugé aux époux Hinderer pour un prix de 1.055.000 francs le 16 janvier 1998.

Une surenchère du dixième faite le 26 janvier 1998 par Mme Monique Vaillant, a été dénoncée par acte du palais en date du 30 janvier 1998. Me Tardif, avocat du surenchérisseur, a fait au greffe mention de cette dénonciation le 4 février 1998. L’audience a été fixée au 3 avril 1998.

Sur ces entrefaites la SCI Rolan avait été aise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de grande instance d’Orléans en date du 27 janvier 1998.

La procédure de saisie immobilière a fait l’objet de plusieurs renvois.

Par lettre du 1er avril 1999, le mandataire liquidateur de la SCI a écrit à Me Wlodyka, qu’il lui laissait le soin de conclure pour le compte de sa cliente (la banque la Henin), qu’il pourrait indiquer au tribunal qu’il (le liquidateur) intervenait volontairement et qu’il pourrait le représenter et reprendre la procédure de saisie immobilière pour le compte de la liquidation judiciaire, à I’audience du 16 avril 1999.

Me Tardif ayant fait procéder à la publicité, l’immeuble a été adjugé le 2 juillet 1999 pour le prix de 1.810.000 francs, à la requête de la Banque La Henin, créancier poursuivant.

Telles sont les circonstances dans lesquelles les époux Lagarde, reprochant, tant à l’avocat de la banque qu’à celui du surenchérisseur, de n’avoir pas accompli les diligences requises pour faire remettre l’immeuble en vente aux enchères publiques dans un délai raisonnable et de leur avoir, en portant à plus de dix-sept de mois leur attente de cette vente, causé un préjudice consistant en un accroissement de leur dette envers le banquier des intérêts journaliers pendant 532 jours, ont assigné la SCP Lemaignen-Wlodyka et Me Tardif devant le tribunal de grande instance d’Evry, aux fins de les voir déclarer responsables et de les voir condamner à leur payer la somme de 285.524,40 francs avec intérêts au taux légal à compter du 26 février 1998, la somme de 200.000 francs en réparation de leur préjudice moral et celle de 20.000 francs, chacun, sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le tribunal, par jugement en date du 14 novembre 2002, a débouté les Hill de 1.500 euros sur le fondement de I’article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Les époux Lagarde ont fait appel de cette décision.

Vu les démises conclusions déposées au greffe le 23 mars 2004 aux termes desquelles les époux Lagarde prient la cour de reformer le jugement, de les dire recevables et fondés en leur action, de dire qu’en s’abstenant pendant plus de 17 mois et demi de remettre en vente sur surenchère I’immeuble de la SCI Rolan, Me Tardif et la SCP Lemaignen-Wlodyka ont commis une faute qui engage leur responsabilité civile professionnelle, de dire que le préjudice qui résulte de cette faute recouvre en premier lieu les intérêts contractuels de retard dus par la SCI Rolan à son créancier, pendant le délai de dix-sept mois et demi; de condamner en conséquence Me Tardif et la SCP Lemaignen-Wlodyka A leur payer la somme de 43.527,91 6 avec intérêts au taux légal à compter du 26 février 1998, h titre subsidiaire, à compter de la demande, de dire que la faute de Me Tardif et de la SCP Lemaignen-Wlodyka leur a, en second lieu, cause un préjudice moral du fait de 1’allongement de la procédure et du tracas cause par les poursuites immobilières portant sur des biens ou ils avaient leur domicile et, à titre de réparation, de condamner Me Tardif et la SCP Lemaignen-Wlodyka h leur payer la somme de 30.500 €, de débouter ces derniers de toutes les demandes et de les condamner à leur payer la somme de 5.000 € chacun sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions déposées au greffe le 23 décembre 2003 aux termes desquelles la SCP Lemaignen-Wlodyka prie la cour de confirmer le jugement, y ajoutant, de condamner les époux Lagarde à lui payer la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 3.000 € en vertu de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les conclusions déposées au greffe le 2 septembre 2003 aux termes desquelles Me Tardif prie la cour de débouter les époux Lagarde, de confirmer le jugement et, y ajoutant, de les condamner solidairement ou in solidum à lui payer la somme de 3.048,98 € & titre de dommages et intérêts ainsi que la somme de 1.525 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau code de procédure civile, outre celle allouée par les premiers juges ;

SUR CE,

Considérant que les appelants soutiennent que Me Tardif a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à leur égard en ne provoquant pas la vente de I‘immeuble et en “n’assurant pas l’efficacité de la surenchère” qu’il avait diligentée pour sa cliente; qu’ils soutiennent aussi qu’il appartenait à la SCP Lemaignen-Wlodyka, en sa qualité d’avocat du créancier poursuivant, d’entreprendre sur le fondement des dispositions de l’article 161 de la loi du 25 janvier 1985, même sans mandat du liquidateur judiciaire de la SCI Rolan, la poursuite de saisie immobilière entreprise avant le jugement de liquidation judiciaire, trois mois révolus après ce jugement;

Considérant qu’en droit, aux termes de l’article 161 alinéa 1er de la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction du 10 juin 1994, “Les créanciers titulaires d ’un privilège spécial, d’un nantissement ou d’une hypothèque et le Trésor public pour ses créances privilégiées peuvent, dès lors qu’ils ont déclaré les créances mêmes s’ils ne sont pas encore admis, exercer leur droit de poursuite individuelle si le liquidateur n’a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire ”;

Considérant que par l’effet de l’ouverture de la liquidation judiciaire de la SCI Rolan intervenue le 27 janvier 1998, le liquidateur avait pour mission générale de procéder aux opérations de liquidation des actifs et notamment celles des actifs immobiliers garantis par des privilèges et des suretés ;

Considérant que plus de trois mois s’étant écoulés depuis le jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire de la SCI Rolan, sans que le liquidateur n’accomplisse aucune démarche pour reprendre la procédure afin de parvenir à la liquidation des biens grevés, la Banque la Henin, créancier titulaire du privilège du vendeur et du prêteur de deniers qui avait déclaré sa créance le 16 février 1998, disposait de la faculté d’exercer son droit de poursuite individuelle qu’elle tenait du texte ci-dessus reproduit; qu’elle n’était cependant nullement obligée d’y pourvoir et qu’en toute hypothèse l’exercice de ce droit n’est enfermé dans aucun délai de déchéance; qu’il ne saurait dès lors être imputé à faute à son avocat, la SCP Lemaignen-Wlodyka, de n’avoir pas, alors que le liquidateur se montrait inactif, repris la poursuite de saisie immobilière du bien grevé, sitôt écoulé ledit délai de trois mois ;

Considérant, en ce qui concerne Me Tardif, que l’acte de surenchère ne confère pas au surenchérisseur la qualité de poursuivant et que Mme Vaillant, dont il n’est pas allégué qu’elle était l’un des créanciers mentionnés à l’article 161 de la loi du 25 janvier 1985, ne disposait d’aucun droit de poursuite individuelle afin de pallier l’inaction du liquidateur judiciaire ; qu’il ne saurait donc être utilement fait grief à l’avocat du surenchérisseur de s’être abstenu de reprendre la poursuite de saisie immobilière interrompue par l’effet du prononcé de la liquidation judiciaire de la société débitrice;

Considérant qu’au demeurant les époux Lagarde ne justifient d’aucun préjudice puisque l’immeuble initialement adjugé pour le prix de 1.055.000 francs a été finalement vendu pour celui de 1.810.000 francs et qu’ils se sont maintenus dans les lieux sans acquitter la moindre somme ;

Considérant que les époux Lagarde doivent être déboutés de leur appel ;

Considérant qu’il n’est cependant pas établi qu’ils ont agi et poursuivi leur action dans le dessein de nuire, de mauvaise foi ou avec malice ou encore avec légèreté blâmable ; que les demandes en paiement de dommages et intérêts des intimes doivent donc être rejetées ;

Considérant qu’il convient au demeurant de faire application à leur profit des dispositions de l’article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Déboute la SCP Lemaignen-WIodyka et Me François Tardif de leur demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne M. Roland Lagarde et Mme Annick Ligneau épouse Lagarde a payé à la SCP Lemaignen-WIodyka la somme de 1.500 €, par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

Condamne M. Roland Lagarde et Mme Annick Ligneau épouse Lagarde a payer & Me François Tardif la somme de 1.500 €, par application de l’article 700 du nouveau code de procédure civile,

Met les dépens d’appel b la charge de M. Roland Lagarde et de Mme Annick Ligneau épouse Lagarde et autorise la SCP Bolling Durand Lallement et la SCP Gibou Grappotte Benetreau, avoués, h les recouvrer dans les conditions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes.