Cass. 1re civ., 17 mai 2023, n° 21-23.773
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Guihal
Rapporteur :
Mme Kloda
Avocat :
SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Banque centrale populaire du Maroc du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. [K], [O], [I], [E], [C], [W], [M], [T], [P], [X], [UB], [BY], [ID] et [MW], et Mmes [F], [H] [Z], [GR] [D] et [XH].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 septembre 2021), en exécution de jugements qui ont condamné la Banque centrale populaire du Maroc (la banque) à leur verser diverses sommes, MM. [K], [O], [I], [E], [C], [W], [M], [T], [P], [X], [UB], [BY], [ID] et [MW], et Mmes [F], [H] [Z], [GR] [D] et [XH] (les créanciers) ont donné mandat à la société professionnelle d'huissiers de justice Venezia et Associés (la SCP) pour pratiquer une saisie-attribution sur les comptes ouverts par la banque dans les livres de la société Natixis.
3. La banque a assigné les créanciers en contestation des saisies et la SCP en responsabilité et indemnisation.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
4. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de dommages-intérêts, alors :
« 1°/ que l'huissier de justice est tenu de s'assurer de la validité des actes qu'il instrumente ; qu'en l'espèce, il résulte du dispositif du jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris du 24 septembre 2020, devenu irrévocable de ce chef à la suite du désistement partiel d'instance des créanciers poursuivants et de la société Banque centrale populaire du Maroc, que les dix-huit saisies-attribution pratiquées par la SCP Venezia et Associés étaient entachées de nullité pour avoir été effectuées avant que le jugement fondant ces mesures d'exécution ait revêtu force exécutoire ; qu'en retenant qu'en dépit de cette nullité, il n'était pas établi l'existence d'une faute de la SCP Venezia et Associés, quand il appartenait au contraire à l'huissier de justice ayant accompli un acte nul de démontrer qu'il n'était pas à l'origine de cette nullité, la cour d'appel a violé les articles 1240 du code civil et L. 122-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
2°/ qu'il incombe à l'huissier de justice, garant de la légalité des poursuites qu'il diligente, de vérifier que le titre en vertu duquel il pratique une saisie est exécutoire au jour de l'acte de saisie ; qu'à ce titre, il lui appartient de s'assurer de la régularité de la signification qu'il effectue à l'étranger du jugement fondant la mesure d'exécution avant de procéder à la signification de cette dernière au tiers saisi ; qu'en affirmant que la SCP Venezia et Associés, bien que chargée de la signification au Maroc des jugements portant condamnation de la société Banque centrale populaire du Maroc, puis de la signification des procès-verbaux de saisies au tiers détenteur des comptes de ce débiteur, n'était pas juge de la régularité de ces significations, la cour d'appel a violé les articles 1240 du code civil et L. 122-2 du code des procédures civiles d'exécution. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1240 du code civil et L. 122-2 du code des procédures civiles d'exécution :
5. Il résulte de ces textes qu'il incombe à l'huissier de justice, garant de la légalité des poursuites, de vérifier que le titre en vertu duquel il pratique la saisie-attribution aux risques du créancier mandant est exécutoire au jour de l'acte de saisie.
6. Pour rejeter la demande indemnitaire formée par la banque, l'arrêt retient que la SCP a procédé à la signification des jugements par actes du 6 mars 2020, soit antérieurement à la signification des saisies, et que l'huissier de justice n'est pas juge de la régularité de ces significations.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté, par motifs adoptés, que la notification des jugements n'avait touché la banque que le 9 juin 2020 et que celle-ci n'avait été destinataire des significations adressées par la SCP que le 27 juillet 2020, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de dommages-intérêts formée par la société Banque centrale populaire du Maroc contre la société professionnelle d'huissiers de justice Venezia et Associés, l'arrêt rendu le 2 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée.