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Décisions

Cass. com., 16 avril 1996, n° 93-20.886

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Lassalle

Avocat général :

M. Mourier

Avocats :

SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, SCP Piwnica et Molinié

Amiens, du 9 juill. 1993

9 juillet 1993

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société de développement régional de Picardie (la SDR) a consenti à la société les Moulistes associés, pour l'acquisition d'un matériel destiné à l'équipement de son fonds de commerce, un prêt garanti par un nantissement inscrit sur le registre public tenu au greffe du tribunal de commerce ; que la société les Moulistes associés ayant été mise en liquidation judiciaire le 10 janvier 1989, le juge-commissaire a, par ordonnance du 7 février 1989, autorisé la cession globale du fonds pour la somme de 750 000 francs, précisant que le prix s'appliquerait à concurrence de 710 000 francs, au matériel nanti ; que l'AGS-ASSEDIC a formé opposition à cette ordonnance ; que, de son côté, la SDR a, le 6 mars 1989, saisi le Tribunal d'une demande tendant à l'attribution du matériel nanti et au report du nantissement sur la fraction du prix de vente correspondant à ce matériel, l'AGS-ASSEDIC intervenant volontairement à l'instance ; que joignant les deux procédures, le tribunal a déclaré recevables l'opposition et l'intervention de l'AGS-ASSEDIC mais a confirmé l'ordonnance du juge-commissaire et dit que le liquidateur judiciaire devrait régler à la SDR la somme de 710 000 francs ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la SDR reproche aussi à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande tendant à l'attribution du gage et au report de son droit sur le prix de cession, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la renonciation à un droit ne se présume pas mais doit résulter d'actes manifestant de façon non équivoque de la part de leur auteur la volonté de renoncer ; que le fait pour la SDR d'avoir, dans sa lettre au liquidateur judiciaire du 16 février 1989, déclaré qu'elle ne ferait pas opposition à l'ordonnance ayant autorisé la cession dès lors que cette décision avait décidé le report de son droit sur le prix de vente, ne constituait pas un acte non équivoque valant renonciation de sa part à demander l'attribution judiciaire de son gage ; que n'impliquait pas davantage une telle volonté l'assignation délivrée le 6 mars 1989, puisque la SDR y demandait à titre principal l'attribution judiciaire du matériel nanti même si, à titre subsidiaire, elle avait accepté, conformément à l'ordonnance, que son droit fût reporté sur le prix de cession ; qu'en déclarant qu'il résultait de cet écrit comme de cet acte que la SDR avait renoncé à se faire attribuer judiciairement le matériel nanti avant sa réalisation, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134 du Code civil ; et alors, d'autre part, que le créancier est en droit de demander l'attribution judiciaire de son gage tant que la réalisation de celui-ci n'est pas encore intervenue et il ne peut en être privé sous prétexte qu'il n'aurait pas fait opposition à l'ordonnance du juge-commissaire ayant autorisé la cession, une telle décision ne pouvant être assimilée à cette vente ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 159, alinéa 3, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a relevé que par lettre du 16 février 1989, la SDR avait écrit au liquidateur dans les termes suivants : " l'opposition à l'ordonnance de vente des matériels risque de faire échouer cette vente... ; afin de ne pas vous faire risquer de manquer cette opération qui nous est également profitable en qualité de créancier nanti, nous acceptons de ne pas faire opposition à l'ordonnance en considérant que notre garantie est reportée de plein droit sur la fraction du prix correspondant aux matériels sur lesquels porte notre nantissement " ; qu'elle a relevé aussi que par l'assignation du 6 mars 1989, la SDR avait demandé au tribunal de commerce, à titre principal, l'attribution judiciaire du matériel nanti et " vu la cession autorisée le 7 février 1989 par le juge-commissaire, le report du nantissement sur la fraction du prix de vente correspondant au matériel nanti " ; qu'elle a pu en déduire que la SDR ne s'était pas opposée à la vente, renonçant par là même à se faire attribuer judiciairement le matériel nanti avant sa réalisation ;

Attendu, d'autre part, que dès lors que l'ordonnance autorisant le liquidateur à vendre le fonds de commerce avec le matériel nanti, notifié le 10 février 1989 à la SDR était passée en force de chose jugée le 18 février 1990, c'est à bon droit que la cour d'appel a décidé que celle-ci ne pouvait plus postérieurement, demander l'attribution judiciaire de ce matériel ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 173, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985 ;

Attendu que ne sont susceptibles ni d'opposition, ni de tierce opposition, ni d'appel, ni de recours en cassation, les jugements par lesquels le Tribunal statue sur le recours formé contre les ordonnances rendues par le juge-commissaire dans la limite de ses attributions, à l'exception de ceux statuant sur les revendications ;

Attendu que l'arrêt retient que le juge-commissaire n'a pas, dans son ordonnance du 7 février 1989, attribué judiciairement le matériel nanti à la SDR, ni fait application de l'article 159, alinéa 4, de la loi du 25 janvier 1985 mais qu'il a seulement affecté une quote-part du prix de cession à chacun des biens cédés pour la répartition du prix et l'exercice du droit de préférence, conformément aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 155 de cette loi ;

Que, en déclarant néanmoins recevable l'appel de l'AGS ASSEDIC contre le jugement rendu sur le recours formé contre ladite ordonnance, alors qu'il résultait de ses constatations que le juge-commissaire n'avait pas dépassé la limite de ses attributions, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de celle-ci ;

Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile, la cassation encourue n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré recevable l'appel de l'AGS-ASSEDIC contre le jugement rendu sur le recours formé contre l'ordonnance du juge-commissaire du 7 février 1989, l'arrêt rendu le 9 juillet 1993, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

DECLARE cet appel IRRECEVABLE.