Cass. com., 7 décembre 2004, n° 02-12.735
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Tricot
Sur le premier et le second moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 7 décembre 2001), statuant sur renvoi après cassation (Chambre commerciale, financière et économique, 19 mai 1999 pourvoi n° R 97-17.675), qu'aux termes de deux actes notariés du 13 juin 1989, reçus par des notaires différents, d'une part la Société civile immobilière Les Embruns (la SCI) a vendu à la Société civile immobilière Le Herel (la société) divers biens et droits immobiliers en l'état futur d'achèvement, d'autre part, la CRCAM de la Manche (la Caisse) a consenti à la société un prêt destiné au financement de l'acquisition, assorti d'une garantie hypothécaire de premier rang ; que la société ayant été mise en liquidation judiciaire, le liquidateur a déposé l'état de collocation après le paiement du prix de vente de l'immeuble ayant appartenu à cette société ; que la SCI, colloquée en deuxième rang, se prévalant de son privilège de vendeur inscrit les 2 août et 5 septembre 1989, a contesté l'état de collocation plaçant la Caisse, titulaire d'une simple inscription d'hypothèque conventionnelle prise les mêmes jours, au premier rang des créances colloquées ; que, par jugement du 20 juin 1996, le tribunal de grande instance, retenant l'existence d'une cession d'antériorité concédée par la SCI à la Caisse, a rejeté la contestation ; que la cour d'appel de renvoi, par l'arrêt déféré, a confirmé le jugement ;
Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son opposition à l'état de collocation, fixé à 426 095,48 francs la somme devant lui revenir sur le prix de vente de l'immeuble et rejeté sa demande de dommages-intérêts alors, selon le moyen :
1 / que, l'état de collocation doit être dressé au vu des inscriptions, des créances admises et de la liste des créances mentionnées à l'article L. 621-32 du Code de commerce ; que dès lors, faute d'avoir indiqué que l'antériorité revendiquée par la Caisse s'évinçait soit de l'état des inscriptions, soit de la liste des créances admises, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 142 du décret 85-1388 du 27 décembre 1985 ;
2 / qu'une fois écoulé le délai légal de déclaration des créances, les créanciers ne peuvent invoquer aucun autre privilège que ceux dont ils ont fait état et justifié dans leur déclaration ; qu'en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était invitée, si faute d'avoir mentionné lors de l'accomplissement des formalités déclaratives, la cession d'antériorité dont elle entendait se prévaloir, la Caisse ne s'était pas trouvée déchue de son droit de revendiquer un privilège lui conférant un rang supérieur à celui que lui donnait sa seule hypothèque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 621-44 du Code de commerce et 66 et 67 du décret du 27 décembre 1985 ;
3 / que la stipulation pour autrui peut être révoquée tant que le tiers bénéficiaire n'a pas déclaré vouloir en profiter ; que la Caisse n'ayant pas été partie à l'acte de vente du 13 juin 1989, la cession d'antériorité dont elle se prévalait ne pouvait résulter que d'une stipulation pour autrui ; que dès lors en ne recherchant pas, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si la société n'avait pas révoqué, à la date du 23 février 1994, ladite stipulation, et en ne précisant pas davantage la date à laquelle la Caisse aurait fait connaître son acceptation, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1121 du Code Civil ;
4 / que la clause insérée à l'acte de vente du 13 juin 1989 était ambiguë en ce qu'elle laissait incertain le point de savoir si la Caisse bénéficiait d'une cession d'antériorité ou d'une simple promesse de cession ("la société venderesse s'oblige à céder" et non pas "cède"), étant rappelé que la promesse de cession ne fait naître qu'une obligation de faire à la charge du promettant ; qu'en retenant néanmoins, pour se dispenser de toute recherche quant à la commune volonté des parties, que cette stipulation était parfaitement claire quant à l'existence d'une véritable cession d'antériorité, les juges du fond ont violé l'article 1134 du Code Civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé le caractère indissociable des conventions passées le 13 juin 1989 et appréciant le sens et la portée de la clause insérée dans l'acte de vente du même jour, l'arrêt retient, que celle-ci valait cession d'antériorité concédée par la SCI à la Caisse qui l'avait acceptée ; que la cour d'appel qui ne s'est pas fondée sur l'article 1121 du Code civil et qui n'avait pas à effectuer les constatations et recherches mentionnées aux première et deuxième branches a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.