Cass. com., 25 septembre 2019, n° 17-17.211
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mouillard
Avocats :
SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Richard
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 16 février 2017), que la société X... a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 7 mai 2002 et 4 avril 2003, la procédure étant ensuite étendue à la SCI Florido le 18 février 2005 puis à la SCI Thomas le 2 décembre 2005 ; que par une ordonnance du 13 juin 2007, le juge-commissaire a ordonné la vente aux enchères publiques de deux immeubles appartenant aux SCI ; que le jugement d'adjudication de ces biens, prononcé le 23 mai 2008, a été publié le 23 octobre suivant ; que l'état de collocation, déposé le 27 mai 2015 au greffe par M. A..., liquidateur des SCI, a été publié au BODACC le 12 juin 2015 ; qu'il a été contesté par la société Caisse de crédit mutuel agriculture de Chateaurenard (la Caisse) par déclaration au greffe du 12 juin 2015, signifiée le 8 juillet suivant, et par Mme X... par déclaration du 25 juin 2015, dénoncée le 1er juillet 2015 ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la contestation par la Caisse de l'état de collocation alors, selon le moyen, que la contestation de l'état de collocation est, à peine d'irrecevabilité, dénoncée, dans les dix jours de son dépôt au greffe, aux créanciers en cause et au liquidateur par acte d'huissier de justice ; qu'en jugeant que cette obligation de dénonciation ne concernait que les créanciers postérieurs et non les créanciers inscrits de meilleur rang sur la situation desquels la contestation n'aurait pas d'incidence, en sorte qu'il était indifférent que la Caisse n'ait pas dénoncé leur contestation à MM. Q... et J..., bénéficiant du super privilège des frais de justice prévu par l'article 2375 du code civil qui ne saurait être remis en question par sa contestation, la cour d'appel a violé l'article 148 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985, applicable aux faits de la cause ;
Mais attendu que la dénonciation de la contestation de l'état de collocation prévue par l'article 148 du décret du 27 décembre 1985 doit être faite, à peine d'irrecevabilité, outre au liquidateur, au créancier dont la créance est contestée et à ceux qui lui sont postérieurs ; que l'arrêt retient en conséquence exactement que le défaut de dénonciation par la Caisse de sa contestation de l'état de collocation aux créanciers inscrits de meilleur rang n'affecte pas la recevabilité de sa contestation, dès lors que cette dernière ne peut avoir d'incidence sur la situation de ces créanciers ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, cinquième et sixième branches :
Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt de dire que l'état de collocation sera rectifié au profit de la Caisse et de Mme X... pour les sommes en principal, intérêts et accessoires qu'il mentionne alors, selon le moyen :
1°/ que les contestations de l'état de collocation doivent être jugées sur les conclusions du ministère public, cette formalité étant d'ordre public ; qu'en accueillant la contestation de l'état de collocation formalisée par Mme X... et la Caisse quand il ne résulte d'aucune mention de l'arrêt que la cause ait été communiquée au ministère public, la cour d'appel a violé les articles 425 du code de procédure civile, 764 du code de procédure civile (ancien), ensemble l'article 148 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985, applicables en la cause ;
2°/ que l'hypothèque ne produit son effet légal que lorsque le titre de vente est publié et que le prix de vente est payé ou consigné ; que le versement du prix de vente par le liquidateur auprès de la Caisse des dépôts et consignations ne vaut pas paiement ou consignation du prix de vente ; qu'en jugeant que l'hypothèque avait produit son effet légal, quand le versement du prix de vente par M. A..., ès qualités, à la Caisse des dépôts et consignations ne valait pas consignation ni paiement du prix de vente, la cour d'appel a violé l'article 2154-1 devenu 2435 alinéa 3 du code civil ;
3°/ que le renouvellement est obligatoire, dans le cas où l'inscription a produit son effet légal, notamment en cas de réalisation du gage, jusqu'au paiement ou à la consignation du prix ; qu'en jugeant que Mme X... et la Caisse n'étaient pas tenues de renouveler leur inscription postérieurement à la publication du jugement d'adjudication, jusqu'à ce que le prix soit payé ou consigné, pour cela que leurs inscriptions produisaient effet respectivement jusqu'au 22 novembre 2017 et 5 septembre 2017, la cour d'appel a violé l'article 2154-1 devenu 2435 alinéa 3 du code civil ;
4°/ que les intérêts ayant couru postérieurement au jour où l'hypothèque a produit son effet légal sont conservés sans limitation de durée jusqu'au règlement définitif dans la seule mesure où un principal reste dû ; qu'en jugeant Mme X...-E... fondée à réclamer les intérêts postérieurs à la publication du jugement d'adjudication jusqu'au règlement définitif de sa créance, garantis au même rang que le principal, quand le paiement provisionnel effectué à son profit le 23 décembre 2014, d'un montant de 300 000 euros, avait couvert l'intégralité de sa créance en principal, d'un montant de 273 724,09 euros, en sorte que les intérêts n'étaient plus dus à compter de cette date, la cour d'appel a violé l'article 2151 devenu 2432 alinéa 1er du code civil ;
5°/ que les intérêts ayant couru postérieurement au jour où l'hypothèque a produit son effet légal sont conservés sans limitation de durée jusqu'au règlement définitif dans la seule mesure où un principal reste dû ; qu'en jugeant la Caisse fondée à réclamer les intérêts postérieurs à la publication du jugement d'adjudication jusqu'au règlement définitif de sa créance, garantis au même rang que le principal, quand le paiement provisionnel effectué à son profit le 8 février 2013, d'un montant de 344 652 € avait couvert l'intégralité de sa créance en principal, d'un montant de 344 652,84 €, en sorte que les intérêts n'étaient plus dus à compter de cette date, la cour d'appel a violé l'article 2151 devenu 2432 alinéa 1er du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que le liquidateur n'a pas contesté la validité de la saisine du juge de l'exécution pour trancher les contestations de l'état de collocation et s'est référé, dans ses conclusions, à la nouvelle procédure organisée à cette fin devant ce juge, en se prévalant des dispositions de l'article R. 626-37 du code de commerce, lequel renvoie à l'article R. 643-11 du même code prévoyant qu'il est statué sur ces contestations en appel, conformément à l'article R. 311-7 du code des procédures civiles d'exécution qui n'impose pas la communication de la procédure au ministère public, ni que la cour statue sur les conclusions de ce dernier ; qu'en conséquence, le moyen propose une argumentation incompatible avec la position adoptée devant les juges du fond par le liquidateur ;
Et attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt retient exactement que l'effet légal de l'hypothèque se produit, dans le cas d'une vente forcée, au jour de la publication du jugement d'adjudication puisqu'à compter de celle-ci, les créanciers inscrits n'ont plus d'action que sur le prix ; que la survenance de l'effet légal de l'hypothèque n'est pas subordonnée à la condition supplémentaire du paiement du prix d'adjudication ou de sa consignation ;
Attendu, en troisième lieu, que la production de l'effet légal de l'hypothèque, à la date de publication du jugement d'adjudication le 23 octobre 2008, n'entraînant pas, par elle-même, la péremption de l'inscription, l'arrêt retient à bon droit que la Caisse, qui bénéficiait d'une inscription à effet jusqu'au 5 septembre 2017, et Mme X..., dont l'inscription était valide jusqu'au 22 novembre 2017, n'avaient pas l'obligation de renouveler leurs inscriptions hypothécaires ;
Attendu, enfin, qu'après avoir relevé que la Caisse avait bénéficié d'un paiement provisionnel de 344 652 euros, le 8 février 2013, sur une créance s'élevant à cette date à 411 860,15 euros en principal et trois années d'intérêts et que Mme X... avait reçu un paiement provisionnel de 300 000 euros, le 23 octobre 2014, sur une créance s'élevant à cette date à 318 477,97 euros en principal et trois années d'intérêts, l'arrêt en déduit exactement que ces paiements partiels n'ont pas éteint les créances de la Caisse et de Mme X... qui sont dès lors fondées à réclamer les intérêts postérieurs, garantis au même rang que le principal ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Et sur le second moyen, pris en sa quatrième branche :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.