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Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 10, 8 septembre 2022, n° 21/20948

PARIS

Arrêt

Infirmation partielle

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Pruvost

Conseillers :

Mme Lefort, M. Trarieux

Avocats :

Me Regnier, Me Roux, Me Ingold, Me Masetty

JEX Paris, du 26 mai 2016

26 mai 2016

Par jugement du 12 mars 2015, la convention de divorce par consentement mutuel de M. [B] [N] et Mme [H] [P] épouse [N] a été homologuée. Cette convention prévoyait le versement d'une prestation compensatoire par M. [N] à Mme [P] comme suit :

200.000 euros à la date de la signature de la convention ;

300.000 euros au plus tard dans le mois du prononcé définitif du divorce ;

2 millions d'euros au plus tard dans les trois mois du prononcé définitif du divorce ;

2 millions d'euros au plus tard dans les six mois du prononcé définitif du divorce.

Le jugement de divorce est devenu définitif le 12 mars 2015.

Les trois premiers termes ont été payés, même si les parties ne s'accordent pas sur leur paiement à bonne date. M. [N] n'a payé le quatrième terme que le 25 avril 2017.

En exécution de ce jugement, Mme [P] a fait pratiquer :

des saisies-ventes des meubles au domicile parisien de M. [N] : les 5 janvier, 27 janvier et 14 avril 2016,

une saisie des droits d'associé et de valeurs mobilières sur les parts détenues par M. [N] (associé majoritaire à plus de 90%) dans la Sci Lepas Dubuisson : le 4 mars 2016

une saisie conservatoire de meubles dans la résidence secondaire de [Localité 4] : le 23 août 2016.

En ce qui concerne cette dernière saisie conservatoire, Mme [P] avait été autorisée, par ordonnance sur requête du 5 août 2016 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse, à procéder à l'enlèvement des meubles saisis à titre conservatoire et à leur transfert dans un garde-meuble.

M. [N] a été débouté de ses contestations :

des saisies-ventes des 5 et 27 janvier 2016 par jugement du juge de l'exécution de Paris du 26 mai 2016, dont il a fait appel, puis s'est désisté de son appel ;

de la saisie des droits d'associé et de valeurs mobilières du 4 mars 2016 par jugement du juge de l'exécution du 19 juillet 2016, dont il a fait appel, puis s'est désisté de son appel ;

de la saisie-vente du 14 avril 2016 par jugement du juge de l'exécution du 14 septembre 2016, dont il a fait appel, puis s'est désisté de son appel ;

de la saisie conservatoire mobilière du 23 août 2016 par jugement du juge de l'exécution du 4 janvier 2017 ; ce jugement n'a pas été frappé d'appel.

La Sci Lepas Dubuisson a été déboutée de ses contestations de la saisie-vente des meubles saisis au domicile parisien de M. [N] par jugement du 2 septembre 2016, dont elle a formé appel puis s'est désistée de son appel.

La saisie-vente des biens saisis au domicile parisien de M. [N] du 14 avril 2016 a donné lieu à une vente aux enchères le 28 mars 2017.

Par jugement du 28 mars 2017, devenu définitif, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse a rétracté l'ordonnance du 5 août 2016 autorisant Mme [P] à faire procéder à la saisie conservatoire des meubles, et a ordonné à Mme [P] de remettre à ses frais les meubles dans la propriété dans le mois de la signification du jugement. Il a autorisé M. [N], faute par Mme [P] de s'y conformer dans ce délai, à procéder à l'opération en avançant si besoin les frais de gardiennage, d'enlèvement et de transport ainsi que le coût de l'intervention de son huissier de justice, ces frais restant à la charge de Mme [P].

Par acte d'huissier du 16 août 2018, M. [N] a assigné Mme [P] devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris en réparation des dommages, paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive et mainlevée de l'ensemble des cinq saisies précitées.

Mme [P] ayant soulevé une exception d'incompétence territoriale au profit du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse, par jugement du 22 octobre 2018, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris  :

s'est déclaré incompétent au profit du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse concernant les demandes tendant à voir condamner Mme [P] à payer à M. [N], les sommes suivantes à titre de dommages-intérêts :

14.200 euros au titre de la restauration des œuvres d'art séquestrées et dégradées ;

10.000 euros au titre des frais de transport de ces œuvres à l'atelier de restauration ;

9.577,75 euros au titre des frais liés au séquestre ;

200 euros au titre de la valeur de 14 bouteilles de vin saisies et non restituées ;

10.000 euros pour résistance abusive à son obligation de restitution des biens meubles saisis à titre conservatoire à [Localité 4] et séquestrés le 23 août 2016 ;

rejeté les demandes de mainlevée des saisies-ventes des 5 janvier, 27 janvier et 14 avril 2016 et de la saisie des droits d'associé et de valeurs mobilières du 4 mars 2016 ;

déclaré irrecevable la demande de mainlevée de la saisie conservatoire du 23 août 2016 ;

condamné M. [N] aux dépens ;

condamné M. [N] à payer à Mme [P] la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le dossier a été transmis par le greffe au juge de l'exécution de Grasse, désigné comme territorialement compétent pour partie des demandes.

Selon déclaration du 5 novembre 2018, M. [N] a formé appel de ce jugement.

Par jugement du 12 février 2019, le juge de l'exécution de Grasse a radié l'affaire dans l'attente de l'issue de la procédure d'appel pendante devant la cour d'appel de Paris .

Par arrêt du 19 décembre 2019, cette cour, autrement composée, a :

confirmé le jugement du 22 octobre 2018 en toutes ses dispositions,

dit recevable la demande de M. [N] aux fins de restitution des meubles saisis le 14 avril 2016, mais l'en a débouté,

rejeté toute autre demande,

condamné M. [N] aux dépens d'appel et dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 7 février 2020, M. [N] a repris l'instance devant le juge de l'exécution de Grasse.

Le 12 février 2020, il a formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt rendu par la cour d'appel le 19 décembre 2019.

Par arrêt du 30 septembre 2021, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt de la cour de céans précité sauf en ce qu'il a déclaré recevable la demande de M. [N] en restitution des meubles saisis le 14 avril 2016 mais l'en a débouté.

Par jugement du 9 novembre 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Grasse a, notamment, condamné Mme [P] à payer à M. [N] la somme totale de 8688,32 euros, outre capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière, en indemnisation du préjudice résultant du séquestre, dont la mainlevée avait été ordonnée par jugement du 28 mars 2017, et ordonné la compensation de cette condamnation, à due concurrence, avec la somme de 41.500 euros dont Mme [P] est créancière à l'égard de M. [N] au titre des condamnations de ce dernier en application des articles 700 du code de procédure civile, 475-1 du code de procédure pénale ou encore à titre de dommages-intérêts en vertu des décisions du juge de l'exécution de Paris et de la cour d'appel de Paris des 26 mai 2016, 19 juillet 2016, 2 septembre 2016, 14 septembre 2016, 15 novembre 2016, 30 mars 2017, 4 janvier 2017, 22 octobre 2018, 16 mai 2019, du juge aux affaires familiales du 12 mars 2018 et du tribunal correctionnel du 9 novembre 2016.

Le 8 décembre 2021, M. [N] a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence. L'affaire est fixée pour plaider au 20 octobre 2022 .

Entre-temps et par déclaration du 29 novembre 2021, M. [N] a saisi la cour de céans, désignée cour de renvoi par l'arrêt de la Cour de cassation du 30 septembre 2021.

Par conclusions signifiées le 22 avril 2022 , M. [N] demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et en particulier en ce qu'il :

s'est déclaré incompétent au profit du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse pour statuer sur ses demandes tendant à la condamnation de Mme [P] à lui payer des dommages-intérêts,

a rejeté les demandes de mainlevée des saisies-ventes des 5 janvier, 27 janvier et 14 avril 2016 et de la saisie des droits d'associé et de valeurs mobilières du 4 mars 2016,

a déclaré irrecevable la demande de mainlevée de la saisie conservatoire du 23 août 2018,

l'a condamné à payer à Mme [P] la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

statuant à nouveau,

condamner Mme [P] à lui payer, au titre de l'enlèvement des biens meubles saisis conservatoirement à [Localité 4], séquestrés le 23 août 2016, la somme de 39.041,45 euros, outre intérêts légaux à compter de l'assignation du 16 août 2018 et capitalisation des intérêts à compter du 16 août 2019, se décomposant comme suit :

19.264 euros au titre de la dégradation des œuvres d'art,

200 euros au titre de 14 bouteilles de vin manquantes,

9.577,45 euros au titre des frais liés au séquestre abusif,

10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour privation des biens de valeur ;

condamner Mme [P] à lui payer le solde du prix de vente des biens meubles saisis le 14 avril 2016, de 39.617,70 euros, outre intérêts légaux à compter du 2 décembre 2019 et capitalisation des intérêts à compter du 2 décembre 2020,

ordonner la mainlevée de toutes les saisies pratiquées par Mme [P], à ses frais, à savoir :

saisie de meubles des 5 janvier, 27 janvier et 14 avril 2016,

saisie des droits d'associé et de valeurs mobilières du 4 mars 2016,

saisie conservatoire de meubles du 23 août 2016,

débouter Mme [P] de ses demandes,

condamner Mme [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la Scp Régnier Becquet Moisan, ainsi qu'à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 12 mai 2022 , Mme [P] demande à la cour de :

à titre principal,

déclarer M. [N] irrecevable en sa saisine de la cour de céans en qualité de cour de renvoi après cassation et en l'ensemble de ses prétentions,

en conséquence,

confirmer le jugement du juge de l'exécution de Paris du 22 octobre 2018 en ce qu'il :

s'est déclaré incompétent au profit du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse pour statuer sur les demandes tendant à sa condamnation à payer à M. [N] les dommages-intérêts suivants :

14.200 euros au titre de la restauration des œuvres d'art séquestrées et dégradées ;

10.000 euros au titre des frais de transport de ces œuvres à l'atelier de restauration ;

9.577,75 euros au titre des frais liés au séquestre abusif ;

200 euros au titre de 14 bouteilles de vin saisies et non restituées ;

10.000 euros pour résistance abusive à son obligation de restitution des biens meubles saisis à titre conservatoire à [Localité 4] et séquestrés le 23 août 2016 ;

a rejeté les demandes de mainlevée des saisies-ventes des 5 janvier, 27 janvier et 14 avril 2016 et de la saisie des droits d'associé et de valeurs mobilières du 4 mars 2016,

a déclaré irrecevable la demande de mainlevée de la saisie conservatoire du 23 août 2018,

a condamné M. [N] à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

à titre subsidiaire, pour le cas où la saisine et les demandes de M. [N] seraient déclarées recevables,

débouter M. [N] de l'ensemble de ses prétentions,

confirmer le jugement en ce qu'il a :

rejeté les demandes de mainlevée des saisies-ventes des 5 janvier, 27 janvier et 14 avril 2016 et de la saisie des droits d'associé et de valeurs mobilières du 4 mars 2016,

condamné M. [N] aux dépens,

condamné M. [N] à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en tout état de cause et y ajoutant,

juger que les sommes liées au transport, stockage et dépens, dues par elle en vertu du jugement du 28 mars 2017, représentent une somme totale de 6748,32 euros ;

ordonner que ces sommes se compenseront avec les créances qu'elle détient à l'encontre de M. [N], représentant une somme totale de 73.871,70 euros ;

en conséquence,

condamner M. [N], par compensation entre ces sommes, à lui payer la somme de 67.123,38 euros ;

condamner M. [N] à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

condamner M. [N] à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner M. [N] aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la saisine de la cour et des demandes de M. [N]

L'intimée soulève l'irrecevabilité de la saisine de la cour de renvoi et des demandes de M. [N] au motif que :

en reprenant l'instance devant le juge de l'exécution de Grasse et en le saisissant de ses demandes au fond, M. [N] a nécessairement acquiescé au jugement du 22 octobre 2018, confirmé par arrêt du 19 décembre 2019, qui avait déclaré le juge de l'exécution de Paris territorialement incompétent et avait renvoyé devant le juge de l'exécution de Grasse, de sorte qu'il n'est plus recevable, pour défaut d'intérêt à agir, à saisir la cour de céans en qualité de cour de renvoi ;

le fait que le pourvoi n'ait pas d'effet suspensif n'empêchait pas M. [N] d'en informer le juge de l'exécution de Grasse, ni de l'arrêt de cassation intervenu le 30 septembre 2021 alors que l'affaire était en délibéré ;

dans l'ignorance du pourvoi, le juge de l'exécution de Grasse a statué le 9 novembre 2021 sur les mêmes demandes que celles aujourd'hui soumises à cette cour, et M. [N] a formé appel devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, l'audience de plaidoirie étant fixée au 20 octobre prochain.

L'appelant réplique que :

son pourvoi n'ayant pas d'effet suspensif, il n'a fait que prendre en considération les décisions exécutoires rendues ; l'exercice d'une voie de recours à l'encontre de l'arrêt du 19 décembre 2019 est nécessairement incompatible avec un prétendu acquiescement implicite à cette décision ;

Mme [P] était informée de son pourvoi, qui lui a été notifié par le greffe, et de son mémoire par acte de signification du 22 juillet 2020 ;

il a conclu devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence à l'incompétence de celle-ci au profit de la cour d'appel de Paris , saisie en premier lieu et dûment désignée par la Cour de cassation.

Aux termes de l'article 409 alinéa 1er du code de procédure civile, l'acquiescement au jugement emporte soumission aux chefs de celui-ci et renonciation aux voies de recours sauf si, postérieurement, une autre partie forme régulièrement un recours.

L'article 410 alinéa 1er du même code dispose encore que l'acquiescement peut être exprès ou implicite.

Il est constant, en l'espèce, que M. [N] n'a formalisé aucun acquiescement exprès.

Il résulte du premier des deux textes précités que, en formant pourvoi en cassation, il a nécessairement exclu tout acquiescement implicite. En outre, la cour relève que, le 7 février 2020, M. [N] s'est borné à reprendre une instance qui avait été radiée par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse. Cet acte de reprise d'instance tend d'autant moins à un acquiescement implicite qu'il ne s'agit pas d'une saisine initiale de ce juge.

La cour ne peut donc constater aucun acquiescement de la part de M. [N], qui serait de nature à rendre sa saisine irrecevable.

Sur le moyen tiré de l'application du principe de l'estoppel, selon lequel une partie ne peut se contredire au détriment d'autrui, l'appelant justifie de ce que, devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, devant laquelle l'affaire vient pour plaidoirie le 20 octobre 2022 , il conclut à l'incompétence de celle-ci au profit de la cour d'appel de Paris , désignée cour de renvoi par la Cour de cassation dans son arrêt du 30 septembre 2021. Par conséquent, sa position ne contredit pas celle qu'il adopte aujourd'hui devant la cour de céans. Le moyen doit donc être écarté.

Sur la compétence territoriale du juge de l'exécution pour connaître des demandes d'indemnisation de M. [N] et de l'exception de compensation

L'appelant fait valoir que :

l'article R. 512-3 du code des procédures civiles d'exécution n'est pas applicable à l'espèce, puisqu'il ne s'agit pas d'une contestation de mesure conservatoire, la validité de la saisie conservatoire du 23 août 2016 ayant été définitivement tranchée par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 mai 2017 (page 6 de ses conclusions du 22 avril 2022 ) [en réalité par un jugement du 4 janvier 2017] et celle du séquestre de ces meubles, à titre conservatoire, par le jugement définitif du 28 mars 2017 du juge de l'exécution de Grasse, lequel ne n'est pas réservé sa compétence ;

la Cour de cassation, dont l'arrêt du 30 septembre 2021 a autorité de la chose jugée, a dit qu'en sa qualité de juridiction du lieu où demeurait le débiteur, la cour d'appel de Paris était compétente pour statuer sur la créance indemnitaire et l'exception de compensation.

L'intimée convient de ce que, si la cour de céans ne déclarait pas sa saisine irrecevable, elle devrait se déclarer territorialement compétente, conformément à l'arrêt de la Cour de cassation, pour connaître des demandes indemnitaires de M. [N] et de l'exception de compensation soulevée.

Selon les dispositions de l'article R. 512-2 du code des procédures civiles d'exécution, la demande de mainlevée est portée devant le juge qui a autorisé la mesure. Si celle-ci a été prise sans autorisation préalable du juge, la demande est portée devant le juge de l'exécution du lieu où demeure le débiteur.

Il résulte des articles L. 213-6 du code de l'organisation judiciaire et R. 512-2 du code des procédures civiles d'exécution que le juge de l'exécution du lieu où demeure le débiteur est compétent pour se prononcer sur une exception de compensation fondée sur une exécution dommageable d'une mesure conservatoire et présentée à l'appui d'une demande de mainlevée d'une saisie conservatoire prise sans autorisation préalable. Or en l'espèce, l'autorisation préalable délivrée par le juge de l'exécution par ordonnance du 5 août 2016 a été rétractée par jugement définitif du 28 mars 2017.

A l'appui de sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire, l'appelant invoque une exception de compensation entre les sommes restant dues et les sommes indemnitaires réclamées au titre des dégradations qu'aurait subies les meubles dans le cadre du séquestre ordonné avant la saisie du 23 août 2016. La cour d'appel de Paris est donc territorialement compétente pour statuer sur la demande indemnitaire et l'exception de compensation présentée à l'appui de la demande de mainlevée de la saisie conservatoire du 23 août 2016, formées par M. [N], qui demeure à [Localité 5].

Il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris de ce chef.

Sur les demandes de mainlevée de la saisie conservatoire du 23 août 2016, des saisies-ventes des 5 et 27 janvier et 14 avril 2016 et de la saisie des droits d'associé du 4 mars 2016

Pour rejeter les demandes de mainlevée des saisies-ventes des 5 janvier, 27 janvier et 14 avril 2016 et de la saisie des droits d'associé et valeurs mobilières du 4 mars 2016, le premier juge a retenu que l'ensemble des recours formés contre ces mesures ayant été rejeté, la critique était désormais inopérante puisque, un temps suspendues, les procédures avaient été valablement poursuivies jusqu'à ce que M. [N] s'acquitte du principal et des intérêts.

Et pour déclarer irrecevable la demande de mainlevée de la saisie conservatoire du 23 août 2016, le premier juge a dit que M. [N] ne produisait aucun élément nouveau postérieur au jugement du 4 janvier 2017 ayant rejeté la demande de nullité et de mainlevée de cette saisie, de nature à rendre la nouvelle demande de mainlevée recevable au regard du principe de l'autorité de la chose jugée.

En ce qui concerne cette demande, la Cour de cassation a jugé que la cour d'appel avait dénaturé les conclusions de M. [N], en retenant, par motifs propres et adoptés que, d'une part M. [N] ne produisait aucun élément nouveau, postérieur au jugement du 4 janvier 2017 ayant rejeté la demande de nullité et de mainlevée de la saisie conservatoire, de nature à rendre la demande de mainlevée recevable au regard du principe de l'autorité de la chose jugée, d'autre part si cette demande figurait au dispositif des conclusions de l'appelant, il ne développait aucun moyen à l'appui de cette prétention, alors que dans ses conclusions devant la cour d'appel, M. [N] avait soutenu d'une part, avoir intégralement réglé les causes de la saisie le 25 avril 2017, d'autre part, que Mme [P] était irrecevable et mal fondée, pour s'opposer à la mainlevée des saisies, à solliciter l'exécution d'autres décisions de justice que celle visée aux actes de saisie.

Faisant application de l'article 624 du code de procédure civile, la Cour de cassation a jugé que la cassation prononcée sur le moyen relevé d'office entraînait, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif qui rejette les demandes de mainlevée des saisies-ventes des 5 et 27 janvier 2016 et 14 avril 2016 et de la saisie des droits d'associé et de valeurs mobilières du 4 mars 2016.

Aujourd'hui, l'appelant réitère devant la cour de renvoi que la mainlevée des cinq saisies, effectuées par Mme [P] sur le fondement exclusif du jugement de divorce, doit être ordonnée aux frais de celle-ci dès lors qu'il justifie avoir réglé toutes les sommes dues en principal et intérêts le 25 avril 2017.

L'intimée conteste ces demandes de mainlevée au motif que seule la saisie-vente a été fructueuse, que le produit en reste séquestré sur le compte CARPA de son conseil et qu'elle reste largement créancière de M. [N], enfin qu'elle a maintes fois réclamé que soient faits les comptes définitifs entre eux, en vain.

Selon les dispositions de l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

L'ensemble des demandes de mainlevée des quatre procédures de saisie-vente et saisie des droits d'associé et de valeurs mobilières, élevées par M. [N] contre Mme [P], ont été rejetées par des décisions aujourd'hui définitives (jugements des 26 mai 2016, 19 juillet 2016, 14 septembre 2016), parce qu'il en avait fait appel puis s'est désisté successivement de ses appels. Nonobstant le fait que seule la saisie-vente du 14 avril 2016 a été fructueuse et a donné lieu à une vente aux enchères le 28 mars 2017, ces saisies ont achevé de produire leurs effets. Le paiement, au demeurant non contesté, du solde de la prestation compensatoire le 25 avril 2017, sur lequel elles étaient fondées, est postérieur aux saisies dont il demande la mainlevée. Ce paiement ne saurait donc remettre en cause les décisions rendues rejetant ses demandes de mainlevée des saisies-ventes et de la saisie des droits d'associé.

Quant aux frais de ces saisies, dès lors que le paiement du dernier terme de la prestation compensatoire a été payé par M. [N] avec 19 mois de retard et après les dates auxquelles ces mesures ont été pratiquées, ils doivent rester à sa charge en application de l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, selon lequel, sauf exception, les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de mainlevée des saisies-ventes des 5 janvier, 27 janvier et 14 avril 2016 et de la saisie des droits d'associé et valeurs mobilières du 4 mars 2016.

En revanche s'agissant de la saisie conservatoire du 23 août 2016, dont les effets perdurent dans le temps à l'inverse des saisies précédentes, le paiement du solde de la prestation compensatoire et des intérêts le 25 avril 2017 constitue une circonstance nouvelle privant Mme [P] de la créance paraissant fondée en son principe sur laquelle était fondée cette mesure. La nouvelle demande de mainlevée de cette saisie conservatoire ne se heurte donc pas à l'autorité de la chose jugée du jugement du 4 janvier 2017, nonobstant le caractère définitif de ce jugement.

Or il résulte de l'article L. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution que, même lorsqu'une autorisation préalable n'est pas requise, le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparaît que les conditions prescrites à l'article L. 511-1, soit l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe et d'un péril sur le recouvrement de la créance, ne sont plus réunies.

La créance dont se prévalait Mme [P] pour pratiquer la saisie conservatoire ayant aujourd'hui disparu, il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de mainlevée de la saisie conservatoire du 23 août 2016 et, statuant à nouveau, d'ordonner la mainlevée de cette saisie.

Sur les demandes indemnitaires de M. [N]

L'appelant fonde sa demande indemnitaire sur les articles L. 111-10 alinéa 2 et L. 512-2 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution, en raison :

de la privation pendant un an des œuvres d'art qui ornaient sa résidence secondaire à [Localité 4] et de toute sa cave à vin  ;

de la dégradation des œuvres d'art, récupérées le 9 août 2017, soit un an après leur enlèvement le 23 août 2016, constatée et chiffrée par Mme [Z], expert en art, qui a dressé constat devant l'huissier (14.200 euros au titre de la restauration ; 5064 euros au titre des frais de transport) ;

de la perte de 14 bouteilles de vin, telle que constatée par l'huissier de justice dans son constat du 9 août 2017 par rapport au procès-verbal initial ;

des frais liés à l'enlèvement jugé irrégulier des biens.

L'intimée soutient pour sa part que l'appelant ne caractérise ni le préjudice qui serait résulté de son refus de lui restituer les biens saisis pendant 3 mois et 6 jours, ni le lien de causalité entre les deux ; que l'appelant ne produit aucune pièce probante de la dégradation prétendue des œuvres saisies, le constat non contradictoire réalisé à la demande de l'appelant par Mme [Z], qui est son amie et n'a pas la qualité d'officier ministériel, n'ayant aucune valeur ; que le procès-verbal de saisie du 23 août 2016 n'établit pas la preuve du parfait état des œuvres saisies, mais seulement de leur liste ; que les attestations produites à cet effet, dont l'une de Mme [Z], sont de pure complaisance et n'établissent pas la preuve du lien entre les dégradations constatées et le séquestre des biens ; que les coûts de restauration et de transport ne sont justifiés par aucune estimation fiable ; que les constatations faites par un sommelier et non par un huissier de justice n'établissent pas le fait que 14 bouteilles de vin seraient manquantes. Enfin elle ne conteste pas être redevable des seuls frais liés à la mesure de séquestre que sont la facture de stockage des Transports Mouginois et les frais d'huissier de restitution des biens selon factures du 28 août 2017 pour un montant total de 6502,81 euros.

Selon les dispositions de l'article L. 213-6 alinéa 4 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît des demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures d'exécution forcée ou des mesures conservatoires.

Aux termes de l'article L. 512-2 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution, lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire.

La condamnation du créancier sur le fondement de ce texte ne nécessite pas la constatation d'une faute, mais uniquement celle d'un préjudice en lien avec l'exécution de la mesure conservatoire.

Sur la privation des œuvres d'art et bouteilles de vin, objet du séquestre du 23 août 2016

Il résulte des procès-verbaux de constat produits que des œuvres d'art et bouteilles de vin, dont il n'est pas contesté qu'elles appartenaient à M. [N], ont été enlevées à [Localité 4], le 23 août 2016 et ont été restituées le 9 août 2017 en exécution du jugement du 28 mars 2017, soit près d'un an après.

Il ressort de l'examen de ces procès-verbaux que parmi 104 œuvres d'art enlevées (tableaux, lithographies, vétable, sculptures), 81 étaient situées dans une réserve à tableaux. Par conséquent seules 23 œuvres d'art ornaient véritablement la résidence secondaire occupée par M. [N] pour partie de l'année, sa résidence principale étant située à [Localité 5].

La cour prenant en considération le caractère limité de la privation de jouissance en résultant, celle-ci sera justement réparée par une indemnité de 1500 euros.

Sur la dégradation des œuvres d'art

A l'effet de prouver que la conservation des meubles dans de mauvaises conditions dans un garde-meuble pendant près d'un an aurait entraîné diverses dégradations justifiant une restauration, M. [N] se prévaut du procès-verbal de constat d'huissier dressé le 9 août 2017, auquel est annexé un « constat d'état et devis de remise en état » rédigé par Mme [V] [Z], conservatrice restauratrice peinture.

Cependant, quelles que soient les compétences de Mme [Z], dont la cour souligne qu'elle ne présente toutefois pas les garanties d'indépendance et d'impartialité d'un expert désigné judiciairement, le lien de causalité entre les dégradations qu'elle a relevées et la mesure de séquestre n'est pas suffisamment établi, dès lors que la qualité et la définition insuffisantes des photographies du procès-verbal de constat d'huissier du 23 août 2016 ne permettent pas de prouver l'état initial de conservation des biens saisis, mais seulement d'établir l'inventaire des œuvres enlevées et de préciser dans quelles pièces elles se trouvaient alors.

Les attestations produites par l'appelant sont inopérantes à rapporter la preuve de l'état initial des œuvres d'art, la première parce qu'elle émane de Mme [V] [Z] et est rédigée en termes très généraux, selon lesquels M. [N] suivrait ses conseils en matière de conservation des peintures, l'autre émanant de M. [I] [G], chef sommelier, parce qu'elle se rapporte exclusivement aux bouteilles de vin.

Par conséquent, la demande d'indemnisation de la dégradation des œuvres d'art du fait de la mesure de séquestre sera rejetée.

Sur la perte de 14 bouteilles de vin

En revanche, la comparaison des procès-verbaux de constat d'huissier des 23 août 2016 et 9 août 2017 permet de retenir que 14 bouteilles de vin étaient effectivement manquantes lors de la restitution et que, contrairement à ce que soutient l'intimée, l'huissier de justice l'a personnellement constaté en page 3 de son procès-verbal du 9 août 2017 comme suit :

« Sont manquantes :

9 bouteilles Luis Canas 2000

3 bouteilles de Château Pouillet Quancart 1982

1 bouteille Château Pontet Canel 1975

1 bouteille Fontaine de Bayrat 1995 ».

L'estimation faite par l'appelant de la valeur de ces quatorze bouteilles n'est pas véritablement contredite par l'intimée, qui s'attache seulement à contester le caractère probant de l'inventaire en ce qu'il aurait été effectué par M. [I] [G], sommelier, alors qu'il a bien été dressé en présence de l'huissier de justice et que, s'agissant d'un simple comptage par comparaison avec l'inventaire fait le 23 août 2016, la matérialité de la disparition de ces bouteilles n'est pas discutable.

Compte tenu de ces éléments, la cour est en mesure de fixer à 200 euros l'indemnité réparatrice de ce poste de préjudice.

Sur les frais liés à l'enlèvement

Le jugement du 28 mars 2017 a autorisé M. [N], à défaut pour Mme [P] de se conformer à l'injonction de remise des meubles dans le mois de sa signification, « en avançant si besoin tant les frais de gardiennage des biens meubles que ceux d'enlèvement et de transport ainsi que le coût de l'intervention de son huissier de justice », ces frais restant en définitive à la charge de Mme [P].

Il importe peu que Mme [P] ne conteste pas être redevable des postes mis en compte par M. [N] au titre du stockage des meubles et des frais de restitution des biens (à hauteur de 6502,81 euros). En effet, M. [N] dispose à cet égard d'un titre exécutoire, définitif pour n'avoir pas été frappé d'appel, qui est le jugement du 28 mars 2017. Par conséquent la cour d'appel, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution, ne peut lui accorder des dommages-intérêts au titre de ces frais sauf à lui délivrer un second titre exécutoire du même chef.

***

Par conséquent, il y a lieu de faire droit à la demande d'indemnisation de l'appelant dans la limite de la somme totale de 1500 + 200 = 1700 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du jour du présent arrêt en application des dispositions de l'article 1231-7 du code civil, et capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Sur l'exception de compensation

Selon les dispositions de l'article 1347-1 alinéa 1er du code civil, la compensation n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles.

Mme [P] entend voir compenser, en application de ce texte, les indemnités qui seront éventuellement retenues à sa charge par la cour avec :

la somme totale de 42.000 euros à laquelle l'appelant a été condamné à lui payer en application des articles 700 du code de procédure civile et 475-1 du code de procédure pénale à l'occasion de douze procédures civiles ou pénales qu'il a engagées contre elle entre 2016 et 2021 ;

les frais de saisie-vente pour 16.090,70 euros, parce qu'ils sont in fine à la charge du débiteur, peu important que certains de ces frais aient été prélevés par le commissaire-priseur ;

la taxe d'habitation 2016, soit 8281 euros, qui lui aurait été réclamée à tort, le divorce datant de 2015.

Solde : 67.123,38 euros, que resterait lui devoir M. [N], et dont elle réclame paiement.

M. [N] pour sa part, reconnaît devoir à Mme [P], au titre des frais irrépétibles, une somme de 39.000 euros, déduction faite des condamnations prononcées les 2 septembre 2016 et 30 mars 2017 à l'encontre de la Sci Lepas Dubuisson et non contre lui, et des indemnités de procédure auxquelles il a été condamné par des décisions non définitives. Mais il entend voir compenser cette somme avec le solde du prix de vente (après déduction des frais de vente) des meubles saisis le 14 avril 2016, soit 78.617,70 euros, que Mme [P] retiendrait indûment depuis le 17 mai 2017 ; de sorte qu'il demande à la voir condamner à lui payer la différence, soit 39.617,70 euros. Il conteste la réclamation au titre de la taxe d'habitation de Mme [P], qui ne détient pas de titre exécutoire, ainsi que les frais de saisie, liés à la vente des meubles saisis le 14 avril 2016, en ce qu'ils ont déjà été payés puisque prélevés sur le prix de vente par le commissaire-priseur.

Les condamnations de M. [N] (pièces n°5,6,9,10,11,13,16,17,25 de Mme [P]), que ce soit sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de l'article 475-1 ou à titre de dommages-intérêts, excèdent très largement l'indemnité ci-dessus accordée de 1700 euros, sans qu'il y ait lieu de prendre en considération les condamnations prononcées à l'encontre de la Sci Lepas Dubuisson des 2 septembre 2016 et 30 mars 2017 qui, en effet, ne sont pas à la charge de M. [N], ni les indemnités de procédure allouées par les décisions non définitives (jugement du juge de l'exécution du 22 octobre 2018 objet du présent appel ; arrêt du 27 mai 2021 objet d'un pourvoi en cassation en cours), de sorte que l'exception de compensation soulevée par Mme [P] pour faire obstacle au paiement des dommages-intérêts mis à sa charge par le présent arrêt, peut valablement être admise.

Cependant, dès lors que Mme [P] dispose de titres exécutoires définitifs contre M. [N] à ce titre, que sont les jugements du juge de l'exécution de Paris en date des 26 mai 2016, 19 juillet 2016, 14 septembre 2016, 4 janvier 2017, de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de Paris du 15 novembre 2016, des jugements du juge aux affaires familiales du 12 mars 2018, de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 16 mai 2019 et du jugement du tribunal correctionnel du 9 novembre 2016, la cour, statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution, ne peut lui délivrer de nouveaux titres exécutoires du chef des indemnités de procédure allouées par ces décisions.

De même, il a été statué supra sur les frais de la saisie-vente du 14 avril 2016, dont la cour a confirmé qu'ils sont à la charge du débiteur.

Enfin, la demande de compensation avec une taxe d'habitation pour l'année 2016, que Mme [P] soutient avoir payée au Trésor public indûment, doit être rejetée dès lors que l'intimée ne justifie pas d'une créance certaine et exigible à cet égard à l'encontre de son ex-époux.

Pour sa part, l'appelant est mal fondé à réclamer compensation des indemnités de procédure mises à sa charge par les différents titres exécutoires devenus définitifs avec le produit de la saisie-vente du 14 avril 2016, alors que le produit d'une vente par adjudication, dont la contestation a été définitivement rejetée, revient au créancier, en l'occurrence à Mme [P].

En somme, à l'occasion de la présente procédure, les parties demandent à la cour de faire les compte entre elles, résultant des multiples procédures les ayant opposées ou continuant à les opposer, alors qu'elles disposent de titres exécutoires pour ce faire et qu'il n'appartient pas à la cour d'y procéder dès lors que les saisies pratiquées ont épuisé leurs effets et que la cour rejette les demandes de mainlevée de ces mesures, à l'exception de la mesure de saisie conservatoire.

Sur la demande en dommages-intérêts pour procédure abusive

Mme [P] fonde sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive sur les dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile, se prévalant d'un préjudice matériel et d'un préjudice moral résultant de 25 procédures post divorce par consentement mutuel, dont trois pourvois en cassation et deux plaintes pénales, intentées par son ex-époux à son encontre.

Cependant dès lors que M. [N] prospère, si peu que ce soit, en sa demande d'indemnisation des conséquences de la mesure de séquestre levée et en mainlevée de la saisie conservatoire du 23 août 2016, la procédure ne peut être qualifiée d'abusive et la demande en dommages-intérêts doit être rejetée.

Sur les demandes accessoires

Malgré l'infirmation partielle du jugement entrepris, pour des raisons tirées de l'équité, il y a lieu de le confirmer sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Pour les mêmes motifs, M. [N] sera condamné à payer à l'intimée une indemnité de 3000 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en compensation des frais irrépétibles d'appel.

En revanche, l'issue du litige justifie le partage des dépens par moitié tant à hauteur de première instance que d'appel.

PAR CES MOTIFS

Vu l'arrêt n°909 F-D rendu le 30 septembre 2021 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation,

Déclare recevable la saisine de la cour en qualité de cour de renvoi après cassation,

Infirme le jugement entrepris en ce que le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris s'est déclaré territorialement incompétent au profit du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse concernant les demandes tendant à voir condamner Mme [P] à payer à M. [N] les sommes suivantes à titre de dommages-intérêts :

14.200 euros au titre de la restauration des œuvres d'art séquestrées et dégradées ;

10.000 euros au titre des frais de transport de ces œuvres à l'atelier pour restauration ;

9.577,75 euros au titre des frais liés au séquestre ;

200 euros au titre de la valeur de 14 bouteilles de vin saisies et non restituées ;

10.000 euros pour résistance abusive à son obligation de restitution des biens meubles saisis à titre conservatoire à [Localité 4] et séquestrés le 23 août 2016 ;

Statuant à nouveau de ce chef,

Déclare le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris compétent pour statuer sur les demandes indemnitaires et l'exception de compensation ;

Condamne Mme [H] [P] à payer à M. [B] [N] la somme de 1700 euros à titre de dommages-intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du jour du présent arrêt et capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

Constate la compensation intégrale de cette somme avec les condamnations, prononcées en application des articles 700 du code de procédure civile et 475-1 du code de procédure pénale, à l'encontre de M. [B] [N] au bénéfice de Mme [H] [P] par des titres exécutoires définitifs ;

Déboute M. [B] [N] de sa demande en condamnation à paiement de la somme de 39.617,70 euros outre intérêts, au titre du solde du prix de vente des biens meubles saisis le 14 avril 2016 ;

Déboute Mme [H] [P] de sa demande en condamnation à paiement de la somme de 67.123,38 euros au titre de la compensation entre les sommes qu'elle reconnaît devoir en vertu du jugement du 28 mars 2017 et les créances qu'elle prétend détenir à son encontre ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de mainlevée des saisies-ventes des 5 janvier, 27 janvier et 14 avril 2016 et de la saisie des droits d'associé et de valeurs mobilières et a condamné M. [N] à payer à Mme [P] la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande de mainlevée de la saisie conservatoire du 23 août 2016 et sur les dépens ;

Et statuant à nouveau de ces seuls chefs,

Ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire du 23 août 2016 ;

Fait masse des dépens de première instance et les partage par moitié ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [P] de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Condamne M. [B] [N] à payer à Mme [H] [P] la somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Fait masse des dépens d'appel, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, et les partage par moitié entre les parties.