CA Pau, 2e ch. sect. 1, 13 février 2023, n° 22/01381
PAU
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Banque Populaire Aquitaine Centre Atlantique (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Pellefigues
Conseillers :
M. Darracq, Mme Guiroy
Avocats :
Me Dabadie, Me Ligney
FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES
Le 25 novembre 2015, la société Banque populaire Aquitaine Centre Atlantique (Bpaca) a pris une inscription provisoire d'hypothèque judiciaire sur divers biens et droits immobiliers appartenant à M. [H] [B], sur présentation d'un acte de cautionnement notarié fourni par celui-ci en garantie d'un prêt notarié consenti à la SCI Perbounal.
L'inscription provisoire été dénoncée au débiteur le 27 novembre 2015.
Le 6 janvier 2016, en l'absence de contestation, la banque a procédé à la publicité définitive de l'hypothèque judiciaire.
Le 12 janvier 2021, la SCI Perbounal a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire, et la société Bpaca a déclaré sa créance au passif.
Par acte d'huissier du 25 mars 2021, la société Bpaca a fait délivrer à M. [B] un commandement de payer valant saisie immobilière des droits et biens immobiliers grevés de l'hypothèque définitive, en exécution du cautionnement notarié.
Suivant exploit du 26 mars 2021, M. [B] a fait assigner la société Bpaca par devant le tribunal judiciaire de Pau en annulation et mainlevée de « l'hypothèque judiciaire », comme prise en violation de la clause d'interdiction d'aliéner et d'hypothéquer insérée dans l'acte de donation-partage notariée du 19 février 2004 lui ayant transmis les droits et biens immobiliers grevés par ladite sûreté.
La société Bpaca a soulevé devant le juge de la mise en état l'exception d'incompétence matérielle du tribunal judiciaire de Pau au profit du juge de l'exécution du même tribunal, au visa de l'article R. 512-2 du code des procédures civiles d'exécution.
Par ordonnance du 12 mai 2022, à laquelle il convient expressément de se référer pour un plus ample exposé des faits et des prétentions et moyens initiaux des parties, le juge de la mise en état s'est déclaré incompétent au profit du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Pau et a condamné M. [B] au paiement d'une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Par déclaration faite au greffe de la cour le 17 mai 2022, M. [B] a relevé appel motivé de cette ordonnance statuant exclusivement sur la compétence.
L'appelant a, dans les délais de l'article 83 du code de procédure civile, saisi le premier président d'une requête aux fins d'être autorisé à assigner à jour fixe.
Celle-ci a été rejetée, et l'affaire poursuivie dans le cadre de la procédure à bref délai de l'article 905 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 23 novembre 2022.
A l'audience, avant l'ouverture des débats, et par mention au dossier, la cour a révoqué l'ordonnance de clôture et fixé la clôture au 15 décembre 2022, à la demande des parties, lesquelles ont indiqué qu'elles n'entendaient pas répliquer aux dernières conclusions adverses.
Vu les dernières conclusions notifiées le 22 novembre 2022 par M. [B] qui a demandé à la cour de réformer l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, de :
- rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la société Bpaca
- renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Pau
- condamner la société Bpaca au paiement d'une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions notifiées le 24 novembre 2022 par la société Bpaca qui a demandé à la cour, au visa des articles R512-1, R532-6 et R532-5 du code de procédure civile, de :
- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions
- y ajoutant, condamner M. [B] au paiement d'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en appel.
MOTIFS
M. [B] fait grief à l'ordonnance entreprise d'avoir fait droit à l'exception d'incompétence soulevée par la banque, au visa de l'article R. 512-2 du code de procédure civile, alors que le juge de l'exécution n'est pas compétent pour statuer sur une demande d'annulation, dont la mainlevée n'est que la conséquence, d'une inscription d'hypothèque judiciaire définitive.
Ce moyen lève, d'abord, une éventuelle ambiguïté, en précisant expressément que l'action au fond en nullité et mainlevée est bien dirigée contre l'inscription d'hypothèque judiciaire définitive.
Selon l'appelant, la sûreté judiciaire prise par la banque est nulle comme se heurtant à la clause d'interdiction d'aliéner et d'hypothéquer insérée dans la donation-partage qui frappe les droits et biens immobiliers sur lesquels elle a été inscrite.
En matière de sûreté judiciaire conservatoire, les textes organisent deux phases distinctes, la première qui donne lieu aux formalités de la publicité provisoire de la sûreté et la seconde aux formalités de la publicité définitive qui confirme la publicité provisoire et donne rang à la sûreté à la date de la formalité initiale.
Ainsi, avec l'inscription définitive, la sûreté perd sa nature conservatoire.
L'article R. 512-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose que si les conditions prévues aux . à R511-8 ne sont pas réunies, le juge peut ordonner la mainlevée de la mesure à tout moment, [...], même dans les cas où l'article L. 511-2 permet que cette mesure soit prise sans son autorisation.
Or, en l'espèce, M. [B] ne conteste pas la réunion de ces conditions mais l'insaisissabilité des droits et biens immobiliers grevés par la sûreté judiciaire.
Par conséquent, ces dispositions sont inopérantes, abstraction faite de la distinction, elle-même inopérante, entre « nullité » et « mainlevée » de la sûreté judiciaire, le juge de l'exécution, étant compétent pour connaître de la validité des mesures conservatoires.
En effet, l'article R. 512-3 dispose que les autres contestations sont portées devant le juge de l'exécution du lieu de la mesure, de sorte que la contestation de la saisissabilité du bien grevé d'une inscription judiciaire provisoire ressortit à la compétence du juge de l'exécution.
Il résulte des textes précités que le juge de l'exécution est exclusivement compétent pour connaître des contestations contre l'inscription provisoire de la sûreté judiciaire, ce que corrobore encore les dispositions de l'article R. 533-6 précisant que le juge de l'exécution est également compétent pour radier la publicité provisoire frappée de caducité lorsque la publicité provisoire n'a pas été confirmée dans les délais requis, le contentieux de la confirmation ressortissant à la compétence du juge de l'exécution.
Le moyen de la banque tiré de l'article R. 532-6 du code des procédures civiles d'exécution, disposant que lorsque le créancier est déjà titulaire d'un titre exécutoire, la mainlevée peut être demandée jusqu'à la publicité définitive, ne règle pas la compétence du juge de l'exécution mais institue une fin de non-recevoir de toute contestation de l'inscription provisoire, et par voie de conséquence de tout moyen de contestation né antérieurement à la publicité définitive.
Il n'y a donc pas lieu, dans le cadre d'un appel sur la compétence, d'examiner la recevabilité ou le bien-fondé de la contestation de M. [B].
Et, en application de l'article 2440, devenu 2435, du code civil, les inscriptions sont rayées du consentement des parties intéressées et ayant capacité à cet effet, ou en vertu d'un jugement en dernier ressort ou passé en force de chose jugée, ce qui également entre dans la compétence matérielle du tribunal judiciaire.
Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que l'exception d'incompétence du tribunal judiciaire au profit du juge de l'exécution n'est pas fondée.
L'ordonnance entreprise sera infirmée en toutes ses dispositions.
L'affaire sera renvoyée au tribunal judiciaire de Pau, l'instance se poursuivant à la diligence du juge, conformément aux dispositions de l'article 86 du code de procédure civile.
La société Bpaca sera condamnée aux dépens d'appel et à payer une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,
et statuant à nouveau,
REJETTE l'exception d'incompétence matérielle du tribunal judiciaire de Pau au profit du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Pau, soulevée par la société Bpaca,
RENVOIE l'affaire au tribunal judiciaire de Pau,
DIT que le greffier de la cour notifiera le présent arrêt aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception conformément à l'article 87 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société Bpaca aux dépens,
CONDAMNE la société Bpaca à payer à M. [B] une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.