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Décisions

CA Paris, 15e ch. B, 28 avril 2006, n° 04/21877

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Crédit Lyonnais (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme David

Conseillers :

Mme Delbes, M. Dabosville

Avoués :

SCP Fisselier - Chiloux - Boulay, SCP Hardouin

Avocats :

Me Burosse Lahmy, Me Courrege

TGI Paris, du 17 mai 2004, n° 02/17335

17 mai 2004

Les époux BERLAND ont été clients du CREDIT LYONNAIS à dater de l'année 1975.

En 1980, ils ont constitué entre eux la SARL AFFLUENTS dont M. Gérard BERLAND était le gérant.

Le CREDIT LYONNAIS a accordé aux époux BERLAND un certain nombre de prêts :

- en septembre 1988, un prêt personnel d'un montant de 636 700 F destiné à l'acquisition d'un bien immobilier situé à MENERBES remboursable en 120 mensualités de 8 059,19 F chacune. Ce prêt était notamment garanti par une inscription de privilège de prêteur de deniers.

- le 27 novembre 1990, un prêt d'un montant de 1 875 000 F destiné à financer l'acquisition d'un bien immobilier situé à FONTENAY SOUS BOIS. Ce prêt d'une durée de 15 ans était remboursable en 180 mensualités de 21 939,33 F chacune.

- le 11 septembre 1991, le CREDIT LYONNAIS a consenti aux époux BERLAND un crédit sous forme d'une autorisation de découvert à due concurrence d'un montant de 250 000 F, et ce pour une année.

Les époux BERLAND ont affecté à la banque en garantie de ce concours l'immeuble de MENERBES.

Le 9 mars 1993, la SARL AFFLUENTS a fait l'objet de la part du tribunal de commerce d'un jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire convertie en liquidation judiciaire par jugement du 6 avril 1993.

Aux fins de récupérer un certain nombre de sommes restées impayées, le CREDIT LYONNAIS a engagé une procédure de saisie immobilière.

Par jugement du 16 janvier 1997, le Tribunal de Grande Instance de CRETEIL a adjugé les biens immobiliers de FONTENAY pour la somme de 740 000 F.

Le 27 mai 1998, le CREDIT LYONNAIS a reçu de cette saisie la somme provisionnelle de 720 000 F.

Cette même somme lui a été attribuée à titre définitif, par P.V d'ordre amiable du 11 mai 2001.

La banque avait également, en vertu de l'acte authentique de prêt, pris une hypothèque judiciaire provisoire sur le bien sis à MENERBES afin de garantir le remboursement des sommes dues pour l'immeuble de FONTENAY.

Les époux BERLAND ont assigné le CREDIT LYONNAIS devant le Tribunal de Grande Instance de CRETEIL pour obtenir la mainlevée de cette inscription.

Ils ont été déboutés de cette demande par jugement du 9 novembre 2001, confirmé par un arrêt de la Cour d'appel de céans du 4 juillet 2002.

Par acte du 1er août 2002 les époux BERLAND ont assigné le CREDIT LYONNAIS devant le Tribunal de Grande Instance de CRETEIL pour obtenir la déchéance du droit aux intérêts, la réduction de la clause pénale du prêt afférent à l'acquisition de l'immeuble de FONTENAY, la condamnation de la banque à leur payer la somme de 770 ' à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 17 mai 2004, le tribunal a constaté la prescription de la déchéance du droit aux intérêts, débouté les époux BERLAND du surplus de leurs demandes, et les a condamnés à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 1 500 ' au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par déclaration du 12 novembre 2004, les époux BERLAND ont interjeté appel de cette décision.

Les dernières écritures des parties, prises en compte par la Cour au titre de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, ont été déposées le :

- 4 janvier 2006 pour les époux BERLAND,

- 16 janvier 2006 pour le CREDIT LYONNAIS.

Les époux BERLAND demandent à la Cour de :

- dire que le CREDIT LYONNAIS est déchu du droit aux intérêts sur le prêt concernant l'acquisition de l'immeuble de FONTENAY, par application des dispositions de l'article L 313-33 du Code de la Consommation,

-réduire à 1 cent les clauses pénales du prêt afférent à l'acquisition de l'immeuble de FONTENAY,

-condamner le CREDIT LYONNAIS à leur payer la somme de 77 000 ' à titre de dommages et intérêts,

-dire que le CREDIT LYONNAIS ne peut valablement inscrire d'hypothèque sur le bien sis à MENERBES sur la base de l'acte notarié concernant le prêt consenti en 1990 pour l'acquisition de l'immeuble de FONTENAY,

-condamner le CREDIT LYONNAIS à leur payer la somme de 5 000 ' au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Le CREDIT LYONNAIS demande à la Cour de :

-débouter les époux BERLAND de leur appel et de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions

-condamner solidairement les époux BERLAND à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 15 000 ' pour procédure abusive,

-et celle de 5 000 ' au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

CELA ETANT EXPOSE

LA COUR,

Considérant que les époux BERLAND soutiennent, en premier lieu, qu'ils sont en droit de se prévaloir du non-respect par la banque des dispositions du Code de la Consommation dans les opérations de mise en place du prêt consenti en novembre 1990, et que la prescription qui leur est opposée sur ce point est inopérante, dans la mesure où ils étaient 'ignorants de leurs droits' ;

Mais considérant que les appelants n'explicitent pas ce que ces termes induisent comme conséquences sur l'exercice normal de la prescription décennale, laquelle a commencé à courir du jour de la conclusion du contrat, soit le 27 novembre 1990, et était en conséquence acquise à la date de l'assignation du 2 août 2002 ;

Considérant, en second lieu, que les époux BERLAND demandent à ce que les clauses pénales fixées par le CREDIT LYONNAIS au titre de l'indemnité d'exigibilité et des frais de procédure soient réduites à '1 cent' ;

Mais considérant, d'une part, que le contrat du 27 novembre 1990 ne prévoit pas l'éventualité d'une telle indemnité, d'autre part que les frais de procédure ne constituent pas une clause pénale, et qu'en conséquence cette demande est sans objet ;

Considérant, en troisième lieu, que les époux BERLAND sollicitent la condamnation du CREDIT LYONNAIS à leur verser des dommages et intérêts en raison du non-respect de ses obligations de prudence et de conseil dans l'octroi du prêt de 1990 ;

Considérant qu'ils arguent en effet de ce que cette opération a été initiée sans que la banque prenne en compte leur capacité de remboursement, et que cette gestion laxiste du dossier a fait monter leur taux d'endettement à 72 % ;

Considérant cependant que le prêt litigieux a été demandé par les époux BERLAND eux-mêmes, et que ces derniers n'ont jamais prétendu que la banque aurait eu sur la fragilité de leur situation financière des informations qu'eux-mêmes auraient ignorée ;

Considérant en effet que, selon la fiche de prêt établie par la banque qu'à l'époque des faits les revenus annuels des époux BERLAND s'élevaient à 1 334 616 F, et que leur patrimoine immobilier se composait d'un appartement à TOULOUSE, entièrement payé, évalué à 420 000 F, d'une maison à FONTENAY TRESIGNY, également exempte d'emprunt, d'une valeur de 700 000 F, et de la maison de MENERBES estimée 1 500 000 F sur laquelle restait encore un crédit de 536 000 F, mais procurant 31 200 F de revenus annuels ;

Considérant que les documents produits par les époux BERLAND mentionnent que le chiffre d'affaire de la société qu'ils dirigeaient a baissé à partir du 1er semestre 1991 (et non en 1990), et a chuté en 1992 ; que, s'agissant des années précédentes, et notamment l'année 1990 -seule ici en cause- il résulte du bilan comptable de l'année 1991 de la SARL AFFLUENTS, produit par le CREDIT LYONNAIS, que les rémunérations des intéressés, telles que transmises à l'administration fiscale, étaient de 517 172 F pour Madame BERLAND, et de 445 260F pour son époux, soit un total de 962 432 F ;

Considérant que ces sommes sont censées être inférieures en 1991 à celles des années précédentes, compte tenu des difficultés rencontrées par la société ; que cependant les époux BERLAND ont déclaré aux impôts un montant global de 1 137 096 F pour l'année 1990, soit sensiblement proche du chiffre de 1 334 616 F figurant sur la fiche de la banque ;

Considérant, en conséquence, que le montant total des remboursements d'emprunts, tels que chiffrés par les appelants à la somme mensuelle de 35 000 F ne fait pas apparaître un taux d'endettement disproportionné par rapport aux revenus cités plus haut, et notamment à ceux de l'année 1990 ;

Considérant que les époux BERLAND reprochent à la banque de ne pas leur avoir fait souscrire d'assurance mais ne précisent pas quelle incidence cet élément pouvait avoir sur la disproportion invoquée ;

Considérant que les appelants arguent également des préjudices qu'ils ont subis du fait de l'absence de stratégie du CREDIT LYONNAIS dans le recouvrement de ses impayés, et qui a conduit cette dernière à poursuivre à leur encontre une mesure de saisie immobilière, en 'bradant' ce bien familial sans attendre sa vente amiable ;

Considérant que les époux BERLAND voient dans cette attitude une faute dans l'exécution du contrat au regard des dispositions des articles 1147 ou 1382 du Code civil ;

Considérant qu'est ici en cause, non l'exécution du contrat proprement dite mais la mise en oeuvre d'une mesure d'exécution propre à assurer le recouvrement de la créance de la banque, du fait de la résiliation de ce même contrat ;

Considérant également que le recours à la procédure de saisie immobilière n'est en soi que l'exercice normal d'une procédure légale, sauf à ce qu'il soit démontré qu'elle était inutile ou excessive ;

Or, considérant que les époux BERLAND n'invoquent pas qu'ils aient été en mesure de proposer un plan de règlement de leurs dettes permettant de surseoir à la vente, ni qu'ils aient utilisé la faculté offerte par l'article 673 du nouveau Code de procédure civile de demander la conversion de la saisie en vente volontaire ;

Considérant qu'ils ont à cet effet, entre le 24 juillet 1995, date de la délivrance du commandement aux fins de saisie immobilière, et le 16 janvier 1997, date de l'adjudication, bénéficié d'un délai significatif pour proposer un acquéreur et éviter la vente de leur bien ;

Considérant qu'il s'évince de ce qui précède que le CREDIT LYONNAIS n'a pas commis de faute envers les époux BERLAND, qui ne sont en conséquence pas fondés à lui réclamer des dommages et intérêts à quelque titre que ce soit ;

Considérant, en dernier lieu, que les époux BERLAND contestent le bien-fondé de la mesure d'inscription d'hypothèque prise sur l'immeuble de MENERBES ;

mais considérant que le premier juge a, à juste titre, rappelé dans sa décision que l'examen de ce moyen relevait du juge de l'exécution ;

Considérant, en effet, que, en application des dispositions des articles L.311-12-1 du Code de l'organisation judiciaire et 218 du décret du 31 juillet 1992, ce magistrat a une compétence exclusive pour trancher des contestations afférentes aux mesures conservatoires ;

Considérant que cette compétence est d'ordre public ;

Considérant, dès lors, que le jugement est confirmé ;

Considérant que le CREDIT LYONNAIS demande la condamnation des époux BERLAND à lui payer une somme de 15 000 ' pour procédure abusive ;

Mais considérant que les éléments de la cause ne permettent pas de caractériser une faute ayant fait dégénérer en abus le droit de l'appelant d'agir en justice ;

Considérant qu'il y a lieu de condamner les époux BERLAND à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 2 000' au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Condamne les époux BERLAND à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 2 000' au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne les époux BERLAND aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.