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Décisions

Cass. crim., 27 juin 1995, n° 94-84.648

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Gunehec

Rapporteur :

Mme Fossaert-Sabatier

Avocat général :

M. Perfetti

Avocat :

Me Choucroy

Papeete, ch. d'acc., du 1 mars 1994

1 mars 1994

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 2, 3, 186, 206, 423 et 593 du Code de procédure pénale, 425- 4o de la loi du 24 juillet 1966, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a ordonné le renvoi de X... devant le tribunal correctionnel pour y être jugé du chef d'abus de biens sociaux ;

" aux motifs qu'il y a contre Pierre X... charges suffisantes d'avoir violé les dispositions de l'article 425-4 de la loi du 24 juillet 1966 ;

" alors qu'en présence d'une ordonnance qui, pour prononcer le non-lieu sur les poursuites pour abus de biens sociaux diligentées à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile déposée par des créanciers de la société prétendument victime de cette infraction, avait notamment fait valoir que les parties civiles ne peuvent invoquer aucun préjudice résultant d'un quelconque abus de biens sociaux commis au préjudice de la société dont ils ne sont pas associés, la chambre d'accusation, saisie sur le seul appel de ces parties civiles devait constater l'irrecevabilité de la constitution de ces parties civiles au regard des dispositions des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale et en conséquence déclarer leur appel irrecevable, en sorte qu'en statuant sur les faits faisant l'objet de la poursuite, la chambre d'accusation, qui ne s'est pas prononcée sur la recevabilité de la constitution et de l'appel des parties civiles, a violé l'article 206 du Code de procédure pénale en ordonnant le renvoi devant la juridiction de jugement de l'une des deux personnes mises en examen " ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que, si la partie civile peut mettre en mouvement l'action publique en saisissant de sa plainte le juge d'instruction et peut relever appel d'une ordonnance de non-lieu, c'est à la condition de justifier d'un préjudice résultant directement de l'infraction poursuivie ;

Attendu que le délit d'abus des biens ou du crédit d'une société ne cause de préjudice direct qu'à la société elle-même et à ses actionnaires et que les créanciers de la société ou les tiers ne peuvent invoquer devant le juge pénal un préjudice qui, à le supposer établi, ne serait qu'indirect ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Pierre X... a tiré sur la SARL " X... et associés " 44 billets à ordre destinés à rembourser deux prêts consentis antérieurement par Yvon Y..., le premier à une société en nom collectif " fiduciaire d'investissement du Pacifique ", le second à Yolande Z... ; que ces effets n'ayant pas été payés à leur échéance, faute de provision, les héritiers d'Yvon Y... ont déposé plainte avec constitution de partie civile du chef d'abus de biens sociaux contre Pierre X... et Yolande Z... associés de la SARL précitée ;

Attendu que l'information ouverte sur cette plainte a été close par une ordonnance de non-lieu du juge d'instruction au motif notamment que les parties civiles ne peuvent invoquer aucun préjudice résultant d'un quelconque abus de biens sociaux commis au préjudice de la société X... et associés puisqu'il ne sont pas associés de cette SARL ; que, statuant sur le seul appel des parties civiles, la chambre d'accusation, infirmant l'ordonnance entreprise, a renvoyé Pierre X... devant la juridiction correctionnelle sous la prévention d'abus du crédit d'une société ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'appel dont elle était saisie par la seule partie civile ne lui permettait de réformer l'ordonnance de non-lieu entreprise que si cette partie, dont la qualité était expressément écartée par ladite ordonnance, justifiait de ses droits, la chambre d'accusation a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le premier moyen proposé :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Papeete, en date du 1er mars 1994,

Vu l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire ;

DECLARE IRRECEVABLE tant la constitution de partie civile de Chantal A... et Claude Y..., que l'appel interjeté par elles de l'ordonnance de non-lieu du 22 décembre 1993 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi.