Cass. crim., 28 novembre 1994, n° 94-81.818
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Le Gunehec
Rapporteur :
M. Culie
Avocat général :
M. Dintilhac
Avocat :
Me Choucroy
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 196, 197-4 de la loi du 25 janvier 1985, 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de banqueroute par dissimulation des documents comptables des sociétés du groupe Bussoz ;
"aux motifs qu'en dépit des multiples demandes effectuées sans succès auprès du prévenu par l'expert-comptable Vigne par Me Y... de l'examen de la comptabilité des entreprises concernées, par les services de police au cours de l'enquête et par l'expert désigné par le magistrat instructeur, en vue d'obtenir communication de l'ensemble des livres comptables du groupe Bussoz, la comptabilité complète des établissements constituant le "groupe Bussoz" prise en charge selon le chef comptable par le demandeur et transférée par ses soins au siège de la SEEB n'a pas été retrouvée à l'époque ; que ce n'est que fin 1992, que le demandeur a indiqué avoir retrouvé la comptabilité des différents établissements ;
"qu'il est donc constant que la comptabilité du groupe Bussoz a disparu au cours des années 1986 et 1987 ; que Maurice Z... se devant en sa qualité d'animateur du groupe Bussoz de présenter ou de faire présenter aux différents services et organes intéressés, et ce à tout moment, la comptabilité et les documents comptables des diverses entreprises qu'il dirigeait ; qu'il a ainsi en l'espèce, délibérément mis le mandataire liquidateur dans l'impossibilité d'exercer un contrôle effectif sur la situation exacte de celles-ci et compromis par là même le déroulement normal des opérations de liquidation ; que la représentation tardive des registres et pièces comptables du groupe Bussoz représentant de son propre aveu un volume de près de 10 mètres cubes démontre contrairement à son argumentation sa mauvaise foi ; que dès lors, c'est à juste titre que les premiers juges ont sur ce point, retenu Maurice Z... dans les liens de la prévention, le délit de banqueroute par souscription des éléments comptables des sociétés animées par l'intéressé étant parfaitement caractérisé, compte tenu des circonstances de l'espèce, en ses éléments tant matériels qu'intentionnel ;
"alors que les juges du fond n'ont pas caractérisé le délit de banqueroute frauduleuse par dissimulation de documents comptables en omettant de répondre aux chefs péremptoires des conclusions d'appel du demandeur faisant valoir qu'à la suite de la mise en état de règlement judiciaire du groupe Bussoz, survenu en août 1984, la comptabilité avait été dispersée ; que cette comptabilité n'avait pu être retrouvée par les policiers chargés de l'enquête préliminaire ;
que le demandeur après investigations complètes avait pu retrouver la comptabilité et que l'ensemble des livres comptables ont été répertoriés par Me X..., huissier de justice à Aubervilliers, qui a dressé constat de l'ensemble des documents ; qu'ainsi l'infraction n'est pas constituée" ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 425-4 de la loi du 24 juillet 1966, 593 du Code de procédure pénal, défaut de réponse aux conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable d'abus de biens sociaux au préjudice de la SEEB ;
"aux motifs adoptés des premiers juges qu'il résulte du rapport d'expertise que le total des frais de "missions et de réception" de la société SEEB s'est élevé, pour la période d'août 1984 à la fin 1988, à 261 932 francs, alors qu'un grand nombre de ces dépenses n'est étayé d'aucun justificatif et que plusieurs pièces explicatives ne mentionnent pas le nom de la personne qui a engagé la dépense, étant seulement revêtues de la mention laconique "réception clients" ;
qu'il en est de même pour les faits de "transports et déplacements", chiffrés par l'expert à 388 393 francs pour la période de 1984 à 1988, les documents comptables fournis ne permettant pas d'établir le nom des bénéficiaires de ces différents déplacements ;
"que Maurice Z... déclare que ces dépenses ont bien été engagés dans l'intérêt de la société ; que les frais de mission et de réception correspondent à des réceptions offertes par lui à des clients étrangers, ainsi qu'à des frais engagés par les encaisseurs, le service commercial, et pour les foires-expositions ; que les frais de transport et déplacements représentent les frais exposés par les routiers qui transportaient du matériels pour le compte de la société, ainsi que ses propres voyages par chemin de fer ou en avion, en France ou à l'étranger, pour le compte de SEEB ; qu'il ajoute être surpris que certaines dépenses ne soient pas appuyées de justificatifs et que les noms des bénéficiaires ne soient souvent pas indiqués ;
"que le demandeur n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de ses déclarations ; qu'en l'absence de justification du caractère social des dépenses énumérées ci-dessus, le délit d'abus de biens sociaux se trouve caractérisé ;
"alors que, d'une part, l'abus de biens sociaux suppose un usage contraire à l'intérêt social des biens ou du crédit de la société ;
que la cour d'appel a omis de répondre aux conclusions d'appel du demandeur dans lesquelles celui-ci faisait valoir qu'il n'avait jamais perçu le moindre salaire dans la société SEEB ; que Maurice Z... n'a pas été le seul bénéficiaire des remboursements effectués au titre de l'ensemble des frais de "mission et de réception exposés par la société SEEB pour la période considérée ;
qu'en outre, il convient de comparer en matière de biens sociaux, les dépenses dont a bénéficié le prévenu et les frais ou cautions donnés par lui dans l'intérêt de la société ; que le demandeur a, d'août 1984 à la fin 1988, consacré l'essentiel de son temps à faire bénéficier la société SEEB de l'ensemble des anciens clients de la société Bussoz avec qui il avait été en contact, dans le cadre de ses fonctions ;
qu'en outre, le demandeur a donné pour le compte de la SEEB, une caution à hauteur de 10 millions de nouveaux francs ;
qu'il a fait bénéficier la SEEB d'avances de trésorerie d'une somme de 1 500 000 francs non rémunérés ; qu'ainsi le soutien financier apporté à la société dépasse l'imputabilité de l'ensemble des frais exposés pour la société et qu'aucun délit d'abus de biens sociaux ne peut lui être imputé ;
"alors, d'autre part, que la mauvaise foi est un élément constitutif du délit incriminé ; que ni la cour d'appel, ni les premiers juges n'ont caractérisé la mauvaise foi du prévenu ;
qu'ainsi, la Cour a privé sa décision de base légale" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux articulations essentielles des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous leurs éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnels, les délits de banqueroute et d'abus de biens sociaux dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus devant eux, ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.