CA Lyon, 8e ch., 22 novembre 2011, n° 10/03421
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
ITEE FLUIDES (SAS)
Défendeur :
POLYCLINIQUE DU BEAUJOLAIS (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. VENCENT
Conseillers :
M. DEFRASNE, Mme CLEMENT
Avocats :
Me PETITDEMANGE, Me MORTIMORE
Dans le courant de l'année 2007, la SAS POLYCLINIQUE DU BEAUJOLAIS a entrepris de procéder à la réhabilitation et à l'extension de ses locaux ainsi qu'à la création d'une plate-forme de déchets et de parkings. Elle a fait appel à différents intervenants, dont la SAS ITEE FLUIDES avec laquelle elle a régularisé, le 18 décembre 2007, deux contrats de maîtrise d'œuvre de conception :
- un contrat no D 07 /098V pour la réhabilitation d'une unité centrale de préparation des médicaments anticancéreux,
- un contrat no D 07/097V pour la réhabilitation de la cuisine et du self, la construction d'un bâtiment et d'une plate-forme-déchets ainsi que de parkings.
Les conventions prévoyaient une rémunération au forfait avec une clause de réévaluation dans l'hypothèse d'une évolution du projet.
Invoquant des modifications de réalisation, la SAS ITEE FLUIDES a, par lettres en date des 20 et 21 mai 2008 présenté à la SAS POLYCLINIQUE DU BEAUJOLAIS deux avenants contenant une modification à la hausse de ses honoraires que cette dernière a refusé de signer, refusant par la suite de payer les honoraires supplémentaires réclamés.
Saisi à l'initiative de la polyclinique, le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare, par jugement en date du 25 mars 2010, a, au motif de l'absence d'acceptation des avenants modificatifs par sa cliente, débouté la SAS ITEE FLUIDES de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée aux dépens et à payer à la SAS POLYCLINIQUE DU BEAUJOLAIS une indemnité de 500,00 au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions écrites signifiées le 8 septembre 2010 par la SAS ITEE FLUIDES, appelante selon déclaration du 10 mai 2010, laquelle demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare le 25 mars 2010,
- constater que la mission confiée en son temps à la SAS ITEE FLUIDES par la SAS POLYCLINIQUE DU BEAUJOLAIS a été intégralement exécutée,
- constater que les modifications apportées par le maître de l'ouvrage au projet initial ont bouleversé l'économie de celui-ci,
- constater en effet que le volet "Réhabilitation de la cuisine et du self, construction d'un bâtiment et d'une plate-forme déchets, construction de parkings" est passé de 461.500 HT à 966.357 HT,
- constater encore que le volet "Réhabilitation d'une unité centrale de préparation des médicaments anticancéreux" initialement évalué à 258.000 a en définitive été arrêté à 328.000 ,
- dire et juger en conséquence que la SAS ITEE FLUIDES est bien fondée à requérir le règlement des prestations complémentaires qu'elle a dû entreprendre pour adapter le projet initial du maître de l'ouvrage,
- constater au demeurant que si la SAS ITEE FLUIDES n'avait pas exécuté cette mission complémentaire, le projet n'aurait jamais pu voir le jour, ce que le maître de l'ouvrage semble avoir oublié,
- en conséquence, condamner la SAS POLYCLINIQUE DU BEAUJOLAIS à payer à la SAS ITEE FLUIDES la somme de 51.418,50 TTC, outre intérêts à compter du mois de mai 2008,
- en outre, condamner également la SAS POLYCLINIQUE DU BEAUJOLAIS à payer à la SAS ITEE FLUIDES :
- la somme de 5.000,00 à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- la somme de 3.000,00 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les entiers dépens d'instance et d'appel.
Vu les conclusions écrites signifiées par la SAS POLYCLINIQUE DU BEAUJOLAIS le 3 janvier 2011, laquelle invoquant l'existence d'un marché à forfait non modifié contradictoirement et l'absence d'accord du maître de l'ouvrage sur les modifications apportées, demande à la cour de débouter l'appelante de ses demandes et la condamner à lui payer les sommes de 5.000,00 à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et 2.500,00 au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 avril 2011.
MOTIFS ET DÉCISION
Il ressort des contrats convenus entre la SAS ITEE FLUIDES et la SAS POLYCLINIQUE DU BEAUJOLAIS que le contenu de la mission confiée à la première consistait dans :
- la réalisation des plans d'état des lieux architectural + technique,
- les études d'avant projet comprenant plan phasage, plan projet et notice descriptive/ estimative,
- les études de projet comprenant plans de conception architecturale + technique, dossier de consultation des entreprises avec CCTP + DPGF,
- l'analyse des offres technico-financières et constitution des dossiers marchés,
étant en outre indiqué que la maîtrise d'œuvre d'exécution était confiée par la clinique au cabinet d'architecte DEMP.
Aux termes de l'article 3 de chaque contrat était prévue au bénéfice de la SAS ITEE FLUIDES, une rémunération forfaitaire et globale en contrepartie de l'exécution de sa mission; l'article 3.3. précisait qu' "en cas de modification de la solution d'ensemble retenue à l'issue de l'étude de faisabilité, décidée par le Maître de l'Ouvrage, le présent marché fera l'objet d'un avenant qui adaptera la rémunération du Maître d'Oeuvre préalablement à la réalisation de ses études ".
L'article 1793 du code civil dispose que "Lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d'œuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire ".
Ces dispositions qui ne concernent que le marché de construction d'un bâtiment ne sauraient recevoir application en l'espèce dans la mesure où il ne s'agit nullement d'un marché de construction mais de marchés de service aux termes desquels le bureau d'études s'est engagé dans le cadre d'une mission de maîtrise d'oeuvre de conception, sans être ni réalisateur ni titulaire du marché à forfait de construction ; les contrats conclus visaient à définir le contenu de la mission de la SAS ITEE FLUIDES et le montant de ses honoraires, dans le cadre de marchés de construction/rénovation dont rien n'indique d'ailleurs qu'ils aient été eux-même des marchés à forfait.
S'il n'est pas discuté par la SAS POLYCLINIQUE DU BEAUJOLAIS que le coût global des travaux de construction/réhabilitation a fortement augmenté par rapport au coût prévu aux termes des contrats susvisés, aucun avenant n'a cependant jamais été signé entre les parties concernant la modification à la hausse de la rémunération de la SAS ITEE FLUIDES.
Aucune explication des parties ni aucun élément du dossier ne permet d'ailleurs à la cour de connaître les raisons de l'augmentation du montant des travaux : matériaux nouveaux, agrandissement des locaux ou autres.
Le simple fait que le montant global du marché de construction ait augmenté ne justifie donc pas en l'absence d'accord des parties, une augmentation proportionnelle du montant des honoraires du bureau d'études, lesquels avaient été fixés forfaitairement dans chaque contrat, pour chaque phase de la mission (état des lieux, conception et mission chantier).
Il convient en conséquence, par substitution de motifs, de confirmer la décision des premiers juges et débouter la SAS ITEE FLUIDES de l'intégralité de ses demandes.
Aucun abus de procédure n'est caractérisé à l'encontre de cette dernière qui n'a fait qu'utiliser son droit de recours ; la demande en dommages-intérêts présentée de ce chef par la SAS POLYCLINIQUE DU BEAUJOLAIS doit donc être rejetée.
L'équité et la situation économique des parties commandent enfin l'octroi à la SAS POLYCLINIQUE DU BEAUJOLAIS à la charge de la SAS ITEE FLUIDES, en cause d'appel, d'une indemnité de 1.500,00 au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement rendu par le tribunal de commerce de Villefranche-Tarare le 25 mars 2010 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la SAS POLYCLINIQUE DU BEAUJOLAIS de sa demande en dommages-intérêts pour procédure abusive,
Condamne la SAS ITEE FLUIDES à payer à la SAS POLYCLINIQUE DU BEAUJOLAIS une somme de 1.500,00 au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS ITEE FLUIDES aux dépens qui seront distraits au profit de maître MOREL, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.