CA Rennes, 4e ch., 12 mai 2022, n° 20/02926
RENNES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Embruns (SCI)
Défendeur :
Jardins d'Ici et d'ailleurs (SARL), Caisse Régionale d'Assurances Mutuelles Agricoles Loire Bretagne
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Delapierregrosse
Conseillers :
Mme Rauline, Mme Malardel
EXPOSÉ DU LITIGE
La SCI Embruns, alors propriétaire d'une maison d'habitation à [...], a fait réaliser en 2004 des travaux de rénovation dans cet immeuble. A la même période, elle a fait construire une piscine et réaliser par la société Jardins d'ici et d'ailleurs, assurée auprès de la société CRAMA Bretagne-Pays de Loire, des travaux d'aménagement paysager notamment entre la piscine et la limite ouest de la propriété.
Le 25 novembre 2011, la SCI a cédé son immeuble à M. Stéphane C., lequel a constaté en 2013 un effondrement d'une partie des aménagements réalisés sur cette partie ouest.
Par ordonnance du 21 janvier 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint Nazaire, saisi par M. C., a ordonné une expertise judiciaire notamment au contradictoire de la SCI les Embruns et désigné à M. C..
Une ordonnance du 20 mai 2014 a étendu les opérations d'expertise à la société Jardins d'ici et d'ailleurs et à la CRAMA.
L'expert a déposé son rapport le 23 février 2015.
Par actes d'huissier en date des 16, 17 et 26 mars 2015, M. C. a fait assigner la société Jardins d'ici et d'ailleurs, la société CRAMA Bretagne-Pays de Loire et la SCI Les Embruns devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire en indemnisation de ses préjudices.
Après avoir réalisé les travaux de reprise en 2016, il a cédé sa propriété en 2018, conservant le bénéfice de l'action décennale qu'il avait engagée.
Par acte d'huissier du 6 juillet 2017, M. C. a appelé à la cause M. Jean P., en sa qualité de dirigeant social de la société Jardins d'ici et d'ailleurs lors des travaux.
Par un jugement assorti de l'exécution provisoire du 28 mai 2020, le tribunal judiciaire de Saint-Nazaire a :
- condamné in solidum la société Jardins d'ici et d'ailleurs, la société CRAMA Bretagne-Pays de Loire et la SCI Embruns à verser à M. C. la somme de 248531 euros au titre de son préjudice matériel, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ;
- débouté M. C. de ses demandes au titre du préjudice immatériel et l'encontre de M. P. ;
- débouté la SCI Embruns de sa demande en dommages-intérêts ;
- condamné in solidum la société Jardins d'ici et d'ailleurs, la société CRAMA Bretagne-Pays de Loire et la SCI Embruns à verser à M. C. la somme de 4 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Le 30 juin 2020, la SCI Embruns a relevé appel de ce jugement, en intimant M. C., la société Jardins d'ici et d'ailleurs, la société CRAMA Bretagne-Pays de Loire et M. P., procédure enregistrée sous le numéro RG 20/2926.
Le 2 juillet 2020, la CRAMA Bretagne-Pays de Loire a relevé appel du jugement, enregistré sous le numéro RG 20/2962.
Le 17 juillet 2020, la société Jardins d'ici et d'ailleurs a à son tour relevé appel de ce jugement, procédure enregistrée sous le RG 20/3237.
Par ordonnance de référé du 15 septembre 2020, le premier président a débouté la SCI Embruns de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire et autorisé la CRAMA à consigner la somme de 254 500 euros pour couvrir le montant des condamnations prononcées par le jugement.
Le 13 novembre 2020, M. C. a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de radiation de la procédure sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 8 février 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des procédures enregistrées sous les n°RG 20/02926 et 20/02962, rejeté la demande de radiation, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné M. C. aux dépens de l'incident.
Par ordonnance du 21 juillet 2021, les procédures inscrites au rôle sous les n°RG 20/03237 et 20/02926 ont été jointes, l'instance se poursuivant sous ce dernier numéro.
Dans ses dernières conclusions transmises le 26 novembre 2021, la SCI Les Embruns au visa de l'article 1792-3 du code civil, demande à la cour de :
- ordonner la jonction des procédures enrôlées devant la quatrième chambre sous le n°RG 20/02926 et le n°RG 20/03237 ;
- réformer le jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées à son encontre,
A titre principal,
- dire que les travaux réalisés par la société Jardins d'Ici et d'Ailleurs sur les dix mètres du chemin présentant une difficulté ne peuvent recevoir la qualification d'ouvrage s'agissant d'un simple aménagement pour lequel l'expert judiciaire lui-même a précisé que la solidité de l'immeuble n'était pas compromise ;
- dire que dans ces conditions les aménagements réalisés ne relèvent que de la responsabilité biennale et en aucun cas de la responsabilité décennale ;
- dire que M. C. est prescrit dans son action, les travaux étant intervenus dans le courant de l'année 2009 et son action dans le courant de l'année 2014 ;
- dire que de ce fait l'action de l'intéressé est irrecevable faute de qualité à agir de M. C. du fait de la vente de l'immeuble;
- débouter M. C., purement et simplement, de toutes ses demandes fins et conclusions
A titre subsidiaire :
- dire que sera retenue à l'encontre de la SCI Embruns, constituée de particuliers, la cause étrangère exonératoire ;
- dire que les désordres ne possèdent pas une gravité qui compromet la solidité de l'ouvrage ou rendent le bien impropre a sa destination ;
-débouter M. C. de toutes ses demandes, fins et conclusions,
-condamner M. C. à lui régler une somme de 10 000 euros a titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée ;
- le condamner a verser a la SCI Embruns une somme de 9 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui intégreront les frais d'expertise et de référé.
Dans ses dernières conclusions transmises le 30 novembre 2021, M. C. au visa des articles 562, 901 du code de procédure civile, 1792 et suivants du code civil et L241-1 du code des assurances demande à la cour de :
- constater l'absence d'effet dévolutif attaché à l'appel interjeté par la SCI Embruns, et en conséquence constater n'être saisie d'aucune demande de la SCI Embruns ;
- en toute hypothèse, rejeter tous les appels principaux et incidents non fondés à son égard,
- confirmer le jugement dont appel sauf en ce qui concerne le montant de l'indemnisation du préjudice matériel, le rejet de la demande au titre du préjudice immatériel:
En conséquence,
- condamner solidairement la société Jardins d'Ici et d'Ailleurs, son assureur la CRAMA et la SCI Embruns à l'indemniser de son préjudice matériel d'un montant de 379 375,26 euros et de son préjudice immatériel d'un montant de 33 000 euros ;
- condamner solidairement la société Jardins d'Ici et d'Ailleurs, son assureur la CRAMA et la SCI Embruns à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement la société Jardins d'Ici et d'Ailleurs, son assureur la CRAMA et la SCI Embruns aux dépens de la procédure de référé comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme de 6 725,22 euros TTC, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement la société Jardins d'Ici et d'Ailleurs, son assureur la CRAMA et la SCI Embruns aux dépens de la présente instance, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
A titre subsidiaire, si la garantie de la CRAMA devait être écartée,
- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. C. de ses demandes subsidiaires à l'encontre de M. P. ;
- dire et juger que M. P. a commis une faute détachable de ses fonctions de gérant de la société Jardins d'Ici et d'Ailleurs à raison du manquement par celle-ci à son obligation d'assurance au titre de l'article L241-1 du code des assurances ;
- dire et juger que le manquement par la société Jardins d'Ici et d'ailleurs à son obligation d'assurance au titre de l'article L241-1 du code des assurances a entraîné pour M. C. une perte de chance d'être indemnisé des sinistres survenus sur sa propriété, et que cette perte de chance peut être évaluée à hauteur de 99 % du montant des préjudices matériels et immatériels qu'il a subis;
- condamner M. P., solidairement avec les sociétés Jardins d'Ici et d'ailleurs et SCI Embruns, à l'indemniser de son préjudice matériel à hauteur de 99 % de celui-ci, soit 375 581,5 euros, et à hauteur de 99 % de son préjudice immatériel, soit 32,670 euros ;
- condamner M. P., solidairement avec les sociétés Jardins d'Ici et d'ailleurs et SCI Embruns, à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Jean-Richard P., solidairement avec les sociétés Jardins d'Ici et d'ailleurs et SCI Embruns, aux dépens de la procédure de référé comprenant notamment les frais d'expertise judiciaire taxés à la somme de 6 725,22 euros TTC, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
- condamner Jean-Richard P., solidairement avec les sociétés Jardins d'Ici et d'ailleurs et SCI Embruns aux dépens de la présente instance, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
Et en tout état de cause,
- débouter purement et simplement la société Jardins d'Ici et d'Ailleurs et M. P. de toutes leurs demandes ;
- débouter purement et simplement la SCI Embruns de toutes ses demandes ;
- débouter purement et simplement la CRAMA de toutes ses demandes.
Dans leurs dernières conclusions transmises le 29 novembre 2021, M. P. et la société Jardins d'Ici et d'Ailleurs au visa des articles 31, 1147 ancien, 1355, 1792, 1792-3 du code civil, L241-1, L243-1-1 II du code des assurances et 123 du code de procédure civile, demandent à la cour de :
- réformer la décision en ce qu'elle a condamné la société Jardins d'Ici et d'Ailleurs, in solidum avec la compagnie CRAMA, à payer à M. C. la somme principale de 248 531 euros en réparation de son préjudice matériel, outre intérêts légaux ; in solidum avec la compagnie CRAMA et la SCI Embruns à payer à M. C. la somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens de l'instance et ceux du référé ;
Y additant,
- déclarer les demandes de M. C. irrecevables ;
- dire et juger que les travaux effectués par la société Jardins d'Ici et d'Ailleurs ne constituent pas des ouvrages et ne peuvent donner lieu à responsabilité décennale et que, lors de la délivrance des assignations des 23 et 28 avril 2014, l'action biennale pour des aménagements paysagers était prescrite ;
- débouter M. C. de toute demande contre la société Jardins d'Ici et d'Ailleurs ;
A titre subsidiaire,
- dire et juger que les travaux proposés en réparation du désordre n'ont aucun lien avec celui-ci et constituent un autre ouvrage , qu'ils ne peuvent être retenus comme tels ;
- constater que M. C. ne fait pas état de dommages immatériels, ne les justifie pas et que l'expert les a exclus dans son rapport d'expertise ;
- débouter M. C. purement et simplement de toutes ses demandes, fins et conclusions contre la société Jardins d'Ici et d'Ailleurs et contre M. P. ;
Y additant,
- condamner M. C. à verser au liquidateur amiable de la société Jardins d'Ici et d'Ailleurs la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner M. C. à verser à M. P. la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700.
Dans ses dernières conclusions transmises le 22 novembre 2021, la société CRAMA Bretagne-Pays de Loire demande à la cour de :
-rejeter l'appel incident formulé par M. Stéphane C. à tout le moins en ce qu'il est dirigé contre elle,
- réformer la décision déférée en ce qu'elle a déclaré recevable les demandes de M. Stéphane C. et condamné la CRAMA in solidum avec la société Jardins d'Ici et d'Ailleurs et la SCI Embruns, à régler à M. C. la somme de 248 531 euros au titre de son préjudice matériel et la somme de 4 500 euros au titre des frais irrépétibles outres les entiers dépens qui comprendraient les frais de référé et d'expertise judiciaire ;
En conséquence,
- dire et juger que M. C. a perdu sa qualité à agir ;
- dire et juger qu'elle n'est pas l'assureur responsabilité civile décennale de la société Jardins d'Ici et d'Ailleurs ;
- la mettre hors de cause;
- débouter M. C. ainsi que toutes les parties, de leurs demandes fins et conclusions dirigées à son encontre ;
- condamner M. C. à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.
L'instruction a été clôturée le 30 novembre 2021.
En cours de délibéré la cour a sollicité des parties leurs observations sur l'effet dévolutif de la déclaration d'appel de la SCI les Embruns, accompagné d'une annexe suite à la publication du décret 2022-245 du 25 février 2022 et de l'arrêté du même jour, applicables aux procédures en cours.
MOTIFS
Sur l'effet dévolutif de la déclaration d'appel de la SCI Les Embruns
M.C. soutient que la déclaration d'appel de la SCI Les Embruns, accompagnée d'un fichier annexé comportant l'indication des chefs du jugement critiqués, est dépourvue d'effet dévolutif, situation que le décret et l'arrêté du 25 février 2022 n'ont pas modifiée. Il fait observer que si la nouvelle rédaction de l'article 901 du code de procédure civile issue de ce décret permet le cas échéant de joindre à la déclaration d'appel une annexe en dehors de l'hypothèse dans lesquelles les limites techniques que le système électronique ne permet pas d'insérer tous les chefs du jugement critiqué dans la déclaration, l'arrêté exige toutefois qu'il soit fait expressément référence à cette annexe dans la déclaration d'appel pour qu'elle fasse corps avec elle, ce qui n'est pas le cas de la déclaration d'appel de la SCI Les Embruns qui ne contient pas ce renvoi.
La SCI les Embruns estime que sa déclaration d'appel saisit valablement la cour, observant que la nouvelle rédaction de l'article 901 permet que celle-ci soit accompagnée d'une annexe en dehors des hypothèses de difficultés techniques.
En application de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et ceux qui en dépendent.
Le décret 2022-245 du 25 février 2022, applicable aux procédures en cours, a modifié la rédaction de l'article 901 du code de procédure civile qui dispose désormais que « la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. (...) »
L'arrêté du 25 février 2022 a modifié l'arrêté du 20 mai 2020. Son article 3 prévoit que : « Le message de données relatif à l'envoi d'un acte de procédure remis par voie électronique est constitué d'un fichier au format XML, destiné à faire l'objet d'un d'un traitement automatisé par une application informatique du destinataire.
Lorsque ce fichier est une déclaration d'appel, il comprend obligatoirement les mentions des aliénas 1 à 4 de l'article 901 du code de procédure civile. En cas de contradiction, ces mentions prévalent sur celles mentionnées dans le document fichier au format PDF visé à l'article 4. »
Cet article 4 dispose que :
« lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document (...) »
Il se déduit de ces textes que l'article 901 du code de procédure civile, permet d'annexer un document à la déclaration d'appel, sans limiter cette possibilité aux contraintes techniques induites par le système électronique et notamment l'impossibilité d'insérer plus de 4080 caractères dans le cadre réservé à l'énonciation des chefs de jugement critiqués.
Cet article ne requiert pas que la déclaration d'appel opère un renvoi exprès au document éventuellement joint. Ce renvoi, qui constitue une contrainte supplémentaire de rédaction de la déclaration d'appel imposée à l'appelant, est prévue seulement dans l'arrêté du 25 février 2022 à vocation technique, norme juridiquement inférieure au décret. De plus, il n'est pas assorti de sanction.
Dès lors, la déclaration d'appel de la SCI les Embruns accompagnée de son annexe a utilement saisi la cour des chefs du jugements qu'elle critique. L'argumentation de M. C. ne peut être accueillie.
Sur l'intérêt à agir de M. C.
La SCI Les Embruns et la CRAMA soutiennent que M. C. a perdu tout intérêt à agir sur le fondement de l'article 1792 du code civil en raison de la vente de la propriété en 2018 puisque cette action est réservée au propriétaire de l'immeuble siège des désordres et se transmet lors de sa cession. Elles estiment que M. C. ne peut se prévaloir des clauses insérées dans l'acte de vente.
M. C. demande la confirmation du jugement et fait valoir que la vente de la maison est sans incidence sur son droit à agir en indemnisation des préjudices qu'il a subis du fait des désordres puisqu'il a fait réaliser les réparations et que de ce fait, l'action présente pour lui un intérêt certain et qu'il peut invoquer un préjudice personnel. Il relève qu'en tout état de cause l'acte de vente, prévoit expressément qu'il conservera la charge et la responsabilité de conduire l'action judiciaire jusqu'à son terme.
En application de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès d'une prétention.
M. C. recherche la responsabilité de la SCI les Embruns en sa qualité de venderesse et de la société Jardins d'ici et d'ailleurs sur le fondement des articles 1792 et 1792-1 du code civil. Cette action contre les constructeurs ou les personnes qui y sont légalement assimilées bénéficie aux acquéreurs successifs de l'ouvrage et suppose la qualité de propriétaire de celui-ci.
Toutefois, en cas de vente, il est possible de déroger à cette règle par l'insertion d'une clause qui stipule que le vendeur conserve le bénéfice des actions engagées contre les constructeurs et des indemnités demandées. Tel est le cas de l'acte de vente du 4 octobre 2018 qui comporte une clause relative à l'action judiciaire en cours contre la SCI, les constructeurs et leurs assureurs et précise que le bénéfice en demeure acquis au vendeur qui conserve la charge et la responsabilité de la conduire.
Par ailleurs, le vendeur ne perd pas le droit d'agir contre les constructeurs, dès lors que l'action présente pour lui un intérêt direct et certain et qu'il peut se prévaloir d'un préjudice personnel, ce qui est également le cas en l'espèce, puisque M. C. justifie avoir financé en 2017, avant la vente, des travaux emportant la réparation des désordres le long de la limite ouest de la propriété, ce que confirment les photographies produites par la société Jardins d'ici et d'ailleurs et la SCI. Le débat sur l'étendue et la nature de ces travaux par rapport à ceux évoqués lors de l'expertise relève quant à lui de l'évaluation du préjudice invoqué par M. C. et donc du fond du litige.
Compte tenu de ces éléments, le jugement a justement retenu l'existence de l'intérêt à agir de M. C. et, par suite, la recevabilité de ses demandes.
Sur la nature des travaux et des désordres
Sur l'existence d'un ouvrage
La SCI Les Embruns fait valoir que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, les travaux d'aménagement paysager qui ont été réalisés par la société Jardins d'ici et d'ailleurs en 2004 et 2009 à proximité de la limite ouest de la propriété ne constituent pas un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil. Elle soutient que sur cette partie, a été uniquement aménagé un chemin préexistant, que le talus d'origine est naturel et qu'il n'a pas été fait appel à des techniques relevant de travaux de bâtiment ni procédé à un enrochement, qui a seulement été réalisé plus bas.
Elle estime que M. C. ne peut, au soutien de son argumentation, prendre en compte l'intégralité des travaux réalisés à cette époque alors que seulement quelques mètres présentent des désordres et se rapportent à des travaux d'un coût modeste et qu'il opère volontairement une confusion entre les travaux de terrassement réalisés autour de la piscine et de décoration paysagère d'un montant conséquent et l'aménagement limité du chemin litigieux.
La société Jardins d'ici et d'ailleurs fait également valoir que les travaux qu'elle a réalisés ne correspondent pas à la définition d'un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil concernant ce chemin en limite de propriété ouest. Elle précise avoir seulement créé des marches en raison du dénivelé très important du site aggravé par la construction de la piscine et procédé à un habillage du chemin selon les modalités retenues pour l'accès en façade. Elle estime que seraient uniquement en cause des éléments d'équipement qui, ne portant pas atteinte à l'immeuble, ne peuvent justifier l'application de la responsabilité décennale, qu'en application de l'article 1792-3 du code civil, l'action est prescrite.
M. C. soutient que les travaux d'aménagement paysager d'ampleur, comme en atteste leur coût, réalisés par la société Jardins d'ici et d'ailleurs en 2004 constituent en eux-mêmes un ouvrage en ce qu'ils recourent à des techniques d'immobilisation par incorporation au sol, comme le montrent les factures, et présentent une fonction de soutènement, notamment sur la partie affectée d'un affaissement en limite ouest où il ne peut être considéré qu'a été seulement aménagé un chemin existant.
Les dispositions des articles 1792 du code civil qui prévoient une responsabilité de plein droit des constructeurs concernent la construction d'un ouvrage, notion plus large que l'édification d'un bâtiment ou d'un édifice.
En l'espèce, l'expert a rappelé que la propriété avait fait l'objet en 2004 de travaux paysagers importants facturés 80 371 euros TTC et d'une nouvelle intervention en 2009 pour un coût de 5 057,19 euros TTC.
La société Jardins d'ici et d'ailleurs précise, en page 17 de ses écritures, que les travaux sur la partie ouest de la propriété où se situent les désordres sont concernés par les factures des 25 juin et 5 juillet 2004 d'un montant total de 42 557,50 euros TTC, ce qui apparaît cohérent avec les décomptes et factures datés de mai et juin 2004 des sociétés Ramella et Ilot Piscines ayant construit la piscine, positionnée également à l'ouest entre la maison principale et la limite du fonds.
L'expert a rappelé que la distance entre la limite ouest et la piscine est d'environ 4,30m et qu'il existe un dénivelé important de 3,5m entre les plages périphériques du bassin et le fonds voisin en contrebas.
Il a relevé que les travaux de la société Jardin d'ici et d'ailleurs ont consisté notamment en un remblaiement avec mise en œuvre de murets de soutènement réalisés avec des traverses SNCF en chêne de section 20 cm par 15 et d'une longueur de 2,06m posées verticalement et horizontalement. Les factures confirment un apport de terre de remblai et de terre végétale d'un total de 30m3 et que les niveaux, prévus au nombre de 4 à 5, étaient refaits à l'aide de ces traverses pour récupérer de la hauteur, que celles-ci sont scellées dans du ciment, matériau utilisé de façon significative dans cette partie de la propriété, comme le montre le nombre sacs facturés (70). La facture de 2009 mentionne des travaux de pose de traverses réalisés selon les mêmes modalités.
Les photographies annexées au rapport d'expertise témoignent de ce que le chemin situé en limite de propriété est bordé des deux côtés de ces traverses posées horizontalement et maintenues par des traverses verticales espacées de plusieurs dizaines de centimètres.
Comme le montrent les croquis en page 13 qui ne sont pas discutés, les travaux entrepris dans cette partie, y compris en limite de propriété, ne concernent pas uniquement un aménagement paysager décoratif ou celui d'un cheminement préexistant comme le soutient l'appelante. Les traverses, par leur positionnement et leur scellement dans le sol, constituent des dispositifs de soutènement qui permettent d'assurer la stabilité du talus.
L' affirmation par l'appelante, en page 16 de ses écritures, que les traverses pourraient être enlevées sans dommage pour le talus qui est naturel et existait avant les travaux n'est corroborée par aucune pièce ou avis technique et cette allégation n'a pas été soumise à l'expert. Au contraire, M. C. a rappelé que, même si les factures de la société Jardins d'ici et d'ailleurs ne font pas explicitement état de travaux de soutènement, les prestations exécutées avaient bien cette destination. Lors de la vérification des devis de travaux de reprise, il a d'ailleurs pris soin de vérifier qu'y étaient bien prévus des moyens de butonnage provisoires lors des terrassements. Les conclusions du bureau d'études ECR Environnement intervenu en qualité de sapiteur rejoignent cette analyse de la fonction des traverses.
Dès lors, au delà du seul aménagement végétal de cette partie proche de la piscine, les travaux exécutés par l'incorporation et la fixation dans le sol, à l'aide de matériaux de construction, de remblais et de traverses destinées à assurer la stabilité et la pérennité du talus caractérisent en eux-mêmes la réalisation d'un ouvrage immobilier au sens de l'article 1792 du code civil, indépendant des autres ouvrages que constituent la maison d'habitation et la piscine.
Ils peuvent d'autant moins constituer un élément d'équipement relevant de l'article 1792-3 du code civil que cet article se rapporte à une garantie de bon fonctionnement qui ne peut concerner les travaux en cause qui ne contiennent aucun élément destiné à fonctionner. Il s'en déduit que le délai de deux ans pour agir à compter de la réception applicable à cette garantie ne peut être opposé à M. C., ni par suite la forclusion de son action.
Sur la nature décennale du désordre
La SCI les Embruns et la société Jardins ici et d'ailleurs soutiennent que les désordres ne présentent pas de nature décennale.
M.C. estime que la description du désordre par l'expert, comme les photographies qui confirment l'affaissement des traverses vers la propriété voisine, suffisent à démontrer l'atteinte à la solidité de l'ouvrage.
Les dispositions de l'article 1792 du code civil exigent que les désordres présentés par l'ouvrage en compromettent la solidité ou l'affectant dans l'un ses éléments constitutifs ou d'équipement le rendent impropre à sa destination.
Les opérations d'expertise ont permis de constater un affaissement du muret de soutènement constitué par ces traverses en limite de propriété. L'expert a relevé, en effet, qu'il présente un fruit important vers la propriété voisine sur la quasi-totalité de la limite des fonds et que le muret implanté à l'identique de l'autre côté du chemin présente également une déformation.
Il explique ce phénomène par un déplacement en tête de muret dû à la poussée horizontale résultant du remblaiement en sable en amont, poussée d'autant plus importante que le sable est un matériau pulvérulent, et précise que ce désordre est apparu progressivement, amorcé avant la vente à M. C.. Le sapiteur ECR Environnement chargé de vérifier l'existence d'une incidence des fondations de la piscine sur la survenance du désordre a confirmé que le déversement de l'ouvrage en limite de propriété témoigne de l'absence de butée suffisante et que la poussée des terres avait provoqué une rotation des traverses verticales.
Les photographies annexées au rapport montrent également que le chemin le long de ces murets, composé pour partie de dalles de gravillons lavés et pour partie de traverses en chêne, présentent des jeux importants entre ces différents éléments constitutifs, que les marches de l'escalier dans la partie sud-ouest sont affectées d'un défaut d'horizontalité dont il n'est pas soutenu qu'il existait dès l'achèvement des travaux en 2004. L'expert a clairement indiqué que les désordres constatés entraînaient un risque pour la sécurité des usagers du chemin et pour le voisinage dès lors que la solidité de l'ouvrage était atteinte de sorte que l'absence d'écroulement du chemin ou d'aggravation de son état pendant la durée de l'expertise est indifférente.
M. C. a, certes, précisé que la solidité de l'immeuble n'était pas affectée. Toutefois, cette mention ne peut concerner que la piscine suite aux vérifications opérées par la société ECR qui a conclu que celle-ci était indépendante des travaux paysagers et que ses fondations n'avaient pas d'incidence sur le talus ou les ouvrages de soutènement.
Au vu de ces éléments, il est établi que le désordre présente une nature décennale. Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur les responsabilités
Dès lors que les désordres affectant l'ouvrage présentent un caractère décennal, ils entraînent la responsabilité de la SCI Les Embruns en sa qualité de vendeur conformément à l'article 1792-1 du code civil ainsi que celle de la société Jardins d'Ici et d'ailleurs en sa qualité de constructeur, sauf à ce qu'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère exonératoire.
Sur ce point, la circonstance que l'expert a précisé que le déversement du muret de soutènement préexistait à la vente et que son degré de gravité ne pouvait être apprécié que par un homme de l'art n'est pas de nature à exonérer la SCI Les Embruns de sa responsabilité en qualité de vendeur assimilé à un constructeur. L'absence de connaissance du désordre lors de la transaction est en effet sans conséquence sur la responsabilité du vendeur.
L'appelante fait, par ailleurs, état de l'arrachage d'arbres en limite de propriété par les propriétaires du fonds voisin, décision selon elle de nature à modifier la structure même du terrain constitué d'une dune de sable. Cependant, la SCI ne fournit aucune précision sur la date des faits allégués, ni ne produit de pièces au soutien de cette affirmation.
Le coût des travaux ne peut être invoqué utilement, ce d'autant qu'il ne peut être évalué par rapport au montant de la seule réalisation du cheminement.
La société Jardins d'ici et d'ailleurs invoque les infiltrations du mur du soutènement de la piscine, dont il précise qu'elle a été conçue sans accès au réseau d'évacuation et s'est déversée à deux reprises sur le chemin. Elle ajoute que ces faits ont été évoqués lors de l'expertise sans être repris par l'expert. Toutefois, il n'est fourni aucune précision sur la date de ces événements, ni d'ailleurs de factures en rapport avec le changement du liner de la piscine à deux reprises selon la société et qui n'est pas confirmé par la venderesse.
En l'absence de cause étrangère exonératoire, la condamnation in solidum de la SCI les Embruns et de la société Jardins d'ici et d'ailleurs à indemniser M. C. est confirmée.
Sur la garantie de la société CRAMA
La CRAMA conteste sa condamnation. Elle rappelle garantir la société dans le cadre d'un contrat assurance multirisques des paysagistes-reboiseurs qui couvre après réception les dommages causés à autrui, y compris le maître d'ouvrage, pour les travaux réalisés pendant la période de validité du contrat ayant pour origine une faute professionnelle. Elle fait observer qu'elle ne garantit pas la responsabilité décennale de la société, ce qui est précisé dans les conditions personnelles, et donc la reprise des travaux, que la garantie de la responsabilité civile ne couvre pas la mauvaise exécution des travaux par l'assuré mais uniquement les dommages occasionnés par ces travaux, ce qui est également rappelé dans le contrat.
Elle relève que la société assurée ne discute pas les limites de la garantie.
M. C. demande la confirmation du jugement. Il estime que l'assurance qui couvre l'hypothèse du dommage causé à autrui résultant d'une faute professionnelle est applicable vu les conclusions de l'expert puisque l'affaissement du muret constitue un dommage qui lui a été occasionné par la faute de la société lors de la réalisation des travaux, tenant en une analyse erronée des matériaux devant être utilisés pour assurer un soutènement pérenne.
Il résulte des pièces produites que la société Jardins d'ici et d'ailleurs a souscrit auprès de la CRAMA une police Multirisques des paysagistes et reboiseurs à effet du 1er mars 1999. Cette police comporte un volet responsabilité civile du fait des travaux exécutés. Le tableau des garanties révèle que sont pris en charge les dommages matériels et les dommages immatériels consécutifs à un dommage matériel garanti.
Selon les conditions générales versées aux débats par l'assureur, dont il n'est pas discuté qu'elles sont applicables aux travaux, la garantie couvre après réception, laquelle ne fait pas débat en l'espèce, les dommages causés à autrui, y compris le maître d'ouvrage, par les travaux réalisés pendant la période de validité du contrat et ayant pour origine une faute professionnelle.
Ces mêmes conditions générales excluent de la garantie, au paragraphe 4, en caractères apparents (gras) les dommages engageant la responsabilité décennale de l'assuré.
Au regard de ces stipulations, il apparaît que l'assureur garantit les conséquences dommageables occasionnées par les travaux effectués par l'assuré dès lors que la responsabilité de ce dernier est engagée sur un fondement autre que décennal mais non la reprise des désordres qui les affectent.
Au regard du régime de responsabilité retenu contre son assurée, la CRAMA est donc fondée à dénier sa garantie au titre de l'indemnisation des travaux de reprises des désordres, comme des préjudices immatériels invoqués par M. C. puisque ceux-ci ne peuvent être pris en charge qu'autant qu'ils sont consécutifs à un dommage matériel garanti.
M.C. ne peut soutenir que la CRAMA s'est contredite à son détriment en lui laissant croire qu'elle garantissait la société Jardins d'Ici et d'ailleurs. Il ne résulte d'aucune pièce que la CRAMA a pris position en ce sens au titre des désordres en cause. S'il apparaît que cette société et son assureur étaient représentés par le même conseil devant le juge des référés et pendant une partie des opérations d'expertise, cette situation a pris fin début 2015, la société étant alors représentée par un autre conseil.
Il ne peut être fait grief par M. C. (page 37) à l'assureur d'avoir participé à la procédure d'expertise à laquelle il l'avait lui-même assigné et que la CRAMA avait intérêt à suivre afin de faire valoir à son argumentation suite aux constatations techniques opérées. De même, elle n'est pas critiquable pour avoir fait établir des devis de réparation des travaux préconisés par l'expert en réponse à l'évaluation contestée proposée par M. C..
En conséquence, la garantie de la CRAMA ne peut être mobilisée et le jugement qui l'a condamnée à indemniser M. C. est infirmé.
Sur la responsabilité de M. P., gérant de la société Jardins d'Ici et d'ailleurs
Subsidiairement, M. C. recherche la responsabilité de M. P., au titre d'une faute séparable de sa qualité de gérant de la société Jardins d'ici et d'ailleurs qui engage sa responsabilité personnelle pour ne pas avoir souscrit d'assurance garantissant sa responsabilité décennale, assurance obligatoire en application de l'article L 241-1 du code des assurances. Il rappelle que ce défaut d'assurance constitue une infraction pénale intentionnelle.
M.P. demande le rejet de cette prétention. Il fait observer qu'il a été assuré de manière continue au titre d'une activité de création et d'entretien de jardins sans avoir été alerté au regard des différents types de travaux accomplis sur les risques liés à un défaut de souscription d'une assurance responsabilité décennale.
Il ajoute qu'il n'a méconnu aucune obligation légale ou réglementaire, rappelant que la faute détachable alléguée à son encontre doit être intentionnelle. Il relève que l'ordonnance du 8 juin 2005 qui a étendu l'obligation d'assurance dans le domaine de la construction a été publiée le 9 juin 2005, postérieurement aux travaux, et que la recommandation faite aux compagnies d'assurance relative à la souscription de l'assurance obligatoire date du 1er décembre 2017.
Conformément à l'article L 223-22 du code de commerce, les gérants d'une SARL sont responsables, individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés à responsabilité limitée, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion.
Il est constant que la responsabilité personnelle du gérant peut être engagée dès lors qu'est caractérisée à son encontre une faute intentionnelle séparable de ses fonctions sociales. L'absence de souscription d'une assurance de responsabilité obligatoire par le gérant d'une société constitue effectivement une faute de nature à engager sa responsabilité personnelle.
L'extrait K Bis de la société Jardins d'ici et d'ailleurs montre que l'activité de la société est la multiplication végétative, la production, le développement et la vente de produits végétaux et dérivés et, plus généralement, l'achat et la vente de produits et la prestation de services d'aménagement paysagé. Comme il a été vu, cette dernière activité est de nature à engager sa responsabilité décennale .
Or, si l'article L241-1 du code des assurances a effectivement posé une obligation pour les personnes morales dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la présomption de l'article 1792 et suivants du code civil de souscrire une assurance, cet article, dans sa rédaction applicable à la date des travaux en 2004, concernait uniquement les travaux du bâtiment, sans lien avec les travaux en cause. L'extension de cette obligation de garantie à l'ensemble des ouvrages de construction résulte de l'ordonnance du 8 juin 2005 qui a supprimé le terme de travaux de bâtiment. Il s'en déduit que ne peut être reprochée à M. P. la violation d'une obligation légale d'assurance pénalement sanctionnée lors des travaux.
En outre, si M. C. rappelle que la notion d'ouvrage engageant la responsabilité décennale des constructeurs, régime spécifique issu de la loi du 4 janvier 1978, a été analysée de façon extensive par les juridictions, cette situation ne suffit pas à démontrer une décision intentionnelle de M. P. de ne pas souscrire à la date des travaux une assurance de responsabilité décennale à l'issue d'une information précise délivrée sur ce point. Les documents d'assurance qu'il produit démontrent qu'a toujours été déclarée une activité de création de jardins et non seulement d'entretien et que le contrat envisageait les conditions d'intervention d'engins de chantier et de réalisation en excavation jusqu'à 3 mètres. Ces éléments démontrent qu'avait été indiquée par l'assurée la réalisation de travaux susceptibles d'être qualifiés d'ouvrage sans qu'il soit établi que M. P. en tant que gérant aurait refusé la souscription d'une garantie décennale proposée par son assureur.
Au regard de ces éléments, n'est pas démontrée une faute intentionnelle de M. P. d'une gravité telle qu'elle ne peut être rattachée à l'exercice normal de sa fonction de gérant. Sa responsabilité personnelle n'est donc pas engagée à l'égard de M. C..
Sur l'indemnisation de M. C.
Au titre du préjudice matériel
M.C. demande la réformation de l'indemnisation accordée. Il soutient qu'il ne peut être considéré que les entreprises, lors de la réalisation des travaux de reprises, ont eu un accès total à la propriété voisine pour travailler selon les trois options évaluées par l'expert. Il estime que les constats d'huissier établis pendant les travaux qui lui sont opposés ne sont pas significatifs du déroulement des travaux.
Il observe qu'au surplus, la longueur de la limite de propriété à reprendre est de 31 mètres selon le bornage que l'expert avait estimé nécessaire et non de 25 m, ce qui a pour conséquence de renchérir le coût de chacune des options qu'il avait chiffrées. Il précise qu'il a versé une somme de 372 760,77 euros au titre des travaux réparatoires à laquelle doivent s'ajouter les sommes versées au titre des honoraires du cabinet Phidias pendant l'expertise, du bornage, du constat d'huissier et de l'intervention de la société ECR Environnement, ce qui représente un total de 379 375,26 euros TTC.
La SCI Les Embruns et la société Jardins Ici et d'ailleurs s'opposent à cette demande. Elles objectent que les travaux dont le paiement est demandé ne correspondent pas à ce qui avait été prévu par l'expert et sont beaucoup plus importants, que l'ensemble des factures détaillées n'est pas produit et que les prestations mentionnées sont manifestement surévaluées par rapport à leur prix habituel.
Elles relèvent, en outre, que les constats effectués pendant le cours des travaux de réparations démontrent que des matériaux comme des engins de chantier étaient stationnés sur la propriété voisine, espace utilisé par les salariés, et qu'il ne peut donc être prétendu que l'évaluation sans accès proposée par l'expert doit être retenue, ajoutant que la longueur de la limite de propriété à traiter tel que résultant du bornage du géomètre ne leur est pas opposable.
Les travaux réparatoires préconisés par l'expert consistaient à déposer les ouvrages de soutènement le long de la limite ouest sur une longueur estimée à 25 ml, à les reconstruire en éléments béton, puis à les habiller de profilés en bois et à refaire le cheminement dans ce même matériau. Sur la base de ces préconisations, le coût des travaux a été évalué à partir des devis de la société Spie Batignolles en fonction des possibilités d'accès à la propriété voisine pour travailler et notamment de la possibilité d'y réaliser une plateforme, le devis présenté par M. C. d'un montant de plus de 400 000 euros ayant été estimé prohibitif. Ainsi le coût des travaux avec un accès total à la propriété voisine était évalué à 245 975 euros TTC, avec un accès partiel à 271 427 euros TTC, sans accès à 310 331 euros TTC.
M. C. indique avoir réglé pour ces travaux une somme de 372 760,77 euros TTC. Toutefois, il apparaît que les travaux réalisés par la société Pain dont il produit les situations ne correspondent pas aux réparations définies par l'expert pour mettre fin aux désordres. Les constats d'huissier et photographies produits aux débats par l'appelante et la société Jardins d'ici et d'ailleurs mettent en évidence que la partie de la propriété entre la piscine et la limite ouest a été totalement réorganisée en privilégiant l'utilisation de gabions préfabriqués pour assurer le soutènement, solution qui avait été écartée par l'expert. Selon la facturation de la société Pain, la pose de ce mode de soutènement représente à elle seule un coût de 262 922,50 euros HT.
Alors que l'expert, en réponse à un dire du conseil de la CRAMA (page 33 du rapport), avait retenu que la solution réparatoire définie par la société SPIE, limitée à la ligne séparative de la propriété et de celle située en contrebas, avait pour effet de limiter l'impact des travaux sur l'environnement paysager et de conserver la dalle support de la pompe à chaleur, il apparaît que les travaux commandés par M. C. ont entraîné des conséquences plus importantes, impliquant l'enlèvement de végétation et de traverses qui n'étaient pas concernées par les désordres et le déplacement ponctuel de la pompe à chaleur ainsi que la vidange de la piscine. En effet, le poste d'enlèvement des terres, des traverses et du béton démoli représente une somme comprise entre 16 050 euros HT et 30 300 euros HT dans les devis validés par l'expert en fonction des possibilités d'accès à la propriété voisine alors qu'il a été facturé 54 854 euros HT par la société Pain en incluant la création d'une piste pour les travaux de préparation des gabions. De la même façon, l'évacuation des traverses et leur traitement est évaluée à 5 250 euros HT par la société Spie tandis que le poste de traitement et évacuation des déchets est facturé 50 616 euros HT par la société Pain sans que des explications ne soient fournies justifiant cette différence très importante.
Le coût de la réfection des circulations et des garde-corps est également supérieur de plus de 17 000 euros à l'évaluation proposée lors de l'expertise à raison de matériaux différents de ceux du cheminement affecté par les désordres.
M. C. soutient que les travaux n'ont pu être réalisés à partir de la propriété voisine, ce qui impose de prendre en compte l'évaluation haute proposée par l'expert dans cette hypothèse. Cependant, alors qu'il était intéressé au premier chef par l'obtention de la position du propriétaire voisin quant à la possibilité de réaliser tout ou partie des travaux à partie de son terrain, il ne justifie pas l'avoir interrogé sur ce point, ni a fortiori de la réponse obtenue. Les constats et photographies en cours de travaux montrent que la partie située sur la propriété voisine jusqu'aux ouvrages litigieux a été totalement nettoyée de toute végétation et dégagée, que des ouvriers travaillaient à partir de cet espace et que des matériaux et engins y étaient entreposés, ce qui contredit l'attestation du maître d'oeuvre, la société Phidias, qui en a assuré le suivi.
En outre, dans la mesure où les travaux choisis par M. C. sont plus importants que ceux évalués par l'expert pour mettre fin aux désordres et ont entraîné la création d'un passage plus large sur la propriété le long de la piscine afin de permettre le positionnement des gabions, il n'est pas démontré que l'accès à la propriété voisine présentait un intérêt déterminant pour en réduire le coût. Dès lors son argumentation ne peut être suivie.
Un projet de bornage a été établi le 14 janvier 2015 à la demande de M. C. par la société AGE qui fait apparaître une limite d'une longueur de 31 m. L'expert avait évalué la longueur à reprendre à 25 m, certes sans en effectuer une mesure exacte. Cependant, il n'apparaît pas que ce projet lui a été communiqué afin qu'il se prononce, au contradictoire de l'ensemble des parties, sur la pertinence de procéder à des travaux sur la totalité de la limite alors qu'il a déposé son rapport plus d'un mois plus tard et que des dires lui ont été adressés jusqu'au 10 février 2015 auxquels il a répondu.
Il n'y a donc pas lieu de corriger la valeur des travaux sur la base de la longueur de 31 m ce d'autant que le plan de géomètre mentionne à proximité du point B un mur en pierre dont il n'est pas démontré qu'il est affecté par les désordres et dont la réfection n'a pas été évoquée pendant les opérations d'expertise.
L'indemnisation accordée à M. C. au titre des travaux de reprise a donc été justement fixée par le tribunal à 245 975 euros TTC. De la même façon doivent être pris en compte les frais de géomètre pour un montant de 1644€ en raison de la nécessité de matérialiser avec précision la limite des fonds. En revanche, il n'y a pas lieu d'intégrer dans son préjudice la somme de 912€, montant de l'intervention de la société ECR Environnement, sapiteur, qui est incluse dans les frais d'expertise comme en atteste le mémoire de M. C. du 27 février 2015. Le coût du constat d'huissier de 368,49 euros relève des frais irrépétibles et la somme de 3 690 euros demandée pour l'intervention de la société Phidias en cours d'expertise n'est confirmée par aucune facture acquittée. L'indemnisation totale de M. C. supportée in solidum par la SCI et la société Jardins d'ici et d'ailleurs est donc fixée à 247 619 euros TTC. Le jugement est réformé sur ce point.
Au titre du préjudice immatériel
M. C. évalue à 33 000 euros sur la base du prix d'une location hebdomadaire en basse saison à la Baule, le préjudice qu'il a subi en raison des nuisances résultant des travaux pendant environ quatre mois.
Cette indemnisation ne peut être retenue dès lors que cette propriété ne constitue pas l'habitation principale de M. C. qui réside en Belgique, comme le rappellent les actes de vente de 2011 et de 2018 et l'adresse mentionnée dans ses conclusions. Il ne peut donc alléguer une privation de jouissance pendant près de quatre mois consécutifs à compter de janvier 2017.
Par ailleurs, comme l'a rappelé l'expert, les travaux de reprise se sont déroulés uniquement à l'extérieur de l'habitation, majoritairement en période hivernale et les nuisances sonores résultent essentiellement de sa décision de modifier la partie ouest de la propriété au delà des prestations qui étaient nécessaires pour assurer la reprise efficace des désordres présentés par les murets de soutènement.
Dès lors, la réalité de son préjudice n'est pas démontré et le jugement qui a rejeté sa demande est confirmé.
Sur les demandes annexes
La demande de M. C. est en partie fondée et sa mauvaise foi dans l'exercice de son action n'est pas établie de sorte que la demande de la SCI Les Embruns pour procédure abusive ne peut être accueillie.
Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont réformées.
La SCI Les Embruns et la société Jardins d'ici et d'ailleurs seront condamnés in solidum à verser une indemnité de 12 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel. Les autres demandes à ce titre sont rejetées.
Elles supporteront les dépens de première instance comprenant les frais de référé et d'expertise et les dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement en dernier ressort,
SE DÉCLARE valablement saisie par la déclaration d'appel de la SCI Les Embruns
INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de M. C. au titre d'un préjudice immatériel et contre M. P. et la demande de la SCI Les Embruns contre M. C. pour procédure abusive,
CONDAMNE in solidum la SCI Les Embruns et la société Jardins d'ici et d'ailleurs représenté par son liquidateur amiable à verser à M. C. la somme de 247 619 euros en réparation de son préjudice matériel,
DÉBOUTE M. C. de sa demande contre la CRAMA Bretagne-Pays de Loire,
CONDAMNE in solidum la SCI Les Embruns et la société Jardins d'ici et d'ailleurs représenté par son liquidateur amiable à verser à M. C. la somme de 12 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,
Les CONDAMNE in solidum aux dépens de première instance comprenant les frais de référé et d'expertise et aux dépens d'appel, recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.