CA Versailles, 13e ch., 3 février 2011, n° 10/00913
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Sagir Participations (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Besse
Conseillers :
Mme Dabosville, Mme Vaissette
Avoués :
SCP Gas, SCP Lissarrague Dupuis Boccon-Gibod
Avocats :
Me Koulmann, Me Fayard
La SARL Agadir conseil (société Agadir), détenue à 100 % par M. Brice M. qui en est le gérant, et la SARL F., détenue à 100 % par M. Thomas V. qui en est le gérant, ont constitué ensemble la SARL Sagir participations (société Sagir), détenue à 60 % par la société Agadir et à 40% par la société F. et dont M. M. est le gérant.
La société Sagir, immatriculée au registre du commerce le 8 septembre 2006, a été constituée pour le rachat de la SAS Atelier de chaudronnerie du Mantois (société ACM).
L'acquisition de la totalité des actions de la société ACM, réalisée le 22 septembre 2006, a été financée comme suit :
-remontée exceptionnelle de dividendes de 800 000 euros,
-prêt de 500 000 euros accordé par la Société générale à la société Sagir le 5 septembre 2006 remboursable par échéances annuelles à compter du 30 juin 2007 jusqu'au 30 juin 2013,
-apport des repreneurs pour le surplus, se décomposant en une souscription au capital de la société ACM de 6 000 euros par la société Agadir et de 4 000 euros par la société F. et des apports en compte courant de 174 000 euros par Agadir et de 116 000 euros par F..
L'assemblée générale extraordinaire des associés de la société ACM du 22 septembre 2006, réunissant les associés cessionnaires, en présence de MM. M. et F., a notamment décidé, après avoir agréé la société Sagir comme nouvel associé et pris acte de la démission du président sortant, de désigner la société Agadir (M. M.) en qualité de président et la société F. (M. V.) en qualité de directeur général.
Par lettre du 28 novembre 2007, la société F. a demandé à la société Sagir le remboursement partiel de son compte courant à concurrence de 76 000 euros.
N'obtenant pas satisfaction, la société F. a assigné la société Sagir devant le tribunal de commerce de Versailles par acte du 11 septembre 2008 en demandant le remboursement de son compte courant à concurrence de 116 000 euros. Elle y a ajouté, en cours de procédure, une demande de paiement de 72 000 euros au titre du préjudice subi par la révocation de son mandat de directeur général.
Par jugement du 16 décembre 2009, le tribunal de commerce de Versailles a :
-condamné la société Sagir à rembourser à la société F. la somme de 40 000 euros au titre du compte courant détenu par la société F., majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2008,
-condamné la société Sagir à payer à la société F. la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts, au motif que la révocation de la société F. de sa fonction de directeur général de la société ACM a été décidée par la société Sagir, associée unique de la société ACM, sans juste motif,
-condamné la société Sagir à payer à la société F. la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
La société Sagir a interjeté appel du jugement par déclaration enregistrée au greffe le 5 février 2010.
Par conclusions du 14 octobre 2010, la société Sagir demande à la cour l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société F. la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts et de débouter la société F. de sa demande de réparation du préjudice subi en raison de la révocation de son mandat de directeur général.
La société Sagir demande également la condamnation de la société F. à lui payer la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la révocation du directeur général est libre conformément à l'article 13 des statuts de la société ACM et qu'il n'y avait donc pas lieu de justifier d'un motif et elle se prévaut de la jurisprudence constante dont il résulterait que la révocation ad nutum peut intervenir à tout moment, sans préavis, ni précision de motifs et sans indemnité et ne peut donner lieu à dommages-intérêts qu'en cas d'abus dans l'exercice du droit de révocation, ce qui n'aurait pas été le cas en l'espèce.
Elle ajoute qu'en tout état de cause, la révocation de la société F. était justifiée par la dégradation des relations entre les représentants légaux de la société Agadir, président de la société ACM et de la société F., directeur général, à savoir entre MM. M. et V., par le refus de M. V. d'adhérer à la politique de développement de l'activité confort de la maison et de s'y consacrer et par sa constante opposition aux décisions de refus de distribution de dividendes. Il est également reproché au directeur général l'insuffisance de ses résultats, ses absences et l'embauche d'un commercial qui n'aurait pas été justifiée par l'activité.
La société Sagir soutient que l'ensemble de ces griefs a suscité une perte de confiance de l'associé unique envers son directeur général.
Elle précise que la révocation a été menée dans le respect du principe du contradictoire, avec un préavis raisonnable et sans aucune circonstance vexatoire ou injurieuse.
Elle souligne encore que la société F. n'a subi aucun préjudice du fait de cette révocation et prétend qu'après démarchage des fournisseurs de la société ACM, M. V., après son départ , est devenu agent commercial de la société Objectifs fenêtres, concessionnaire Grosfillex, puis a créé une nouvelle société 'Avantage fenêtres' concessionnaire Grosfillex sur un secteur limitrophe de la concession d'ACM.
Enfin, elle fait valoir que la demande de dommages-intérêts est formulée à l'encontre de la société Sagir, alors qu'en toute logique juridique, elle aurait dû être dirigée à l'encontre de la société ACM, la responsabilité de l'associé ne pouvant être engagée dans la décision de révocation que si cet associé a commis une faute personnelle dans l'intention de nuire au dirigeant révoqué.
La société F., par conclusions du 9 novembre 2010, demande à la cour de déclarer mal fondé l'appel de la société Sagir, de rejeter toutes ses demandes et d'accueillir son appel incident en réformant le jugement pour porter à la somme de 72 000 euros les dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la révocation sans juste motif et elle précise agir sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle de la société Sagir ; pour le surplus, elle demande la confirmation du jugement et en outre la condamnation de la société Sagir à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir qu'après avoir demandé le remboursement de son compte courant à concurrence de 76 000 euros par courriers des 28 novembre 2007 et 22 avril 2008 sans obtenir de réponse de la société Sagir, la société F. lui a adressé une mise en demeure par l'intermédiaire de son conseil le 18 juin 2008 et qu'elle a reçu, pour seule réponse, une lettre du 8 juillet 2008, receptionnée le lendemain, l'informant que son mandat de directeur général de la société ACM serait révoqué le 16 juillet suivant par l'associé unique Sagir. Elle soutient que cette révocation d'une excessive rapidité avait pour seul but de nuire à M. V., seul associé de la société F., dont la seule activité était de détenir le capital de la société Sagir participations.
Elle admet que la société Sagir ait pu faire usage de sa liberté de décision de révocation en mettant fin au mandat du directeur général, mais souligne que les premiers juges ont écarté les griefs formulés contre elle en retenant que le motif de révocation, contesté par la société F., n'était prouvé par aucun justificatif et en ont déduit l'absence d'un juste motif.
Elle soutient que les motifs de révocation invoqués dans les écritures de la société Sagir diffèrent de ceux mentionnés dans la lettre du 8 juillet 2008 et les conteste en objectant que c'est en réalité M. V. qui a pris les premiers contacts pour le développement de l'activité 'confort de la maison' et qui a signé en 2007 des commandes pour un total de 367 000 euros, tandis que M. M. n'en recueillait que pour 179 000 euros. Elle ajoute qu'aucun reproche n'avait été formulé contre M. V. avant la réception de la lettre du 8 juillet 2008, que rien ne justifie le grief relatif
aux 'absences injustifiées' de ce dernier ou à sa participation à des salons professionnels 'à titre personnel', non plus que ceux concernant de 'mauvais résultats' ou une embauche injustifiée. Elle réfute en outre avoir fait une demande à la société Grosfillex pour recevoir en concession un territoire limitrophe de celui de la société ACM.
La société F. reproche à la société Sagir la brièveté du délai entre la réception de la lettre du 8 juillet 2008 et l'assemblée générale devant décider de la révocation, délai entrecoupé du 14 juillet 'fête légale' qui réduisait la possibilité d'étude et les moyens de répondre à cette lettre; cette précipitation serait constitutive d'une volonté de nuire et d'un abus dans la révocation.
La société F. estime que les allégations de la société Sagir quant au développement par elle d'une activité concurrente de celle de ACM n'étant pas établies, elles doivent être écartées.
Elle ajoute, quant à la réalité du préjudice, que pendant un an, M. V., père de cinq enfants à charge, a dû vivre sur son épargne puisqu'il s'est trouvé dépourvu de tous revenus.
Enfin, la société F. explique qu'elle n'a pas poursuivi la société ACM mais recherche la responsabilité délictuelle de la société Sagir parce que la révocation a été la conséquence de la volonté personnelle de la société Sagir, associée unique de la société ACM, et que l'intrication des deux sociétés, mère et filiale, permet d'appréhender la faute de la société Sagir qui a décidé et voté la révocation et qui a rejeté les demandes de remboursement du compte courant de la société F..
La société F. demande que les critères de la révocation soient appréciés selon les dispositions de l'article L. 225-55 du code de commerce et, à défaut, sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle de droit commun.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Les dispositions du jugement relatives au remboursement partiel du compte courant de la société F. ne sont critiquées ni par l'appelante, ni par l'intimée.
L'appel est ainsi limité à la question de la révocation de la société F. de ses fonctions de directeur général.
L'article L. 225-55 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 15 mai 2001, prévoit que le directeur général d'une société anonyme est révocable à tout moment par le conseil d'administration et que si la révocation est décidée sans juste motif , elle peut donner lieu à des dommages-intérêts, sauf lorsque le directeur général assume les fonctions de président du conseil d'administration.
La société ACM est une société par actions simplifiée ( SAS ).
L'article L. 227-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 15 mai 2001, applicable jusqu'au 1er janvier 2009, dispose qu'une société par actions simplifiée peut être instituée par une ou plusieurs personnes qui ne supportent les pertes qu'à concurrence de leur apport.
Lorsque cette société ne comporte qu'une seule personne, celle-ci est dénommée "associé unique". L'associé unique exerce les pouvoirs dévolus aux associés lorsque le présent chapitre prévoit une prise de décision collective.
Dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières prévues par le présent chapitre, les règles concernant les sociétés anonymes, à l'exception des articles L. 225-17 à L. 225-126 et L. 225-243, sont applicables à la société par actions simplifiée. Pour l'application de ces règles, les attributions du conseil d'administration ou de son président sont exercées par le président de la société par actions simplifiée ou celui ou ceux de ses dirigeants que les statuts désignent à cet effet.
Il résulte de ce texte que les dispositions précitées de l'article L. 225-55 du code de commerce ne sont pas applicables à la révocation du directeur général d'une SAS .
En l'absence de dispositions spéciales du code de commerce régissant une telle révocation, il convient de se référer aux statuts de la société.
L'article 13 II b) des statuts de la société ACM stipule que les fonctions du ou des directeurs généraux prennent fin.....par révocation, qui peut intervenir à tout moment par décision collective ou par décision de l'associé unique, le cas échéant.
En conséquence, comme le soutient à bon droit la société Sagir, la révocation de la société F. n'était pas subordonnée à l'existence d'un juste motif.
Des pièces versées aux débats, il ressort que :
-par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 8 juillet 2008, le président de la société ACM (M. M.) a indiqué à la société F., en s'adressant à M. V., que l'associé unique de la société ACM était invitée à se prononcer le 16 juillet suivant sur un projet de décision visant à révoquer le directeur général de ACM de son mandat, et ce 'notamment en raison de vos oppositions permanentes à l'action de la présidence visant à mettre en oeuvre les changements nécessaires à la bonne exploitation de l'activité, de vos absences injustifiées et des résultats négatifs des activités qui vous sont dédiées.' Ce courrier poursuivait ainsi: 'ce comportement contraire à l'intérêt social, et le climat de perte de confiance dans votre action se révèlent tels qu'ils compromettent la bonne marche de l'entreprise' et concluait en ces termes: 'vous avez la possibilité de faire valoir par écrit vos observations éventuelles sur les points figurant à l'ordre du jour. Le cas échéant, vos observations seront soumises à l'associé unique le 16 juillet 2008. Si cette décision était adoptée par l'associé unique, votre révocation prendrait effet au 24 juillet 2008 et ne donnerait lieu à aucune indemnité. Nous nous tenons à votre disposition pour toute précision complémentaire à ce sujet.'
-par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 16 juillet 2008, le président de la société ACM (M. M.) a écrit à la société F. (M. V. ) en s'interrogeant sur le fait de recevoir le 15 juillet par remise en mains propres de M. V. à M. M., un document daté du 11 juillet évoquant l'impossibilité pour la société F. de préparer une réponse adaptée en relevant que 'ce courrier aurait pu être peaufiné à votre convenance entre le 11 et le 16, malgré le pont du 14 juillet', puis M. M. poursuit en répondant aux observations apparemment formulées par M. V. (mais le document daté du 11 juillet n'est pas versé aux débats) pour indiquer en substance que les échanges verbaux relatifs à l'opposition permanente de M. V. au changement initié par M. M. n'ont effectivement pas fait l'objet de notes internes 'compte tenu de mon mode de fonctionnement depuis deux ans' et 'compte tenu de la taille de notre entreprise,[....] une explication même verbale de vos absences aurait été suffisante' et M. M. conclut en écrivant ne pas partager l'analyse de M. V. quant à ses résultats en faisant état d'une moyenne mensuelle inférieure à 30 000 euros, ce qu'il qualifie de ' très faible' puisque, déclarant citer M. V., il indique 'un vendeur dans ce métier doit réaliser, selon vos propres dires, entre 50 et 100 000 euros par mois'.
-le procès-verbal intitulé 'décisions de l'associé unique du 16 juillet 2008" mentionne qu'après avoir pris connaissance notamment du rapport du président, des textes des décisions proposées à l'associé unique et de la copie des courriers de F. du 11 juillet 2008 et de ACM du 16 juillet suivant, 'et après avoir invité M. V., associé unique de la société F., directeur général à formuler ses observations en présence de Me R. huissier de justice, ayant consigné dans un constat les échanges ( dont une copie demeurera annexée au présent procès-verbal)' (ce constat n'est pas produit devant la cour d'appel), l'associé unique décide de révoquer la société F. de son mandat de directeur général avec effet au 24 juillet 2008 et sans indemnité et de ne pas pourvoir au remplacement du directeur général, la société étant à l'avenir dirigée par le seul président.
La révocation contestée résultant, conformément aux statuts de la société ACM, de la décision de son associée unique, la société Sagir, la demande de dommages-intérêts formée par la société F. contre cet associé unique est recevable, contrairement aux prétentions de la société Sagir sur ce point.
Il convient donc de se prononcer sur le fond de la demande de la société F.. Celle-ci invoque l'absence d'un juste motif de révocation et le caractère abusif de cette dernière.
Sur le caractère abusif de la révocation, il résulte des éléments de fait déjà cités que les griefs de la société F. ne sont pas pertinents.
En effet, l'article précité des statuts de la société ACM prévoit que la révocation du directeur général peut intervenir à tout moment et, contrairement à ce que soutient la société F., le principe de la contradiction n'a pas en l'espèce été méconnu puisque la société F. (M. V.) admet avoir reçu le 9 juillet la lettre écrite la veille par M. M. lui faisant part de la soumission, le 16 juillet suivant, à la décision de l'associé unique de ACM du projet de révocation de la société F. de ses fonctions de directeur général, des motifs de la révocation envisagée et l'invitant à présenter des observations écrites.
Le procès-verbal de séance du 16 juillet 2008 démontre que M. V. était présent à cette réunion et a été mis en mesure de présenter des observations.
Quant au caractère précipité de la procédure de révocation avancé par M. V., tenant à la réduction du délai effectif qui lui a été laissé pour réagir, en raison du 'pont du 14 juillet', il n'est pas sérieux, aucun préavis n'étant imposé par la loi ou par les statuts, et le délai de 7 jours, même amputé d'un jour férié, constituant un délai raisonnable qui permettait au mandataire social de formuler utilement des observations.
En outre, la révocation n'a pris effet que le 24 juillet 2008 comme annoncé par la lettre du 8 juillet précédent.
Enfin, il n'est ni établi, ni au demeurant invoqué, que la révocation se soit accompagnée de circonstances désobligeantes ou vexatoires .
Dès lors, le caractère abusif de la révocation allégué par la société F. doit être écarté.
La société F. se prévaut également de l'absence d'un juste motif de révocation en faisant valoir que les motifs invoqués devant la cour d'appel par la société Sagir diffèrent considérablement de ceux mentionnés dans la lettre du 8 juillet 2008 et qu'ils ne sont de toute façon pas prouvés.
Comme cela a déjà indiqué, il résulte de l'article L. 227-1 du code de commerce que les dispositions de l'article L. 225-55 ne sont pas applicables à la révocation du directeur général d'une SAS et qu'il convient de se référer aux statuts de la société, lesquels n'exigent pas, en l'espèce, l'existence d'un juste motif de révocation.
La demande de dommages-intérêts ne peut donc davantage prospérer sur l'absence de preuve alléguée d'un juste motif.
En tout état de cause, et surabondamment, il résulte des circonstances de fait précédemment rappelées qu'il existait un juste motif de révocation de la société F..
Les reproches faits au directeur général dans la lettre du 8 juillet 2008 ont déjà été énoncés; il s'agit des oppositions permanentes à l'action de la présidence visant à mettre en oeuvre les changements nécessaires à la bonne exploitation de l'activité, de vos absences injustifiées et des résultats négatifs des activités qui vous sont dédiées et du comportement contraire à l'intérêt social, et le climat de perte de confiance dans votre action se révèlent tels qu'ils compromettent la bonne marche de l'entreprise.
Ils ont été repris et précisés dans la lettre du 16 juillet 2008 précédemment citée.
Ces griefs, au contraire de ce que soutient la société F., sont repris par la société Sagir dans ses conclusions d'appel, en particulier ceux relatifs aux absences, à l'insuffisance des résultats, aux oppositions à la politique menée par l'associé unique.
Il est vrai que les reproches tenant aux absences, à l'insuffisance des résultats et à une embauche injustifiée ne sont pas corroborés par des preuves écrites.
L'explication donnée par la société Sagir, à savoir le fait que les deux dirigeants, M. M. et M. V. partageaient le même bureau, et que des échanges verbaux avaient lieu au sujet des insuffisances du directeur général est contestée par la société F. qui soutient, quant à elle, que M. M. avait décidé de ne plus adresser la parole à M. V. à la suite de la demande de remboursement par ce dernier du compte courant détenu par la société F. dans la société Sagir.
Force est de constater que la société F. qui prétend de son côté que M. V. était en réalité plus présent sur le terrain que M. M. et recueillait davantage de commandes, ne verse aux débats aucune pièce pour étayer cette version.
En réalité, il résulte des éléments produits au dossier, à savoir les courriers précités, les courriers électroniques échangés entre MM. M. et V. les 19 et 20 juin 2007 et celui adressé par M.
V. à M. M. le 28 novembre 2007, ainsi que des conclusions des deux parties, que les relations entre les deux associés de la société Sagir se sont dégradées à partir de juin 2007 en raison d'un désaccord sur l'affectation des résultats de la société ACM prévus pour cet exercice, M. M. souhaitant une faible distribution de dividendes afin de procéder à des investissements, tandis que M. V., indiquant que les bénéfices présents et à venir le permettaient, voulait voir distribuer des dividendes plus importants, ce qui l'a conduit, devant le refus de M. M., à demander le remboursement de son compte courant à concurrence de 76 000 euros le 28 novembre 2007.
A cet égard, les premiers juges, dont la décision n'est pas remise en cause par les parties sur ce point, ont considéré, que l'intention des deux associés de la société Sagir, quant au blocage des sommes versées par l'un et l'autre en compte courant, était que l'apport de 190 000 euros soit bloqué en compte courant pendant la durée de l'emprunt bancaire, soit jusqu'au 30 juin 2013, tandis que l'apport de 100 000 euros devait être bloqué pour une durée d'un an, soit jusqu'au 30 juin 2008; et le tribunal a en conséquence accueilli la demande de la société F., au titre du remboursement de son compte courant, à hauteur de 40 000 euros au prorata des apports respectifs des sociétés Agadir (60 %) et F. (40 %).
De cette disposition du jugement, désormais définitive, il résulte que la demande de remboursement du compte courant formulée dès novembre 2007 par la société F. pour la somme de 76 000 euros était à la fois prématurée, dans sa date, et excessive, dans son montant.
En conséquence, le désaccord avéré du président de la société ACM et de son directeur général quant à l'affectation des résultats, dont il n'est pas contestable qu'il a entraîné une grave détérioration de leurs relations ainsi qu'une demande prématurée et exagérée de remboursement de son compte courant par la société F., suffisent à expliquer la perte de confiance du président dans le directeur général et le climat de tension entre les dirigeants, contraire à l'intérêt social, de sorte que la preuve de l'existence d'un juste motif de révocation est rapportée.
Finalement, la demande de dommages-intérêts de la société F., doit être rejetée, tant sur le fondement invoqué de l'article L. 225-55 du code de commerce qui n'est pas applicable en l'espèce, que sur celui de l'article 1382 du code civil également invoqué, en l'absence de toute faute imputable à la société Sagir, associé unique, qui n'a fait qu'user de la faculté de révocation du directeur général conformément aux statuts de la société ACM.
PAR CES MOTIFS
Statuant par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Versailles du 16 décembre 2009, mais seulement en ce qu'il a condamné la SARL Sagir participations à payer à la SARL F. la somme de 30000 euros à titre de dommages-intérêts et le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Dit que la révocation de la société F. de son mandat de directeur général de la société ACM est intervenue sans aucune faute imputable à la société Sagir participations,
Déboute en conséquence la société F. de sa demande de dommages-intérêts,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Condamne la société F. aux dépens de la procédure d'appel qui seront recouvrés par la SCP Gas, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.