Cass. crim., 19 avril 2023, n° 21-87.360
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bonnal
Rapporteur :
M. Turcey
Avocat général :
Mme Bellone
Avocat :
SARL Cabinet François Pinet
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A la suite d'un contrôle fiscal ayant révélé des irrégularités dans la comptabilité de la [4] ([4]), son gérant, M. [D] [V], a été cité devant le tribunal correctionnel des chefs d'usage de faux, d'une part, et d'abus de biens sociaux, d'autre part, pour avoir fait régler par cette société des dépenses à caractère personnel et virer des sommes indues sur ses comptes personnels, ou au profit de tiers sans rapport avec l'objet social, notamment sous le couvert d'écritures comptables correspondant à de prétendus règlements à des fournisseurs, pour un montant de 443 989,77 euros.
3. Par jugement en date du 4 décembre 2019, le tribunal correctionnel a déclaré le prévenu coupable des faits objet de la prévention, l'a condamné à six mois d'emprisonnement, quinze ans d'interdiction de gérer et a prononcé sur les intérêts civils.
4. M. [V] a relevé appel de cette décision, et le ministère public a formé un appel incident.
Examen des moyens
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses deuxième et troisième branches
5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le second moyen, pris en ses première et quatrième branches
Enoncé du moyen
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a confirmé le jugement entrepris en ses dispositions civiles et en ce qu'il a dit M. [V] coupable d'avoir commis les faits d'abus de biens sociaux pour une somme de 443 989,77 euros, et l'a condamné à la peine de douze mois d'emprisonnement avec sursis et à la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer, ou contrôler une entreprise ou une société pour une durée de dix ans, alors :
« 1°/ que le juge répressif ne peut prononcer une peine sans avoir relevé tous les éléments constitutifs de l'infraction qu'il réprime ; qu'un abus de biens sociaux ne peut être caractérisé que lorsque la personne prévenue a agi à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il est intéressé directement ou indirectement ; que, pour déclarer M. [V] coupable du délit d'abus de biens sociaux à hauteur de 443 989,77 euros, la chambre des appels correctionnels a constaté que le rapport de vérification confirme le montant des soldes débiteurs qui, cumulés, ont atteint de 2013 à 2015 la somme de 443 989,77 euros ; ces sommes ont soit été utilisées à des fins personnelles soit utilisées à une fin non conforme à l'objet social de la société ; qu'en se déterminant ainsi, sans caractériser pour l'intégralité de la somme visée que le dirigeant social avait soit agi à des fins personnelles, soit favorisé une autre société ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement, la cour d'appel a violé l'article 593 du code de procédure pénale, l'article L. 241-3 du code de commerce, ensemble 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°/ qu'en tout état de cause, tout arrêt en matière correctionnelle doit énoncer les faits dont le prévenu est jugé coupable et constater l'existence des éléments constitutifs de l'infraction, que la chambre des appels correctionnels, en s'abstenant de relever les détournements précis qui, cumulés, lui permettaient de juger que M. [V] était coupable d'avoir abusé des biens de la société à hauteur de 443 989,77 euros, a privé sa décision de base légale et violé le principe susvisé. »
Réponse de la Cour
7. Pour déclarer le prévenu coupable du délit d'abus de biens sociaux, portant sur un montant de 443 989,77 euros, l'arrêt attaqué relève que l'enquête a démontré, s'agissant du fournisseur [2], l'absence de contrat de sous-traitance et de justificatifs des opérations facturées, que les chèques au nom de ce fournisseur, pour un montant total de 61 929,29 euros, n'ont pas été encaissés par lui mais par diverses personnes morales et physiques, ainsi qu'il ressort de la procédure de vérification fiscale et des constatations du liquidateur judiciaire, que le prévenu a reconnu que certains chèques correspondaient à des dépenses personnelles, notamment les frais d'université de sa nièce et des pensions alimentaires, et qu'il n'y a aucune trace comptable d'affectation conforme à l'intérêt social alors même que la matérialité des faits est patente.
8. Les juges ajoutent que, s'agissant du fournisseur [1], l'annexe 2 du rapport de vérification montre qu'une somme de 73 900 euros a été imputée à ce fournisseur, et que, sur ce montant, la somme de 60 200 euros a été virée au prévenu, le reste correspondant à des retraits d'espèces et à des dépenses personnelles, que, s'agissant du fournisseur [3], le propriétaire du box a attesté qu'aucun box ou garage n'était inclus dans le local commercial, et que l'annexe 3 du rapport de vérification a révélé que le prévenu a bénéficié personnellement de la somme de 25 230 euros, sous forme de virements ou de crédits en compte courant d'associé.
9. Ils précisent que le rapport de vérification fiscale a permis d'établir qu'ont été imputés au crédit du compte courant du prévenu, en 2014 et 2015, des encaissements de clients et des indemnités d'assurances pour un total de 25 950,36 euros, ainsi que le détournement de la somme de 46 800 euros correspondant à la fausse facture établie le 1er janvier 2013 pour l'achat des véhicules Mercedes et Kangoo.
10. Ils indiquent que les comptes bancaires du prévenu et de ses enfants ont été alimentés essentiellement par des fonds provenant de la société [4] entre 2013 et 2015, pour un montant total de 174 700 euros, qui excède de manière particulièrement significative le montant des rémunérations pour la même période, le salaire mensuel versé à l'intéressé sur la période précitée étant de 1 000 euros en moyenne, et que l'examen des comptes montre que le prévenu a effectué des virements mensuels vers ses comptes courants et les plans d'épargne logement de ses deux enfants, ces derniers ayant perçu chacun sur des comptes titres, le 1er décembre 2015, la somme de 10 000 euros en provenance des comptes de la société [4], tandis que l'un d'entre eux a reçu en 2015 une somme totale de 30 600 euros sur son plan.
11. Ils retiennent que le rapport de vérification confirme le montant des soldes débiteurs qui, cumulés, ont atteint de 2013 à 2015 la somme de 443 989,77 euros et que ces sommes ont été utilisées soit à des fins personnelles soit à une fin non conforme à l'objet social de la société.
12. En se déterminant ainsi, par des motifs relevant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision.
13. D'où il suit que le moyen doit être écarté.
14. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.