Cass. crim., 14 mai 2003, n° 02-81.217
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cotte
Rapporteur :
M. Challe
Avocat général :
M. Launay
Avocats :
SCP Defrenois et Levis, SCP Nicolay et de Lanouvelle, SCP Waquet, Farge et Hazan
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite de lettres anonymes reçues courant mai et juillet 1997, dénonçant un système occulte de financement personnel et politique mis en place par Henri Y..., alors député du Rhône et adjoint au maire de Lyon, avec le concours de Jean-Claude Z..., dirigeant de sociétés ayant pour activité l'ingénierie de la construction, et impliquant plusieurs entreprises du bâtiment, notamment la société X... dirigée par Pierre et Marcel X..., le procureur de la République de Lyon a ordonné une enquête préliminaire le 8 juillet 1997, puis requis l'ouverture d'une information judiciaire, des chefs d'abus de biens sociaux, recel et corruption ;
Que les investigations ont permis d'établir que Pierre et Marcel X... avaient fait supporter par la société X... des dépenses indues, notamment, le versement de commissions aux époux Z..., l'octroi d'avances de fonds à une société Arene contrôlée par ces derniers, le règlement de travaux dans un appartement acquis par Dominique A..., épouse Z..., ainsi que le paiement des loyers et charges de cet appartement ; qu'en outre, les frères X... avaient consenti des avantages injustifiés à Henri Y..., d'abord en réglant des factures à la société DG Communication pour le compte de l'association Forum européen qu'il présidait, ensuite en accordant des avances de trésorerie à cette association, enfin en minorant le coût des travaux réalisés dans sa résidence secondaire ;
Qu'à l'issue de l'information, plusieurs personnes ont été renvoyées devant la juridiction correctionnelle et déclarées coupables des chefs susvisés ; que seuls se sont pourvus en cassation Pierre et Marcel X..., Henri Y... et la région Rhône-Alpes, partie civile ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Pierre et Marcel X..., pris de la violation des articles L. 242-6 du Code de commerce, 6, 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a écarté l'exception de prescription soulevée par deux personnes (Marcel X... et Jean-Pierre X...) prévenues d'abus de biens sociaux, les a déclarées coupables et leur a infligé des peines d'emprisonnement avec sursis et d'amende et une interdiction de l'ensemble de leurs droits civiques, civils et de famille ;
"1 / aux motifs propres que le point de départ de la prescription, en matière d'abus de biens sociaux, était le jour où le délit était apparu et avait pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; qu'il se déduisait des articles L. 223-23 et L. 225-254 du Code de commerce que ce jour était celui de la présentation, en vue de leur approbation par l'assemblée générale des associés, des comptes annuels établis à la clôture de chaque exercice et dans lesquels étaient enregistrées les opérations susceptibles de caractériser l'infraction, sous réserve toutefois que cette présentation ne recèle aucune dissimulation et qu'elle ait eu ainsi pour effet de créer les conditions permettant la mise en mouvement de l'action publique ; que cet effet était attaché à la présentation des comptes annuels, dès lors que sauf dissimulation, les associés qui assistaient à l'assemblée générale au cours de laquelle elle avait eu lieu, avaient alors connaissance des comptes par lesquels les dépenses litigieuses avaient été mises indûment à la charge de la société (arrêt p. 21) ; que les dépenses contraires à l'intérêt social demeuraient ainsi dissimulées lorsque les comptes étaient faux en ce qu'ils ne les révélaient pas fidèlement dans leur montant ou dans leur cause ; que la plupart des dépenses mises indûment à la charge de la société avaient été enregistrées en comptabilité sur la base de factures sans contrepartie ou comportant de fausses indications, ce qui caractérisait une dissimulation (arrêt p. 22) ;
"alors que l'éventuelle absence de cause d'une opération ou le caractère erroné des pièces la constatant n'emportent pas dissimulation, dès lors que l'opération figure dans les comptes annuels, de sorte que la cour d'appel aurait dû déduire de ses constatations l'absence de dissimulation des opérations litigieuses et fixer le point de départ de la prescription à la date de présentation des comptes ;
"2 / aux motifs propres qu'une autre forme de dissimulation était caractérisée lorsque des circonstances particulières ne permettaient pas la révélation de la nature délictueuse des dépenses contraires à l'intérêt social ; que tel pouvait être le cas lorsque les associés n'avaient manifestement aucun intérêt au déclenchement de l'action publique, dès lors que les faits susceptibles d'être révélés pouvaient leur être imputés ou que leur révélation pourrait leur nuire ; que la capacité des associés à susciter des poursuites pénales à partir de la présentation des comptes annuels révélant des dépenses indûment mises à la charge de la société trouvait sa limite lorsqu'il existait un lien de solidarité familiale ou une conjonction d'intérêts à terme qui pouvait les unir aux dirigeants sociaux responsables de ces dépenses ou encore lorsqu'ils avaient connu et entériné les pratiques frauduleuses de ces derniers ; qu'en l'espèce, le capital de la SA X... était partagé entre les quatre frères X... et leurs épouses ; qu'au-delà du caractère familial de cette société, il résultait des éléments du dossier que les frères et épouses des prévenus Marcel X... et Jean-Pierre X... avaient adhéré à la stratégie de ces derniers, consistant à apporter un soutien financier à Jean-Claude Z... et Henri Y... afin de capter leur considération pour qu'ils usent de leur influence et d'obtenir d'eux des avantages à terme (arrêt p. 22) ;
qu'en conséquence, eu égard à la dissimulation ainsi caractérisée, la présentation des comptes annuels aux actionnaires de la SA X... n'avait pas fait courir la prescription du chef des abus de biens sociaux reprochés à ses dirigeants (arrêt p. 23) ;
"alors que la cour d'appel ne pouvait se borner à viser les "éléments du dossier" pour affirmer que l'ensemble des associés auraient connu et entériné les pratiques imputées aux prévenus et pour en déduire que la publication des comptes n'avait pas rendu possible le déclenchement de l'action publique ; que l'arrêt n'est pas légalement justifié ;
"alors, en toute hypothèse, qu'en déduisant l'existence d'une dissimulation de la supposée collusion entre associés, circonstance inopérante puisque les comptes sociaux sont déposés au greffe du tribunal de commerce et communiqués au comité d'entreprise et que tous intéressés, dont les salariés, peuvent donc porter les irrégularités à la connaissance du parquet, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"3 / aux motifs propres et adoptés que Marcel X... estimait que le soit transmis du 8 juillet 1997 n'avait pas interrompu la prescription, puisque aussi bien le ministère public avait cru devoir délivrer le 15 octobre 1997 un autre soit-transmis pour qu'il soit enquêté sur les faits, et que l'enquête ouverte sur le soit- transmis du 8 juillet 1997 avait été considérée par le réquisitoire définitif comme une simple enquête d'environnement ; mais qu'était interruptif de prescription tout acte de poursuite ayant pour objet de constater les délits et d'en découvrir ou d'en convaincre les auteurs ; que la réquisition du 8 juillet 1997 avait été adressée au SRPJ de Lyon aux fins d'enquête sur les infractions dénoncées dans les lettres jointes, et constituait donc bien un acte de poursuite interruptif de prescription et non une simple demande de renseignements, peu important les termes des réquisitions ultérieures ; qu'au demeurant, le soit-transmis du 15 octobre 1997 avait ordonné la "continuation" de l'enquête (arrêt pages 23 et 24, jugement du 2 février 2001, p. 84) ;
"alors que ni la réquisition du 8 juillet 1997 ni les lettres auxquelles elle renvoyait n'imputaient de faits précis aux prévenus, la société X..., dirigée par eux, étant seulement visée parmi de nombreuses entreprises supposées avoir payé des fausses factures par lesquelles un élu local avait assuré son financement personnel et politique ; que, dès lors, cette réquisition ne constituait pas un acte de poursuite à l'égard des prévenus, et que la cour d'appel ne pouvait légalement lui reconnaître un effet interruptif de prescription" ;
Attendu que, pour écarter le moyen tiré de la prescription de la plupart des abus de biens sociaux reprochés à Pierre et Marcel X..., les juges relèvent, d'une part, qu'une partie des fonds avancés aux époux Z... a été dissimulée par le jeu de compensations opérées avec des factures non causées ou comportant de fausses indications ne permettant pas de déceler la fraude, d'autre part, que les dépenses relatives à la prise en charge par la société X... du coût des travaux réalisés dans l'appartement des époux Z... n'ont pas été enregistrées en comptabilité ;
Que les juges retiennent, en ce qui concerne la prise en charge des factures établies par la société DG Communication, que la fausse désignation dans ces factures de la société X... à la place de l'association Forum européen, véritable redevable des sommes qui y sont portées, ainsi que la fausse indication de leur objet, à savoir un retirage publicitaire pour la société X... au lieu de frais d'imprimerie engagés par cette association, a privé les personnes auxquelles ont été présentés les comptes annuels de la société de toute possibilité de contrôle réel ;
Qu'ils ajoutent, s'agissant de la minoration du coût des travaux de rénovation de la propriété d'Henri Y..., que Pierre X... a admis que deux factures de sous-traitants avaient été faussement imputées à d'autres chantiers ; qu'il en était ainsi de la facture d'une entreprise de décoration du 30 avril 1993, d'un montant de 5 556,41 francs, faussement affectée au chantier du château de Montjoye, ainsi que d'une facture du 20 mai 1993, d'un montant de 80 648 francs, relative à la réfection de la toiture de la maison d'Henri Y... et mentionnant comme objet la réalisation d'un plancher technique pour la salle de spectacle de Portes-les-Valences ;
Que les juges en déduisent que les délits d'abus de biens sociaux sont apparus et ont pu être constatés au jour de la réception, par le procureur de la République, de la première lettre anonyme les dénonçant, soit le 30 mai 1997, date à laquelle a commencé à courir le délai de prescription de l'action publique ;
Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, qui caractérisent, sans insuffisance, la dissimulation dans les comptes annuels de la société X..., présentés les 30 septembre 1993 et 30 septembre 1994, des dépenses litigieuses mises indûment à la charge de celle-ci, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en ses deuxième et troisième branches, en ce qu'il critique des motifs surabondants, et en sa quatrième branche, la première branche ayant été écartée, ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Pierre et Marcel X..., pris de la violation des articles L. 242-6 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré des prévenus (Marcel X... et Jean-Pierre X...) coupables de plusieurs abus de biens sociaux, et leur a infligé des peines d'emprisonnement avec sursis et d'amende et une interdiction de l'ensemble de leurs droits civiques, civils et de famille ;
"1 / aux motifs qu'en premier lieu, Marcel X... était poursuivi pour abus de biens sociaux à raison d'avances consenties en 1992 et 1993 aux époux Z... et prélevées sur la trésorerie de la SA X..., pour une somme totale de 800 000 francs ; que ces versements avaient été partiellement remboursés, et pour le surplus avaient fait l'objet d'une compensation comptable avec des factures datées d'avril, juillet et septembre 1995, établies au nom de l'entreprise STI exploitée en nom personnel par Mme Z... et se référant à une mission générale de prospection de nouveaux marchés contractuellement confiée par la SA X... le 25 janvier 1995 (arrêt pages 20 et 21) ; que de tels versements n'entraient pas dans l'objet d'une société commerciale et étaient contraires à l'intérêt social ; que Marcel X... avait déclaré que les avances étaient destinées à couvrir les factures commerciales futures au titre des affaires apportées par Jean-Claude Z... ; qu'il était contraire à l'intérêt social de consentir d'importantes avances de fonds pour des prestations futures dont la réalisation effective n'était pas démontrée, et de faire ainsi courir à l'actif social un risque de pertes ; que les affirmations de Marcel X..., selon lesquelles les interventions de Jean-Claude Z... avaient permis un développement considérable de la SA X... dans la région lyonnaise restaient à l'état de pures allégations, en l'absence de document établi antérieurement aux versements incriminés, définissant des relations contractuelles entre la SA X... et les époux Z... et faisant apparaître l'accomplissement de prestations précisées dans leur nature, leur objet, leur volume et leur date ; qu'effectués en 1992 et 1993, les versements ne pouvaient rémunérer un travail commercial fait en application d'une convention de 1995 (arrêt pages 25 et 26) ; que de même, en deuxième lieu, Marcel X... était poursuivi à raison de la prise en charge par la SA X... des loyers et charges d'un appartement que les époux Z... avaient acquis en 1992, puis continué à occuper après l'avoir revendu en 1995 à la SCI La Traboule du Plateau, dont les parts sociales étaient détenues à 80% par la SARL La Roche Immobilier, elle-même filiale à 96% de la
SA X... ; qu'aucun loyer n'avait été réglé par les locataires, malgré la facturation des loyers et frais en 1997 pour un montant total de 543 000 francs ; que la SCI avait perçu des avances de la SARL La Roche Immobilier, dont 366 000 francs provenaient de la SA X... ; que Marcel X... avait ainsi fait supporter indûment à sa société le règlement des loyers et charges dont étaient redevables les époux Z... (arrêt pages 26 et 27) ; qu'en troisième lieu, Marcel X... était poursuivi à raison d'avances de fonds d'un montant total de 1 350 000 francs, prélevées sur la trésorerie de la SA X... et versées à la SARL Arene, dont le gérant de fait était Jean-Claude Z... ; que la SA X... n'entretenait aucune relation d'affaires avec la SARL Arene, laquelle n'avait ni local, ni personnel, ni activité ; que les avances consenties à cette société étaient contraires à l'intérêt de la SA X..., dès lors que la SARL Arene ne présentait aucune garantie de remboursement (arrêt pages 28 à 30) ;
"alors qu'en ne recherchant pas, comme l'y avaient invité les prévenus (conclusions de Marcel X..., p. 15 7 et suivants), si la réalité et l'importance du travail de prospection commerciale effectué par les époux Z..., en contrepartie des avantages octroyés par la SA X..., n'avait pas été admise par l'administration fiscale au vu de justificatifs produits dans une procédure parallèle de redressement, justificatifs mis sous scellés dans la procédure pénale et donc aisément consultables par la juridiction de jugement, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"2 / aux motifs qu'en quatrième lieu, Marcel X... était poursuivi à raison de la prise en charge par la SA X... des travaux d'aménagement de l'appartement des époux Z..., à hauteur de 508 719 francs, d'une part, en ce que la SA X... avait réalisé elle-même une partie des travaux non facturée aux époux Z... et donc non comptabilisée, pour 283 286 francs, d'autre part, en ce qu'elle avait acquitté à la place de ces derniers quatre factures d'entreprises intervenues sur le chantier, factures inexactement imputées sur d'autres chantiers en comptabilité ; que Marcel X... soutenait que la SCI La Traboule du Plateau, filiale de la SA X... ayant racheté l'appartement, avait été en fait bénéficiaire de ces dépenses, puisque le rachat avait eu lieu au prix antérieur à l'aménagement (arrêt p. 31) ; qu'en faisant supporter à la SA X... une charge indue dont il connaissait le caractère irrégulier puisqu'il avait tenté de la dissimuler aux yeux des tiers, Marcel X... avait fait des biens de la société un usage contraire à l'intérêt social ;
qu'en effet, par les procédés de tenue irrégulière de comptabilité et de fausses imputations de factures, il avait volontairement exposé cette personne morale ou ses dirigeants à des risques de poursuites pénales ou fiscales (arrêt p. 32) ; qu'en cinquième lieu, Marcel X... était poursuivi à raison de deux avances de trésorerie 40 000 francs et 100 000 francs consenties en novembre et décembre 1993 par la SA X... à l'association Forum Européen, dirigée par Henri Y..., député européen, et à raison du paiement par la SA X... de frais d'imprimerie engagés par l'association Forum Européen, à hauteur de 47 345 francs ; que ces avances et paiements, dénués d'autre justification que le dessein personnel de Marcel X... de s'attirer la reconnaissance du président de l'association Forum Européen en vue de bénéficier de son influence réelle ou supposée pour le développement de l'entreprise qu'il dirigeait, étaient contraires à l'intérêt social comme exposant la société ou ses dirigeants à des poursuites pénales ou fiscales (arrêt pages 41 à 45) ; qu'en sixième lieu, Marcel X... et Jean-Pierre X... étaient poursuivis à raison de la minoration du coût des travaux effectués par la SA X... dans la maison de campagne d'Henri Y... et de l'absence de facturation d'une partie de ces travaux ; que le coût total réel du marché avait été de 750 000 francs, pour un montant facturé de 400 000 francs, soit une minoration de 350 000 francs ; qu'en acceptant que la SA X... travaille à perte, les prévenus, qui avaient entendu dissimuler la minoration en imputant faussement à d'autres chantiers plusieurs factures relatives au chantier Y... et en ne facturant pas l'intégralité des travaux réalisés, avaient fait des biens de la société un usage contraire à son intérêt, en portant atteinte à son patrimoine et en exposant cette personne morale ou ses dirigeants à des poursuites pénales ou fiscales (arrêt pages 46 à 51) ;
"alors qu'en retenant seulement que les actes imputés aux prévenus exposaient la personne morale à un risque anormal de sanctions pénales ou fiscales, et en ne faisant pas apparaître qu'ils auraient eu pour seul objet de commettre un délit tel que la corruption, la cour d'appel n'a pas caractérisé la contrariété à l'intérêt social, et n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour Pierre et Marcel X..., pris de la violation des articles 111-4 du Code pénal, L. 242-6 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré des prévenus (Marcel X... et Jean-Pierre X...) coupables de plusieurs abus de biens sociaux, et leur a infligé des peines d'emprisonnement avec sursis et d'amende et une interdiction de l'ensemble de leurs droits civiques, civils et de famille ;
"aux motifs que Marcel X... soutenait ne pas avoir agi dans un intérêt personnel et précisait qu'il n'avait apporté un soutien à Jean-Claude Z... que dans le seul intérêt de la SA X..., laquelle avait besoin de celui-ci pour développer son activité (arrêt p. 31 13) ; qu'en premier lieu, Marcel X... était poursuivi à raison d'avances consenties aux époux Z... en 1992 et 1993 et prélevées sur la trésorerie de la SA X..., pour une somme totale de 800 000 francs (arrêt p. 20) ; qu'en rémunérant l'entregent de Jean-Claude Z..., Marcel X... avait poursuivi un dessein personnel en cherchant à instaurer des relations privilégiées avec cet économiste du bâtiment qu'il considérait comme influent dans les milieux des décideurs du secteur de la construction (arrêt pages 25 et 26) ; qu'en deuxième lieu, Marcel X... était poursuivi à raison de la prise en charge par la SA X..., à hauteur de 543 000 francs, des loyers et charges d'un appartement que les époux Z... avaient acquis en 1992, puis continué à occuper après l'avoir revendu en 1995 à une sous-filiale de la SA X... ; qu'aucun loyer n'avait été réglé ; que Marcel X... avait ainsi fait supporter indûment à sa société le règlement des loyers et charges dont étaient redevables les époux Z... ; que cet usage des biens sociaux avait été fait à des fins personnelles, pour les services que Marcel X... attendait de Jean-Claude Z... (arrêt pages 26 et 27) ; qu'en troisième lieu, Marcel X... était poursuivi à raison d'avances de fonds d'un montant total de 1 350 000 francs, prélevées sur la trésorerie de la SA X... et versées à la SARL Arene, dont le gérant de fait était Jean-Claude Z... ; que la SA X... n'entretenait aucune relation d'affaires avec la SARL Arene, laquelle n'avait ni local, ni personnel, ni activité ; que Marcel X... avait encore une fois poursuivi les fins personnelles déjà décrites (arrêt pages 28 à 30) ; qu'en quatrième lieu, Marcel X... était poursuivi à raison de la prise en charge par la SA X... des travaux d'aménagement de l'appartement des époux Z..., à hauteur de 508 719 francs, d'une part, en ce que la SA X... avait réalisé elle-même une partie des travaux non facturée aux époux Z... et donc non comptabilisée, d'autre part en ce qu'elle avait acquitté à la place de ces derniers quatre factures d'entreprises intervenues sur le chantier, factures inexactement imputées sur d'autres chantiers en comptabilité (arrêt p. 31) ;
qu'en faisant supporter à la SA X... une charge indue dont il connaissait le caractère irrégulier puisqu'il avait tenté de la dissimuler aux yeux des tiers, Marcel X... avait encore une fois poursuivi le but personnel de voir se développer une société
dans laquelle il détenait avec son épouse plus des trois quarts du capital (arrêt p. 32) ; qu'en cinquième lieu, Marcel X... était poursuivi à raison de deux avances de trésorerie 40 000 francs et 100 000 francs consenties en novembre et décembre 1993 par la SA X... à l'association Forum Européen, dirigée par Henri Y..., député européen, et à raison du paiement par la SA X... de frais d'imprimerie engagés par l'association Forum Européen, à hauteur de 47 345 francs ; que ces avances et paiements étaient dénués d'autre justification que le dessein personnel de Marcel X... de s'attirer la reconnaissance du président de l'association Forum Européen en vue de bénéficier de son influence réelle ou supposée pour le développement de l'entreprise qu'il dirigeait (arrêt pages 41 à 45) ; qu'en sixième lieu, Marcel X... et Jean-Pierre X... étaient poursuivis à raison de la minoration du coût des travaux effectués par la SA X... dans la maison de campagne d'Henri Y... et de l'absence de facturation d'une partie de ces travaux ; que Jean-Pierre X... avait admis avoir minoré des postes de l'évaluation, et reconnu que deux factures de sous-traitants avaient faussement été affectés, au plan comptable, à d'autres chantiers ; que comme l'avait retenu le tribunal, l'évaluation globale du chantier devait être fixée à 750 000 francs TTC, soit une différence de 350 000 francs avec la somme facturée ; que Jean-Pierre X... avait indiqué que son frère s'était engagé pour un prix de 400 000 francs ; que Marcel X... avait déclaré avoir demandé aux entreprises concernées de facturer le surplus du chantier sur d'autres chantiers ; que Marcel X... avait encore reconnu :"de toute façon, je ne pouvais pas me permettre de me fâcher avec Henri Y... ; c'est un élu lyonnais ; si je voulais garder un pied à Lyon.. ; il faut savoir qu'à chaque manifestation qu'il faisait, Henri Y... m'invitait et me présentait à d'autres gens et que là encore son intervention m'était utile" ; que les fins personnelles poursuivies par les prévenus étaient établies (arrêt pages 46 à 51) ;
"alors que l'abus de biens sociaux n'est caractérisé qu'en l'état d'un intérêt exclusivement personnel au dirigeant ;
qu'ayant constaté que les prévenus avaient agi dans le but développer l'activité de la société, la cour d'appel aurait dû en déduire leur absence d'intérêt personnel et exclure leur culpabilité" ;
Sur le quatrième moyen de cassation, proposé pour Pierre et Marcel X..., pris de la violation des articles 121-3 du Code pénal, L. 242-6 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré des prévenus (Marcel X... et Jean-Pierre X...) coupables d'abus de biens sociaux à raison de la minoration du prix de travaux effectués sur la maison d'un élu local (Henri Y...), et leur a infligé des peines d'emprisonnement avec sursis et d'amende et une interdiction de l'ensemble de leurs droits civiques, civils et de famille ;
"aux motifs que Marcel X... et Jean-Pierre X... étaient poursuivis à raison de la minoration du coût des travaux effectués par la SA X... dans la maison de campagne d'Henri Y... et de l'absence de facturation d'une partie de ces travaux ;
qu'en mars 1993, Jean-Pierre X... avait établi un document chiffrant le coût des travaux de rénovation à 403 240 francs TTC, somme arrondie à 400 000 francs ; que le montant des travaux sous-traités par la société X... avait été sous-évalué, leur valeur réelle étant de 750 000 francs ; que les prévenus se prévalaient d'une erreur commise par Jean-Pierre X... dans la fixation initiale du prix forfaitaire, une telle erreur n'apparaissant pas anormale selon eux ;
que, cependant, il ne pouvait être soutenu que le marché conclu avait été forfaitaire, en l'absence de document précis, le document signé en mars 1993 par le client étant intitulé "Propriété Monsieur, Madame Y..., Aménagement d'une habitation. Etude pour la réfection intérieure et extérieure", et les conditions d'exécution des travaux et les obligations de l'entreprise ayant été mal définies, en l'absence de prévision de délais de réalisation et de conditions de règlement (arrêt pages 46 à 51) ;
"alors qu'en écartant le caractère forfaitaire du prix des travaux sur le fondement de considérations inopérantes relatives à l'imprécision supposée des conditions d'exécution des travaux, des obligations de l'entrepreneur, des délais et des conditions de paiement, quand seule importait la volonté des parties de stipuler un prix fixe et intangible, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Sur le cinquième moyen de cassation proposé pour Marcel X..., pris de la violation des articles 121-1 du Code pénal, L. 242-6 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré un prévenu (Marcel X...) coupable d'abus de biens sociaux à raison de la minoration du prix de travaux effectués sur la maison d'un élu local (Henri Y...), et lui a infligé une peine d'emprisonnement avec sursis et d'amende et une interdiction de l'ensemble de ses droits civiques, civils et de famille ;
"aux motifs que Marcel X... et Jean-Pierre X... étaient poursuivis à raison de la minoration du coût des travaux effectués par la SA X... dans la maison de campagne d'Henri Y... et de l'absence de facturation d'une partie de ces travaux ;
qu'en mars 1993, Jean-Pierre X... avait établi un document chiffrant le coût des travaux de rénovation à 403 240 francs TTC, somme arrondie à 400 000 francs ; que le montant des travaux sous- traités par la société X... avait été sous-évalué, leur valeur réelle étant de 750 000 francs ; que Marcel X... faisait valoir son absence de participation personnelle à la mise en oeuvre et à la facturation de ce marché ; que sa participation personnelle aux faits résultait cependant de la déclaration d'Henri Y... indiquant qu'il le connaissait bien et que le montant des travaux avait été fixé en accord avec lui, des déclarations de Jean-Pierre X... indiquant que son frère s'était engagé pour un prix de 400 000 francs, et des propres déclarations de Marcel X... selon lesquelles il avait "effectivement demandé aux entreprises concernées de facturer le surplus du chantier Y... sur d'autres chantiers" ; que Marcel X... avait encore reconnu : "de toute façon, je ne pouvais pas me permettre de me fâcher avec Henri Y... ; c'est un élu lyonnais ; si je voulais garder un pied à Lyon ... ; il faut savoir qu'à chaque manifestation qu'il faisait, Henri Y... m'invitait et me présentait à d'autres gens et que là encore son intervention m'était utile" (arrêt pages 46 à 51) ;
"alors qu'en déduisant la participation personnelle du prévenu de motifs établissant seulement qu'il avait connu voire couvert les actes prétendument constitutifs d'abus de biens sociaux, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour Henri Y..., pris de la violation des articles L. 242-6 du Code de commerce, 321-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Henri Y... coupable du recel d'abus de biens sociaux commis par les consorts X..., à propos de travaux réalisés par ces derniers dans la maison d'Henri Y..., et est entré en voie de condamnation de ce chef ;
"alors qu'il n'y a pas de recel sans délit principal ; que l'abus de biens sociaux suppose que l'usage des fonds ait été commis par l'auteur principal dans un but personnel ou pour favoriser une autre entreprise où il aurait des intérêts ; que la seule constatation qu'une société a conclu un marché à perte ne caractérise pas un bus de biens sociaux si cette condition n'est pas réalisée ; qu'en retenant à l'encontre de MM. X... un abus de biens sociaux aux motifs essentiels qu'il auraient conclu avec Henri Y... un marché à perte, sans s'expliquer sur la condition - pourtant expressément rappelée par les prévenus - d'usage des biens dans un intérêt personnel, la cour d'appel n'a pas légalement caractérisé le délit principal d'abus de biens sociaux et, par voie de conéquence, le recel imputé à Henri Y..." ;
Sur le deuxième moyen de cassation, proposé pour Henri Y..., pris de la violation des articles L. 242-6 du Code de commerce, 321-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Henri Y... coupable de recel d'abus de biens sociaux et, en répression, l'a condamné à un an d'emprisonnement avec sursis et 10 000 euros d'amende, outre la peine complémentaire de deux ans d'inéligibilité ;
"aux motifs qu'Henri Y..., qui a reconnu qu'il savait ce qu'est un marché à forfait car la ville de Lyon a souvent recours à ce type de marché, n'a pu se méprendre sur la nature et la portée du document de la société X... qu'il a signé en mars 1993, alors que les travaux avaient déjà commencé selon Pierre X... le mois précédent ; qu'en effet, cette étude ne comportait aucun chiffrage du coût des travaux, poste par poste, mais une évaluation globale des travaux intérieurs à la somme de 205 000 francs HT et une évaluation globale des aménagements extérieurs et de la piscine à celle de 135 000 francs ; que ce document ne comporte aucune donnée chiffrée permettant de connaître les surfaces, les volumes, les prix unitaires, la quantité et la qualité des matériaux, l'importance de la main d'oeuvre nécessaire ; qu'il ne précise ni les délais d'exécution des travaux ni les conditions de leur règlement ;
qu'Henri Y... a confié l'ensemble des travaux de rénovation à la société X..., spécialisée en "chauffage, sanitaire, électricité, couverture, bardage, étanchéité, désenfumage, chauffage, ventilation, climatologie industrielle, génie électrotechnique et automatisme, télégestion et fluides divers", sans consulter par ailleurs d'autres entreprises qui auraient pu lui fournir des devis comparatifs ; qu'Henri Y..., avec les devis établis par trois personnes savait, dès avant qu'il signe l'étude de mars 1993, que les seuls postes concernant la toiture et la maçonnerie atteindraient un coût de l'ordre de 250 000 francs ; que le volet de la piscine ne figurait pas dans l'étude estimative de mars 1993 alors qu'il avait été voulu dès l'origine par Henri Y... qui, selon Pierre X..., lui avait précisé qu'il fallait que la piscine soit couverte ; qu'Henri Y..., qui avait eu recours à Pierre Vurpas, architecte, pour établir des plans et une esquisse d'aménagement intérieur, et qui dans le cadre de ses mandats électifs était spécialement chargé des questions d'urbanisme, n'a pu être abusé par l'étude estimative globalisée de mars 1993, qui n'a rien d'un devis régulièrement établi ; que le tribunal a pu dès lors légitimement considérer que cette étude avait été réalisée "avec le seul impératif de ne pas franchir la limite de 400 000 francs, sans aucune préoccupation pour le coût réel des travaux" ; qu'Henri Y... prétend qu'il ne s'est pas rendu sur le chantier pendant les trois mois de sa durée ; que cette circonstance est indifférente dès lors qu'il est poursuivi pour des faits de recel commis jusqu'au 17 janvier 1994 ; que l'importance des avantages que lui faisait la SA X..., qu'il n'a pas mise en concurrence, en lui facturant une somme de 400 000 francs pour des travaux qui ont été justement évalués à un montant de 750 000 francs et les conditions inhabituelles dans lesquelles cette société a traité avec lui sur la base d'une étude très vague et qu'il savait ne pas refléter la réalité du coût des travaux envisagés, permettent de retenir qu'Henri Y... a bénéficié en connaissance de cause du produit des abus de biens sociaux commis en cette circonstance par Marcel X... et Pierre X... ;
"alors, d'une part, que le recel implique la conscience du receleur de bénéficier du produit d'un délit ; que le supposé receleur d'un abus de biens sociaux doit connaître le caractère délictueux du procédé mis en place par l'auteur principal ; que la simple conscience d'avoir éventuellement conclu un marché avantageux pour lui et à perte pour son cocontractant ne caractérise pas la connaissance du caractère délictueux du procédé ; que la cour d'appel n'a pas caractérisé la conscience d'Henri Y... de bénéficier de l'infraction d'origine imputée aux frères X..., entachant ainsi sa décision d'un défaut de base légale ;
"alors, d'autre part, qu'en affirmant tout à la fois, d'une part, qu'Henri Y... aurait confié l'ensemble des travaux de rénovation de sa maison de campagne à la SA X... sans consulter d'autres entreprises qui auraient pu lui fournir des devis comparatifs et, d'autre part, que trois entreprises étrangères à la société X... auraient précisément établi de tels devis, la cour d'appel a entaché sa décision attaquée d'une contradiction de motifs ;
"alors, encore, qu'en déduisant la mauvaise foi du prévenu de la circonstance selon laquelle il aurait confié l'ensemble des travaux de rénovation de sa maison de campagne à la SA X... sans la mettre en concurrence avec d'autres entreprises du secteur, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, lequel ne peut à lui seul établir sa connaissance certaine et personnelle de l'abus de biens sociaux imputé aux frères X... ;
"alors, en outre, que le prévenu arguait dans ses conclusions d'appel de ce que le volet de la piscine n'était pas prévu dans le marché initial et avait été supprimé du projet ; qu'en affirmant le contraire sur le seul fondement des déclarations de Pierre X... sans s'en expliquer au regard des écritures d'Henri Y..., la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale ;
"alors, enfin, qu'en énonçant, par un motif d'ordre général et hypothétique, qu'étant chargé des questions d'urbanisme dans le cadre de ses mandats électifs, Henri Y... n'avait pu être abusé par l'étude estimative globalisée de mars 1993 qu'il savait nécessairement ne pas refléter la réalité du coût des travaux envisagés, la cour d'appel n'a nullement caractérisé la connaissance nourrie par le prévenu de l'infraction d'origine imputée aux frères X..." :
Sur le troisième moyen de cassation, proposé pour Henri Y..., pris de la violation des articles L. 242-6 du Code de commerce et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Henri Y... coupable d'un recel d'abus de biens sociaux commis par MM. X..., à l'occasion de prestations fournies dans la maison d'Henri Y... et est entré en voie de condamnation à son égard ;
"alors, d'une part, qu'en retenant seulement que les actes imputés aux prétendus auteurs du délit de biens sociaux exposaient la personne morale à un risque anormal de sanctions pénales ou fiscales, et en ne faisant pas apparaître qu'ils auraient eu pour seul objet de commettre un délit tel que la corruption, la cour d'appel n'a pas caractérisé la contrariété desdites opérations à l'intérêt social et n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, d'autre part, que, dès lors que les auteurs des travaux, prévenus d'abus de biens sociaux, ont reconnu expressément qu'ils avaient agi dans le but de développer l'activité de la société, la cour d'appel, qui se borne à relever l'intérêt qu'il y avait pour eux et surtout pour leur société à entretenir des relations avec Henri Y..., n'a pas caractérisé l'intérêt personnel des dirigeants sociaux et n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu, en premier lieu, que, pour déclarer Marcel X... coupable d'abus de biens sociaux, au titre des avances de fonds consenties aux époux Z..., courant 1992 et 1993, pour un montant total de 800 000 francs, les juges, après avoir relevé que les versements incriminés n'avaient pu rémunérer un travail effectué par Dominique Z..., en exécution d'une convention passée le 27 janvier 1995, dont l'intéressée a déclaré qu'elle ne la concernait pas, n'ayant jamais exercé de mission de prospection commerciale ni de recherche de nouveaux marchés, constatent que la société X..., qui n'avait pas fait figurer ces versements dans la déclaration de ses honoraires, a ainsi réglé, au vu de factures établies au nom de Dominique Z... de prétendues prestations sur lesquelles Marcel X... n'a pu fournir de précision ;
Attendu, en deuxième lieu, que, pour déclarer Marcel X... coupable d'abus de biens sociaux, au titre de la prise en charge par la société X... des travaux d'aménagement de l'appartement des époux Z..., à hauteur de 508 719 francs, en les facturant pour partie, et en réglant à leur place quatre factures dont trois ont été faussement imputées sur d'autres chantiers, les juges énoncent que, par les procédés de tenue irrégulière de comptabilité et de fausses imputations de factures, Marcel X... a exposé cette personne morale ou ses dirigeants à des risques de poursuites pénales ou fiscales ; qu'ils ajoutent qu'en rémunérant, comme il l'a reconnu, l'entregent de Jean-Claude Z..., Marcel X... a poursuivi un dessein personnel en voulant instaurer et maintenir des relations privilégiées avec ce dernier, économiste du bâtiment, qu'il considérait comme influent dans le secteur de la construction ;
Attendu, en troisième lieu, que, pour déclarer Marcel X... coupable d'abus de biens sociaux, au titre des avances de fonds accordées à la société Arène, dont Jean-Claude Z... était le gérant de fait, pour un montant de 1 350 000 francs, d'octobre 1993 à mars 1994, les juges relèvent que la société X... n'entretenait aucune relation d'affaires avec cette société qui n'avait aucune réalité économique et ne présentait aucune garantie de remboursement ;
Attendu, en quatrième lieu, que, pour déclarer Marcel X... coupable d'abus de biens sociaux, au titre des avances de trésorerie de 40 000 francs et 100 000 francs consenties à l'association Forum européen, présidée par Henri Y..., les juges énoncent que ces avances, dénuées d'autre justification que le dessein personnel du prévenu de s'attirer la reconnaissance du président de l'association en vue de bénéficier de son influence réelle ou supposée pour le développement de l'entreprise, étaient contraires à l'intérêt social comme exposant la société ou ses dirigeants à des poursuites pénales ou fiscales ;
Attendu, enfin, que, pour déclarer Pierre et Marcel X... coupables d'abus de biens sociaux en raison de la minoration du coût des travaux de rénovation de la maison de campagne d'Henri Y... et ce dernier coupable de recel d'abus de biens sociaux, les juges énoncent, qu'en acceptant que la société X... travaille à perte, les prévenus, qui ont cherché à le dissimuler en imputant faussement plusieurs factures à d'autres chantiers et en ne facturant pas l'intégralité des travaux réalisés, ont fait des biens de cette société un usage contraire à son intérêt, en portant atteinte à son patrimoine et en exposant cette personne morale ou ses dirigeants à des poursuites pénales ou fiscales ; qu'ils relèvent que ceux-ci ont admis avoir agi de la sorte pour s'attirer la reconnaissance d'Henri Y... dont Pierre X... a souligné l'importance dans la vie économique de la région lyonnaise; qu'ils ajoutent que les avantages consentis à ce dernier par la société X..., en lui facturant une somme de 400 000 francs pour des travaux qui ont été évalués à 750 000 francs et les conditions inhabituelles dans lesquelles cette société a traité avec lui sur la base d'une étude très vague et qu'il savait ne pas refléter la réalité du coût des travaux envisagés, permettent de retenir qu'Henri Y... a bénéficié en connaissance de cause du produit de l'abus des biens sociaux commis par Marcel et Pierre X... ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de son appréciation souveraine, d'où il résulte que l'usage des biens sociaux a eu pour effet d'exposer la personne morale et ses dirigeants à des poursuites pénales ou fiscales et dès lors qu'il n'est pas exigé que leur utilisation ait eu lieu à des fins exclusivement personnelles, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé pour la région Rhône-Alpes, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 4231-7 du Code général des collectivités territoriales, article préliminaire, 87, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile du conseil régional pour la région Rhône- Alpes ;
"aux motifs propres que le tribunal a exactement rappelé les termes de l'article L. 4231-7 du Code général des collectivités territoriales selon lequel le président du conseil régional intente les actions au nom de la région et en vertu de la décision du conseil régional ; qu'il a fait une exacte application de ce texte ainsi que de l'article 2 du Code de procédure pénale en jugeant irrecevable la constitution de partie civile du "conseil régional Rhône-Alpes représenté par sa présidente en exercice" ; que cette décision doit être confirmée, le Conseil régional n'ayant pas le pouvoir de représenter en justice la région ; que, de surcroît, et pour répondre aux divers moyens proposés, il y a lieu d'ajouter que les juridictions d'instruction n'avaient pas à se prononcer sur une constitution qui était présentée comme devant être confirmée par une délibération puisque la lettre du 15 novembre 1999 adressée par Me Dana était rédigée en ces termes, "je vous écris ..., mandaté par le conseil régional Rhône-Alpes pour le me constituer partie civile pour son compte... ; une délibération de la commission permanente du conseil régional interviendra en décembre pour confirmer ma saisine émanant en l'état de Jean-Pierre Mercier, directeur des affaires juridiques" et que faute d'avoir été régularisée au stade de l'instruction préparatoire, la constitution de partie civile de la région pouvait intervenir soit avant l'audience au greffe, soit pendant l'audience par déclaration consignée par le greffier ou par dépôt de conclusions ; que les conclusions déposées devant le tribunal ont été au nom du conseil régional et non pas au nom de la région ; que le tribunal, saisi d'une constitution de partie civile, émanant d'une personne morale, est tenu, en vertu des dispositions de l'article 423 du Code de procédure pénale, d'en examiner la recevabilité, au regard notamment de la personne qui la représente ; que les premiers juges n'avaient pas à inviter les parties à s'expliquer sur une question qui se trouve nécessairement dans le débat par le seul fait de la constitution elle-même; que la partie civile non seulement pouvait mais devait s'expliquer, même en l'absence de contestation. sur la recevabilité de sa constitution ; que ni le principe de la contradiction ni les dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme n'ont été violés ;
"aux motifs adoptés qu'en application des dispositions de l'article L. 4231-7 du Code général des collectivités territoriales, le président du conseil régional intente les actions au nom de la région en vertu de la décision du conseil régional ; qu'il en résulte que la constitution de partie civile devait être faite par Mme la présidente du conseil régional au nom de la région et non par le conseil représenté par sa présidente en exercice ; qu'en l'état, la demande est irrecevable ;
"1 ) alors que dans ses conclusions déposées devant la cour d'appel, la région Rhône-Alpes soutenait que dans la lettre de constitution de partie civile adressée au juge d'instruction et dans les conclusions déposées devant le tribunal correctionnel, la mention du conseil régional au lieu de la région résultait d'un lapsus calami et que tous savaient que la personne qui se constituait partie civile était la région Rhône-Alpes et non le conseil régional (p. 8, 2 à 10) ; que la cour d'appel ne pouvait se dispenser de répondre à ce moyen péremptoire ;
"2 ) alors que dans ses conclusions déposées devant la cour d'appel, la région Rhône-Alpes faisait valoir que la constitution de partie civile adressée au juge d'instruction avait été régularisée par une délibération de la commission permanente du conseil régional publiée au recueil des actes administratifs, laquelle constituait un acte administratif qui, n'ayant pas été contesté et tirant de son caractère réglementaire une valeur normative, était opposable à tous (p. 7, in fine et p. 8, 1) ; qu'il en résultait qu'en tout état de cause la constitution de partie civile de la région avait été régularisée ; que la cour d'appel ne pouvait encore se dispenser de répondre à ce moyen péremptoire ;
"3 ) alors que le juge doit faire respecter et respecter lui même le principe du contradictoire ; que les juges du premier degré avaient motivé leur décision d'irrecevabilité de la constitution de partie civile par le fait que celle-ci aurait dû être faite non par le conseil régional représentée par sa présidente, mais par la présidente du conseil régional au nom de la région ; que dans ses conclusions d'appel, la région Rhône-Alpes soutenait seulement que la mention du conseil régional dans la constitution de partie civile résultait d'un lapsus calami ; qu'en fondant sa décision d'irrecevabilité de la constitution de partie civile sur le fait que le conseil régional n'avait pas le pouvoir de représenter la région, la cour d'appel a soulevé un moyen qui ne se trouvait pas dans le débat ; qu'en n'invitant pas les parties à présenter leurs observations sur un point de droit qu'elle soulevait d'office, la cour d'appel a violé le principe du contradictoire ;
"4 ) alors que la partie civile, qui n'a pas vu sa constitution contestée au stade de l'instruction, a pu légitimement croire en la recevabilité, au moins formelle, de celle-ci ; qu'en vertu du principe de confiance légitime si, au stade de l'information, le magistrat instructeur n'a pas statué sur la recevabilité formelle de la constitution de partie civile, le tribunal doit, s'il entend déclarer irrecevable cette constitution de partie civile, inviter les parties à présenter leurs observations sur ce point avant que le ministère public ne prenne ses réquisitions au fond, afin de leur laisser la possibilité de régulariser leur constitution de partie civile ou d'exposer les éléments justifiant de sa régularité ; que la Cour ne pouvait donc affirmer que le tribunal n'avait pas à inviter les parties à s'expliquer sur la recevabilité de la constitution de partie civile ;
"5 ) alors que la constitution de partie civile non contestée au stade de l'instruction peut être tenue pour recevable de telle sorte que sa contestation ne peut être considérée comme étant dans le débat ; que la Cour ne pouvait donc, en l'état d'une contestation de partie civile non contestée au stade de l'information, juger que le tribunal n'avait pas à inviter les parties à présenter leurs observations sur une question qui se trouvait dans le débat" ;
Sur le second moyen de cassation, proposé pour la région Rhône-Alpes, pris de la violation des articles 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1382 du Code civil, 111-4 du Code pénal, 421, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la région Rhône-Alpes ;
"aux motifs que l'exercice de l'action civile devant les tribunaux répressifs est un droit exceptionnel qui, en raison de sa nature, doit être strictement enfermé dans les limites fixées par le Code de procédure pénale ; qu'aux termes de l'article 421 du Code de procédure pénale, à l'audience, la déclaration de partie civile doit, à peine d'irrecevabilité, être faite avant les réquisitions du ministère public sur le fond ; que ce texte exclut la possibilité pour une partie civile de se déclarer pour la première fois en cause d'appel ; qu'en l'espèce, la région Rhône-Alpes, qui ne s'est pas déclarée partie civile avant les réquisitions du procureur de la République sur le fond à l'audience du tribunal, est irrecevable à le faire devant la Cour ; que l'article 554 du nouveau Code de procédure civile est inapplicable devant les juridictions répressives ; que le Code de procédure pénale n'autorise pas la constitution de partie civile pour la première fois en cause d'appel ; que seuls les assureurs appelés à garantir le dommage sont admis à intervenir directement devant la Cour, même s'ils n'étaient pas parties au procès en première instance ; qu'il y a lieu de déclarer la région Rhônes-Alpes irrecevable à se constituer partie civile pour la première fois devant la Cour ;
"1 ) alors que l'article 421 du Code de procédure pénale prévoit qu'à l'audience la déclaration de partie civile doit être faite avant les réquisitions du ministère public sur le fond ; qu'en vertu du principe d'interprétation stricte de la loi pénale, il ne peut en être déduit que la constitution de partie civile est irrecevable en cause d'appel ;
que les juges ne pouvaient déclarer irrecevable la constitution de partie civile devant la cour d'appel de la région Rhône-Alpes représentée par sa présidente en exercice ;
"2 ) alors que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal impartial et indépendant qui décidera, notamment, de ses droits en matière civile ; que le droit à réparation constitue un principe à valeur constitutionnelle ; qu'il s'ensuit que l'exclusion de la constitution de partie civile n'est possible que si elle résulte formellement d'un texte législatif ; que les juges ne pouvaient donc refuser à la région Rhône-Alpes de se constituer partie civile en raison de l'absence d'autorisation prévue par le Code de procédure pénale de se constituer partie civile pour la première fois en cause d'appel" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour confirmer la décision des premiers juges ayant déclaré irrecevable la constitution de partie civile du conseil régional Rhône-Alpes représenté par sa présidente, et déclarer irrecevable la constitution de partie civile de la région Rhône-Alpes devant la cour d'appel, l'arrêt énonce, notamment, que le tribunal a fait l'exacte application de l'article L. 4231-7 du Code général des collectivités territoriales selon lequel le président du conseil régional intente les actions au nom de la région en vertu de la décision du conseil régional ; qu'il constate que la régularisation de la constitution de partie civile de la région n'est pas intervenue au stade de l'instruction ni devant le tribunal correctionnel et ajoute qu'aucune disposition du Code de procédure pénale n'autorise la constitution de partie civile pour la première fois en cause d'appel ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors que la règle du double degré de juridiction interdit à celui qui n'était pas partie en première instance d'intervenir en cause d'appel, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.