Cass. crim., 22 mars 2017, n° 15-84.536
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Soulard
Rapporteur :
M. Steinmann
Avocat général :
M. Le Baut
Avocats :
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, SCP Marlange et de La Burgade
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la compagnie AXA France VIE a déposé plainte le 8 Juillet 1997, dénonçant un dispositif frauduleux dont l'un de ses agents généraux faisait bénéficier une entreprise, les fonds investis sur un contrat collectif de retraite au profit d'une catégorie de salariés étant détournés pour être placés sur des contrats individuels au bénéfice de salariés déterminés qui recevaient ainsi un sursalaire en fraude de leurs obligations sociales et fiscales ; que les investigations réalisées ont montré que la société La Brosse et Dupont, ayant M. [Q] [Q] pour vice-président directeur général, avait souscrit le 15 Mai 1991 deux contrats ainsi détournés de leur objet ; que, par ordonnance du 21 juin 2011, M. [Q] a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Pontoise qui l'a, notamment, relaxé pour des faits d'abus de biens sociaux commis entre 1980 et 1990 et qui, pour usage de faux, du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1997, et abus de biens sociaux, du 1er janvier 1991 au 17 juillet 1992, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et, sur intérêts civils, à payer la société La Brosse et Dupont la somme de 1 368 670 euros ; que M.[Q] et le procureur de la République ont interjeté appel du jugement ;
En cet état :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 14.3 du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques, la directive 2012/13/UE du 22 mars 2012, 406, 512, 591 à 593 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;
"en ce qu'il ressort des mentions de l'arrêt attaqué qu'à l'audience du 12 mars 2015 : « le président informe le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire » et que « M. [Q] a comparu assisté de son avocat et informé de son droit de se taire a été entendu par la cour et a déposé des conclusions aux fins de sa relaxe » ;
"alors qu'en vertu de l'article 406 du code de procédure pénale, dans sa version issue de la loi n°2014-535 du 27 mai 2014, applicable à compter du 2 juin 2014 « le président ou l'un des assesseurs, par lui désigné (…) informe le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire » ; qu'en l'espèce, la contradiction dans les énonciations de l'arrêt selon lequel « Le président informe le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire » et « M. [Q] a comparu assisté de son avocat et informé de son droit de se taire a été entendu par la cour et a déposé des conclusions aux fins de sa relaxe », ne permet pas à la Cour de cassation d'exercer son contrôle sur cette formalité substantielle prévue à peine de nullité" ;
Attendu que l'arrêt énonce, dans les mentions relatives au déroulement des débats, que le Président a informé le prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire, et, dans celles relatives à la procédure, que M. [Q], qui a comparu assisté de son avocat, a été informé de son droit de se taire ; que cette dernière mention, reprend en partie la première, sans la contredire ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 132-24 du code pénal, l'article préliminaire, articles 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure tirée de la violation du délai raisonnable ;
"aux motifs qu'avant tout débat au fond, M. [Q] soutient en premier lieu ne pas être jugé dans des délais raisonnables en violation de l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'au demeurant, les délais de la procédure tiennent d'une première part, à la découverte de dissimulations de droits depuis 1980 jusqu'en 1997 reprochées à l'agent général d'assurance, à son collaborateur, aux dirigeants de sept grandes entreprises nationales, et commis au détriment des sociétés d'assurance ainsi que des entreprises cotisantes, dont la société La Brosse et Dupont ; que la durée de la procédure tient d'autre part, aux expertises rendues nécessaires par la complexité de l'affaire et aux recours que chacune des parties ont tenu à exercer ainsi qu'aux renvois qu'elles ont réclamés pour l'exercice de leur droits, en application même de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme invoqué par M. [Q] ; qu'enfin, le délai de près de trois ans qui sépare l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 15 mars 2006, ordonnant la poursuite de l'instruction, de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel n'a pas eu pour effet d'atteindre M. [Q] dans ses droits, tandis que la juridiction civile a sursis à statuer sur le rachat des contrats contestés devant la juridiction pénale, en sorte que le moyen manque en fait et doit être rejeté ;
"alors que le droit d'être jugé dans un délai raisonnable garantit l'équité du procès, l'exercice des droits de la défense et l'effectivité de la peine adaptée aux circonstances de la cause et à la réadaptation du délinquant ; qu'en l'espèce, M. [Q] faisait valoir que le procès était inéquitable dès lors qu'il avait été jugé alors qu'il était âgé de 84 ans, plus de trente ans après certains des faits visés à la prévention, quinze ans après le début de l'information judiciaire et treize ans après sa mise en examen ; qu'en se bornant à relever que ces délais étaient justifiés par la dissimulation de certains faits, la réalisation d'actes de procédures ou encore les recours exercés par les prévenus, ce qui ne suffisait pas à justifier l'atteinte aux droits de la défense ou encore l'atteinte à l'effectivité de la peine résultant de l'ancienneté des faits et du délai déraisonnable de la procédure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés" ;
Attendu que la méconnaissance du délai raisonnable, à la supposer avérée, ne saurait avoir pour conséquence la nullité de la procédure; qu'il s'ensuit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6 et L. 249-1 du code du commerce, 7, 8, 388, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. [Q] coupable d'abus de biens sociaux, l'a condamné à une peine d'un an d'emprisonnement avec sursis, 150 000 euros d'amende et s'est prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs qu'à la suite des dispositions des articles 110 et 115 de la loi du 24 juillet 1966 en vigueur sur la période de prévention, et dont l'application est d'ordre public, le conseil d'administration d'une société anonyme est seul compétent pour fixer les rémunérations du président et des directeurs généraux, lesquelles comprennent, par nature, les compléments de retraite ainsi que les indemnités de fin de carrière ; qu'il est constant qu'à aucun moment, M. [Q] n'a obtenu l'autorisation du conseil d'administration de la société La Brosse et Dupont pour souscrire ou modifier les contrats visés par les poursuites, tandis que ces éléments de rémunération n'étaient pas stipulés dans les statuts de la société ; que, pour réclamer sa relaxe des fins des poursuites, M. [Q] conclut en premier lieu, à la régularité des conventions souscrites le 27 juillet 1981 et le 18 mai 1984 devant être qualifiées de contrat d'assurance groupe éligibles aux régime de l'article 83 du code général des impôts, alors que leur objectif était de permettre à un groupe de personnes, objectivement défini, de bénéficier d'un complément de retraite, versé sous forme de rente sous certaines conditions tenant à l'ancienneté avec un minimum de dix ans, à l'âge du prétendant au complément de retraite, initialement de soixante ans et enfin, au fait que pour prétendre à ce complément, les bénéficiaires devaient partir en retraite alors même qu'ils se trouvent toujours au sein de l'entreprise ; qu'en outre, la catégorie de personnel assuré était clairement identifiée comme celle des cadres du comité de direction ; que M. [Q] se prévaut de la note technique de M. [C] au terme de laquelle il a examiné la nature et l'assiette des droits des contrats qui se sont succédés depuis l'origine, puis des conditions de liquidation des droits à la rente intervenues le 20 janvier 1992 ainsi que celles de leur réemploi le 30 juillet 1996 par l'adossement d'un prêt auprès de la société Axa Banque nanti par un contrat d'assurance-vie ouvert sur le compte Cler Agipi du prévenu ; que, cependant en droit, l'autorisation du conseil d'administration instituée aux articles 110 et 115 de la loi du 24 juillet 1966 est non seulement indépendante des modalités de souscription individuelle ou collective dont peut être assorti le bénéfice pour les dirigeants d'une retraite supplémentaire ou d'une indemnité de départ de l'entreprise, mais encore des régimes social et fiscal en vertu desquels l'employeur a déclaré soumettre ces indemnités à l'exonération des cotisations sociales ou de l'impôt sur le bénéfices de la société ; qu'elle est tout aussi indépendante des conditions dans lesquelles ces contrats sont renouvelés, modifiés, exécutés, ou des conditions dans lesquelles les droits frauduleusement souscrits sont liquidés, et a fortiori, contestés par le souscripteur ou l'assureur ; qu'ainsi, la cause des contrats qui se sont succédés depuis l'origine est affectée d'une nullité d'ordre public ; que M. [Q] excipe de sa bonne foi, en soutenant d'une première part, que les opérations étaient transparentes, en ce qu'elle recouvraient un acte de gestion courante exécuté par la remise de chèques chaque trimestre soit par lui, soit par M. [R] ; que la défiscalisation des cotisations a été régulièrement déclarée par la société La Brosse et Dupont en application de l'article 39 du code général des impôts, et le commissaire aux comptes de la société ne pouvait ignorer, tout comme M. [T] lorsqu'il a fait réaliser l'audit de la société avant d'en prendre la présidence le 20 juin 1990 ; que, ni M. [U], lorsqu'il était secrétaire général de l'entreprise et principal négociateur du contrat, ni ses interlocuteurs des AGP n'avaient expliqué l'obligation du dirigeant de recueillir l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires de la société ; que, de deuxième part, M. [Q] invoque la relation ancienne et de confiance qu'il entretenait avec MM. [K] et [E], confortée par leur appartenance à une compagnie d'assurance de renom ; que, de troisième part, M. [Q] allègue l'ignorance dans laquelle il a été tenu des écarts de taux des cotisations que la société La Brosse et Dupont a versées au cabinet [K] avec celui des cotisations que celui-ci a effectivement reversées à la compagnie AXA, ainsi que des détournements qui en ont résulté pour la société d'assurances, et que l'instruction a imputés à M. [K] et M. [E] ; que, cependant, ni l'agent général d'assurance ou son collaborateur ne se sont substitués à M. [Q] pour limiter les certificats d'adhésion individuelle y compris à l'occasion des avenants du 2 mai 1988, ou après la modifications des droits intervenus le 15 mai 1991, à seuls quatre collaborateurs que comptait la quinzaine éligibles aux contrats d'assurances groupe ou pour les indemnités de départ à la retraite, ni non plus dans la détermination des quatre-cinquième droits que M. [Q] s'est attribué, fusse à la faveur de différences d'âge des quatre autres bénéficiaires ; que les décisions unilatérales et répétées de M. [Q] se sont ainsi faites en violation délibérée de l'obligation de faire bénéficier à tous les cadres dirigeants de la société correspondant à la catégorie au nom de laquelle les contrats collectifs ont été souscrits, en sorte que dépourvu depuis l'origine de leur contrepartie collective, le bénéfice de ces contrats était par nature individuel et ne pouvait en outre recevoir les avantages sociaux et fiscaux que M. [Q] a déclarés ; que l'intention dissimulatrice de M. [Q] de poursuivre un intérêt personnel contraire à l'intérêt social de l'entreprise peut encore être déduite des aménagements des droits qu'il a régulièrement souscrits et consolidés au fur et à mesure de son maintien dans l'entreprise et du rapprochement de son départ à la retraite, et dont l'objet était de restreindre les conditions de droit d'accès du collège des cadres aux fonds collectifs ; que la connaissance précise du système de détournement offert par les agents d'assurance ressort encore des notes manuscrites et des courriers que M. [Q] a adressées à M. [E], ainsi que le document indiquant la répartition entre le contrat groupe et les contrats individuels qu'il a signés le 15 mai 1991, et dont le faux et l'usage de faux imputé à M. [Q] sont reconnus au paragraphe 3 ci-dessous ; qu'enfin, l'ouverture, simultanée avec la souscription des doubles contrats du 15 mai 1991, d'un contrat Cler de l'association Agipi que M. [Q] a souscrit le 31 mai 1991, et destiné à recueillir les fonds collectés sous forme de capital investi dans une assurance-vie établit, sans équivoque, le dévoiement depuis l'origine des contrats de groupe au détriment de la société La Brosse et Dupont ; qu'au surplus, la rémunération constitue un élément substantiel du mandat social confié au dirigeant d'entreprise, en sorte que M. [Q], polytechnicien, employé du groupe Unilever avant d'avoir été promu par celui-ci dans l'une de ses filiales, connaissait nécessairement les avantages que lui procuraient les contrats qu'il a souscrits sans les avoir préalablement négociés et obtenus du conseil d'administration, et alors que ces compléments de rémunération venaient en plus des droits à la retraite institués par l'ordonnance du 4 octobre 1945 ainsi que par l'association générale des institutions de retraite depuis le 14 mars 1947 ; qu'enfin, l'ignorance dans laquelle M. [Q] a pu être entretenu du bénéfice que l'agent général d'assurance et son collaborateur ont pu retirer en reversant à la société d'assurance les cotisations dont le taux était inférieur en vertu du premier contrat, de celui collecté en vertu du second est sans effet sur la portée de l'intention dissimulatrice du prévenu, ni non plus le manquement dans le contrôle des contrats du 27 juillet 1981 et du 18 mai 1984 par le commissaire aux comptes de la société La Brosse et Dupont, et encore moins, l'impossibilité pour le commissaire aux comptes qui a succédé en 1986 de déceler dans le contrôle des comptes sociaux, la portée des doubles contrats passés en 1991 ; qu'en troisième lieu, M. [Q] affirme que les faits qui lui sont reprochés n'ont causé aucun préjudice, ni à la société La Brosse et Dupont, ni à la société Axa, en alléguant d'une première part, qu'il n'aurait perçu qu'une rente trimestrielle de complément de retraite sur la seule période de 1992 à 1997 et que de seconde part, après avoir accepté la souscription en juillet 1996 d'un prêt auprès de la société Axa Banque nanti par un contrat d'assurance-vie ouvert sur son compte Cler Agipi, la société Axa Banque a cherché à recouvrer des sommes indues par des exécutions forcées sur son compte personnel ainsi que par une saisie sur ses biens immobiliers, tandis que l'association Agipi a pour sa part gelé son compte ouvert pour la perception de sa rente ; que ce moyen est contraire, en droit, avec l'élément matériel nécessaire à la preuve du délit d'abus de biens sociaux, et dont la constitution n'est pas subordonnée à l'existence d'un détournement de fonds, ni ne dépend du bénéfice indirect qu'un tiers, la société d'assurance, a pu retirer des détournements, ni davantage des voies d'exécution mises en oeuvre par les victimes directes ou indirectes pour la préservation ou le recouvrement des droits indus ; que le moyen est au surplus contraire avec les faits constants d'une part, que la société La Brosse et Dupont a versé irrégulièrement des cotisations à des assurances groupe pendant plus de onze ans et d'autre part, que M. [Q] a reçu illégalement une rente pendant plus de cinq ans ; qu'en quatrième lieu, sur la prescription des poursuites du chef d'abus de biens sociaux, d'une première part, M. [Q] prétend qu'elle est acquise au motif que toutes les conventions qui se sont succédé après les deux premiers contrats du 27 juillet 1981 et du 18 mai 1984 ne constituent que des aménagements sans changer la nature ou l'objectif pour la constitution de fonds de retraite complémentaire et des indemnités de fin de carrière ; que cependant, le bénéfice des contrats de retraite supplémentaire et d'indemnité de départ a été tacitement reconduit chaque année, et a fait l'objet d'avenants et de modifications sans que l'autorisation du conseil d'administration, révocable à tout moment, n'ait été recueillie ; que de deuxième part, les premiers juges ont déclaré prescrit l'abus de bien sociaux avant la souscription des contrats de mai 1991 au motif que c'est à cette date qu'est opéré le transfert de la totalité des provisions mathématiques et qu'une grande partie est maintenue sur les contrats individuels grâce au système des doubles contrats ; que, cependant, les abus de biens sociaux reprochés à M. [Q] ont consisté dans les cotisations détournées de l'actif de la société au fur et à mesure de leur versement dans les conditions censurées cidessus, et non dans l'affectation des provisions mathématiques que l'assureur a constitué pour ses engagements actuels ou futurs en application des obligations qu'il tenait des contrats et des dispositions de l'article L. 331-1 et R. 331-1 et suivants du code des assurances ; que, de troisième part, aux termes de son arrêt du 19 mai 2005, la chambre criminelle de la Cour de cassation a statué sur la nécessité de rechercher la date à laquelle le président et les actionnaires de la société La Brosse et Dupont ont eu connaissance du financement, sur les fonds sociaux, des neuf contrats individuels de retraite complémentaire souscrits par M. [Q] en 1982 et 1984, grâce au versement de la différence entre les taux de cotisation inscrits sur les exemplaires des deux contrats de groupe du fond collectifs de retraite et d'indemnités de fin de carrière adressés à la société et sur les exemplaires des mêmes contrats transmis à la compagnie AXA Assurances ; qu'il est acquis aux poursuites la preuve que ni le président et ni les actionnaires de la société La Brosse et Dupont n'ont pu avoir connaissance de l'origine frauduleuse de la souscription et du financement sur les fonds sociaux, des contrats individuels de retraite complémentaire souscrits depuis l'origine par M. [Q] ainsi que de leur renouvellement par les transferts des droits dissimulés par les contrats souscrits en 1991, avant que la société Axa Assurances ne dénonce à M. [T] par lettre du 22 septembre 1997 les résultats de son enquête interne sur les détournements de l'affectation des cotisations par le cabinet [K], soit dans un délai de moins de trois ans avant le dépôt de plainte de la société La Brosse et Dupont le 24 juillet 1998 ; que, par ces motifs, la preuve des éléments matériels et intentionnels des abus de biens sociaux est constituée depuis 1981 et leur prescription a été régulièrement interrompue, en sorte qu'il convient de retenir M. [Q] dans les liens de la prévention ;
"1°) alors que les juridictions correctionnelles ne peuvent ajouter aux faits de la prévention, lesquels doivent rester tels qu'ils ont été retenus dans l'acte de saisine, à moins que le prévenu ait accepté d'être jugé sur des faits nouveaux ; qu'en l'espèce, M. [Q] a été renvoyé devant la juridiction correctionnelle en qualité d'auteur du délit d'abus de biens sociaux, pour avoir au cours des années 1980, 1990 et notamment en 1991, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, sur le ressort du territoire national, étant président, administrateur, directeur général, membre du directoire, membre du conseil de surveillance, dirigeant de fait de la société anonyme La Brosse et Dupont, fait, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de cette société, un usage qu'il savait contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était directement ou indirectement intéressé, en l'espèce, en détournant des fonds destinés à des fonds collectifs de retraite de la société vers des contrats individuels principalement à son bénéfice ; que dès lors, en retenant à sa charge des faits non compris dans la prévention, notamment des abus de biens sociaux résultant de la souscription de contrat de groupe le 27 juillet 1981 et le 18 mai 1984, et leurs avenants, et à propos desquels il ne résulte pas de l'arrêt que l'intéressé ait accepté d'être jugé, la cour d'appel a violé les textes susvisés et excédé ses pouvoirs ;
"2°) alors que l'abus de biens sociaux est constitué lorsque les dirigeants d'une société font, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de la société, un usage qu'ils savent contraire à l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement ; qu'en l'espèce, M. [Q] faisait valoir dans ses conclusions que, s'agissant des prétendus détournement de fonds destinés à des fonds collectifs de retraite de la société vers des contrats individuels, il était dans l'ignorance de l'existence de deux contrats portant des taux différents ; qu'en le déclarant néanmoins coupable pour ces faits, sans rechercher s'il avait eu connaissance de l'existence de deux contrats portant des taux différents, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
"3°) alors que la prescription de l'action publique du chef d'abus de biens sociaux court, en cas de dissimulation, au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a écarté l'exception de prescription en relevant qu'il est acquis aux poursuites la preuve que ni le président et ni les actionnaires de la société La Brosse et Dupont n'ont pu avoir connaissance de l'origine frauduleuse de la souscription et du financement sur les fonds sociaux, des contrats individuels de retraite complémentaire souscrits depuis l'origine par M. [Q] ainsi que de leur renouvellement par les transferts des droits dissimulés par les contrats souscrits en 1991, avant que la société Axa Assurances ne dénonce à M. [T] par lettre du 22 septembre 1997 les résultats de son enquête interne sur les détournements de l'affectation des cotisations par le cabinet [K], soit dans un délai de moins de trois ans avant le dépôt de plainte de la société La Brosse et Dupont le 24 juillet 1998 ; que ce faisant, en ne constatant pas la preuve de la dissimulation des abus de biens sociaux concernant les contrats collectifs conclus dans les années 1980, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
"4°) alors que la prescription de l'action publique du chef d'abus de biens sociaux court, en cas de dissimulation, au jour où le délit est apparu et a pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; que M. [Q] faisait valoir dans ses conclusions que M. [T], qui a été nommé 1990 à la direction de la société La Brosse et Dupont, n'ignorait pas l'existence des contrats litigieux, leurs titulaires et les montants versés ; qu'en refusant de rechercher si ces informations n'étaient pas suffisantes pour établir l'absence de dissimulation, au moins en ce qui concerne les abus de biens sociaux concernant les contrats collectifs conclus dans les années 1980, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;
Sur le moyen pris, en sa première branche :
Attendu qu'il résulte des pièces de procédure que M. [Q] a été cité pour des faits commis au cours des années 1980 ; que cette expression doit s'entendre comme couvrant la période allant de 1980 à 1989 ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel a pu, sans excéder sa saisine, le déclarer coupable de faits commis en 1981 et 1984 ;
Qu'ainsi le grief doit être écarté ;
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche :
Attendu que, pour caractériser l'élément intentionnel du délit d'abus de biens sociaux, l'arrêt relève que l'intention dissimulatrice de M. [Q] de poursuivre un intérêt personnel contraire à l'intérêt social de l'entreprise peut être déduite des aménagements des droits qu'il a régulièrement souscrits et consolidés au fur et à mesure de son maintien dans l'entreprise et du rapprochement de son départ à la retraite, et dont l'objet était de restreindre les conditions de droit d'accès du collège des cadres aux fonds collectifs ; que la connaissance précise du système de détournement offert par les agents d'assurance ressort encore des notes manuscrites et des courriers que M. [Q] a adressés, ainsi que du document indiquant la répartition entre le contrat groupe et les contrats individuels qu'il a signés le 15 mai 1991, et dont le faux et l'usage de faux imputé à M. [Q] sont reconnus ; que l'ouverture, simultanée avec la souscription des doubles contrats du 15 mai 1991, d'un contrat CLER de l'association Agipi que M. [Q] a souscrit le 31 mai 1991, et destiné à recueillir les fonds collectés sous forme de capital investi dans une assurance-vie établit, sans équivoque, le dévoiement depuis l'origine des contrats de groupe au détriment de la société La Brosse et Dupont ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le grief n'est pas fondé ;
Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :
Attendu que, pour dire les faits non prescrits, l'arrêt relève qu'il est établi que ni le président ni les actionnaires de la société La Brosse et Dupont n' ont pu avoir connaissance de l'origine frauduleuse de la souscription et du financement, sur les fonds sociaux, des contrats individuels de retraite complémentaire souscrits depuis l'origine par M.[Q] ainsi que de leur renouvellement par les transferts des droits dissimulés par les contrats souscrits en 1991 et qu'ainsi la dénonciation de ces faits, selon une lettre du 22 septembre 1997 présentant les résultats d'une enquête interne sur les détournements de l'affectation des cotisations, est intervenue dans un délai de moins de trois ans avant le dépôt de plainte de la société La Brosse et Dupont le 24 juillet 1998 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. [Q] à payer à la société La Brosse Dupont, la somme de 1 368 670 euros en réparation du préjudice matériel ;
"aux motifs propres que pour voir infirmer sa condamnation au paiement des dommages-intérêt à la société La Brosse et Dupont, M. [Q] invoque d'une première part, l'intérêt que la société a reçu de soustraire ces sommes au bénéfice imposable, de deuxième part, le fait qu'il n'a pas reçu l'essentiel du complément de retraite et de l'indemnité de départ, et de troisième part, que la propriété des cotisations a été transférée au profit de la société La Paternelle, puis des AGP et aujourd'hui à la société Axa France vie ; que, cependant, que ces moyens sont inopposables à la société La Brosse et Dupont dans les préjudices qui résultent pour elle de la nullité des contrats de retraite supplémentaires et d'indemnité de départ de l'entreprise retenus à l'encontre de M. [Q], et qui consistent dans le versement à fonds perdus des cotisations sur la période incriminée ;
"aux motifs adoptés que le détournement concerne les sommes maintenues ou versées sur les contrats personnels en 1991 et 1992 ; la partie civile chiffre ces sommes à 7 695 075 francs, soit 1 173 106 euros pour le contrat « retraite » et 1 282 821 francs, soit pour le contrat « indemnité fin de carrière », soit au total 1 368 670 euros ;
"alors qu'il est de principe constant que l'indemnité allouée à la victime ne doit ni lui procurer un enrichissement, ni lui causer un appauvrissement ; qu'en condamnant M. [Q] à verser à la société La Brosse et Dupont la somme de 1 368 670 euros en réparation de son préjudice matériel, sans tenir compte, comme cela lui avait été demandé dans les conclusions, des avantages fiscaux obtenus par la société à l'aide des versements effectués, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale ; que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et caractérisé, en tous ses éléments, l'évaluation du préjudice, consécutif aux infractions, subi par la société La Brosse et Dupont" ;
Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice résultant pour la société La Brosse et Dupont de l'infraction, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.