Cass. crim., 20 juin 1996, n° 95-82.078
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Culié
Rapporteur :
M. Schumacher
Avocat général :
M. Le Foyer de Costil
Avocats :
SCP Gatineau, Me Foussard
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 49 et 486, 591, 593 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, défaut de motifs :
" en ce que l'arrêt attaqué mentionne que M. Hovaere composait la juridiction de la Cour lorsque l'arrêt a été rendu ;
" alors que M. Hovaere ne pouvait siéger au sein d'une formation collégiale devant rendre un arrêt au fond dans une affaire qu'il avait instruite ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que la composition de la cour d'appel était la même lors des débats et du délibéré et qu'à l'audience du 23 mars 1995, il a été donné lecture de l'arrêt par le président en application de l'article 485 du Code de procédure pénale ; qu'il n'importe que le magistrat qui avait instruit l'affaire ait assisté au prononcé de la décision dès lors qu'il n'a participé ni aux débats ni au délibéré ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 425-3 de la loi du 24 juillet 1966, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables des faits qui leur étaient reprochés, et a condamné X... Claude à une peine de 2 ans d'emprisonnement et 2 000 000 francs d'amende, Y... Bertrand à une peine de 15 mois d'emprisonnement dont 9 mois avec sursis ainsi que 200 000 francs d'amende, et X... Béatrice à une peine de 15 mois d'emprisonnement dont 12 mois avec sursis, ainsi que 200 000 francs d'amende ;
" aux motifs que, sur les abus de biens sociaux commis au préjudice de la société BCTP ; qu'il résulte des déclarations de la gérante de droit recrutée par X... Claude, confirmées par celles de Z... Jeannine, également associée, que dès l'origine, X... Claude a mis en place le système qu'il pratiquait déjà dans le fonctionnement de BCTP, à savoir le prélèvement en espèce de 10 % de la recette journalière, dont il laissait en l'espèce la moitié à Beaussire Jeanine pour lui permettre de faire face, avec Z... Jeannine, aux 7 100 francs qu'elles devaient payer à la banque chaque mois en remboursement des emprunts qu'elles avaient dû souscrire pour effectuer l'apport en compte courant exigé par X... Claude ; que l'expert A..., a conclu à l'existence de dissimulations s'élevant, de novembre 1988 à décembre 1989, à 217 390 francs, somme représentant 11 % des recettes totales reconstituées d'après les bandes de caisse enregistreuses ; que, de ce premier chef, la culpabilité de X... Claude, qui a perçu de manière occulte la moitié des sommes indûment prélevées sur la société MAAP et non comptabilisées, est établie ; sur les abus de biens sociaux commis au préjudice de la société BCTP ; que le prélèvement sous forme d'espèces d'un pourcentage de 10 % environ sur les recettes journalières des 4 magasins exploités par la société à Poitiers a été reconnu par Y... Bertrand et par sa compagne X... Béatrice, devant la Cour, ainsi que par divers témoignages ; qu'il ressort du rapport d'expertise que ces prélèvements occultes se sont élevés pour les 4 magasins à la somme de 2 938 676 francs ; que leur responsabilité incombe à la fois à Y... Bertrand, qui a appliqué la méthode de X... Claude, et à ce dernier ; qu'ils soutiennent que ces prélèvements illicites dans leur principe, servaient à payer les fournisseurs, de sorte que les fonds prélevés auraient été employés dans l'intérêt de la société ; mais attendu que s'il est certain que Y... Bertrand et X... Claude ont prélevé près de 3 millions de francs, omettant volontairement de les faire figurer dans la comptabilité de la société BCTP, il n'est pas moins manifeste qu'ils ont utilisé ces fonds pour l'essentiel à des fins personnelles, même si l'emploi exact de ces fonds n'a pu être déterminé ; qu'aucune pièce du dossier ne vient étayer les affirmations de Y... Bertrand et X... Claude selon lesquelles ils auraient utilisé les fonds qu'ils s'étaient personnellement appropriés dans un premier temps dans l'intérêt de la société ; que le procédé utilisé, comportant une dissimulation et revêtant un caractère systématique et permanent est en outre incompatible avec la volonté alléguée d'utiliser les fonds prélevés ;
" alors que l'abus de biens sociaux n'est constitué qu'à charge de démontrer que l'utilisation effective qui a été faite était des biens ou du crédit était contraire à l'intérêt social et servait de surcroît l'intérêt personnel du dirigeant ; qu'en se bornant à énoncer qu'il était " manifeste " que les fonds prélevés par X... Claude et Y... Bertrand sur les recettes de la société BCTP avait été utilisés " pour l'essentiel " à des fins personnelles, sans rechercher, concrètement, quel usage il avait été fait de ces fonds et si ceux-ci avaient permis aux prévenus d'enrichir, directement ou indirectement, leur propre patrimoine, la cour d'appel a entaché sa décision de base légale ;
" 2° alors qu'en déduisant l'existence du délit de la seule constatation que X... Claude, qui était par ailleurs poursuivi pour omission de passation d'écriture, avait " perçu de manière occulte " la moitié des sommes prélevées sur les recettes de la société MAAP, sans rechercher si l'usage qui avait été fait de ces biens était contraire à l'intérêt social et servait son intérêt personnel, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ; et aux motifs éventuellement adoptés que malgré les dénégations de Y... Bertrand, il apparaît au contraire que l'amputation des recettes de BCTP lui a procuré non seulement un profit pécuniaire immédiat, mais aussi un avantage d'ordre moral et professionnel caractérisé par le maintien des bonnes relations avec le véritable patron de l'affaire, son " beau-père " X... Claude, et le maintien dans le " groupe des sociétés X... " d'une situation lucrative ;
" alors que l'intérêt purement moral qu'un dirigeant peut avoir à faire usage des biens d'une société ne peut être utilement relevé pour caractériser l'abus de biens sociaux si un tel usage n'est pas contraire à l'intérêt de l'entreprise ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas davantage justifié sa décision au regard des textes susvisés " ;
Attendu que, pour condamner du chef d'abus de biens sociaux X... Claude, gérant de fait de la société à responsabilité limitée " Marché aux affaires Poitiers " (MAAP) et de la société à responsabilité limitée " Bazar Central Tours Produits " (BCTP), ainsi que Y... Bertrand, gérant de droit de cette dernière société, les juges relèvent que de 1988 à 1990, sur leurs instructions, ont été détournés 10 % des recettes journalières de chacune de ces entreprises, dont ils ont perçu la plus grande partie ; qu'ils énoncent encore que la preuve de l'emploi des fonds au paiement prétendu de fournisseurs n'est pas rapportée et qu'il est " manifeste " que les prévenus les ont utilisés à des fins personnelles, même si leur utilisation exacte n'a pu être déterminée ;
Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, à moins qu'il soit justifié de leur utilisation dans le seul intérêt de la société, les fonds sociaux prélevés de manière occulte par des dirigeants sociaux, l'ont nécessairement été dans leur intérêt personnel, direct ou indirect ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme :
REJETTE le pourvoi.