Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 1 ch. 5, 19 octobre 2017, n° 17/11191

PARIS

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Hantec Oceanian Limited (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dellelis

TGI Paris, du 25 avr. 2017, n° 13/12524

25 avril 2017

La société'HANTEC OCEANIAN LIMITED'est une société financière à fonds 'asiatiques antérieurement domiciliée à Hong-Kong et aujourd'hui domiciliée en Nouvelle-Zélande et avec laquelle M T. entretenait des relations commerciales depuis 1994'pour la réalisation de ses opérations financières et notamment l'achat de devises.

Aux termes de trois ordonnances en date du 10'novembre'2010,'le délégué du président du tribunal de grande''instance de Paris a conféré'force exécutoire aux trois protocoles transactionnels en date des 16'février, 25'avril et 12'juin'2010 'intitulés «'protocole d'accord valant prorogation de délais de'remboursement'» , contenant moratoire accordé à M T. pour rembourser les prêts qui lui auraient été consentis en 2009'et 2010'selon reconnaissances de dette par la société Cosmos Hantec Investment Limited devenue la société'HANTEC OCEANIAN'Investment Limited.

L'ordonnance du 10'novembre'2010'conférant force exécutoire au protocole transactionnel du 16'février'2010'a fait l'objet d'une rétractation par ordonnance de référé en date du 4'mai'2011,'à l'encontre de laquelle il a été interjeté appel et par arrêt en date du 1er'juillet 2014'la cour d'appel de Paris a infirmé l'ordonnance de rétractation du 4'mai'2011' au' visa de l'article'1441-4'du code de procédure civile en vigueur lors de la rédaction des protocoles.

Parallèlement les protocoles ont été soumis à une mesure d'expertise aux fins de vérification d'écriture ordonnée en 'référé le 24'novembre'2011, M T. contestant être l'auteur de la'signature figurant sur ces actes. Le 'rapport d'expertise en date du 12'juillet'2012'a conclu que M T. était bien l'auteur des signatures portées sur les trois protocoles d'accord. Une procédure a ensuite été initiée devant le juge du fond suite à l'assignation de M.T. en date du 29'août'2013.

Par ordonnance sur requête ''en date du 25'septembre'2013'le magistrat délégué par le président du tribunal de grande instance de Paris a rejeté la nouvelle demande de la société'HANTEC OCEANIAN'tendant à voir donner force exécutoire au protocole d'accord signé entre les parties le 16'février'2010.

La société'HANTEC OCEANIAN'a interjeté appel de cette décision le 21'octobre'2013'et par arrêt en date du 6 février 2015', la cour d'appel de Paris a infirmé l'ordonnance de rétractation en date du 25 septembre 2013 et conféré force exécutoire au protocole du 16 février 2010', le pourvoi contre cet arrêt ayant été rejeté par arrêt de la cour de cassation en date du 15 juin 2016.

S'agissant du second protocole signé le 25 avril 2010, une ordonnance rendue le 8 août 2012 lui a conféré force exécutoire. Suite à une assignation aux fins de rétractation présentée par M.T., le président du tribunal de grande instance de Paris, par ordonnance en date du 7 janvier 2016 a rejeté la demande aux fins de rétractation et confirmé la force exécutoire conféré au protocole du 25 avril 2010'. Un appel est actuellement pendant contre cette décison.

S'agissant du troisième protocole transactionnel du 12 juin 2010', une ordonnance rendue le 8 août 2012 par le président du tribunal de grande instance de Paris a conféré à nouveau force exécutoire à ce protocole transactionnel.

Une ordonnance en date du 28 septembre 2013 a sursis à statuer sur la demande de rétractation

Procédure en arrêt d'exécution provisoire':

Par jugement en date du 25 avril 2017, le tribunal de grande instance de Paris a':

-constaté la sincérité de la signature de Monsieur Huy T. portée sur les protocoles des 16 février 2010, 25 avril 2010 et 12 juin 2010 et sur les reconnaissances de dettes des 25 juin 2009', 2 juillet 2009, 7 juillet 2009', 23 septembre 2009 , 20 octobre 2009', 19 février 2010', 30 mars 2010,11 avril 2010 et 6 mai 2010';

-condamné M.T.',autrement dit M.Cheng W.,né le 19 juin 1942 à [...] au Cambodge au paiement d'une amende civile de 3000 euros';

-condamné M.T. autrement dit M.Cheng W.,à payer à la société Hantec Oceanian Limited':

-1'906'909,96 euros', au titre du protocole du 16 février 2010 augmentés des intérêts au taux de base de Hong Kong , calculé au jour le jour , augmenté de 3 % l'an, dès le 30 novembre 2010.

- 465'099,99 euros, au titre du protocole du 25 avril 2010 augmentés des intérêts au taux de base de Hong Kong , calculé au jour le jour , augmenté de 3 % l'an dès le 30 juin 2011';

-632'535,98 euros au titre du protocole du 12 juin 2010 augmentés des intérêts au taux de base de Hong Kong , calculé au jour le jour , augmenté de 3 % l'an dès le 30 juin 2011';

-ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil dès le 4 juillet 2014';

-débouté M.T. de ses demandes en constat de l'inexistence des protocoles , des reconnaissances de dette et des créances , en dommages-intérêts et en paiement des frais irrépétibles';

-déclaré irrecevables sa demande en nullité du protocole du 16 février 2010 faute de conformité aux prescriptions de l'article 2044 du code civil';

-condamné M.T. aux dépens dont distraction au profit de Maître François V.',outre la paiement d'une indemnité de 7000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Le 9 mai 2017, M.T. a interjeté appel de cette décision.

Par acte en date du 27 juin 2017 , il a fait assigner la société Hantec Oceanian Limited sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile devant le premier président de la cour d'appel de Paris afin d'obtenir, à titre principal, la suspension de l'exécution provisoire de la décision précitée, à titre subsidiaire, l'autorisation d'offrir une ou des garanties bancaires au profit de la société Hantec Oceanian Limited pour garantir le montant de la condamnation et plus subsidiairement encore se voir autoriser à consigner la somme suffisante de 300 000 euros en garantie du montant de la condamnation, l'arrêt de l'exécution provisoire étant prononcé pour le solde de la condamnation.

Il a demandé qu'en tout état de cause, la société Hantec Oceanian Limited soit condamnée au paiement de la somme de 5000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'audience du 21 septembre 2017 , la partie requérante, reprenant les termes de son assignation, a soutenu ce qui suit:

-M.T. n'a jamais signé les protocoles litigieux et a déposé plainte pour escroquerie , faux et usage de faux , procédures dans lesquelles une experte graphologue et un interprète traducteur chinois ont conclu que les signatures sur les protocoles n'étaient pas de sa main';

-le juge civil s'est fondée sur l'expertise prononcée dans le cadre civil, expertise dont les conclusions sont contestables';

-il ne dispose pas de l'actif disponible pour payer le montant de la condamnation dès lors que ses revenus sont essentiellement composés de sa rémunération de dirigeant de Paris Store à hauteur de 18 000 euros par mois et de la faible pension de retraite de son épouse, la condamnation correspondant à 216 mois de salaire';

-les saisies-attributions ont d'ores et déjà permis à Hantec Oceanian Limited de percevoir une somme de l'ordre de 400 000 euros';

-la société Hantec Oceanian Limited ne cesse de transférer son siège et ne présente aucune stabilité;que la France n'a pas signé de convention d'exécution avec la Nouvelle-Zélande';

-l'un des dirigeants de Hantec a d'ores et déjà été sanctionné par les autorités réglementaires hong kongaises';

-subsidiairement , il est fondé à solliciter des mesures d'aménagement de l'exécution provisoire soit par la fourniture d'une garantie bancaire soit par le consignation d'une somme représentant 10'%du montant des condamnations.

La société Hantec Oceanian LIMITED , reprenant aussi ses écritures déposées à l'audience, demande, à titre principal,le débouté pur et simple de M.T.

Elle réclame en tout état de cause la condamnation de à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

La société Hantec fait valoir':

-que M.T. se borne à reprendre ses moyens de contestation développés devant le juge du fond

-qu'il n'a jamais offert le moindre commencement d'exécution en dépit d'années de procédure';

-que la créance constatée par le jugement du 25 avril 2017 qui s'élevait intérêts compris à la somme de 4 263 644 euros à la date du 19 juillet 2017 a fait l'objet de décisions juridictionnelles conférant force exécutoire aux trois protocoles transactionnels';

-que M.T. ne démontre pas que sa situation financière est telle que l'exécution provisoire entraînerait pour lui des conséquences manifestement excessives.

-qu'elle fait partie d'un groupe qui dispose de nombreuses filiales à travers le monde et qu'elle offre la garantie à première demande de sa société holding pour garantir une éventuelle restitution.

MOTIFS ;

Il résulte de l'article 524, premier alinéa, 2', du code de procédure civile que, lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, le premier président statuant en référé peut l'arrêter si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Ces conséquences manifestement excessives s'apprécient par rapport aux facultés de paiement du débiteur et aux facultés de remboursement de la partie adverse en cas d'infirmation de la décision assortie de l'exécution provisoire.

Le risque de conséquences manifestement excessives suppose un préjudice irréparable.

M.T. conteste la signature portée sur les documents qui ont été soumis à homologation et conteste les conclusions du rapport d'expertise sur lequel le tribunal s'est fondé. Il n'appartient toutefois aucunement à la présente juridiction d'apprécier la motivation du jugement du 25 avril 2017.

De manière plus pertinente, M.T. soutient qu'il ne dispose pour régler les causes de la condamnation que de son seul salaire de dirigeant et de la retraite de son épouse . Il produit à cet effet ses bulletins de salaire en qualité de président de SAS faisant apparaître un salaire brut d'un montant de 23 077 euros et son avis d'imposition pour l'année 2016 faisant apparaître un revenu imposable de 336791 euros pour l'année considérée.

M.T. ne produit toutefois nullement les pièces permettant à la présente juridiction d'être informée de manière exhaustive sur sa situation patrimoniale et la société Hantec entend au contraire démontrer que la situation financière de l'intéressé est particulièrement florissante.

Il résulte ainsi des pièces produites par la société Hantec

-que M.T. a créé avec des membres de sa famille une société holding, la société TH Invest, dont le siège social se situe en Belgique , société au capital de 88 281 900 euros divisé en autant d'actions d'une valeur nominale de 1 euro'; que M.T. détient 54 605 430 actions de cette société , dans laquelle il exerce les fonctions d'administrateur délégué en même temps que Mme Chang K. épouse T. et Mme Nary K. née T.,

-que le périmètrede cette société Holding s'étend à 31 filiales détenues directement ou indirectement';

-que cette société holding détient 66 999 des 70 000 actions de la société Paris Store , M.Huy T. étant propriétaire à titre personnel de l'action restante'; que le chiffre d'affaires d'affaires réalisé au sein de Paris Store a été de 121 440 000 euros au 31 mars 2016 et que le résultat de cette société a été de 4 614 966 euros au titre de l'exercice écoulé'; qu'elle a pu lors de son assemblée générale annuelle décider de la distribution d'un dividende pour un montant global de 2 211'000 euros, le solde du Report à nouveau étant de 20 077 498 euros';

-que M.T. est le président et associé de la société Distribution Alimentaire de Toulouse qui a réalisé au 31 mars 2016 un chiffre d'affaires de 17 349 054 euros';

-qu'il est également le président et associé de la société Distribution Alimentaire de Montpellier qui a réalisé au 31 mars 2016 un chiffre d'affaires de 7442 274 euros au 31 mars 2016’ ;

-qu'il est associé d'une société civile immobilière Huy T. en même temps que des membres de sa famille’ ;

-qu'il est associé d'une société civile immobilière Man Nguon au capital social de 948 420 euros’ ;

-qu'il est également propriétaire d'un immeuble sis à [...]'.

Par ailleurs , il est exact que les comptes de la société Paris Sore mentionnaient pour l'exercice 2016 une créance en compte courant concernant l'associé personne physique (M.T. étant le seul associé personne physique ) pour un montant supérieur à 13 885 440 euros'; que la saisie-attribution pratiquée le 19 juillet 2017 par Hantec entre les mains de la SAS Paris Store n'a pas permis curieusement de retrouver cette créance , pour laquelle il a été répondu au créancier saisissant qu'elle était d'un montant nul

Il convient d'ajouter que M.T. qui offre une garantie bancaire pour garantir l'exécution des condamnations reconnaît implicitement qu'il a l'assise financière pour obtenir une telle garantie.

Ces différents éléments, joints au fait que M.T. s'est abstenu de donner une information exhaustive sur sa situation patrimoniale et des explications suffisamment pertinentes quant aux observations de la société Hantec, ne permettent pas de conclure que l'exécution provisoire est de nature à entraîner pour M.T. des conséquences manifestement excessives au regard de sa situation financière.

M.T. fait toutefois également état de risques concernant les restitutions en cas d'infirmation du jugement.

La société Oceanian Limited produit aux débats un document émanant de Hantec Holding Investment dans laquelle cette dernière indique qu'au cas où la société Hantec Oceanian Limited ne pourrait assumer le remboursement des restitutions, la société Hantec Holding Investment Limited se subsituerait immédiatement à celle-ci sur simple demande. Elle produit également les documents relatifs à la structure du groupe Hantec.

Il est toutefois exact qu'elle a changé de domicile en cours de procédure et que la présente juridiction ne dispose pas des documents financiers relatifs à la santé financière d'Hantec Oceanian Limited et de Hantec Holding Investment Limited.

Il résulte des dispositions des articles 517 à 524 du code de procédure civile que sous réserve et dans les conditions qu'ils prévoient, le premier président de la cour d'appel saisi d'une demande tendant à faire arrêter l'exécution provisoire d'un jugement a la faculté de maintenir l'exécution provisoire moyennant la constitution par le bénéficiaire de celle-ci d'une garantie réelle ou personnelle suffisante pour répondre de toutes restitutions ou réparations , ou bien de l'arrêter moyennant consignation par la partie condamnée d'espèces ou de valeurs suffisantes pour garantir en principal, intérêts et frais le montant de la condamnation.

La possibilité d'aménager l'exécution provisoire prévue par cet article n'est pas subordonnée à la condition que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives au sens de l'article 524 du code de procédure civile.

Il résulte des pièces produites et des débats que la consignation est de nature à préserver utilement les droits des parties dans l'attente de la décision au fond.

Néanmoins la consignation doit être faite pour garantir le paiement en principal, des intérêts et frais.

Il résulte du décompte très précis des sommes dues tel que repris dans le procès-verbal de saisie-attribution du 19 juillet 2017 que le montant des sommes dues en principal, intérêts et frais à la date du procès-verbal de saisie s'élève à un montant de 4 263 744,52 euros', cette somme tenant compte de la somme de 499 871,21 euros déjà obtenue dans le cadre des voies d'exécution diligentées (somme à laquelle M.T. fait référence dans ses écritures)

La consignation devra être faite pour ce montant.

Au regard de ce qui est décidé, il convient de laisser à chaque partie ses frais et dépens et de débouter les parties de leurs demandes respectives fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

REJETANT toute autre demande,

AUTORISONS la consignation par M.T. de la somme de 4 263 744,52 euros entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations dans un délai de deux mois à compter de la délivrance de la copie de la présente décision et ce jusqu'à ce qu'il soit statué sur l'appel contre le jugement du 25 avril 2017.

DISONS que, faute de consignation dans ce délai, l'exécution provisoire retrouvera son entier effet ;

LAISSONS à chaque partie ses frais et dépens';

DISONS n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNANCE rendue par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.