CA Douai, 3e ch., 19 septembre 2019, n° 18/04172
DOUAI
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
MMe Château
Exposé du litige
Selon arrêt rendu le 31 mars 2010, la chambre sociale de la cour d'appel de Douai a confirmé la décision du conseil des prud'hommes de Tourcoing en ce qu'il a condamné la société NB International à payer à Mme Françoise D. une somme de 411,72 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement, et l'a infirmée ainsi qu'il suit et a condamné la société NB International à payer à Mme D. les sommes suivantes :
• 43 554,52 euros à titre de rappel de commission,
• 4 355,45 euros à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
• 65 893,45 euros à titre de rappel de salaire pour la période de maladie,
• 6 589,34 euros à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
• 31 477,13 euros à titre de rappel d'indemnités de congés payés,
• 37'101,25 euros à titre d'indemnité de préavis,
• 3 710,12 euros à titre d'indemnité de congés payés y afférents,
• 100 000 euros à titre de dommages et intérêts,
• 1 841,52 euros à titre de rappel d'indemnité de non-concurrence,
• 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame D. a mandaté la SCP Fabienne G. et Philippe M. (ci-après la SCP G. et M.), huissiers de justice associés, aux fins d'obtenir le règlement des sommes qui lui étaient dues par la société NB International en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Douai en date du 31 mars 2010.
Dans le cadre de cette exécution, la SCP G. et M. a pratiqué plusieurs saisies attributions régulièrement dénoncées à la société NB International, notamment le 3 juin 2010, entre les mains de la société Compagnie Internationale pour la vente à distance Blanche Porte Zenora (ci-après la société CIVAD Blanche Porte).
Le procès-verbal de saisie attribution entre les mains d'un tiers du 3 juin 2010 reprenait les déclarations suivantes de la société CIVAD Blanche Porte : 'Je dois valider avec le chef comptable les encours qui seraient dû à NBI et vous répondrai par fax ce que Blanche Porte doit à NBI au plus tard demain matin. Par ailleurs, il y a une commande en cours pour 44 000 € HT dont la livraison est attendue fin juillet 2010. Il n'y a pas d'autres saisies'.
La SCP G. et M. transmettait ce message au conseil de Mme D. suivant télécopie du 4 juin 2010.
Par télécopie du 4 juin 2010, la société CIVAD Blanche Porte indiquait à la SCP G. et M. les éléments suivants : 'Suite à votre demande du 3 mai 2010, nous vous confirmons le montant de la société NB International, soit un montant de
65 943 euros qui correspond aux livraisons' du 9 décembre 2008, 29 et 30 décembre 2009 ; elle ajoutait : 'Par ailleurs nous vous confirmons que le fournisseur dans nos livres est bloqué à ce jour en attendant vos consignes'.
La SCP G. et M. transmettait ce message au conseil de Mme D. suivant télécopie du 7 juin 2010.
Par télécopie du 9 juin 2010, adressée à la SCP G. et M., la société CIVAD Blanche Porte exposait qu'en réalité, toutes les livraisons de la société NB International avaient été soldées dans ses comptes, de sorte qu'elle n'a aucun encours à payer à cette société.
Par jugement du 17 juin 2010, le tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société NB International,
Suivant assignation en date du 9 juillet 2010, la société NB International a saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille aux fins de contester la validité des saisies attributions diligentées à la demande de Mme D. au motif de l'existence d'un contrat d'affacturage.
Par courriel du 24 août 2010 adressé à la SCP G. et M., la société CIVAD Blanche Porte indiquait avoir reçu une facture en date du 3 août 2010 pour un montant de 52 736,09 euros de la part de la société NB International, et lui transférait le courriel du 20 août 2010 qu'elle avait reçu de Maître L., administrateur judiciaire de la société NB International, ce courrier électronique indiquant que cette facture devait être réglée entre les mains du factor dès lors qu'elle n'était pas concernée par la saisie-attribution du 3 juin 2010, et demandait à l'huissier son avis.
Par courrier du 31 août 2010, la SCP G. et M. répondait à la société CIVAD Blanche Porte qu'elle devait suivre les indications de Maître L..
Selon jugement du 24 septembre 2010 rendu par le tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing, la procédure de redressement judiciaire de la société NB International était convertie en liquidation judiciaire.
Par un jugement en date du 15 novembre 2010, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille confirmait la validité de la saisie attribution pratiquée le 3 juin 2010 entre les mains de la société CIVAD Blanche Porte et constatait que cette saisie attribution n'aura d'effet que si la commande évoquée par la société CIVAD Blanche Porte, antérieure à la saisie, est livrée et facturée, et dit que le paiement devra alors se faire entre les mains de l'huissier instrumentaire et non entre les mains du factor.
Suivant arrêt du 15 décembre 2011, la cour d'appel de Douai a confirmé ces dispositions du jugement du 15 novembre 2010.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 avril 2011, la société CIVAD Blanche Porte confirmait que le compte de la société NB International était soldé.
Suivant acte d'huissier en date du 30 juin 2011, Mme D. a fait assigner la société CIVAD Blanche Porte devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille aux fins de la voir condamnée à lui payer les causes de la saisie attribution du 3 juin 2010.
Selon jugement du 31 août 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille a condamné la société CIVAD Blanche Porte à payer à Mme D. la somme de 52 736,09 euros à titre de dommages et intérêts.
Par arrêt du 2 juin 2016, la cour d'appel de Douai, sur l'appel interjeté par la société CIVAD Blanche Porte, a infirmé en toutes ses dispositions le jugement du 31 août 2015 et a notamment débouté Mme D. de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société CIVAD Blanche Porte.
Soutenant que la SCP G. et M. avait autorisé la libération de la somme de 52 736,09 euros entre les mains du factor et qu'elle a de ce fait engagé sa responsabilité, Mme D. l'a assignée devant le tribunal de grande instance de Lille aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 52 736,09 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte du bénéfice de sa saisie attribution, outre celle de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les procédures inutiles qu'elle a dû engager faute pour l'huissier de l'avoir informée et par le fait d'avoir commis une erreur sur le destinataire des fonds.
Selon jugement du 22 juin 2018, le tribunal de grande instance de Lille a :
• déclaré recevable l'action en responsabilité de Mme D. engagée contre la SCP G. et M.,
• condamné la SCP G. et M. à payer à Mme D. la somme de
• 52 736,09 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la faute commise au décours de la procédure de saisie-attribution diligentée le 3 juin 2010,
• condamner la SCP G. et M. à payer à Mme D. la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
• déclaré irrecevable la demande au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile présentée par la SCP G. et M.,
• condamné la SCP G. et M. aux dépens, outre à payer à Mme D. la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
• débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Suivant déclaration du 17 juillet 2018, la SCP G. et M. a relevé appel, dans des conditions de formes et de délai qui ne sont pas critiquées, du jugement du 22 juin 2018 rendu par le tribunal de grande instance de Lille en ce qu'il :
• a déclaré recevable l'action en responsabilité de Mme D. engagée contre la SCP G. et M.,
• l'a condamnée à payer à Mme D. la somme de 52 736,09 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la faute commise au décours de la procédure de saisie-attribution diligentée le 3 juin 2010,
• l'a condamnée à payer à Mme D. la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
• déclaré irrecevable la demande que la SCP avait formée au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile présentée ,
• l'a condamnée aux dépens, outre à payer à Mme D. la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
• débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 16 octobre 2018, la SCP G. et M. demande à la cour, au visa des articles 1231 et suivants, 1240, 2224 et suivants du code civil, L. 211-1 et suivants, R. 211-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution et 32-1 et 122 du code de procédure civile, d'infirmer le jugement dont appel et statuant à nouveau de :
• déclarer Mme D. irrecevable en son action du fait de l'acquisition de la prescription,
à défaut,
• constater que les conditions de mise en cause de sa responsabilité civile contractuelle ne sont pas réunies,
• débouter en conséquence Mme D. de l'intégralité de ses prétentions,
en tout état de cause,
• condamner Mme D. à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement des articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile,
• condamner Mme D. à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Amélie D., avocat.
Sur la prescription de l'action en responsabilité intentée par Mme D., la SCP G. et M. expose que :
• aux termes de l'article 2224 du code civil, le point de départ du délai de prescription, s'agissant d'une action en responsabilité, est constitué par la date de réalisation du dommage, ou lorsque la victime n'en a pas connaissance, par la date de révélation de ce dommage,
• c'est donc la réalisation du dommage, ou la révélation de ce dommage à la victime qui constitue le point de départ du délai de prescription, et non la date du fait fautif générateur de responsabilité ou la date de prise de connaissance de la prétendue faute, comme l'ont jugé les premiers juges,
• c'est à tort que les premiers juges ont fixé le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité à la date à laquelle Mme D. aurait pris connaissance du fait dommageable et non à la date à laquelle le préjudice est survenu,
Elle ajoute que le jugement dont appel :
• a assimilé le fait dommageable au préjudice subi pour fixer de manière inexacte le point de départ de la prescription,
• a opéré une confusion entre le fait dommageable et la prise de connaissance du préjudice qui en est résulté, ce qui a abouti, à tort, à un report du point de départ de l'action en responsabilité.
Elle soutient donc que :
• c'est la communication le 8 avril 2011 du listing comptable qui a informé Mme D. du paiement de la somme litigieuse au factor,
• Mme D. a connu les faits lui permettant d'exercer son action en responsabilité à compter de la communication de ce listing comptable par courrier le 8 avril 2011.
Au fond, la SCP G. et M. fait valoir qu'elle n'a pas commis de faute. Elle expose que :
• les premiers juges, en attribuant un caractère fautif à un simple courriel par lequel elle s'en est rapportée aux indications de l'administrateur judiciaire, remettent en cause le régime applicable à la saisie attribution et le rôle dévolu à l'huissier pour pratiquer une telle mesure,
• dans le cadre de la procédure de saisie attribution, c'est la déclaration effectuée par le tiers saisi après signification de l'acte de saisie qui détermine l'assiette de la mesure d'exécution, ce dont il résulte que la créance ne peut porter que sur les créances déclarées par le tiers saisi,
• en l'espèce, seule la dernière déclaration rectifiée peut servir de référence pour déterminer les effets de la saisie attribution diligentée par elle entre les mains de la société CIVAD Blanche Porte le 3 juin 2010,
• dès lors que le tiers saisi omet de mentionner une créance dans sa déclaration, l'huissier de justice instrumentaire n'est pas informé de son existence et il ne saurait lui être fait grief de ne pas en tenir compte,
• la créance portant sur la somme de 52 736,09 euros, matérialisée par la facture du 3 août 2010, ne pouvait entrer dans l'assiette de la saisie attribution, faute d'avoir été déclarée par le tiers saisi.
Elle en conclut qu'elle ne peut pas être rétrospectivement sanctionnée pour avoir manqué à son devoir de prudence vis-à-vis d'une créance sur laquelle il est acquis que la saisie attribution n'a pas porté, d'autant qu'à cette date, rien ne pouvait laisser supposer que la commande litigieuse pouvait à un quelconque titre être concernée par la saisie attribution du 3 juin 2010.
Elle ajoute ensuite que :
• si l'huissier de justice doit veiller à l'efficacité des mesures d'exécution qu'il diligente, il ne lui appartient pas de faire en sorte que la saisie attribution mise en oeuvre appréhende des créances qui ne sont pas déclarées par le tiers saisi,
• il ne saurait donc lui être fait grief de ne pas avoir procédé à des vérifications qui n'entraient pas dans sa mission et qu'elle n'avait pas la faculté d'effectuer,
• tenu à un devoir de neutralité en sa qualité d'officier ministériel, l'huissier de justice instrumentaire n'a pas le pouvoir de s'immiscer dans les rapports d'obligations qui s'établissent entre le créancier saisissant, le débiteur saisi et le tiers.
Elle soutient enfin que :
• par le courriel du 31 août 2010, elle n'a fait qu'inviter la société CIVAD Blanche Porte à suivre les indications de l'administrateur judiciaire, qui était en charge d'assister la société NB International dans sa gestion comptable et financière, de sorte qu'elle n'a pas entendu indiquer à la société CIVAD Blanche Porte la manière dont elle devait s'acquitter de ses factures,
• l'administrateur judiciaire a précisé que la facture litigieuse du 3 août 2010 est postérieure au 17 juin et n'a pas été mentionnée dans le procès verbal de l'huissier,
• dans ces conditions, la créance en cause est bien étrangère à la saisie attribution du 3 août 2010.
Sur le préjudice, elle avance que Mme D. ne démontre pas que le dommage est établi, faute pour elle de rapporter la preuve que la créance litigieuse avait vocation à être intégrée dans l'assiette de la saisie attribution.
Dans ses dernières conclusions notifiées le 17 décembre 2018, Mme D. demande à la cour, au visa des articles 1231 et suivants du code civil, 1240 du code civil, 1147 ancien du code civil et 2224 du code civil de :
• confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
in limine litis,
' constaté que la prescription n'était pas acquise et prononcer la recevabilité de son action en responsabilité à l'égard de la SCP G. et M.,
au fond,
' constaté la responsabilité pleine et entière de la SCP G. et M. dans son préjudice,
' et l'a condamnée en conséquence à lui payer 52 736,09 euros à titre de dommages et intérêts pour la perte du bénéfice de sa saisie attribution,
• l'infirmer en ce qu'il lui a alloué,
' une somme de 500 euros au titre du préjudice subi et statuant à nouveau, condamner la SCP G. et M. à lui payer la somme de 10 000 euros pour les procédures inutiles qu'elle a dû engager faute pour l'huissier de l'avoir informée, et par le fait d'avoir commis une erreur sur le destinataire des fonds,
' une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et la condamner à lui payer celle de 8 000 euros, au titre de cet article 700 du code de procédure civile, dans le cadre de l'instance devant le tribunal de grande instance de Lille, avec distraction au profit de la SCP D.S. A., ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance,
• en toute hypothèse,
' condamner à 5 000 euros la SCP G. et M. au titre de cet article 700 du code de procédure civile, dans le cadre de la procédure d'appel de Lille, avec distraction au profit de la SCP D.S. A., ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Mme D. fait in limine litis valoir que son action en responsabilité n'est pas prescrite. Elle rappelle les termes de l'article 2224 du code civil selon lesquels les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Elle explique ensuite que :
• une jurisprudence antérieure à la réforme de la prescription précisait que la prescription d'une action en responsabilité contractuelle ne court qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si elle établit qu'elle n'en avait pas eu préalablement connaissance,
• qu'en matière de garantie due par un assureur, le dommage né de l'absence de garantie, se manifeste à compter du jour où cette absence de garantie est constatée,
• la prescription de l'action en responsabilité à l'égard d'un huissier instrumentaire se prescrit par cinq ans, à compter de la date de réalisation du dommage ou, lorsque la victime n'en a pas connaissance, de la date de révélation de ce dommage.
Elle soutient qu'en l'espèce, le délai de prescription de l'action contre le tiers saisi était de cinq ans à compter du fait dommageable, soit la libération des fonds en août 2010, ou de la connaissance de cette libération des fonds, soit le courrier en réponse adressée par la société CIVAD Blanche Porte à son conseil. Elle expose ensuite que le fait générateur de responsabilité de la SCP G. et M. est le jour où elle a pris connaissance du mail autorisant la libération des fonds entre les mains du factor, soit le 22 septembre 2011. Elle ajoute que c'est l'erreur d'appréciation de la SCP G. et M. qui a déterminé la société CIVAD Blanche Porte à payer le factor, cette erreur résultant du blanc-seing au paiement donné par mail du 30 août 2010 et porté à sa connaissance le 22 septembre 2011.
Au fond, elle fait valoir que la responsabilité de l'huissier instrumentaire est engagée. Elle explique que la faute de la SCP G. et M. est caractérisée par le fait d'avoir, sans informer ni elle ni son conseil, autorisé la société CIVAD Blanche Porte à payer la facture du 3 août 2010 au profit du factor. Elle ajoute que la réponse que lui a apportée la SCP G. et M. dans son courrier de juillet 2016 fait apparaître trois types de faute ayant concouru à son préjudice :
• une erreur d'appréciation, car la SCP G. et M. savait dès le 4 juin 2010 qu'une commande avait été passée et qu'une livraison était attendue pour fin juillet 2010, de sorte que cette créance existait au jour de la saisie attribution pratiquée le 3 juin 2010 et elle était seulement suspensive de la livraison par la société NB International ; cette erreur d'appréciation quant à l'existence de cette créance au moment de la saisie est constitutive d'une faute professionnelle,
• un manquement à l'obligation d'information, car aucune information n'a été transmise à elle ou à son conseil quant à cette créance puisque la commande avait été livrée à la société CIVAD Blanche Porte au mois d'août 2010,
• un manquement à l'obligation de prudence, car la SCP G. et M. ne peut raisonnablement soutenir que la société CIVAD Blanche Porte était autorisée en vertu du contrat d'affacturage à libérer les sommes entre les mains du factor alors que le 8 septembre 2010, elle expliquait à une autre société que les sommes dues suite à des livraisons postérieures à la saisie, mais pour une commande antérieure faisait partie de la saisie attribution de juin.
Elle précise également que selon la décision du juge de l'exécution devenue définitive, toute somme issue d'une commande antérieure à la saisie, mais livrée postérieurement devait être payée entre les mains de l'huissier instrumentaire qu'elle avait mandaté. Elle rappelle encore que l'aval de l'huissier instrumentaire peut suppléer la délivrance d'un certificat de non contestation établi par le greffe, et que le tiers saisi n'a pas omis de mentionner dans sa déclaration l'existence d'une créance conditionnelle liée à une livraison attendue pour le mois d'août 2010.
Sur le préjudice, elle fait valoir qu'elle a perdu, au regard de la faute de l'huissier, le bénéfice de la saisie attribution, raison pour laquelle elle réclame le paiement de la somme de 52 736,09 euros à titre de dommages et intérêts, soit la somme de 44 000 euros HT déclarée par la société CIVAD Blanche Porte. Elle sollicite aussi la somme de 10 000 euros au regard des procédures judiciaires suivies.
Sur le lien de causalité, elle fait valoir qu'il est établi que le fait générateur du dommage est l'accord donné par mail par l'huissier de justice à la libération des sommes entre les mains de Maître L., au profit du factor.
Dans son avis communiqué le 8 avril 2019, le ministère public a vu et s'en rapporte à la sagesse de la cour.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2019.
Motifs
1. Sur la recevabilité de l'action de Mme D.
Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il est constant qu'en matière de responsabilité civile contractuelle, le point de départ du délai de prescription est, en application de cet article 2224 du code civil, la date de la manifestation du dommage c'est-à-dire la date à laquelle il se réalise ou est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance.
En l'espèce, il n'est ni contesté ni contestable que le 8 avril 2011, la société CIVAD Blanche Porte a communiqué par courrier au conseil de Mme D. le compte du fournisseur NB International et confirmé que le compte était soldé à ce jour.
La lecture de cette pièce montre que la société CIVAD Blanche Porte s'est libérée de la somme de 51 813,21 euros pour le paiement d'une facture n° 3008225 émise le 3 août 2010 pour un montant de 52 736,09 euros selon le courrier électronique de Maître L. en date du 20 août 2010 et le mail de la société CIVAD Blanche Porte du 24 août 2010.
Il s'ensuit que c'est à la date du 8 avril 2011 que Mme D. a eu connaissance de la libération des fonds par la société CIVAD Blanche Porte entre les mains du factor.
Pour autant, cet événement n'est pas suffisant pour constituer le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité contractuelle que Mme D. exerce contre l'huissier instrumentaire de la saisie attribution.
Il est nécessaire pour déterminer celui-ci d'identifier la date à laquelle Mme D. a reçu l'information lui permettant de diriger son action en responsabilité civile contractuelle contre l'huissier instrumentaire de la saisie attribution.
En l'espèce, il est établi que c'est au cours de la procédure judiciaire l'opposant à la société CIVAD Blanche Porte que Mme D. a appris, le 22 septembre 2011, que la SCP G. et M. avait indiqué par courrier électronique du 31 août 2010 à la société CIVAD Blanche Porte qu'elle devait suivre les indications de Maître L., administrateur judiciaire de la société NB International, lequel avait exposé dans un mail du 20 août 2010 que la facture n° 3008225 de 52 736,09 euros, datée du 3 août 2010 était postérieure au 17 juin 2010, qu'elle n'avait pas été mentionnée dans le procès-verbal de l'huissier de justice et qu'elle avait fait l'objet d'une cession de créance à un organisme d'affacturage, de sorte que son paiement ne pouvait être bloqué.
Il en résulte que c'est à la date du 22 septembre 2011 que Mme D. a eu connaissance de ce que la SCP G. et M. a donné comme instruction à la société CIVAD Blanche Porte de suivre les instructions de l'administrateur judiciaire de la société NB International, ce qui a aboutit à la libération des fonds entre les mains du factor.
En conséquence, si le dommage dont se plaint Mme D. est constitué par la libération des fonds entre les mains du factor par la société CIVAD Blanche Porte, dans ses rapports avec l'huissier de justice instrumentaire, le dommage, né de cette libération des fonds entre les mains du factor, ne s'est manifesté qu'à compter du jour où elle a eu connaissance du mail envoyé le 31 août 2010 par la SCP G. et M. à la société CIVAD Blanche Porte pour lui exposer qu'elle devait suivre les indications de Maître L..
C'est donc la date du 22 septembre 2011 qui constitue le point de départ du délai de prescription de l'action en responsabilité civile extracontractuelle de Mme D. à l'encontre de la SCP G. et M..
Le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a déclaré l'action en responsabilité contractuelle de Mme D. recevable, celle-ci ayant jusqu'au 22 septembre 2016 pour agir et ayant fait assigner la SCP G. et M. le 26 août 2016.
2. Sur la responsabilité contractuelle de la SCP G. et M.
2.1. Sur la faute
En application de l'article 19, alinéa 1er de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, devenu l'article L. 122-2 du code des procédures civiles d'exécution, l'huissier de justice chargé de l'exécution a la responsabilité de la conduite des opérations d'exécution ; il est habilité, lorsque la loi l'exige, à demander au juge de l'exécution ou au ministère public de donner les autorisations ou de prescrire les mesures nécessaires.
Il en résulte que l'huissier, mandaté par le créancier, qui n'assure pas la bonne exécution de son mandat engage sa responsabilité contractuelle.
Pour autant, l'huissier de justice, qui satisfait à ses différentes obligations de diligence, prudence, loyauté, conseil et information, ne saurait engager sa responsabilité contractuelle s'il ne parvenait pas au résultat escompté dans le cadre du recouvrement de créances qui lui a été confié.
En l'espèce, il n'est ni contesté ni contestable que la SCP G. et M. a reçu un mandat de Mme D. pour procéder au recouvrement forcé de sa créance à l'encontre de la société NB International en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Douai en date du 31 mars 2010.
Mme D. reproche à la SCP G. et M. trois fautes dans l'exécution de son mandat, tout d'abord une erreur d'appréciation, ensuite, un manquement à son obligation d'information, et enfin, un manquement à son obligation de prudence.
Sur ce, la SCP G. et M. a dressé le 3 juin 2010 un procès-verbal de saisie attribution entre les mains de la société CIVAD Blanche Porte aux termes duquel ce tiers saisi a déclaré : 'je dois valider avec le chef comptable les encours qui restent dus à NBI et vous répondrai par fax ce que Blanche Porte doit à NBI au plus tard demain matin. Par ailleurs, il y a une commande en cours pour 44 000 euros HT dont la livraison est attendue juin juillet 2010. Il n'y a pas d'autre saisie'.
Par télécopie du 4 juin 2010, la SCP G. et M. a notamment indiqué au conseil de Mme D. qu'elle avait réalisé la saisie attribution entre les mains de la société CIVAD Blanche Porte et a indiqué les déclarations que celle-ci avait faites dans le procès verbal de saisie attribution du 3 juin 2010.
Par télécopie du 4 juin 2010, la société CIVAD Blanche Porte a écrit à la SCP G. et M. que 'Suite à votre demande du 3 mai 2010, nous vous confirmons le montant de la société NB International, soit un montant de 65 943 euros qui correspond aux livraisons' du 9 décembre 2008, 29 et 30 décembre 2009' ; elle a indiqué également : 'Par ailleurs nous vous confirmons que le compte fournisseur dans nos livres est bloqué à ce jour en attendant vos consignes' ; elle n'a cependant pas confirmé l'existence de commandes en cours.
Par télécopie du 7 juin 2010, la SCP G. et M. a transmis au conseil de Mme D. les indications données par la société CIVAD Blanche Porte dans son fax du 4 juin 2010.
Puis par télécopie du 9 juin 2010, adressée à la SCP G. et M., la société CIVAD Blanche Porte a exposé qu'en réalité, toute les livraisons de la société NB International ont été soldées dans ses comptes, de sorte qu'elle n'a aucun encours à payer à cette société ; elle a également précisé que le compte fournisseur de la société NB International était bloqué dans ses livres depuis le 4 juin 2010 dans l'attente des consignes de l'huissier instrumentaire ; elle n'a enfin pas confirmé l'existence de commandes en cours.
Le 9 juillet 2010, la société NB International a fait assigner Mme D. devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille, laquelle lui avait notamment fait dénoncer, le 10 juin 2010, la saisie attribution pratiquée entre les mains de la société CIVAD Blanche Porte le 3 juin 2010, étant précisé qu'il n'est pas contesté par la SCP G. et M. que la contestation formée par la société NB International lui avait été dénoncée.
La lecture de l'assignation délivrée par la société NB International et du jugement du 15 novembre 2010 du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille renseigne la cour de ce que le débiteur saisi contestait notamment la validité de la saisie attribution faite entre les mains de la société CIVAD Blanche Porte au regard de l'existence antérieure d'un contrat d'affacturage.
Le 20 août 2010, la société CIVAD Blanche Porte a reçu de Maître L., administrateur judiciaire de la société NB International, le courrier électronique suivant : 'Je viens vers vous en qualité d'administrateur judiciaire de la SAS NB International. Je vous précise que la facture n° 3008225 de 52 736,09 euros datée du 3 août 2010 est postérieure au 17/06, n'a pas été mentionnée dans le PV de l'huissier et a fait l'objet d'une cession de créance auprès d'un organisme d'affacturage. Son paiement ne peut donc être bloqué'.
Le 24 août suivant, la société CIVAD Blanche Porte a sollicité l'huissier instrumentaire par courriel et lui a exposé les éléments suivants :
'Je me permets de revenir vers vous pour le dossier NB International suite à la saisie attribution du 3 juin 2010. Nous vous avions informé le 9 juin dernier, que nous n'avions plus de facture à régler. Or aujourd'hui nous avons reçu une facture de NB International du 3/8/10 (Fact n° 3008225), qui est bonne à régler, pour un montant TTC de 52 736,09 euros moins un escompte de 3,25%.
Nous avons reçu de la part de l'administrateur judiciaire de NB International (mail ci dessous) une confirmation écrite que cette facture doit être réglée auprès de RBS Factor SA à Paris car selon lui cette facture n'est pas concernée par la saisie attribution de juin dernier.
Pouvez-vous svp me confirmer par retour que nous pouvons régler directement NB International via la société de Factor, cette facture et les factures futures si nous risquons d'en recevoir prochainement ...'
Par mail du 31 août 2010, la SCP G. et M. a répondu à la société CIVAD Blanche Porte : 'Vous devez suivre les indications de Maître L.'.
La SCP G. et M., en qualité de mandataire de Mme D. pour l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 31 mars 2010, se trouvait pour autant tenue d'une obligation de prudence et de diligence pour y parvenir, de sorte que n'étant pas privée de toute initiative, il lui appartenait d'agir au mieux des intérêts de son mandant, notamment en recherchant tous les renseignements et en procédant à toutes les vérifications nécessaires à la bonne exécution de son mandat.
Il s'ensuit qu'en ne tenant pas compte des éléments que la société CIVAD Blanche Porte avait initialement déclarés dans le procès verbal de saisie attribution du 3 juin 2010, à savoir l'existence d'une commande en cours pour 44 000 euros HT dont la livraison était attendue pour juin/juillet 2010, en ne s'interrogeant pas sur les rectifications apportées par la société CIVAD Blanche Porte dans ses déclarations postérieures, en n'attendant pas à tout le moins l'issue de la procédure judiciaire initiée par le débiteur alors qu'elle était informée qu'il avait contesté la validité de cette saisie devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille, et en indiquant qu'il fallait suivre les indications de l'administrateur judiciaire de la société NB International sans procéder à une quelconque vérification ni solliciter le moindre renseignement, la SCP G. et M. a adopté un comportement hâtif et fautif, ce dont il résulte qu'elle a fait preuve d'un manque de prudence et de diligence dans l'accomplissement de sa mission et qu'elle n'a pas sauvegardé les droits du créancier qui l'avait mandaté, ce qui constitue une faute, et ce alors même que la cour relève à titre surabondant que la SCP G. et M. a écrit à la société AFIBEL, dans un courrier du 8 septembre 2010 : 'lors de la saisie attribution vous aviez déclaré que vous aviez d'ores et déjà signé des commandes fermes avec la société NBI et vous attendiez l'émission des factures. Cette créance fait nécessairement l'objet de la saisie attribution dénoncée au débiteur. Lesdites factures auraient été émises depuis lors. Il conviendrait de conserver les fonds en raison du contentieux pendant devant le juge des l'exécution du tribunal de grande instance de Lille (...) En synthèse, il vous appartient d'attendre l'issue du contentieux judiciaire afin de savoir entre les mains de qui votre créance doit être libérée'.
La SCP G. et M. n'est donc pas fondée à soutenir, afin de s'exonérer des obligations de prudence et de diligence qui pesaient sur elle, qu'elle n'a commis aucune faute 'en se rangeant à l'avis de l'administrateur judiciaire' ou qu'elle n'a pas commis un manquement à son devoir de prudence.
Ensuite, la SCP G. et M. était tenue d'une obligation de renseignement à l'égard de son mandant, Mme D., de sorte qu'elle était tenue de l'informer sur la nature de la demande en paiement de la facture n° 3008225 faite par l'administrateur judiciaire de la société NB International à la société CIVAD Blanche Porte, ainsi que sur les conséquences de cette demande sur ses droits.
Or, s'il n'est pas contesté que la SCP G. et M. a informé, par télécopies des 4 et du 7 juin 2010, le conseil de Mme D. des différentes déclarations du tiers saisi, force est de constater qu'elle ne justifie pas avoir informé en temps utile son mandant de la demande de paiement faite par l'administrateur judiciaire de la société NB International à la société CIVAD Blanche Porte, ce dont il résulte que la SCP G. et M. a commis un manquement à son obligation d'information, ce qui constitue une faute.
Enfin, Mme D. ne saurait reprocher à la SCP G. et M. une erreur d'appréciation sur le sort de la créance résultant 'd'une commande en cours pour 44 000 euros HT dont la livraison était attendue pour juin/juillet 2010' alors même que le sort de cette créance n'a été solutionné que par un jugement du 15 novembre 2010 rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille, confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Douai en date du 15 décembre 2011.
En l'état de l'ensemble de ces constatations et énonciations, la SCP G. et M., si elle n'a pas commis d'erreur d'appréciation, a manqué aux obligations de prudence, de diligence et d'information lui incombant en vertu du mandat que lui avait donné Mme D., ce dont il résulte qu'elle a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle.
2.2. Sur le préjudice et le lien de causalité
Seul est réparable le préjudice en lien de causalité direct et certain avec la faute retenue.
Sur ce, la cour rappelle que suite au courriel du 31 août 2010 envoyée par la SCP G. et M., la société CIVAD Blanche Porte s'est libérée de fonds entre les mains d'une société d'affacturage, et non entre les mains de Mme D..
Il convient également de rappeler que selon jugement du 15 novembre 2010, confirmé par la cour d'appel de Douai par arrêt du 15 décembre 2011, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille a :
• déclaré valable la saisie attribution pratiquée le 3 juin 2010 entre les mains de la société CIVAD Blanche Porte,
• dit que les effets de cette saisie n'aurait d'effet que si la commande évoquée par la société CIVAD Blanche Porte, antérieure à la saisie, est livrée et facturée, précision faite qu'il s'agit de la commande de 44 000 euros évoquée par le tiers saisi dans le procès-verbal de saisie attribution du 3 juin 2010,
• dit que le paiement devra alors se faire entre les mains de l'huissier instrumentaire et non entre les mains du factor.
Or, il est constant que seule l'issue de la procédure judiciaire initiée par la société NB International devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Lille, suivant l'assignation du 9 juillet 2010, devait sceller le sort des fonds litigieux et la question de leur libération, soit entre les mains du factor, soit entre les mains de Mme D..
Il s'ensuit que la faute de la SCP G. et M., caractérisé par un manquement aux obligations de prudence, de diligence et d'information lui incombant en vertu du mandat que lui avait donné Mme D., est de manière directe et certaine à l'origine du préjudice de cette dernière, lequel consiste en la perte du bénéfice de la saisie attribution du 3 juin 2010, la société CIVAD Blanche Porte ayant libéré des fonds en lien avec la créance déclarée lors de la saisie-attribution, non pas entre les mains de Mme D., mais entre les mains d'une société d'affacturage.
Le jugement dont appel sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la SCP G. et M. à payer à Mme D. la somme de 52 736,09 euros à titre de dommages et intérêts.
3. Sur les demandes annexes
3.1. Sur la demande de dommages et intérêts complémentaires formée par Mme D.
Mme D. sollicite la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu du fait qu'elle a dû engager une procédure pour voir caractériser la violation par la société CIVAD Blanche Porte de ses obligations de tiers saisi, et constater à cette occasion que c'est l'huissier instrumentaire qui a autorisé la libération des sommes.
Sur ce, il résulte des pièces produites que Mme D. a initié son action en responsabilité à l'encontre du tiers saisi par acte du 30 juin 2011.
Il est ensuite établi que c'est à l'occasion de cette procédure que Mme D. a découvert, le 22 septembre 2011, l'existence du mail en date du 31 août 2010 que la SCP G. et M. a envoyé à la société CIVAD Blanche Porte lui précisant qu'elle devait suivre les indications du liquidateur judiciaire.
Il n'est donc pas sérieusement contestable que cette découverte a causé un préjudice moral à Mme D., ce préjudice résultant du trouble émotionnel causé par la connaissance de ce qu'en août 2010, l'huissier mandaté avait agi dans un sens contraire à ses intérêts et ne l'avait pas informé de la demande en paiement faite par l'administrateur judiciaire du créancier auprès du tiers saisi.
Pour autant, comme l'ont relevé à justice titre les premiers juges, informée de cette circonstance, Mme D. a poursuivi son action contre la société CIVAD Blanche Porte, ce dont il résulte que les frais de justice qu'elle dit avoir exposés, lesquels ne sont de surcroît pas justifiés, résultent d'un choix procédural qu'elle a exercé en toute connaissance de cause du manquement de l'huissier instrumentaire.
Le jugement dont appel sera en conséquence confirmé en ce qu'il a alloué à Mme D. la somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral.
3.2. Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la SCP G. et M.
En application des dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'exercice d'une action en justice, ou sa défense, ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi, ou s'il s'agit d'une erreur grave équipollente au dol ; l'appréciation inexacte qu'une partie se fait de ses droits n'est pas constitutive en soi d'une faute.
La SCP G. et M. ne rapporte aucunement la preuve de ce que l'action de Mme D. aurait dégénéré en abus, alors même que le sens du présent arrêt, comme celui du jugement dont appel, démontrent le contraire.
La SCP G. et M. sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts fondée sur les articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile.
Le jugement dont appel sera infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable cette demande.
3.3. Sur les dépens et frais non répétibles
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement dont appel sur ses dispositions relatives aux dépens et aux frais non répétibles.
L'équité commande d'y ajouter la condamnation de la SCP G. et M. aux dépens d'appel, dont distraction pour ceux-ci au profit de la SCP D.S. A., et à payer à Mme D. la somme de 2 500 euros au titre des frais non répétibles d'appel.
Par ces motifs
La cour, statuant publiquement,
CONFIRME le jugement du 22 juin 2018 rendu par le tribunal de grande instance de Lille SAUF en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile présentée par la SCP Fabienne G. et Philippe M.,
ET STATUANT A NOUVEAU DE CET UNIQUE CHEF INFIRME,
Déboute la SCP Fabienne G. et Philippe M. de sa demande de dommages et intérêts fondée sur les articles 1240 du code civil et 32-1 du code de procédure civile,
Y AJOUTANT,
Condamne la SCP Fabienne G. et Philippe M. aux dépens d'appel, dont distraction pour ceux-ci au profit de la SCP D.S. A., et à payer à Mme Françoise D. la somme de 2 500 euros au titre des frais non répétibles d'appel.