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Décisions

CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 8 novembre 2021, n° 19/01568

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

TGI Toulouse, du 29 nov. 2018

29 novembre 2018

Exposé des faits et procédure :

L'Etat a confié à Me Cécile D., notaire associée au sein de la Scp Sophie L.-C. - Cécile D. - Catherine D.-J. et Laurent G., notaires à Toulouse, l'organisation de la vente sur adjudication d'un immeuble lui appartenant sis [...], figurant au cadastre de ladite ville sous les relations suivantes : préfixe 839 section AZ n°31, [...], 37a 96 ca.

Cet ensemble immobilier était désigné comme un terrain supportant des installations techniques constitutives d'un château d'eau, un bâtiment à usage d'ateliers et remises et un poste privé de transformation électrique.

Maître D. a confié à la Sas Min.not un contrat de mission pour la réalisation de la vente aux enchères, cette société ayant notamment pour mission de fournir les modèles de cahiers des charges et procès-verbaux d'adjudication, d'assurer la mise en ligne sur immobilier.notaires et sur les sites partenaires, ou encore d'organiser la séance de vente et mettre à disposition un outil de calcul des frais. Le contrat de mission prévoyait une contribution fixe et une contribution proportionnelle, au profit de la société Min.not en cas d'adjudication.

Maître D. a dressé le cahier des charges, clauses et conditions de la mise en adjudication.

La Sarl Aménagement et Promotion PSA exerçant l'activité de promotion immobilière, désormais dénommée Sarl Saint Agne Immobilier suite à un changement de dénomination en date du 28 octobre 2016, a déclaré vouloir se porter enchérisseuse, et a versé au notaire rédacteur du cahier des charges la somme de 40.000 euros à titre de consignation. Elle s'est engagée à payer les frais préalables et ceux d'adjudication, si elle était déclarée adjudicataire définitif.

Elle a été déclarée adjudicataire par procès-verbal d'adjudication en la forme authentique du 25 juin 2014 pour la somme de 650.000 '.

Estimant que son consentement avait été vicié en ce qu'il ne lui avait pas été indiqué que la constructibilité du bien était limitée, faisant ainsi obstacle à la réalisation de son projet immobilier, cette dernière a saisi le tribunal administratif de Toulouse.

Parallèlement, par acte d'huissier en date du 5 décembre 2014, la Sarl Saint Agne Immobilier a fait assigner la Scp Sophie L.-C. ' Cécile D. ' Catherine D.-J. et Laurent G. devant le tribunal de grande instance de Toulouse afin de voir retenir la responsabilité civile professionnelle du notaire.

Par jugement en date du 28 février 2017, le tribunal administratif de Toulouse a :

- annulé la vente conclue par adjudication le 25 juin 2014 entre la société Saint Agne Immobilier et l'Etat portant sur le terrain situé [...] ainsi que le titre de perception émis le 30 juillet 2014 à l'encontre de la société Saint Agne Immobilier pour un montant de 650.000 ',

- condamné l'Etat à payer la somme de 1.500 ' en application de l'article L.761-1 du Code de justice administrative.

Le tribunal administratif a retenu que l'Etat français aurait dû informer les acquéreurs potentiels que les logements collectifs et groupés n'étaient pas réalisables en zone C du plan d'exposition au bruit, dans laquelle est situé le terrain en litige, et que l'administration avait finalement et délibérément omis de délivrer cette information essentielle avant de poursuivre la vente, en sorte que l'Etat devait être regardé comme ayant manqué à son devoir de contracter de bonne foi ; que l'Etat ne saurait s'exonérer du caractère dolosif de ce comportement en opposant à la société adjudicataire sa qualité de professionnel et la circonstance qu'elle se serait insuffisamment informée sur la constructibilité du terrain en cause.

Par jugement contradictoire du 29 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Toulouse a :

- condamné la Scp Sophie L.-C. ' Cécile D. ' Catherine D.-J. et Laurent G. à payer à la Sarl Saint Agne Immobilier la somme de 35.428, 55 ' au titre de la restitution de la consignation,

- débouté la Sarl Saint Agne Immobilier de ses demandes indemnitaires,

- condamné la Scp Sophie L.-C. ' Cécile D. ' Catherine D.-J. et Laurent G. à payer à la Sarl Saint Agne Immobilier la somme de 1.000 ' par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné la Scp Sophie L.-C. ' Cécile D. ' Catherine D.-J. et Laurent G. aux dépens qui pourront être recouvrés par Maître S. sur son affirmation de droit.

Pour statuer ainsi, le tribunal a estimé que la société Saint Agne Immobilier ne démontrait pas que les conditions de la responsabilité civile professionnelle du notaire était réunies, et que cette société devait donc être déboutée de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier et moral.

En revanche, le tribunal de grande instance a jugé que du fait de l'annulation de la vente sur adjudication en raison de manoeuvres dolosives imputées à l'Etat, la Scp notariale qui avait reçu consignation devait être condamnée à restituer intégralement cette consignation, afin de remettre la Sarl Saint Agne Immobilier dans la situation qui était la sienne antérieurement à la tenue de l'adjudication ; qu'en tout état de cause, aucune des sommes que le notaire avait cru pouvoir déduire du montant de la consignation reçue (à savoir le coût de l'acte d'adjudication, celui de la commission versée à Min.not et les frais divers) n'avait vocation à être supportée par la société Saint Agne Immobilier.

Il a rejeté la demande de dommages et intérêts du notaire au motif qu'il n'était pas démontré une action en justice abusive.

Par déclaration en date du 3 avril 2019, la Selarl Sophie L.-C. ' Cécile D. ' Catherine D.-J. - Laurent G. a relevé appel de ce jugement en ce qu'il :

- l'a condamnée à payer à la Sarl Saint Agne Immobilier la somme de 35.428,55 ' au titre de la restitution de la consignation,

- l'a condamnée à payer à la Sarl Saint Agne Immobilier la somme de 1.000 ' par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance en disant qu'ils pourraient être recouvrés par Maître S., sur son affirmation de droit,

- n'a pas fait droit à la demande en réparation de son préjudice moral ainsi qu'à sa demande de condamnation présentée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l'instance.

Prétentions et moyens des parties :

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 16 décembre 2019, la Selarl Sophie L.-C. ' Cécile D. ' Catherine D.-J. et Laurent G., appelante, demande à la cour, au visa de l'article 1240 du code civil, de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à payer à la Sarl Saint Agne Immobilier la somme de 35.428,55 ' au titre de la restitution de la consignation, la somme de 1.000 ' par application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,

- statuant à nouveau de ce seul chef, débouter la Sarl Saint Agne Immobilier de ses demandes telles que présentées à son encontre, au titre de la restitution du solde de ladite consignation, de ses frais irrépétibles et des dépens,

- confirmer pour le surplus le jugement déféré et débouter en conséquence la société Saint Agne Immobilier de l'ensemble de ses demandes indemnitaires telles que présentées dans le cadre de son appel incident,

- condamner la société Saint Agne Immobilier au paiement d'une somme de 5.000 ' sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû supporter tant devant le tribunal que devant la cour ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,

- débouter la société Saint Agne Immobilier de ses demandes présentées sur les mêmes fondements.

Elle soutient que Maître D. n'a commis aucun manquement à ses obligations professionnelles de nature à engager sa responsabilité civile professionnelle sur le fondement de l'ancien article 1382, devenu 1240 du code civil ; que l'ensemble des informations, notamment celles afférentes à la réglementation d'urbanisme applicable au bien, ont été clairement, précisément et loyalement communiquées à tous les candidats enchérisseurs ; que Maître D. ignorait leurs projets immobiliers ; qu'elle a rempli son devoir de neutralité, en veillant à ce qu'aucun candidat enchérisseur ne puisse chercher à influer sur le déroulement des enchères dans son propre intérêt.

Elle soutient n'avoir pas participé à la commission de manoeuvres dolosives et donc à la nullité de la vente. Elle estime qu'il n'est pas démontré qu'elle a été destinataire avant la date d'adjudication des informations contenues dans le courrier adressé par la ville de Toulouse à Patrick C..

Elle fait valoir que la société Saint Agne Immobilier a parfaitement été informée de l'existence des droits, taxes, émoluments, honoraires, frais de procès-verbaux et de la charge de la contribution fixe de la mission de vente aux enchères due à la société Min.not ainsi que sa contribution proportionnelle et ses modalités de calcul en cas d'adjudication ; qu'elle s'est engagée à payer lesdits frais et ceux de l'adjudication pour le cas où elle serait déclarée adjudicataire, ce qui a été le cas ; que si la nullité de la vente entraîne la remise des parties en leur état antérieur, cette remise en état ne peut précisément concerner que les seules parties contractantes et ne saurait obliger les tiers à ladite vente à l'encontre desquels aucun manquement fautif ne peut être établi.

Elle ajoute que la société Saint Agne Immobilier n'a pas subi une perte de gain, dès lors qu'elle a toujours soutenu qu'elle n'aurait jamais enchéri si elle avait pu être informée de ce que le projet immobilier qu'elle nourrissait ne pouvait pas être engagé en considération de la réglementation applicable.

Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 26 septembre 2019, la Sarl Saint Agne Immobilier, intimée et appelante incidente, demande à la cour, au visa des articles 1109, 1116, 1382 (anciens) et 1240 du code civil, de :

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la Scp L.-C., D., G. à lui payer la somme de 35.428,55 ' au titre de la restitution de la consignation versée lors de la vente par adjudication annulée,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes indemnitaires,

Et, statuant à nouveau,

- condamner la Scp L.-C., D., G. à lui payer la somme de 447.104, 43 ' à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier qu'elle a subi,

- condamner la Scp L.-C., D., G. à lui payer la somme de 50.000 ' à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral qu'elle a subi,

- condamner la Scp L.-C., D., G. à lui payer la somme de 10.000 ' à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la Scp L.-C., D., G. aux entiers dépens de l'instance.

Elle soutient que le notaire était le mandataire de l'administration. Elle soutient que du fait de l'annulation de la vente sur adjudication, la consignation doit être restituée, afin de remettre les parties dans la situation qui était la leur antérieurement à la tenue de l'adjudication.

Elle soutient que le notaire a engagé sa responsabilité civile du fait de sa complicité quant au dol commis par l'administration, ou à tout le moins quant à son imprudence ou sa négligence professionnelle ayant favorisé la commission de ce dol. Elle soutient qu'il a manqué à son devoir d'information et de conseil envers les parties contractantes. Elle soutient qu'il a participé à un acte de vente entaché de nullité, en raison de l'incompétence du signataire de l'acte pour le compte de l'Etat français, ce qui engage également sa responsabilité.

Elle soutient que son préjudice financier correspond à la perte d'une chance d'avoir pu mener son projet immobilier à bien et de réaliser la marge nette, et qu'il est égal au montant de la marge nette prévue, et qu'elle a également subi un préjudice moral.

Motifs de la décision:

Sur la responsabilité civile professionnelle du notaire :

En application de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, il appartient à celui qui poursuit la responsabilité d'un notaire d'établir l'existence d'une faute, d'un préjudice certain et actuel ainsi que d'un lien causal unissant cette faute et ce préjudice.

- Sur le devoir d'information et de conseil :

En vertu de son devoir d'information et de conseil, le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets ainsi que sur les risques des actes auxquels il est requis de donner la forme authentique.

Il doit veiller à l'efficacité technique et pratique des actes qu'il instrumente.

Dans le cadre d'une adjudication, le notaire instrumentant la vente doit diffuser par le cahier des charges une information loyale,

complète et circonstanciée. Il supporte néanmoins un devoir de neutralité afin d'assurer à chacun des candidats acquéreurs une position équivalente.

En l'espèce, l'article 27 du cahier des charges stipule que l'adjudication ne sera soumise à aucune condition suspensive d'obtention de certificat d'urbanisme opérationnel ni de permis de construire par l'acquéreur. Ce dernier réalisera l'acquisition du bien mis en vente en faisant son affaire personnelle de l'obtention ultérieure de certificat d'urbanisme ou permis de construire, sans recours contre le notaire et contre le vendeur.

Une note de renseignements d'urbanisme délivrée le 7 avril 2014 est annexée au cahier des charges, et elle est reproduite dans le cahier des charges. Cette note indique au titre des 'servitudes d'utilité publique' : 'plan d'exposition au bruit courbe C Toulouse Blagnac'.

Dans cette note de renseignement d'urbanisme, au titre des 'observations ou prescriptions particulières', il est mentionné : 'Justification de la constructibilité du terrain antérieure à 18 ans : pour connaître les dispositions du PLU applicables il y a 18 ans, en application de l'article 317 BIII du CGI annexe II pour l'application de l'exonération prévue à l'article 1529 CGI, vous pouvez vous rendre sur le site suivant : http://www.toulouse-metropole.fr/services-proximite/plan-local-d-urbanisme/toulouse.

M. C., architecte, candidat acquéreur à la vente par adjudication du 25 juin 2014, a adressé la veille de cette vente au service du marché immobilier des notaires, à Vanessa P. travaillant pour la société Min.not mandataire du notaire, un courriel faisant référence à une lettre du même jour du service des autorisations d'urbanisme de la ville de Toulouse.

Cette lettre du service des autorisations d'urbanisme de la ville de Toulouse, en partie biffée, était citée ainsi :

'Objet : [biffé]

Monsieur,

Par mail en date du 19 juin 2014 vous avez questionné mes services sur [biffé] sur la zone C du plan d'exposition aux bruits.

[biffé]

Pour ce qui concerne les autorisations en zone C du plan d'exposition au bruit, vous demandez quelles sont les possibilités de construction telles qu'un logement individuel, des logements individuels groupé, des logements collectifs. Il n'est légalement pas possible, par principe, d'augmenter la population. Par conséquent, les logements collectifs et groupés ne seront pas admis, pas plus que des divisions de terrains en vue de construire. Des logements individuels pourront l'être à condition de n'être pas issus d'un terrain divisé ni de constituer une deuxième construction à usage d'habitation sur un terrain qui supporte déjà une construction.'

Dans ce courriel du 24 juin 2014 à Mme P., M. C., candidat acquéreur, faisait part de l'information selon laquelle les logements collectifs et groupés n'étaient pas admis, pas plus que des divisions de terrain en vue de construire. Il concluait, en résumé qu'une construction individuelle était au plus réalisable en ce qui concerne de la construction destinée à l'habitation. Il demandait que cette information soit portée à la connaissance du vendeur, du notaire et des acquéreurs potentiels avant l'adjudication, estimant que la valorisation du foncier n'était sûrement pas la même.

Vanessa P. a répondu à M. C. par courriel du même jour à 17 h 59 :'J'ai transféré votre message'.

M. C. atteste que la vente s'est déroulée le lendemain sans que cette information ne soit délivrée aux acquéreurs potentiels. Il atteste que l'un des représentants de l'administration des finances, présent à l'adjudication, se trouvait pourtant en possession d'une copie du courrier de la ville de Toulouse comportant cette information.

Ainsi, il apparaît que Mme P. avait bien transmis le document au vendeur. Le notaire ne l'a pas diffusé aux candidats acquéreurs avant la vente.

Cependant, l'article 27 du cahier des charges instaurait un devoir pour les candidats acquéreurs de se renseigner sur la constructibilité du terrain avant de porter éventuellement les enchères. A aucun moment il n'était indiqué ou induit que l'ensemble immobilier bénéficierait d'une constructibilité pleine et entière. Il n'est pas soutenu que le renvoi au site de Toulouse métropole était inefficace, ou que les informations détenues par les services de l'urbanisme étaient inaccessibles. Ainsi, le notaire n'était pas tenu à des obligations particulières de renseignement envers la société Saint Agne Immobilier, d'autant qu'il n'est pas démontré qu'il connaissait le projet de cette société d'y construire des logements collectifs, le notaire indiquant qu'il n'avait pas participé à la visite du bien, et qu'il ne savait pas ce qui avait été dit à cette occasion.

Compte tenu du fait que l'information a été transmise la veille de la vente et était ainsi tardive, que le document émanant des services de l'urbanisme était en partie biffé, que le notaire n'avait pas la faculté de vérifier cette information avant la vente, et que l'information émanait d'un candidat acquéreur qui pouvait avoir un intérêt personnel à le faire diffuser pour minimiser les enchères, et majorer ses chances d'acquérir le bien, il y a lieu de considérer que la Selarl Sophie L.-C. ' Cécile D. ' Catherine D.-J. - Laurent G., tenue d'exercer sa mission en toute neutralité, n'a pas commis de faute en ne transmettant pas ce document aux candidats acquéreurs avant la vente.

- sur la complicité de dol et le fait d'avoir favorisé la commission de ce dol par sa négligence professionnelle et son imprudence :

L'article 1116 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

En l'espèce, il n'est pas démontré de manoeuvres de la Selarl Sophie L.-C. ' Cécile D. ' Catherine D.-J. - Laurent G. pour dissimuler sciemment un élément dont elle savait qu'il pouvait avoir une incidence sur l'adjudication. En effet, elle ne connaissait pas le projet de l'acquéreur, et les informations étaient librement accessibles auprès des services de l'urbanisme.

La Selarl Sophie L.-C. ' Cécile D. ' Catherine D.-J. - Laurent G. n'a pas non plus favorisé la commission d'un dol par négligence professionnelle ou imprudence, n'ayant pas manqué à son devoir d'information et de conseil.

- Sur le défaut de pouvoir du signataire pour le compte de l'Etat :

Le procès-verbal d'adjudication du 25 juin 2014 mentionne que l'Etat français est représenté par Pascal R., administrateur adjoint à la direction régionale des finances publiques, agissant en vertu de la subdélégation de signature qui lui a été consentie par Alain C., directeur régional des finances publiques, M. C. ayant lui-même agi en vertu de la délégation de signature qui lui a été consentie par arrêté préfectoral du 1er février 2014 reconduite par arrêté préfectoral en date du 20 juin 2014.

L'arrêté préfectoral du 1er février 2014 portant délégation de signature en matière domaniale à Alain C. vise les opérations de réalisation des biens domaniaux, dans la limite de 500.000 euros.

L'arrêté de subdélégation de signature en matière domaniale du 3 février 2014 vise les opérations de réalisation des biens domaniaux, dans la limite de 500.000 euros.

M. R. n'avait donc pas le pouvoir de représenter l'Etat français pour adjuger le bien à 650.000 euros.

La Selarl Sophie L.-C. ' Cécile D. ' Catherine D.-J. - Laurent G. a manqué à son obligation de vérification du pouvoir du signataire pour le compte de l'Etat. Ceci était de nature à porter atteinte à l'efficacité de l'acte d'adjudication, ce qui constitue une faute. Néanmoins, cette faute est sans lien de causalité avec le préjudice, car l'adjudication a été annulée par le tribunal administratif pour dol de l'Etat. Même si le notaire avait été diligent pour vérifier le pouvoir du signataire, la vente n'en aurait pas moins été annulée pour dol.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la Sarl Saint Agne Immobilier de ses demandes indemnitaires contre la Selarl Sophie L.-C. ' Cécile D. ' Catherine D.-J. - Laurent G..

Sur le remboursement de la consignation :

Toute nullité d'une vente doit entraîner la remise des parties dans leur état antérieur.

La nullité d'une vente aux enchères entraîne l'indemnisation de l'acquéreur pour toutes les dépenses qu'il a exposées. Les frais de vente inutilement exposés doivent lui être remboursés. Par l'effet même de l'annulation, le notaire n'a plus de titre pour détenir les sommes consignées entre ses mains.

En l'espèce, la société Saint Agne Immobilier a consigné auprès du notaire une somme de 40.000 euros, qui a porté des intérêts à hauteur de 117,56 euros. Le total figurant au crédit de son compte au 31 décembre 2017 est ainsi de 40.117,56 euros.

Le total figurant au débit de son compte au 31 décembre 2017 est de 35.546,11 euros.

Le compte créditeur s'élevant à 4.571,45 euros a déjà été restitué à la société Saint Agne Immobilier.

La société Saint Agne Immobilier demande la restitution de la totalité des sommes figurant au débit du compte, c'est-à-dire de la totalité des frais, émoluments et commissions qui ont été mis à sa charge.

En vertu de l'article 1961 du code général des impôts dans sa version en vigueur du 1er janvier 2013 au 1er octobre 2016, les droits d'enregistrement ou la taxe de publicité foncière lorsqu'elle tient lieu de ces droits et la contribution prévue à l'article 879, ne sont pas sujets à restitution dès l'instant qu'ils ont été régulièrement perçus sur les actes ou contrats ultérieurement révoqués ou résolus par application des articles 954 à 958, 1183, 1184, 1654 et 1659 du code civil. En cas de rescision d'un contrat pour cause de lésion, ou d'annulation d'une vente pour cause de vices cachés et, au surplus, dans tous les cas où il y a lieu à annulation, les impositions visées au premier alinéa perçues sur l'acte annulé, résolu ou rescindé ne sont restituables que si l'annulation, la résolution ou la rescision a été prononcée par un jugement ou un arrêt passé en force de chose jugée.

Ainsi, les frais de mutation (droits d'enregistrement) et les frais de publication (taxe de publication foncière) perçus sur l'acte annulé seront restituables par l'administration si l'annulation est prononcée par une décision passée en force de chose jugée.

En l'espèce, les parties indiquent que la décision du tribunal administratif de Toulouse du 28 février ayant annulé la vente par adjudication est définitive. Elle a ainsi force de chose jugée. Dès lors, l'administration est tenue de restituer aux acquéreurs les droits d'enregistrement et la taxe de publication foncière. En conséquence, les sommes suivantes figurant au débit du compte de la société Saint Agne Immobilier, qui ont été effectivement payées par le notaire, n'ont pas à être restituées par ce dernier :

10/04/2014 SPF Tlse : HF état : 12 euros ;

25/06/14 : SPF Tlse 1er : HF état : 12 euros ;

1/07/2014 : SPF Tlse 1er : 802 euros ;

20/08/14 : SPF Tlse 1er : 358 euros.

C'est l'administration qui doit restituer les fonds initialement consignés à ces fins par l'adjudicataire et non le notaire qui ne les détient plus.

En revanche, tous les frais perçus par le notaire au titre de ses propres prestations sur les fonds versés par l'acquéreur, de même que ceux prélevés pour régler le prestataire chargé par le notaire d'un contrat de mission pour la réalisation de la vente , en l'espèce la société Min.not, doivent être restitués à l'acquéreur des suites de l'annulation de la vente à savoir les sommes suivantes :

- sommes versées à la société Min.not au titre de son contrat de mission :

* contribution fixe : forfait de base et frais de déplacement : 3.758,40 euros ;

* contribution proportionnelle au prix : 15.600 euros ;

- émoluments d'acte et de formalités pour le cahier des charges : 695,92 euros ;

- émoluments d'acte et de formalités pour le procès-verbal d'adjudication : 14.307,79 euros ;

Total à restituer : 34.362,11 euros.

Le jugement sera infirmé sur le montant de la somme à payer au titre de la restitution de la consignation.

La Selarl Sophie L.-C. ' Cécile D. ' Catherine D.-J. - Laurent G. sera condamnée à payer à la société Saint Agne Immobilier la somme de 34.362,11 euros au titre de la restitution de la consignation.

Sur les dépens et les sommes dues au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

La Selarl Sophie L.-C. ' Cécile D. ' Catherine D.-J. - Laurent G., partie succombante, doit supporter les dépens de première instance, ainsi que décidé par le premier juge, et les dépens d'appel.

Elle se trouve redevable d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que le premier juge a justement estimée au titre de la procédure de première instance, et dans les conditions définies par le dispositif du présent arrêt au titre de la procédure d'appel.

Elle ne peut elle-même prétendre à une indemnité sur ce même fondement.

Par ces motifs,

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Toulouse du 29 novembre 2018,sauf en ce qui concerne le montant de la somme à payer au titre de la restitution de la consignation ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé, et y ajoutant,

Condamne la Selarl Sophie L.-C. ' Cécile D. ' Catherine D.-J. - Laurent G. à payer à la Sarl Saint Agne Immobilier la somme de 34.362,11 euros au titre de la restitution de la consignation ;

La condamne aux dépens d'appel ;

La condamne à payer à la société Saint Agne Immobilier la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en appel ;

La déboute de sa demande sur ce même fondement.