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Décisions

CA Angers, ch. a com., 17 janvier 2023, n° 19/02320

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

MR Ouest (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Corbel

Conseillers :

Mme Robveille, M. Benmimoune

Avocats :

Me Boisnard, Me Clouzard, Me Harel, Me Brecheteau

T. com. Angers, du 19 juin 2019, n° 2018…

19 juin 2019

FAITS ET PROCÉDURE

La société (SARL) MR Ouest, qui exerçait une activité de démolition métallique, prestation de service, désamiantage, avait pour associés M. [S] [K], gérant, et son épouse Mme [V] [K] née [J] (les époux [K]), chacun d'eux étant détenteur de 250 parts sociales. Le capital de la SARL MR Ouest atteignait 50.000 euros pour être composé de 500 parts sociales de 100 euros chacune.

Le 2 janvier 2007, M. [P] [H] a intégré l'entreprise en qualité de salarié suivant un contrat de travail à durée indéterminée pour exercer les fonctions de responsable technique, moyennant un salaire mensuel de 3.811 euros brut, outre une prime annuelle de 10% du résultat net de la SARL MR Ouest, et la mise à disposition d'un véhicule de fonction.

Suivant acte sous seings privés du 15 décembre 2009, M. [K] et Mme [K] ont chacun cédé douze parts sociales qu'ils détenaient dans le capital de la SARL MR Ouest à M. [H], moyennant un prix de 24 000 euros pour le paiement duquel les époux [K] ont accepté de consentir à M. [H] un crédit-vendeur. Le 17 septembre 2010, ils ont chacun cédé à M. [H] trente-huit autres parts sociales au prix de 76.000 euros. Les époux [K] ont encore accepté de consentir à M. [H] un crédit-vendeur à hauteur de ce prix.

Le même 17 septembre 2010, les époux [K] ont consenti à M. [H] une promesse unilatérale de cession de vingt-cinq parts sociales chacun. Il était convenu que M. [H] pourrait lever l'option lorsqu'il aurait remboursé l'intégralité des sommes dues au titre des crédits-vendeurs à lui octroyés.

A cette même date, a été également conclu un pacte d'associés entre les époux [K] et M. [H].

En novembre 2012 puis mai 2013, des investigations ont été menées par la gendarmerie et une brigade spécialisée pour déterminer si de l'amiante avait été enfouie illégalement sur le site de la SARL MR Ouest.

Par décision de l'assemblée générale ordinaire des associés de la SARL MR Ouest du 29 novembre 2013, M. [H] a été nommé co-gérant à compter du 1er décembre 2013. Il devait bénéficier d'une indemnité mensuelle de 10 000 euros à titre de rémunération, outre une prime de 25.000 euros versée en janvier 2014. Son contrat de travail d’a été suspendu.

En décembre 2013, M. [H] s'est acquitté des sommes dues au titre des crédits-vendeurs à hauteur de 100 000 euros.

Le 18 décembre 2013, M. [K] a créé une société holding AZSCT, qui a débuté son activité le 20 décembre 2013, et à laquelle lui-même et son épouse ont chacun apporté cent parts sociales détenues au capital social de la SARL MR Ouest.

Suivant rapports du commissaire aux comptes, les parts sociales des époux [K] ont été évaluées à 7 000 euros la part.

Le 23 décembre 2013, M. [H] a apporté à la société holding Erminig, qu'il venait de créer et dont il est gérant et unique associé, l'intégralité des cent parts sociales qu'il détenait au capital de la SARL MR Ouest.

Ces apports de parts sociales avaient été autorisés suivant procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire de la société MR Ouest du 29 novembre 2013.

Ainsi, en décembre 2013, le capital social de la SARL MR Ouest se répartissait ainsi : deux cents parts sociales pour la société AZSCT, cent parts sociales pour la société Erminig, cent parts sociales pour M. [K] et cent parts sociales pour Mme [K].

Des discussions ont eu lieu entre associés en vue de la cession de cent parts sociales supplémentaires de la SARL MR Ouest à la société holding Erminig mais n'ont pas alors abouties.

M. et Mme [K] ont connu respectivement des problèmes de santé cardiaque et dépressif, et dépressif.

Le 12 février 2014, M. [H] a été convoqué par la gendarmerie, dans le cadre d'une enquête préliminaire pour infraction au code de l'environnement, dont dépôt illégal de déchets dangereux par producteur détenteur de déchets. Il a alors fait l'objet d'une garde à vue.

Par lettre du 18 février 2014, [H] a donné sa démission de sa fonction de co-gérant de la société et a mis concomitamment fin à son contrat de travail, avec un préavis de 3 mois.

Mais par décision de l'assemblée générale ordinaire des associés de la SARL MR Ouest du 16 mai 2014, M. [H] a, de nouveau, été nommé gérant de la société. Sa rémunération de gérant a été portée à 15.000 euros par mois par décision de M. [K].

En mars 2014, Mme [M] [N], qui était la compagne de M. [H], a été promue à un poste supérieur et a bénéficié d'une augmentation de salaire.

Suivant acte sous seings privés du 21 mai 2014, M. [K] a cédé cinquante parts sociales de la SARL MR Ouest à la société Erminig, pour un montant de 1 euro, sans garantie d'actif ni de passif. Le rapport de gérance établi à l'occasion de l'assemblée générale ordinaire du 21 mai 2014, précisait : 'cette cession intervient dans un contexte difficile compte tenu de la procédure pénale en cours. Il a semblé nécessaire à M. [S] [K] de renforcer le niveau de participation au capital de la société Erminig, et ainsi son implication dans la vie de la société afin d'éviter de compromettre l'avenir de la société et de son personnel. Le prix convenu prend donc en compte ces divers éléments'.

Le même jour, les époux [K] et la société AZSCT ont consenti une promesse unilatérale de vente, d'une durée de dix ans, à la société Erminig et Mme [M] [N], secrétaire comptable dans la SARL MR Ouest, portant sur les 70% du capital de la société MR Ouest détenus par eux. Il était prévu que cette option puisse s'exercer en deux fois : une pour les cent quatre-vingts premières parts sociales, pour un montant de 360 000 euros (soit 2 000 euros la part sociale) ; l'autre pour les cent soixante-dix parts sociales restantes pour un montant de 640 000 euros (soit 3 765 euros la part sociale). Il n'était convenu d'aucune fourniture de garantie d'actif ou de passif.

Un pacte d'associés a été aussi conclu ce jour même.

Au cours de l'été 2014, les relations entre M. [K] et M. [H] se sont encore dégradées.

Par lettre du 19 septembre 2014, M. [K], en sa qualité de gérant, a convoqué une assemblée pour le 6 octobre 2014, en vue de procéder à la révocation de M. [H] de ses fonctions de co-gérant. Le rapport joint à cette convocation, exposant les motifs fondant la demande de révocation, et convoquant M. [H] pour un entretien préalable, lui faisait grief :

- de la dégradation du chiffre d'affaires et des résultats,

- d'un 'climat troublé en matière de ressources humaines au sein de l'entreprise', reproche-lui étant fait d'avoir promu Mme [N],

- d'avoir 'profité de l'état de faiblesse physique et psychologique de M. [S] [K]' pour obtenir 'la cession de 10% du capital... à un prix dérisoire' et 'l'engagement de céder le reste du capital, soit les 70% restant, à un prix non moins dérisoire',

- d'une perte de confiance 'risquant de mettre en péril la bonne marche et la pérennité de la société'.

Le 2 octobre 2014, jour même de son entretien, M. [H] a adressé à la SARL MR Ouest une lettre faisant part de son désaccord sur les motifs avancés pour fonder sa révocation.

Le 3 octobre 2014, les époux [K] et la société AZSCT ont fait assigner la SARL Erminig et Mme [M] [N] devant le tribunal de commerce d'Angers aux fins de voir prononcer la nullité des actes signés le 21 mai 2014.

Dans le cadre de cette première procédure, par jugement définitif du 19 juin 2019, le tribunal de commerce d'Angers a, notamment, jugé que l'acte de cession des parts sociales du 21 mai 2014 ne pouvait être annulé au motif de l'inexistence ou de l'insuffisance de prix, a jugé qu'il n'y avait pas vice du consentement des époux [K] et de la société AZSCT causé par une violence commise par M. [H] et la société Erminig, a jugé qu'il n'y avait pas nullité et pas de nul effet de l'acte de cession des parts sociales, du pacte d'associés et de la promesse unilatérale de vente du 21 mai 2014, en raison d'un vice du consentement des demandeurs, a débouté ces derniers de leur demande tendant à faire restituer par la société Erminig à M. [K] les 50 parts sociales cédées le 21 mai 2014, a débouté les demandeurs de leur demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'ils auraient subi en raison de la signature de l'acte de cession des parts sociales, du pacte d'associés et de la promesse unilatérale de vente du 21 mai 2014, a donné acte aux demandeurs de ce qu'ils rétractaient la promesse unilatérale de vente qu'ils avaient régularisée le 21 mai 2014 et a alloué aux défendeurs à titre de dommages et intérêts un euro symbolique.

Le 6 octobre 2014, l'assemblée générale ordinaire de la SARL MR Ouest a voté la révocation de M. [H] de ses fonctions de co-gérant par 350 voix pour et 150 voix contre.

Par acte d'huissier du 24 mars 2015, dans le cadre de la présente procédure, M. [H] a fait assigner la SARL MR Ouest, M. et Mme [K] devant le tribunal de commerce d'Angers aux fins d'obtenir leur condamnation solidaire à l'indemniser du préjudice prétendument subi du fait de la révocation de ses fonctions de co-gérant, la considérant être intervenue sans juste motif.

En cours de procédure, par jugement du 31 mai 2017, la SARL MR Ouest a été placée en redressement judiciaire, converti en liquidation judiciaire par jugement du 14 novembre 2018 du tribunal de commerce d'Angers, désignant la société (SELAS) CLR & Associés, prise en la personne de Maître [M] [L], en qualité de mandataire puis de liquidateur judiciaire de la SARL MR Ouest.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 juillet 2017, M. [H] a déclaré entre les mains du mandataire judiciaire de la SARL MR Ouest, une créance de 435 000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice liée à la révocation de ses fonctions de co-gérant, prétendument intervenue sans motif, outre 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par acte d'huissier du 24 avril 2018, M. [P] [H] a fait assigner la SELAS CLR & Associés, prise en la personne de Mme [L], en intervention forcée.

Toujours en cours de procédure, le procureur de la République d'Angers, faisant suite à l'enquête pénale engagée en 2012, a engagé des poursuites devant le tribunal correctionnel d'Angers qui ont conduit la cour d'appel d'Angers, par arrêt du 6 septembre 2018, sur l'appel d'un jugement du tribunal correctionnel du 20 février 2017, à relaxer M. [H] mais en revanche à déclarer M. [K] coupable d'exploitation non autorisée d'une installation classée pour la protection de l'environnement, de mise en danger d'autrui avec risque immédiat de mort et d'infirmité, par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence, et de faux, et à condamner ce dernier à une peine d'un an d'emprisonnement intégralement assortie du sursis, ainsi qu'à déclarer la SARL MR Ouest coupable d'exploitation non autorisée, par personne morale, d'une installation classée pour la protection de l'environnement, de mise en danger d'autrui avec risque immédiat de mort et d'infirmité, par violation manifestement délibérée d'une obligation réglementaire de sécurité ou de prudence, la condamnant au paiement d'une amende de 30 000 euros. M. [K] et la SARL MR Ouest ont aussi été condamnés à remettre en état les lieux dans un délai de 18 mois, selon les préconisations de l'administration, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Par jugement du 19 juin 2019, le tribunal de commerce d'Angers a :

- jugé recevable l'action de la société MR Ouest et des époux [K],

- jugé que la révocation de M. [H] de ses fonctions de co-gérant prise par l'assemblée générale ordinaire du 6 octobre 2014 des associés de la société MR Ouest n'a pas été prise sur de justes motifs,

- jugé en conséquence que M. [H] est créancier de la société MR Ouest au titre d'une créance de dommages et intérêts pour sa révocation sans juste motif de la fonction de co-gérant à hauteur d'un montant de 80 000 euros,

- fixé la créance de M. [H] au passif de la société MR Ouest pour un montant à hauteur de 80 000 euros nets au titre des dommages et intérêts dus en réparation du préjudice subi,

- dit qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre de Mme [K],

- condamné M. [S] [K] à payer à M. [H], in solidum avec la société MR Ouest la somme de 80 000 euros, et par ailleurs la somme de 100 001 euros,

- condamné in solidum les époux [K] et la société MR Ouest à payer la somme de 4 000 euros à M. [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- n'a pas ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- a condamné in solidum les époux [K] et la société MR Ouest aux entiers dépens, y compris les frais de greffe.

Par déclaration du 28 novembre 2019 (procédure d'appel enrolée sous le n°RG 19/02320), M. [K], agissant tant à titre personnel qu'en qualité de gérant de la SARL MR Ouest, et Mme [K] ont interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a jugé recevable l'action de la société MR Ouest et des époux [K], a jugé que la révocation de M. [H] de ses fonctions de co-gérant prise par l'assemblée générale ordinaire du 6 octobre 2014 des associés de la société MR Ouest n'a pas été prise sur de justes motifs, a jugé en conséquence que M. [H] est créancier de la société MR Ouest au titre d'une créance de dommages et intérêts pour sa révocation sans juste motif de la fonction de co-gérant à hauteur d'un montant de 80 000 euros, a fixé la créance de M. [H] au passif de la société MR Ouest pour un montant à hauteur de 80 000 euros nets au titre des dommages et intérêts dus en réparation du préjudice subi, a condamné M. [K] à payer à M. [H], in solidum avec la société MR Ouest la somme de 80 000 euros, et par ailleurs la somme de 100 001 euros, a condamné in solidum les époux [K] et la société MR Ouest à payer la somme de 4 000 euros à M. [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a condamné in solidum les époux [K] et la société MR Ouest aux entiers dépens, y compris les frais de greffe ; intimant M. [H].

Par déclaration du 29 novembre 2019 (procédure d'appel enrolée sous le n°RG 19/02345), M. [K], agissant tant à titre personnel qu'en qualité de gérant de la SARL MR Ouest, et Mme [K] ont interjeté appel de ce même jugement, en attaquant les mêmes dispositions mais en intimant la société CLR & Associés prise en la personne de Mme [L] en qualité de mandataire liquidateur de la SARL MR Ouest.

Par acte d'huissier du 5 août 2020, M. [H] a assigné en appel provoqué la SELAS CLR & Associés prise en la personne de Mme [L], ès qualités, dans le cadre de la procédure d'appel n°RG 19/02320.

Par ordonnance du 29 octobre 2020, le magistrat de la mise en état a prononcé la jonction des procédures n°RG 19/02320 et n°RG 19/02345 sous le numéro 19/02320.

Par ordonnance du 26 novembre 2020, le magistrat chargé de la mise en état a constaté que M. [H] se désistait de son incident tendant notamment à l'irrecevabilité de l'appel formé par les époux [K] motif pris que la SARL MR Ouest n'avait pas valablement été intimée.

M. [K], agissant à titre personnel, la SARL MR Ouest prise en la personne de son gérant, M. [K], et Mme [K], de première part, M. [H], de deuxième part, et la SELAS CLR & Associés prise en la personne de Mme [L] ès qualités, de troisième part, ont conclu.

Une ordonnance du 3 octobre 2022 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [K], agissant tant à titre personnel qu'en qualité de gérant de la SARL MR Ouest, et Mme [K] demandent à la cour de :

- réformer la décision entreprise,

- débouter M. [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire,

- réduire les demandes de M. [H] à de plus justes proportions,

en toute hypothèse,

- condamner M. [H] à leur payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [H] à supporter les entiers dépens.

Les appelants font valoir que la révocation de M. [H] est justifiée, que les époux [K] n'ont pas engagé leurs responsabilités personnelles et que M. [H] n'a subi aucun préjudice.

M. [H] prie la cour de :

sur la recevabilité de l'appel à l'égard des dispositions du jugement concernant la procédure de liquidation judiciaire de la société MR Ouest

- constater que la SELAS CLR & Associés, prise en la personne de Maître [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société MR Ouest, n'a pas été intimée par M. et Mme [K] et par la société MR Ouest, appelants,

- en conséquence, dire et juger M. et Mme [K] et la société MR Ouest, appelant, irrecevables à contester les dispositions du jugement relatives à la fixation de sa créance de dommages et intérêts au passif de la société MR Ouest,

en tout état de cause, sur le fond de l'appel formé par M. et Mme [K] et la société MR Ouest,

- débouter M. et Mme [K] ainsi que la société MR Ouest de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

* jugé que la révocation de M. [H] de ses fonctions de co-gérant prise par l'assemblée générale ordinaire du 6 octobre 2014 des associés de la société MR Ouest n'a pas été prise sur de justes motifs,

* jugé en conséquence que M. [H] est créancier de la société MR Ouest au titre d'une créance de dommages et intérêts pour sa révocation sans juste motif de la fonction de co-gérant,

* condamné in solidum les époux [K] et la société MR Ouest à payer la somme de 4 000 euros à M. [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné in solidum les époux [K] et la société MR Ouest aux entiers dépens ;

- réformer le jugement en ce qu'il a :

* jugé que M. [H] est créancier de la société MR Ouest au titre d'une créance de dommages et intérêts pour sa révocation sans juste motif de la fonction de cogérant à hauteur d'un montant de 80 000 euros,

* fixé la créance de M. [H] au passif de la société MR Ouest pour un montant à hauteur de 80 000 euros nets au titre des dommages et intérêts dus en réparation du préjudice subi,

* dit qu'aucune condamnation ne peut être prononcée qu'à l'encontre de Mme [K],

* condamné M. [K] à payer à M. [H], in solidum avec la société MR Ouest la somme de 80 000 euros, et par ailleurs la somme de 100 001 euros,

en conséquence,

à l'égard de la société MR Ouest,

- dire et juger que sa créance de dommages et intérêts sur la société MR Ouest au titre de sa révocation sans juste motif s'élève à la somme de 435 000 euros nets,

- fixer sa créance au passif de la société MR Ouest :

* pour la somme de 435 000 euros nets au titre des dommages et intérêts dus en réparation du préjudice subi,

* outre la somme de 4 000 euros au titre de la condamnation à l'article 700 du code de procédure civile prononcée par le tribunal de commerce d'Angers,

* la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile qui sera allouée par la cour dans le cadre de la présente instance d'appel,

à l'égard de M. [K] et Mme [K],

- condamner in solidum M. [K] et Mme [K] à lui payer la somme de 435 000 euros nets à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi,

- condamner in solidum M. [K] et Mme [K] à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la présente instance d'appel,

- les condamner aux entiers dépens de l'instance d'appel.

M. [H] approuve les premiers juges d'avoir retenu que sa révocation au mandat de co-gérant a été prononcée sans juste motif. Il fait appel incident sur le rejet de sa demande formée contre Mme [K] et sur le montant de son indemnisation.

La SELAS CLR & Associés prise en la personne de Maître [L] agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL MR Ouest entend voir la cour :

- lui donner acte qu'elle s'en rapporte à justice,

- rejeter toutes demandes éventuelles en condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens qui ne pourront rester à la charge de la liquidation judiciaire.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

- le 15 octobre 2020 pour M. [K], agissant tant à titre personnel qu'en qualité de gérant de la SARL MR Ouest, et Mme [K],

- le 21 juillet 2020 pour M. [H],

- le 15 septembre 2020 pour la SELAS CLR & Associés prise en la personne de Mme [L], agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL MR Ouest.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel

Il y a lieu de constater qu'il a été statué sur le moyen d'irrecevabilité de l'appel tiré de ce que la SELAS CLR & Associés, prise en la personne de Mme [L], en qualité de liquidateur judiciaire de la société MR Ouest, n'aurait pas été intimée, par l'ordonnance précitée qui n'a pas été déférée à la cour.

Sur le juste motif de la révocation de M. [H]

Conformément à l'article L.223-25 du code de commerce, le gérant d'une société à responsabilité limitée peut être révoqué par décision des associés dans les conditions de l'article L.223-29, à moins que les statuts ne prévoient une majorité plus forte, ce qui n'est pas prétendu dans le cas présent.

Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages intérêts.

Le juste motif peut consister en une faute du gérant, telle une violation de la loi ou des statuts, un manquement aux obligations lui incombant en sa qualité de gérant, présentant un caractère objectif de gravité, mais également en la nécessité de mettre un terme par la révocation du gérant concerné à une situation de nature à compromettre l'intérêt social ou le fonctionnement de la société, étant précisé qu'une situation objectivement contraire à l'intérêt social suffit à constituer un juste motif, sans qu'il soit nécessaire d'établir son imputabilité.

En l'espèce, les appelants invoquent diverses fautes de gestion qui auraient été commises par M. [H] ainsi qu'une mésentente entre associés et une perte de confiance de M. [K] en M. [H].

Avant tout, les époux [K] reprochent à M. [H] d'avoir cherché, dès fin 2013, à profiter de leur état de santé et d'avoir ainsi voulu faire main basse sur la société en cherchant à leur imposer une cession de parts sociales et en prenant possession du propre bureau de M. [K] dès janvier 2014. Ils affirment que la cession de parts du 21 mai 2014, au prix dérisoire d'un euro, est intervenue en fraude de leurs droits et que les deux actes complémentaires du même jour que sont la promesse unilatérale de vente des parts sociales de la société et le pacte d'associés sur les modalités des éventuels changements de contrôle de la société, ont été conclus avec violence du fait d'une pression considérable exercée par M. [H] sur eux. Ils prétendent que dès la préparation de ces actes, au début janvier 2014, M. [H] a exigé qu'ils soient passés de toute urgence alors même que M. [K] ne pouvait prendre part aux discussions et que par un courriel adressé le 28 mars 2014, emprunt de violence morale, M. [H] leur aurait imposé des conditions contractuelles inacceptables. Ils ajoutent que M. [H] a fait pression sur les salariés de la société pour qu'ils menacent M. [K] afin qu'il démissionne de ses fonctions de gérant et cède ses parts.

M. [H] prétend, au contraire, que M. [K] a tout fait pour le convaincre de demeurer gérant, lui disant qu'il allait lui-même se désengager rapidement de la société MR Ouest, lui promettant des cessions de parts sociales et un alignement de sa rémunération de gérant sur la sienne, augmentée à 15 000 euros en janvier 2014. Il affirme avoir renoncé à un autre projet avec la société TNS et que ce n'est que sur la demande de M. [K], qui lui aurait expliqué que les accusations relatives à l'enfouissement des déchets amiantés étaient infondées, qu'il a accepté de rester dans l'entreprise dans laquelle il avait investi 100 000 euros. Il rappelle qu'après avoir été placé en garde à vue, il avait démissionné de la gérance et mis fin à son contrat de travail, ce qui permettait à M. [K] de le contraindre à lui vendre ses parts de la société en vertu du pacte d'associés conclu le 17 septembre 2010.

Il ajoute que les allégations relativement à un abus de faiblesse n'ont pas lieu d'être reprises après avoir été écartées par le jugement définitif rendu par le tribunal de commerce d'Angers ayant statué sur la demande d'annulation des actes conclus le 24 mai 2014.

Le courriel adressé le 28 mars 2014 par M. [H] à M. [K] après une réunion avec le personnel à laquelle M. [K] ne s'est pas rendue, reflète une dégradation de leurs relations. S'il comporte un certain nombre griefs de M. [H] envers M. [K] à qui le reproche est fait de s'être 'défilé' en dépit de la 'gravité de la situation', il fait état des points qu'il présente comme ayant été validés entre eux et comme étant irréversibles, à savoir : 'la promotion future de [M], le départ de [V] au plus tard en juin 2014, le départ de [S] au plus tard au dernier trimestre 2014, la cession à titre gracieux de 10 % des parts de MR Ouest à ma holding en contrepartie des divers 'abus' ayant eu lieu depuis 2010, mains laissées libres de maintenant à ton départ à [M] et moi-même pour la gestion de l'entreprise'.

M. [H] fait valoir que par ce mail, il rappelait à M. [K] la gravité de la situation et les engagements qu'il avait pris à son égard, et qu'il lui demandait de respecter, condition pour qu'il reste au sein de la société comme M. [K] le lui avait demandé et alors qu'il était en cours de préavis.

Si la teneur de ce courriel peut faire apparaître une volonté de M. [H] d'imposer ses conditions, Il ne peut être fait abstraction du contexte dans lequel il s'inscrit, peu après le placement en garde à vue de M. [H] dans le cadre de l'enquête pénale, laquelle n'est pas restée sans suite puisqu'elle a abouti à de lourdes condamnations pénales.

D'ailleurs, le rapport de gérance établi à l'occasion de l'assemblée générale ordinaire du 21 mai 2014 pour notamment agréer la cession par M. [K] des cinquante parts de la société à la société Erming au prix d'un euro, précise expressément, comme cela a été dit plus haut, que 'cette cession intervient dans un contexte difficile compte tenu de la procédure pénale en cours' et que 'le prix convenu prend en compte ces divers éléments'.

Il apparaît donc que la société était fragilisée par l'enquête alors en cours et que M. [K] a fait le choix de faire revenir M. [H] sur sa décision de démission, ce qui s'est concrétisé par une décision de l'assemblée générale, le 16 mai 2014, au regard de la nécessité de surmonter les difficultés que traversait l'entreprise, difficultés économiques comme cela sera vu ci-après mais aussi nécessaire remobilisation du personnel, alors que rien ne l'y obligeait puisque, comme le fait valoir M. [H] et l'ont souligné à juste titre les premiers juges, celui-ci, qui avait démissionné, n'avait alors aucun moyen pour faire pression sur les époux [K]. Si le retour de M. [H] dans la société s'est fait à ses conditions, il ne peut en être déduit que c'est à la suite de pressions de sa part.

Ainsi, s'il n'est pas contesté que l'état de santé de M. [K] s'est dégradé en fin d'année 2013, qu'il a subi une lourde opération chirurgicale au début du mois de janvier 2014 suivie d'une convalescence, qu'il a connu un épisode dépressif sur plusieurs mois dont son médecin atteste en octobre 2014 et que son épouse a également été suivie sur la même période sans qu'il ne soit pour autant démontré que leur état de santé les aurait fragilisés au point qu'ils n'auraient pu mesurer la portée de leurs engagements, la cour fait siens les motifs des premiers juges ayant retenu que c'est à la suite d'une négociation entre les époux [K] et M. [H] qu'un terrain d'entente a été trouvé pour que ce dernier reste dans l'entreprise en contrepartie de l'engagement des époux [K] de lui laisser progressivement le contrôle de la société et de ce que M. [K] quitte ses fonctions de cogérant au dernier trimestre 2014, étant observé que tout vice du consentement des époux [K] par violence morale pour les amener à signer les actes du 21 mai 2014 a été écarté par un jugement aujourd'hui définitif. Il sera d'ailleurs relevé que M. [K] a lui-même pris la décision d'augmenter la rémunération de M. [H] à partir du mois de février 2014, ce qui ressort d'un courriel qu'il a adressé à la comptable et montre sa pleine volonté de maintenir M. [H] comme co-gérant.

Il n'est pas non plus établi que M. [H] aurait exercé de constantes pressions sur le personnel pour faire pousser M. [K] à la démission, la seule attestation en ce sens d'un salarié produite aux débats, contredite par une autre salariée, étant insuffisante pour ce faire, ni qu'un climat social délétère au sein de l'entreprise se serait installé et encore moins qu'il serait survenu du fait de M. [H].

Il n'est pas davantage démontré que M. [H] ou Mme [N] aurait bloqué l'accès à M. [K] aux comptes bancaires de l'entreprise en juillet 2014, ce que le mail du 30 juillet 2014, qui ne fait état que de l'exigence de la banque d'une identification renforcée, ne prouve pas.

S'agissant des fautes de gestion, les époux [K] reprochent à M. [H], en premier lieu, d'avoir la responsabilité d'une baisse du chiffre d'affaires, du résultat d'exploitation et du niveau de la trésorerie. Ils exposent qu'au 30 septembre 2013, la société MR Ouest avait réalisé un chiffre d'affaires de 5 324 000 euros et un résultat bénéficiaire de 1 336 000 euros, en progression depuis trois années et que, dès lors que la société a été gérée par M. [H] du fait du mauvais état de santé de M. [K], la courbe de progression de la société MR Ouest s'est totalement inversée et les chiffres d'affaires, résultats et niveau de trésorerie ont tous subi une baisse très importante, la société ayant enregistré au 30 juin 2014, soit pour neuf mois d'exercice, un chiffre d'affaire de 3 180 000 euros pour un résultat déficitaire de 236 000 euros, pour en déduire que la gestion de M. [H] s'est avérée désastreuse, due notamment à une baisse de la production et à une mauvaise gestion des comptes clients. Ils contestent que durant les années connaissant des élections, le chiffre d'affaires de l'entreprise connaisse nécessairement un fort ralentissement. Ils nient que l'enquête pénale ait pu perturber l'activité de la SARL MR Ouest en 2014 ou que les charges de l'entreprise que M. [K] a décidé aient pu contribuer à la dégradation des comptes.

M. [H] ne conteste pas l'évolution défavorable qu'a connu la société au cours de l'exercice en cause mais en conteste l'ampleur en estimant que les appelants font une présentation faussée des comptes et, surtout, en conteste la responsabilité. Il fait valoir que la baisse des résultats est due à une baisse du chiffre d'affaires liées au contexte économique morose dans le bâtiment et à la période d'élections municipales peu propice à l'activité de l'entreprise, en faisant observer que ce sont les motifs que M. [K] a lui-même repris dans le rapport de gestion présenté à l'assemblée générale ordinaire annuelle qui s'est tenue le 29 mai 2015 pour approuver les comptes de l'exercice clos le 30 septembre 2014.

Par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont justement retenu que la baisse des résultats de la société n'est pas imputable à la gestion de M. [H] et que la baisse de la trésorerie est la conséquence de la baisse du chiffre d'affaires. Il sera également fait observer que la situation de l'entreprise s'est encore dégradée après la révocation de M. [H] de ses fonctions, pour finalement aboutir à une liquidation judiciaire.

Les appelants invoquent, en deuxième lieu, la promotion de Mme [N] qu'ils estiment n'avoir été en rien justifiée professionnellement et la détérioration du climat social dans l'entreprise qui en serait résultée.

M. [H] conteste s'être servi de sa position pour promouvoir sa compagne à un poste supérieur et augmenter son salaire.

Il est cependant établi que M. [H] a signé l'avenant au contrat de travail comme cela apparaît dans l'extrait reproduit dans les conclusions des appelants. Pour autant, cet avenant a été transmis à l'intéressée par Mme [K] et M. [K] a accepté cette promotion sans pouvoir être suivi pour les motifs qui précèdent lorsqu'il affirme que M. [H] aurait profité de son état de faiblesse pour la lui imposer. L'attestation de la nouvelle comptable de la société, qui a remplacé Mme [N] à ce poste, qui fait état d'irrégularités dans la tenue de la comptabilité, et qui était sous un lien de subordination à M. [K], ne suffit pas à démontrer l'inaptitude professionnelle de Mme [N] à exercer les nouvelles fonctions qui lui avaient été confiées. Par ailleurs, les allégations des époux [K] selon lesquelles cette promotion aurait induit un mauvais climat social sont dépourvues de justification.

En troisième lieu, il est invoqué un virement d'une somme de 20 000 euros du compte bancaire de la société MR Ouest sur son compte personnel. M. [H] indique que ce virement correspond à ses rémunérations des mois d'août et de septembre 2014.

A travers ce virement, les appelants accusent M. [H] de s'être fait payer indûment une somme de 10 000 euros.

Mais, il ressort d'un courriel transmis par M. [K] à la comptable de la société que c'est lui-même qui a demandé à porter la rémunération de M. [H] à 15 000 euros, ce qui a été effectif durant deux mois. Ainsi, la différence entre ce qu'a perçu M. [H] après le dernier virement de 20 000 euros effectué le 22 septembre 2014 et ce qu'il aurait dû percevoir, de 10 000 euros, correspond à cette sur-rémunération irrégulièrement accordée par M. [K], de sorte que celui-ci est mal venu de s'en prévaloir comme une faute imputable à son co-gérant.

Enfin, les appelants se prévalent de la mésentente des associés comme cause de justes motifs à la révocation en rappelant qu'il n'est pas nécessaire d'établir l'imputabilité de cette mésentente.

M. [H] rappelle néanmoins à juste titre que la mésentente entre associés doit, pour pouvoir justifier la révocation d'un gérant, être de nature à compromettre l'intérêt social et prétend que tel n'est pas le cas en l'espèce.

La réalité de la mésentente entre associés est admise par les associés.

Mais l'incidence de cette mésentente sur le fonctionnement de la société n'est pas caractérisée.

En effet, les appelants se bornent à faire valoir que MM [K] et [H] ne communiquaient plus, que, dans ces conditions, la gestion quotidienne de la société s'en trouvait directement affectée, 'de manière inquiétante' et que le chiffre d'affaires et le résultat au 30 juin 2014 démontreraient le péril imminent que subissait la société. Ils ajoutent que la perte de confiance entre les cogérants était avérée et justifiait également qu'il soit mis fin à la gérance de M. [H].

Il n'est invoqué aucun blocage ni aucun dysfonctionnement de la société, ce qui doit être distingué de la seule évolution défavorable des résultats financiers de l'entreprise liés à la conjoncture économique et probablement aux ombres d'une procédure pénale qui se profilait. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont relevé que la situation de mésentente ne présentait au 6 octobre 2014 qu'un risque pour la bonne marche de la société, non réalisé, et qu'elle n'avait pas nui à l'intérêt social.

En outre, les premiers juges ont retenu, par des motifs non critiqués, que ce risque devait disparaître par l'exécution des engagements pris par M. [K]. Certes, la promesse de vente a été rétractée par les époux [K] mais seulement en cours de procédure, ce que M. [H] et les autres bénéficiaires ont accepté moyennant indemnisation, comme l'a constaté le tribunal dans son jugement définitif du 19 juin 2019. Ainsi, si M. [H] n'avait pas été révoqué de ses fonctions, il aurait pu lever la première option dès le mois d'octobre 2014 et devenir directement ou indirectement majoritaire dans le capital de la société et à terme obtenir le contrôle total de la société comme le prévoyaient les accords passés avec les époux [K], de sorte que la mésentente entre associés et la perte de confiance de M. [K] en M. [H] auraient trouvé une issue sans que ne soit compromis l'intérêt social.

Il résulte de ce qui précède que la révocation de M. [H] de son mandat de gérant est intervenue sans juste motif. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur l'indemnisation de M. [H]

M. [H] expose que sa révocation a provoqué la perte de son emploi et, par voie de conséquence, de sa rémunération, ainsi que l'anéantissement d'un projet professionnel à long terme dans lequel il s'était engagé après avoir accepté de revenir sur sa démission. Il estime que la création par lui six mois après sa révocation d'une nouvelle société ne change rien à l'appréciation de son préjudice, devant repartir à zéro et sans rémunération de cette société. Il met également en avant le fait qu'il a consacré près de sept années à la société MR Ouest.

En réponse aux appelants faisant valoir qu'il a bénéficié d'une assurance perte d'emploi, il reconnaît avoir perçu pour l'année 2015 une somme totale de 74 420,91 euros après application d'une franchise mais fait valoir que cela est indifférent dès lors qu'il a très largement assumé à titre personnel le paiement des cotisations qui lui ont permis de bénéficier de cette garantie en ayant dû payer une cotisation complémentaire de 4 155,23 euros par prélèvement sur son épargne personnelle, et se substituer à la société MR Ouest qui n'a payé que la somme de 574,48 euros.

Il sollicite l'indemnisation de son préjudice matériel qu'il évalue à 435 000 euros correspondant à trois années de rémunération nette (36 mois à 10 000 euros et trois primes de 25 000 euros).

Les appelants, après avoir soutenu que seul le préjudice moral subi par le gérant révoqué sans juste motif peut être indemnisé, estiment qu'en tout état de cause, l'évaluation du préjudice économique consécutif à une révocation sans juste motif doit tenir compte de l'âge du gérant révoqué, de ses capacités de reclassement et de son ancien niveau de rémunération. Dès lors que M. [H] est resté moins d'un an gérant, était âgé de 46 ans, a constitué une nouvelle société moins de six mois après, bénéficiait d'une assurance couvrant la perte d'emploi, ils concluent au rejet des prétentions de M. [H].

M. [H] est en droit d'être indemnisé du préjudice matériel que lui cause sa révocation du mandat de co-gérant qui lui a fait perdre sa rémunération. Tenant compte de ce qu'il a été cogérant moins d'une année, de ce qu'il a dû abandonner son travail salarié dans la société et ses chances d'évolution au sein de celle-ci, de ce qu'il a reçu une indemnité d'assurance dont il faut déduire le montant des cotisations qu'il a versées, mais également de ses bonnes perspectives professionnelles compte tenu de son expérience et de son âge, son préjudice sera indemnisé par l'allocation de la somme de 60 000 euros. Il y a donc lieu de fixer à ce montant la créance de M. [H] à ce titre au passif de la liquidation judiciaire de la société MR Ouest.

Sur la responsabilité personnelle de chacun des époux [K]

M. [H] expose que la responsabilité personnelle de l'associé qui a voté en faveur de la révocation du gérant peut être engagée si celle-ci traduit une intention de nuire. Il fait état de différents indices qui témoigneraient de l'intention de lui nuire des époux [K] par des actes qui auraient été commis antérieurement à sa révocation, incluant l'engagement par eux de la procédure en annulation des actes du 21 mai 2014, des fausses accusations proférées à son encontre à l'appui de sa révocation, le rendant responsable d'un détournement, de violence morale, de dégradation des résultats de l'entreprise et du climat social.

Les époux [K] contestent avoir été animés par une telle intention de nuire en faisant valoir, à la fois, que la preuve d'une telle intention n'est pas rapportée et que la révocation de M. [H] était justifiée en raison des nombreuses fautes de gestion qu'il a commises mais également de l'existence d'une mésentente entre associés que M. [H] a admis sans réserve. Ils prétendent avoir agi ainsi uniquement pour préserver l'intérêt de la société. Et rappelle que M. [K] était alors sous anti-dépresseurs. Ils estiment qu'à aucun moment M. [H] ne justifie de conditions brusques ou vexatoires qui justifieraient que la responsabilité personnelle des associés de la société soit retenue.

Certes, il ne suffit pas, pour caractériser, sur le fondement de l'article 1382 du code civil dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la faute personnelle de l'associé qui a voté en faveur de la révocation du gérant, et qui se définit comme étant une faute individuelle insusceptible d'être rattachée à l'expression de la volonté sociale, que la révocation du gérant soit intervenue sans justes motifs, ni même que les éléments apportés à l'appui de la justification d'un juste motif à la révocation soient inexacts.

Mais dans le cas présent, les époux [K] n'ont pas hésité à accuser M. [H] d'avoir exercé sur eux une violence morale en abusant de leur faiblesse, accusations qu'ils ont réitérées devant la cour alors qu'un jugement définitif les a écartées, et l'ont également accusé d'avoir détourné 10 000 euros. Il s'agit là de graves accusations à caractère vexatoire, qui s'avèrent sans fondement, d'autant que comme l'ont relevé les premiers juges, celle d'avoir fait pression pour obtenir la signature de l'acte de cession de parts sociales, du pacte social et de la promesse unilatérale de vente ne concerne que les rapports entre associés et non pas la fonction de gérant. Les premiers juges, dont la cour adopte les motifs, ont caractérisé l'intention de nuire de M. [K] qui, à travers des griefs injustifiés a voulu évincer M. [H] de la société et être dégagé de ses propres engagements sans considération de l'intérêt de celle-ci, à un moment où, pourtant, la société rencontrait des difficultés et alors que la mésentente qui existait entre les deux gérants, à laquelle M. [K] n'apparaît pas ni ne prétend même avoir tenté de remédier, si elle est bien certaine, n'avait jusqu'alors pas eu d'incidence sur la bonne marche de la société, et ne peut suffire à établir que le vote en faveur de la révocation de M. [H] était exclusive d'une intention de nuire par ailleurs caractérisée.

L'intention de nuire de Mme [K], partie prenante comme son mari, et qui a voté la révocation de M. [H] sur les mêmes motifs vexatoires qu'elle savait fallacieux, travaillant elle-même dans l'entreprise, doit être retenue.

Les époux [K] doivent donc être tenus in solidum avec la société MR Ouest au paiement de la somme de 60 000 euros

Sur les demandes accessoires

La société MR Ouest et les époux [K], qui succombent en partie, seront tenus aux dépens d'appel et in solidum au paiement de la somme 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

En conséquence, il y a lieu de fixer au passif de la société MR Ouest les dépens d'appel et la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Déclare irrecevable la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel.

Confirme le jugement en ce qu'il juge que la révocation de M. [H] de ses fonctions de co-gérant prise par l'assemblée générale ordinaire du 6 octobre 2014 des associés de la société MR Ouest n'a pas été prise sur de justes motifs ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et à l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile mis à la charge des époux [K].

Statuant à nouveau des autres chefs et y ajoutant,

Dit que les époux [K] sont tenus in solidum avec la société MR Ouest au paiement de la somme de 60 000 euros pour avoir commis une faute personnelle en votant la révocation de M. [H].

En conséquence,

Fixe la créance d'indemnisation de M. [H] au passif de la liquidation judiciaire de la société MR Ouest à un montant de 60 000 euros ;

Condamne in solidum M. et Mme [K] à payer à M. [H] la somme de 60 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Dit que les époux [K] doivent être tenus in solidum avec la société MR Ouest aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'aux indemnités allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence,

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société MR Ouest la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile allouée en première instance et celle de 6 000 euros allouée en appel ;

Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société MR Ouest les dépens de première instance et d'appel.

Condamne in solidum M. et Mme [K] aux dépens d'appel.

Condamne in solidum M. et Mme [K] à payer à M. [H] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.