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Décisions

CA Orléans, ch. des urgences, 18 novembre 2020, n° 20/00081

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Solumat du Pays d’Auray (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Blanc

Conseillers :

M. Bazin, Mme Grua

Avocats :

Me Vigneux, Me Tournade, Me Turbat

TGI Tours, du 31 déc. 2019, n°19/00276

31 décembre 2019

La SAS Solumat du pays d'Auray, dans le cadre du développement de son activité, s'est portée acquéreur de l'intégralité du capital social de la société Touraine Agrégats, détenu par la SAS Negoloc et X….

Par acte sous-seing privé en date du 12 octobre 2017, prenant effet au 1er janvier 2018, la société Touraine Agrégats était dissoute avec transmission universelle de patrimoine sans qu'il y ait lieu à liquidation.

Selon acte de cession en date du 22 décembre 2016, emportant cession de contrôle, la SAS Solumat du pays d'Auray faisait l'acquisition de l'intégralité des parts sociales de la société Touraine Agrégats, pour la somme de 1'300'000 € avec stipulation d'un prix provisoire et définitif, fonction de l'évolution du montant des capitaux propres lors de la situation intermédiaire arrêtée au 30 septembre 2016.

De convention expresse, le prix devait être payé aux conditions suivantes :

' 283'365 € en un chèque remis à X… le jour de la cession,

' 415'635 € en un chèque remis à la SAS Negoloc au jour de la cession.

Le solde du prix de vente, soit 600'000 €, faisait l'objet d'un crédit vendeur consenti à la SAS Solumat du pays d'Auray à hauteur de 10 € pour X… et 599'990 € pour la SAS Negoloc. Il était également prévu d'une part que ce crédit vendeur porterait intérêts au taux fixe de 2,5 % l'an et que le paiement serait garanti par les associés de la SAS Solumat du pays d'Auray à savoir la société Épic Finance et la société Daily Investissements à hauteur de 50 % chacune.

Le 22 décembre 2016, X… démissionnait de ses fonctions de gérant pour devenir salarié de l'entreprise en qualité de directeur de site avec des attributions de développement commercial.

Selon acte du 4 mai 2017, les parties fixaientde manière définitive le prix de cession à la somme de 1'300'000 €.

Le 17 octobre 2017 la société cédée était dissoute par transmission universelle de son patrimoine au profit de la SAS Solumat du Pays d'Auray.

Un contentieux apparaissait ensuite entre les parties.

Par une ordonnance en date du 24 octobre 2019, le juge de l'exécution de Tours autorisait la SAS Solumat du Pays d'Auray venant aux droits de la société Touraine Agrégats à faire pratiquer une saisie

conservatoire sur d'une part les créances détenues par la société Solumat du Pays d'Auray sur elle-même au profit de la société Negoloc 37 et de X…, et d'autre part auprès de la banque SA BNP Paribas, agence de Tours, ainsi que de tout autre tiers détenant des fonds pour le compte de la société Negoloc 37 et de X…, et ce pour sûreté et garantie de la somme de 505'000 €.

Par acte en date du 19 novembre 2019, la SAS Solumat du Pays d'Auray faisait pratiquer, en vertu de l'ordonnance du 24 octobre 2019, une saisie conservatoire de créances entre les mains de la BNP Paribas, agence de Tours, sur les comptes de la société Negoloc 37 et de X…, pour obtenir le paiement de la somme en principal de 505'000 €.

Par acte en date du 20 novembre 2019, la SAS Solumat du Pays d'Auray faisait pratiquer, en vertu de la même ordonnance, une saisie conservatoire de créances entre les mains de la SA Caisse de Crédit Mutuel de Tours'Grammont, sur les comptes de X…, en vue d'obtenir le paiement de la somme en principal de 505'000 €.

Ces deux saisies étaient dénoncées par acte en date du 21 novembre 2019.

Par acte en date du 29 novembre 2019, la SAS Negoloc 37 et X… assignaient devant le juge de l'exécution de Tours la SAS Solumat du Pays d'Auray afin de voir ordonner la rétractation de l'ordonnance du 24 octobre 2019, et de voir prononcer la mainlevée des deux saisies conservatoires du 19 novembre 2019 et de celle du 20 novembre 2019. La SAS Negoloc 37 et X… sollicitaient chacun le paiement de la somme de 50'000 € à titre de dommages-intérêts.

À titre subsidiaire, ils demandaient le cantonnement de la saisi conservatoire à de plus justes proportions et la substitution à cette saisie d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur le bien immobilier de X….

Par jugement en date du 31 décembre 2019, le juge de l'exécution de Tours déboutait la société Negoloc 37 et X… de l'ensemble de leurs demandes, disait en conséquence n'y avoir lieu à ordonner la mainlevée des saisies conservatoires des 19 et 20 novembre 2019 et condamnait Negoloc 37 et X… à payer à la SAS Solumat du Pays d'Auray une indemnité de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par une déclaration en date du 10 janvier 2019, la SAS Negoloc 37 et X… interjetaient appel de ce jugement.

Par leurs dernières conclusions, ils en sollicitent l'infirmation, demandant à la cour d'ordonner la rétractation de l'ordonnance du 24 octobre 2019, et par conséquent la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées le 19 novembre 2019 pour la somme de 170'783 € dans les livres de la BNP sur les comptes de la SAS Negoloc 37, et pour la somme de 3288 € sur les comptes bancaires personnels de X…, le 20 novembre 2019 sur les comptes bancaires de X… dans les livres du Crédit mutuel pour la somme de 2034 €.

Les appelants sollicitent en outre la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 18 décembre 2019 pour les loyers échus et à échoir dus par la société Sogea en vertu d'un contrat de location pour la somme mensuelle de 2300 €, et de la saisie conservatoire pratiquée le 11 janvier 2020 sur les comptes bancaires de la SAS Negoloc 37 pour la somme de 12'036 €. Ils sollicitent l'allocation de

dommages-intérêts à hauteur de 25'000 € pour la SAS Negoloc 37 et de 5000 € pour X….

À titre subsidiaire, les appelants demandent à la cour d'ordonner la substitution des mesures de saisie conservatoire sur les comptes bancaires précités par l'inscription d'un nantissement judiciaire sur les

parts sociales détenues par X… dans la SCI Rostan, ou à défaut, au choix de la cour, par l'inscription d'une hypothèse judiciaire sur le bien immobilier appartenant à X… seul, situé 40, rue du Colombier à Tours. Ils réclament le paiement de la somme de 4000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions en date du 25 mai 2020, la société Solumat du Pays d'Auray demande la confirmation du jugement du 31 décembre 2019 et l'allocation de la somme de 7000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture était rendue le 2 juin 2020.

SUR QUOI :

Attendu que, pour prononcer comme il l'a fait, le premier juge, citant les dispositions de l'article L.511'1 du code de procédure civile d'exécution a considéré que la SAS Solumat du Pays d'Auray démontrait l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe justifiant la mise en jeu de la convention de garantie du 22 décembre 2016 pour ce qui concerne le non-respect de la réglementation en matière d'environnement et qui risque à terme de compromettre l'activité des sites d' exploitation de Sorigny et de Cérelles, et qu'il existait un risque sérieux de non recouvrement dès lors que le résultat comptable de la société Negoloc est déficitaire et que X… n'apportait aucun élément sur sa situation professionnelle actuelle ;

Attendu que la partie appelante se plaint en particulier de ce que le juge de l'exécution aurait utilisé ses propres pièces pour dire qu'elle ne justifiait pas de ce qu'il n'existait pas de créanciers inscrits, ce qui constituerait une inversion de la charge de la preuve ;

Que la question de la charge de la preuve ne se pose pas de façon principale dans une telle procédure, puisqu'il suffit, selon les dispositions de l'article précité, que la créance paraisse fondée en son principe, alors qu'une jurisprudence constante admet qu'il peut être procédé à une saisie conservatoire même si la créance est contestée ;

Attendu que dans leurs premières conclusions, les appelants avaient reconnu que la créance était fondée en son principe, puisqu'ils avaient déclaré à la page 6 de leurs premières conclusions d'appelants « si la mise en jeu de la convention de garantie apparaît en apparence fondée en son principe au titre des déclarations des activités auprès de la DREAL, comme a pu le reconnaître le juge de l'exécution », avant d'affirmer « encore faut-il que la mise en jeu de la convention soit recevable eu égard aux stipulations de mise en jeu de la garantie, ce qui suppose la démonstration d'un préjudice subi et à due concurrence » ;

Qu'il s'en évince tout d'abord que la partie appelante ne conteste pas que la convention de garantie peut être mise en jeu, alors que cette convention prévoit que le non-respect du délai de 30 jours à compter de la date à laquelle le bénéficiaire aura eu connaissance de la survenance de tout événement susceptible de mettre en cause la responsabilité du garant, ou du délai de 15 jours à compter de la notification d'une vérification ou réclamation fiscale et/ou sociale par les administrations concernées aura pour effet d'entraîner la déchéance des droits du bénéficiaire à indemnisation au titre des garanties conférées dans la mesure où il aura privé le garant de l'exercice d'un droit ou d'un recours quelconque ;

Que le délai d'un an courant à compter du décret à l'origine de la demande du bénéfice des droits acquis était expiré au moment de la cession de la société Touraine Agrégats, de sorte que la situation

n'était plus régularisable contrairement à ce que prétendent les appelants qui ne peuvent donc aujourd'hui se prévaloir du bénéfice des droits acquis de l'article L.513'1 du code de l'environnement ;

Attendu que l'existence de cette convention, dont le jeu des obligations qu'elle contient à la charge des deux appelants n'est pas contesté en son principe, et alors que les intéressés ne peuvent s'en exonérer du fait de l'expiration des délais, suffit à caractériser l'existence d'une créance elle-même fondée en son principe à la charge de la société Negoloc 37 et de X… et au profit de la partie intimée ;

Attendu que c'est donc à bon droit que le juge de l'exécution a prononcé comme il l'a fait sur ce point ;

Attendu que la société Solumat du Pays d'Auray observe que la trésorerie de la société Négoloc 37 s'établissait au 31 mars 2017 à la somme de 216'023 €, alors que cette société avait perçu de sa part trois mois plus tôt la somme de 415'635 €, et qu'elle ne s'établissait plus qu'à 80'496 € à la date du 31 mars 2018 ;

Que, à la date du 31 mars 2019, époque à laquelle une perte supérieure à 53'000 € était enregistrée, alors que la trésorerie disponible de la société Negoloc 37 qui venait de percevoir au titre du prix de cession une somme proche de 600'000 €, ne consistait plus qu' en la somme de 300'333 €, somme réduite à 170 783 € au moment de la saisie conservatoire (pièce 48) ;

Que son argumentation relative à des factures à payer par les clients à hauteur de 326'148 € et une valeur de 715'000 € pour les matériels de transport ne peut être regardée comme une preuve convaincante de sa solvabilité, puisque rien n'indique que le total de ces sommes serait immédiatement mobilisable d'une part, et alors d'autre part que l'affirmation selon laquelle « la vente du ce matériel suffirait à apurer la dette » est d'une réalité plus que douteuse, puisqu'il n'est aucunement établi que le matériel pourrait être du jour au lendemain vendu à sa valeur comptable, alors qu'il est évident qu'une vente de matériel dans de telles circonstances pourrait se faire dans les pires conditions, tout en privant par ailleurs l'entreprise de la possibilité de poursuivre son activité, ce qui nuirait à l'évidence à sa solvabilité, et achèverait de mettre en péril recouvrement de la créance litigieuse ;

Attendu que la partie intimée prétend que X… ne dispose que de très peu de liquidités alors qu'il a perçu au moment de la cession plusieurs centaines de milliers d'euros au titre de ses actions, l'huissier instrumentaire en charge d'exécuter la saisie conservatoire n'ayant pu procéder à la saisie que d'une somme dérisoire par rapport au montant de la créance alléguée, puisque cet officier ministériel a relevé l'existence de trois comptes auprès du Crédit mutuel, crédités l'un d'une somme de 2034,92 €, le deuxième d'une somme de 6,15 € et le troisième d'une somme de 9,73 € (pièce 49) ;

Que c'est à juste titre que la société Solumat du Pays d'Auray s'interroge sur l'argumentation invoquée par X… relativement à la détention par lui-même de parts sociales de SCI qui couvriraient largement le recouvrement d'une créance de 500'000 €, puisqu'il n'explique pas de quelle manière il pourrait prélever des fonds sur ces sociétés sans encourir le risque de poursuites pénales du chef d'abus de confiance ou du chef d'abus de bien social, pas plus qu'il ne précise dans quelles conditions il peut se prévaloir de l'accord des autres associés pour vendre rapidement et de manière à pouvoir faire face immédiatement à ses engagements propres, les immeubles constituant la propriété desdites sociétés ;

Attendu que s'il est exact que c'est à la partie créancière de rapporter la preuve qu'il existe une

menace sur le recouvrement des sommes susceptibles de lui revenir dans le cadre d'une saisie conservatoire au titre d'une créance paraissant fondée en son principe, l'argumentation des appelants ne saurait être

retenue puisque ce n'est pas la preuve de l'insolvabilité du débiteur qui est exigée de la part du créancier, mais seulement la preuve du bien-fondé de ses craintes en ce domaine, que la société Negoloc 37 ne fait rien pour dissiper relativement à sa situation propre, alors qu'il lui suffirait, si elle était sûre de sa solvabilité, de verser au débat quelques éléments tangibles de nature à rassurer la société Solumat du Pays d'Auray, cette dernière déclarant que d'importants travaux vont être opérés, puisqu'il y a lieu en particulier d'étanchéifier les sols, et que l'ensemble des travaux pourrait atteindre un montant proche de 3 millions d'euros alors que la créance dont elle se prévaut aujourd'hui dans le cadre de la saisie conservatoire n'est que de 500'000 €, à répartir sur deux personnes ;

Attendu que c'est à juste titre que le premier juge a considéré qu'il existe des circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance auprès de la société Negoloc 37 ;

Attendu qu'à titre subsidiaire, il est proposé une substitution de garanties concernant le seul patrimoine de X…, débiteur solidaire de la créance dont il vient d'être considéré qu'elle paraissait fondée en son principe ;

Que le juge de l'exécution avait rejeté cette proposition, faute d'éléments apportés par l'intéressé ;

Qu'il est aujourd'hui versé à la procédure une évaluation de la maison de l'intéressé un montant supérieur à 800'000 €, ainsi qu'un état hypothécaire faisant apparaître, au bénéfice de BNP Paribas, un privilège de prêteur de deniers pour 159'000 € et une hypothèque conventionnelle à hauteur de 13'320 € ;

Que l'expert-comptable chargé de la gestion de la fiscalité personnelle de X…, par une attestation en date du 26 novembre 2019, déclare que la situation patrimoniale de ce dernier lui permet de pouvoir faire face à une dette de 500'000 €, le même expert-comptable précisant le 18 février 2020 que la valeur de la SCI Rostan dont il est propriétaire se monte à 754'660 € ;

Attendu qu'il apparaît ainsi que les éléments apportés sont suffisants pour justifier la substitution de garanties proposées à titre subsidiaire ;

Qu'il convient, pour plus de sûreté, de retenir à la fois le nantissement et l'hypothèque judiciaire ;

Attendu qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la créance paraît fondée en son principe et qu'il existe des circonstances de nature à menacer le recouvrement, mais de la réformer en ce qu'il a rejeté la demande substitution de garantie ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Solumat du Pays d'Auray l'intégralité des sommes qu'elle a dû exposer du fait de la présente procédure ;

Qu'il y a lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer à ce titre la somme de 3000 € ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de substitution de garantie,

STATUANT À NOUVEAU sur ce point,

AUTORISE la substitution des mesures de saisies conservatoires par l'inscription d'un nantissement judiciaire sur les parts sociales détenues par X… dans la SCI Rostan, et l'inscription d'une hypothèque judiciaire sur le bien immobilier sis 40, rue du Colombier à Tours,

DIT que la mainlevée des saisies conservatoires dont s'agit pourra avoir lieu sur production des justificatifs des formalités de mise en place du nantissement et de l'hypothèque judiciaire par la partie la plus diligente,

CONDAMNE la SAS Negoloc 37 et X… à payer à la SAS Solumat du Pays d'Auray la somme de 3000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.