CA Chambéry, ch. civ. sect. 1, 28 avril 2015, n° 14/00654
CHAMBÉRY
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Défendeur :
Lyonnaise de Banque (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Cuny
Conseillers :
M. Leclercq, Mme Caullireau-Forel
EXPOSE DU LITIGE
Par requête non contradictoire en date du 8 octobre 2013, la société LYONNAISE DE BANQUE a sollicité l'autorisation d'inscrire une hypothèque conservatoire sur les biens et droits immobiliers dont est propriétaire Monsieur Pierre B. dans un immeuble en copropriété situé sur la Commune d'ALBERTVILLE, et ce pour avoir sûreté et garantie d'une créance évaluée par la Banque à la somme totale de 78.041,00 €uros, outre les intérêts ainsi que 1.000 euros de frais soit à parfaire ou à diminuer.
Par ordonnance du 9 octobre 2013 , Monsieur le Président du Tribunal de Commerce de CHAMBERY a autorisé la SA LYONNAISE DE BANQUE à inscrire une hypothèque judiciaire provisoire à l'encontre de Monsieur Pierre B. sur les biens et droits immobiliers lui appartenant situés dans un immeuble en copropriété sis sur la Commune d'ALBERT\/ILLE - 73200, cadastré section AB n° 303 et section AB n° 305, formant les lots de copropriété n° 1, 34 et 69, et ce pour sûreté et garantie d'une créance évaluée provisoirement à la somme de 80.000 euros en principal et accessoires.
L'hypothèque provisoire a été inscrite au Service de la Publicité Foncière le 13 novembre 2013 et publiée le 15 novembre 2013.
L'inscription d'hypothèque provisoire a été dénoncée à Monsieur Pierre B. par acte de la SELARL FlNANCE - AMORAVIETTA, en date du 20 novembre 2013.
Par assignation du 18 novembre 2013, la société LYONNAISE DE BANQUE a fait citer Monsieur Pierre B. à comparaître devant le Tribunal de Commerce de Chambéry aux fins d’entendre :
« Donner acte à la Société LYONNAISE DE BANQUE de ce qu'elle introduit la présente procédure afin d'obtenir la condamnation de Monsieur Pierre B. en sa qualité de caution et donc un titre exécutoire en paiement de la somme totale de 70.041,40 €uros outre intérêts (. . .),
Lui donner acte de ce qu'elle entend solliciter la condamnation de Monsieur Pierre B. en paiement de ces sommes,
Ordonner au visa des dispositions de l'article L 622- 28 du Code de Commerce le sursis à statuer sur les demandes de la Société LYONNAISE DE BANQUE dans l'attente du jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation de la Société V. B.,
Réserver les dépens ''.
Monsieur B. a saisi le Président du Tribunal de Commerce statuant en la forme des référés d'une demande de mainlevée de l'hypothèque ainsi inscrite, et ce conformément aux dispositions des articles L 511-3, L 512-1 et R 512-2 du code des procédures civiles d’exécution, et 496 alinéas 2 du code de procédure civile.
Par ordonnance en la forme des référés du 14 février 2014, le président du tribunal de commerce a :
- constaté qu'il ne lui appartenait pas de trancher la difficulté affectant la régularité de l'assignation au fond délivrée à la requête de la société Lyonnaise de Banque à l'encontre de Monsieur Pierre B.,
- renvoyé Monsieur Pierre B. à mieux se pourvoir,
- laissé les dépens à la charge de Monsieur Pierre B.
Monsieur Pierre B. a relevé appel de cette ordonnance.
L'affaire a été fixée prioritairement par application de l'article 905 du code de procédure civile.
Monsieur Pierre B. fait valoir dans ses conclusions signifiées le 1er octobre 2014 :
- qu'au regard des termes de l'assignation en date du 18 novembre 2013 devant le tribunal de commerce, le tribunal n'a pas été saisi dans le mois de la mesure conservatoire d'une tendant à la condamnation de Monsieur Pierre B. ni en conséquence à l'obtention d'un titre exécutoire,
- que les conclusions déposées par la banque pour réparer cette erreur sont postérieures au délai d'un mois à compter de la mesure conservatoire et n'ont pas été réitérées verbalement devant le tribunal.
Il demande à la cour de :
'Vu l'article 496 du Code de Procédure Civile ;
Vu les articles L 511-3, L 511-4, R 511-7, R 512-1 et R 512-2 du Code des Procédures Civiles d'Exécution ;
REFORMER l'ordonnance entreprise,
CONSTATER que la Société LYONNAISE DE BANQUE n'a pas introduit dans le mois de l'exécution de la mesure une procédure nécessaire à l'obtention d'un titre exécutoire ;
ORDONNER en conséquence la mainlevée de l'hypothèque conservatoire autorisée par ordonnance du 9 octobre 2013 , déposée au Service de la Publicité Foncière le 13 novembre 2013 et publiée le 15 novembre 2013, inscrite sur les biens et droits immobiliers appartenant à Monsieur Pierre B. situés dans un immeuble en copropriété sis sur la Commune d'Albertville - 73200, cadastré section AB n° 303-et section AB n° 305, formant les lots de copropriété n° 1, 34 et 69, et ce pour sûreté et garantie d'une créance évaluée provisoirement à la somme de 80.000 €uros en principal et accessoires ;
CONDAMNER la Société LYONNAISE DE BANQUE à payer à M. Pierre B. la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la Société LYONNAISE DE BANQUE aux frais de mainlevée de ladite hypothèque ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de Me Guillaume P., Avocat au barreau de CHAMBERY, en application de l'article 699 du code de procédure civile.'
Aux termes de ses conclusions signifiées le 4 février 2015, la société Lyonnaise de Banque réplique :
- que le juge saisi est le juge du provisoire,
- que le juge saisi d'une demande de rétractation d'une ordonnance sur requête est investi des pouvoirs du juge qui l'a rendue,
- qu'en l'espèce, ce n'est pas la rétractation de l'ordonnance sur requête qui a été sollicitée mais la mainlevée de l'hypothèque, ce qui relève du pouvoir du juge de l'exécution,
- qu'elle a bien entrepris une démarche en vue d'obtenir un titre exécutoire.
Elle demande à la cour de :
'Vu l’article 496 du Code de procédure civile
Vu la doctrine et la jurisprudence citées
RABATTRE l'ordonnance de clôture prononcée le 2 février 2015
DIRE ET JUGER que le juge saisi d'une demande de rétractation sur le fondement de l'article 496 du Code de procédure civile est le juge du provisoire.
DIRE ET JUGER que le référé rétractation n'a pour objet que de remettre le débat en cause de façon contradictoire devant le juge qui a rendu l'ordonnance
Par conséquent,
CONFIRMER purement et simplement l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal de commerce de CHAMBERY en ce qu'il a renvoyé monsieur B. à mieux se pourvoir concernant sa demande d'examen du contenu de son assignation au fond
DIRE ET JUGER irrecevable la demande de monsieur B. au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile comme nouvelle en cause d'appel
DEBOUTER monsieur B. de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
Subsidiairement,
DIRE ET JUGER que la société LYONNAISE DE BANQUE a introduit dans le délai d'un mois une procédure conforme aux dispositions de l'article R 511-7 du Code des procédures civiles d'exécution
DEBOUTER purement et simplement monsieur B. de sa demande de mainlevée de l'hypothèque conservatoire
Le CONDAMNER à payer à la société LYONNAISE DE BANQUE la somme de 2.500 € pour procédure abusive outre 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le CONDAMNER en tous dépens de première instance et d'appel.'
L'ordonnance de clôture en date du 2 février 2015 a été révoquée par arrêt du 23 février 2015 et l'affaire clôturée à nouveau avant l'ouverture des débats.
SUR CE, LA COUR
Attendu que par acte d'huissier du 20 décembre 2013, Monsieur Pierre B. a fait assigner la société Lyonnaise de Banque devant le président du tribunal de commerce d'Annecy statuant en la forme des référés aux fins ci-après :
'Vu l'article 496 du code de procédure civile,
Vu les articles L 511-3, L 511-4, R 511-7, R 512-1 et R 512-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
CONSTATER que la Société LYONNAISE DE BANQUE n'a pas introduit dans le mois de l'exécution de la mesure une procédure nécessaire à l'obtention d'un titre exécutoire ;
ORDONNER en conséquence la mainlevée de l'hypothèque conservatoire autorisée.......
CONDAMNER la Société LYONNAISE DE BANQUE aux frais de mainlevée de ladite hypothèque ainsi qu'aux entiers dépens' ;
Attendu que l'article 496 du code de procédure civile dispose : 'S'il n'est pas fait droit à la requête, appel peut être interjeté à moins que l'ordonnance n'émane du premier président de la cour d'appel. Le délai d'appel est de quinze jours. L'appel est formé, instruit et jugé comme en matière gracieuse.
S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référé au juge qui a rendu l'ordonnance' ;
que l'article 497 du code de procédure civile poursuit : 'Le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance même si le juge du fond est saisi de l'affaire' ;
Attendu qu'il ressort clairement du dispositif de l'assignation susvisée en date du 20 décembre 2013 qu'elle ne tendait pas à la rétractation de l'ordonnance sur requête en date du 9 octobre 2013 malgré le visa de l'article 496 du code de procédure civile mais à la caducité, par application de l'article L 511-4 du code des procédures civiles d'exécution, de la mesure autorisée au motif que le créancier n'avait pas engagé ou poursuivi une procédure permettant d'obtenir un titre exécutoire dans le délai de un mois ;
Attendu que l'article R 512-2 du code des procédures civiles d'exécution prévoit que 'La demande de mainlevée est portée devant le juge qui a autorisé la mesure. Si celle-ci a été prise sans autorisation préalable du juge, la demande est portée devant le juge de l'exécution du lieu où demeure le débiteur. Toutefois, lorsque la mesure est fondée sur une créance relevant de la compétence d'une juridiction commerciale, la demande de mainlevée peut être portée, avant tout procès, devant le président du tribunal de commerce de ce même lieu.' ;
Attendu en l'espèce que l'ordonnance autorisant l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire a été rendue par le président du tribunal de commerce de Chambéry , et qu'il n'est pas contesté qu'il était compétent pour ce faire, conformément à l'article L 511-2 du code des procédures civiles d'exécution , puisque la créance est de nature commerciale, s'agissant d'un cautionnement d'une dette de la société par son dirigeant ; que Monsieur Pierre B. a valablement fait assigner la société LYONNAISE DE BANQUE devant le président du tribunal de commerce en référé aux fins de mainlevée de la mesure, conformément à l'article R 512-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
Attendu qu'en application de cette disposition, le président du tribunal de commerce statuant en la forme des référés est compétent pour apprécier si les conditions prévues aux articles R 511-1 à R 511-8 du code des procédures civiles d'exécution sont réunies ;
Attendu que Monsieur Pierre B. soutient que la société LYONNAISE DE BANQUE n'a pas engagé dans le mois de la mesure conservatoire une procédure lui permettant d'obtenir un titre exécutoire ;
Attendu à cet égard que l'article R 511-7 du code des procédures civiles d'exécution dispose qu'à peine de caducité, le créancier, dans le mois de mesure, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire ;
Attendu qu'après dépôt du bordereau d'inscription le 13 novembre 2013, et publication de l'inscription le 15 novembre 2013, la société LYONNAISE DE BANQUE a fait assigner Monsieur Pierre B. devant le tribunal de commerce de Chambéry par acte d'huissier en date du 18 novembre 2013 à qui elle a demandé de :
'Donner acte à la SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE de ce qu'elle introduit la présente procédure à l'encontre de Monsieur Pierre B. afin d'obtenir sa condamnation en qualité de caution et donc un titre exécutoire en paiement de la somme de 36.041,40 € au titre de la caution donnée pour le découvert en compte courant et 42.000 € au titre de la caution tous engagements, soit au total 78.041,40 € outre les intérêts légaux à compter de la mise en demeure de payer du 10 mai 2013 jusqu'à complet paiement capitalisés par année entière par application de l'article 1154 du code civil,
Lui donner acte de ce qu'elle entend solliciter la condamnation de Monsieur Pierre B. au paiement de ces sommes
Ordonner au visa des dispositions de l'article L 622- 28 du code de commerce, le sursis à statuer sur les demandes de la SOCIETE LYONNAISE DE BANQUE dans l'attente du jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation de la société V. B.;
Réserver les dépens.' ;
Qu'en effet, la société V. B. dont Monsieur Pierre B. avait cautionné la dette faisait l'objet d'une procédure collective et que l'article L 622- 28 alinéas 2 et 3 du code de commerce dispose : 'Le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques ou co-obligés ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. Le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans.
Les créanciers bénéficiaires de ces garanties peuvent prendre des mesures conservatoires.' ;
Attendu qu'en faisant assigner Monsieur Pierre B. aux fins indiquées dans son acte introductif d'instance, la société LYONNAISE DE BANQUE qui a clairement indiqué qu'elle poursuivait l'obtention d'un titre exécutoire ayant pour objet des condamnations précisément déterminées et chiffrées, a bien introduit une procédure ou accompli les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre au sens de l'article R 511-7 du code des procédures civiles d'exécution ; qu'elle ne pouvait en effet faire davantage en l'état des dispositions de l'article L 622- 28 alinéa 2 du code de commerce ci-dessus rappelées suspendant toute action contre Monsieur Pierre B. jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation judiciaire de la société cautionnée et que juger que sa diligence ne satisferait pas aux exigences de l'article R 511-7 du code des procédures civiles d'exécution reviendrait en réalité à l'empêcher de prendre une mesure conservatoire en violation de l'article L 628 alinéa 3 du code de commerce prévoyant expressément cette possibilité ; qu'il convient en conséquence de débouter Monsieur Pierre B. de sa demande de mainlevée de l'hypothèque ;
Attendu qu'il n'est pas établi que Monsieur Pierre B. a diligenté la présente procédure de mauvaise foi, par intention malicieuse et malveillante, dans des conditions caractérisant un abus ; qu'il n'y a pas lieu à dommages et intérêts pour procédure abusive à l'encontre de celui-ci d'autant que la société LYONNAISE DE BANQUE ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui tenant à la nécessité de se défendre à la présente procédure au titre duquel elle forme une demande en application de l'article 700 du code de procédure civile sur laquelle il sera ci-après statué ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société LYONNAISE DE BANQUE l'intégralité des frais irrépétibles que lui a occasionnés la présente procédure aux fins de mainlevée d'hypothèque ; que Monsieur Pierre B. doit être condamné à lui verser la somme de 1.200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel confondus ; qu'il supportera quant à lui l'intégralité de ses propres frais irrépétibles, comme succombant en son appel et au fond et, outre les dépens de première instance, ceux d'appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme l'ordonnance entreprise sauf en ce qu'elle a laissé les dépens dont frais de greffe à la charge de Monsieur Pierre B.,
Statuant à nouveau,
Dit que la présente action est une action en mainlevée d'hypothèque en application de l'article R 512-2 du code des procédures civiles d'exécution et non une action en rétractation de l'ordonnance d'autorisation d'inscrire une hypothèque en application de l'article 496 du code de procédure civile,
Dit qu'il relève des pouvoirs du président du tribunal de commerce d'Annecy statuant en la forme des référés de connaître de cette action et de statuer sur son bien-fondé,
Dit que la société LYONNAISE DE BANQUE a bien satisfait aux exigences de l'article R 511-7 du code de commerce en faisant assigner Monsieur Pierre B. devant le tribunal de commerce par acte d'huissier du 18 novembre 2013 aux fins indiquées dans cet acte,
Déboute Monsieur Pierre B. de sa demande de mainlevée de l'hypothèque conservatoire autorisée par ordonnance du 9 octobre 2013 , déposée au Service de la Publicité Foncière le 13 novembre 2013 et publiée le 15 novembre 2013, inscrite sur les biens et droits immobiliers appartenant à Monsieur Pierre B. situés dans un immeuble en copropriété sis sur la Commune d'Albertville - 73200, cadastré section AB n° 303-et section AB n° 305, formant les lots de copropriété n° 1, 34 et 69, et ce pour sûreté et garantie d'une créance évaluée provisoirement à la somme de 80.000 €uros en principal et accessoires,
Condamne Monsieur Pierre B. à payer à la société LYONNAISE DE BANQUE la somme de 1.200 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne Monsieur Pierre B. aux dépens d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.