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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 5 décembre 2019, n° 18/04530

GRENOBLE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Axyo (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Gonzalez

Conseillers :

Mme Blanchard, M. Bruno

T. com. Vienne, du 13 sept. 2018

13 septembre 2018

Faits et procédure :

La société AXYO exerçant une activité de fourniture de véhicules de chantier a livré deux concasseurs à la société LCF. Elle a émis deux factures':

- une facture concernant un concasseur de type GCV 100, facture n°AX04006/m du 27 avril 2012 pour un montant de 257.140 € TTC, dont le solde restant à payer est de 50.000 € ;

- une facture concernant un concasseur modèle GCV 80, facture n°AX04005/M du 30 janvier 2014 pour un montant de 156.000 €, restant à payer en totalité.

Faute de règlement du solde de ces factures, la société AXYO a saisi le tribunal de commerce de VIENNE et par jugement du 15 octobre 2015, le tribunal a condamné la société LCF au paiement des sommes suivantes, avec exécution provisoire :

- 50.000 € en principal, outre les intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2014 ;

- 156.000 € en principal, outre les intérêts au taux légal à compter du 19 octobre 2013 ;

- 30.900 € au titre de la clause pénale ;

- 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La société LCF a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Vienne le 6 décembre 2016, puis en liquidation judiciaire le 24 janvier 2017. Par arrêt du 19 juillet 2018, la cour d'appel de Grenoble a fixé les créances de la société AXYO à la procédure collective de la SAS LCF conformément au jugement intervenu au fond, à l'exception de la clause pénale, ramenée à 100 €.

Le 9 janvier 2017, la société AXYO a assigné Lucien et Cédric C. devant le tribunal de commerce de Vienne, en raison de leur qualité d'associés de la société LCF, afin de les voir condamnés solidairement à lui payer 241.341,61 € avec intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2015, outre 10.000 € à titre de dommages et intérêts, et 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, avec exécution provisoire.

Par jugement contradictoire du 13 septembre 2018, le tribunal de commerce a débouté la société AXYO de l'intégralité de ses demandes, et l'a condamnée aux dépens, après avoir notamment constaté que si le capital de la société LCF est constitué d'apports en nature pour 500.000 €, la preuve de leur surévaluation n'est pas rapportée.

La société AXYO a interjeté appel de ce jugement le 2 novembre 2018.

Selon ses conclusions remises au greffe le 31 janvier 2019, signifiées par exploits des 8 et 12 février 2019 aux consorts C., la société AXYO sollicite, au visa des articles 2285 du Code Civil et L 223-9 du Code de commerce':

- l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions';

- la condamnation solidaire de Lucien C. et de Cédric C. à lui payer la somme en principale de 241.341,61 € outre les intérêts au taux légal depuis le 11 décembre 2015 ;

- leur condamnation solidaire à lui payer 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et mise en œuvre d'une fraude à son droit de créancier ;

- leur condamnation solidaire à lui payer 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les dépens de première instance et d'appel conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

L'appelante soutient':

- que selon l'article 2285 du Code civil, le capital social est le gage général des créanciers contrairement à ce qu'a considéré le tribunal de commerce, et que dès la constitution de la société LCF, les biens figurant à l'actif n'ont jamais eu la valeur du capital déclaré, en raison d'apports en nature constitués par un fichier clients et deux accords de distribution';

- que dans le cas où il s'agit d'une société dans laquelle la responsabilité des associés est limitée, il est possible de rechercher leur responsabilité personnelle dans l'hypothèse où un apport en nature est surévalué, en raison de l'apparence de solvabilité ainsi donnée à la société, ce qui est le cas en l'espèce, puisque le commissaire aux apports a, dans son rapport déposé au greffe du tribunal de commerce le 8 mars 2012, conclu qu'il n'était pas en mesure de retenir que la valeur de l' apport estimé à 500.000 € n'était pas surévaluée, et que l'actif net était au moins égal à ce montant';

- qu'aucun fichier clients n'a jamais été produit, ni en annexe au rapport du commissaire, ni par les intimés en cours de procédure, d'autant qu'il ne s'est agi que d'un document prévisionnel concernant le futur chiffre d'affaires, ainsi que relevé par le commissaire aux apports, précisant que l'évaluation proposée était fondée exclusivement sur des prévisions d'exploitation qu'il n'était pas en mesure d'apprécier en raison de l'incertitude liée à la réalisation des objectifs annoncés';

- qu'en première instance, les intimés ont reconnu avoir vendu les concasseurs en mai et septembre 2012, sans cependant rien régler, alors que ce n'est que postérieurement au jugement statuant à l'encontre de la société LCF qu'elle a découvert les difficultés concernant la valeur réelle du capital social';

- que par application de l'article L 223-9 du Code de commerce, lorsqu'il n'y a pas eu de commissaire aux apports ou lorsque la valeur retenue est différente de celle proposée par le commissaire aux apports, les associés sont solidairement responsables pendant cinq ans, à l'égard des tiers, de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la constitution de la société.

Les intimés n'ont pas constitué avocat devant la cour.

La clôture de cette procédure a été prononcée par ordonnance du président de la chambre du 20 juin 2019 et cette procédure a été renvoyée pour être plaidée à l'audience tenue le 24 octobre 2019. A l'issue, le présent arrêt a été prononcé conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.

Motifs :

La société LCF étant une société par actions simplifiées, l'article L 227-1 avant dernier alinéa du Code de commerce dispose que lorsqu'il n'y a pas eu de commissaire aux apports ou lorsque la valeur retenue est différente de celle proposée par le commissaire aux apports, les associés sont solidairement responsables pendant cinq ans, à l'égard des tiers, de la valeur attribuée aux apports en nature lors de la constitution de la société.

En l'espèce, l'objet de la société LCF est l'achat et la revente de tous engins ou matériels de BTP et carrières, la location de tels engins, les prestations de service et de réparation.

Il résulte du rapport du commissaire aux apports du 3 janvier 2012 que le contrat d' apport présenté par les consorts C. a prévu l' apport d'un ficher de clients. Il a relevé que Lucien C. a ainsi, tout en conservant la propriété de deux accords de distribution conclu avec les sociétés AXYO et EDS, proposé de mettre à disposition de la société LCF ces accords, et d'apporter un fichier estimé à 2.000 clients potentiels, constitué avec son fils Cédric, qui a procédé à la même évaluation.

Ce fichier clients a été évalué par les deux associés à 500.000 €, constituant le capital social. Le commissaire aux apports a relevé que la démarche retenue pour l'évaluation de ce fichier repose sur des prévisions d'exploitation basées sur des hypothèses de chiffres d'affaires HT sur trois ans, de l'ordre de 1.160 K€ la première année, de 1.800 K€ la seconde année et de 2.130 K€ la troisième année. Un seul bon de commande a été présenté au commissaire, outre un état des devis établis en octobre et novembre 2011.

Le commissaire aux apports a indiqué que l'évaluation proposée étant fondée exclusivement sur des prévisions d'exploitation, il n'est pas en mesure d'apprécier si les hypothèses de chiffres d'affaires et de marges présentées par les associés constituent une base acceptable pour l'évaluation proposée, en raison de l'incertitude liée à la réalisation des objectifs annoncés.

Il en a déduit ne pas être en mesure « de conclure que la valeur de l'apport s'élevant à 500.000 € n'est pas surévaluée et, en conséquence, que l'actif net apporté est au moins égal au montant du capital de la société bénéficiaire de l'apport ».

La cour relève que le commissaire aux apports n'a proposé aucune évaluation du fichier clients. En évaluant leur apport en nature à 500.000 €, les associés n'ont pas ainsi retenu une valeur différente de celle proposée par le commissaire aux apports, et les conditions prévues à l'avant dernier alinéa de l'article L 227-1 du Code de commerce concernant la responsabilité des associés ne sont pas réunies.

Par ces motifs, substitués à ceux des premiers juges, la cour confirmera la décision déférée en toutes ses dispositions. L'appelante sera déboutée de sa demande en paiement complémentaire fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel. Elle sera condamné aux dépens par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu l'article L227-1 du Code de commerce';

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions';

Déboute la société AXYO de sa demande complémentaire fondée sur l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel';

Condamne la société AXYO aux dépens.