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Décisions

Cass. 3e civ., 24 juin 2021, n° 18-19.771

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Chauvin

Rapporteur :

Mme Farrenq-Nési

Avocat général :

M. Maunand

Avocats :

SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Lyon, du 15 mai 2018

15 mai 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 15 mai 2018), M. [M] a fait édifier une maison sur deux parcelles de terrain acquises par donation de ses grands-parents et donation-partage de sa mère.

2. Le bien, hypothéqué en garantie du remboursement d'un prêt, a fait l'objet d'une procédure de saisie immobilière, prévoyant sa vente forcée sur mise à prix de 320 000 euros.

3. Sur autorisation du juge de l'exécution, le bien a été vendu le 19 juillet 2011 à la société Mipa 2 pour le prix de 380 000 euros, le contrat prévoyant, à titre de condition résolutoire, le paiement, par M. [M], d'un prix de rachat de 493 696 euros avant l'expiration d'un délai de deux ans, prorogé jusqu'au 17 juillet 2014, ainsi que d'une indemnité mensuelle de différé de jouissance du bien durant cette même période.

4. M. et Mme [M], défaillants dans le paiement de l'indemnité de jouissance, ont assigné la société Mipa 2 en annulation de la vente comme constituant un pacte commissoire prohibé, tandis que la société Mipa 2 les a assignés en expulsion.

Examen des moyens Sur le second moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société Mipa 2 fait grief à l'arrêt de prononcer la nullité de l'acte de vente du 19 juillet 2011, alors :

« 1°/ que la vileté du prix de vente, qui fonde la requalification de la vente avec faculté de rachat en pacte commissoire prohibé, doit s'apprécier en tenant compte des services rendus par l'acheteur, aucune disposition n'interdisant les parties à une telle vente de prévoir un prix de reprise majoré ; que pour retenir que la vente du 19 juillet 2011 constituait un pacte commissoire prohibé, la cour d'appel a estimé qu'elle avait pour objet d'éluder les dispositions relatives à l'usure compte tenu de la différence existant entre le prix de vente et le prix de rachat, majorée par le versement
d'une indemnité de jouissance dont le montant annuel correspondait à 9 % du prix d'achat ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la majoration du prix de rachat ne correspondait pas à la rémunération du service rendu par l'acheteur, incluant le remboursement des frais exposés dans le cadre du montage de l'opération, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, en sa rédaction applicable antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles 1673 et 2459 du même code ;

2°/ que la requalification d'une vente avec faculté de rachat en pacte commissoire prohibé ne peut se déduire de la seule concomitance entre un acte de vente et un acte de prêt ; que pour retenir que la vente du 19 juillet 2011 constituait un pacte commissoire prohibé, la cour d'appel a estimé, par motifs adoptés des premiers juges, qu'il résultait de la commune intention des parties que la vente était destinée à procurer au vendeur les fonds nécessaires à l'arrêt de la procédure de saisie immobilière dont il faisait l'objet, et que l'opération ne constituait donc qu'une forme de rachat de crédit garantie par un transfert de propriété de l'immeuble, s'analysant en un pacte commissoire prohibé ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, en sa rédaction applicable antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les articles 1673 et 2459 du même code ;

3°/ que l'exécution volontaire d'un acte nul vaut confirmation, lorsque le titulaire du droit de critique a eu connaissance de la cause de nullité ; que le vice affectant une vente à réméré, tenant à sa requalification en pacte commissoire prohibé par suite de la vileté du prix de vente, est connu du vendeur dès lors que l'acte critiqué mentionne expressément la véritable valeur du bien ; que pour écarter toute confirmation de la vente à réméré conclue le 19 juillet 2011, la cour d'appel a relevé que le simple fait que l'acte litigieux mentionne une valeur du bien vendu à 820 000 euros et 828 000 euros ne saurait établir la connaissance par le vendeur de la nullité affectant l'acte ; qu'en statuant ainsi, sans tirer les conséquences légales de ses constatations, d'où il résulte que le vendeur avait connaissance du décalage entre le prix de vente et la valeur réelle du bien vendu, la cour d'appel a violé l'article 1338 du code civil, en sa rédaction applicable à la cause antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

7. La cour d'appel a énoncé à bon droit que la vente à réméré peut constituer un pacte commissoire prohibé lorsque, portant sur la résidence principale du vendeur, elle dissimule une opération de crédit et a pour objet d'éluder les dispositions protectrices des emprunteurs relatives au taux d'usure.

8. Ayant retenu, sans se fonder sur l'existence de la procédure de saisie immobilière dont M. et Mme [M] faisaient l'objet, que l'existence d'un prêt à caractère usuraire résultait de la différence entre le prix de vente et le prix de rachat rapportée à la durée de la convention et de la majoration de la rémunération de l'acquéreur par le versement d'indemnités de jouissance dont le montant annuel correspondait à près de 9 % du prix d'achat, la cour d'appel en a exactement déduit, sans être tenue de répondre à de simples allégations non assorties d'une offre de preuve sur des frais exposés par la société Mipa 2, que la vente du 17 mai 2011 constituait un pacte commissoire déguisé.

9. La nullité de la vente résultant ainsi, non pas de la vileté du prix, mais de sa nature de pacte commissoire illicite, la cour d'appel, qui a souverainement retenu que la simple valeur du bien mentionnée dans l'acte ne pouvait établir la connaissance, par les vendeurs, de la nullité affectant la vente, en a exactement déduit que les conditions fixées pour la confirmation d'un acte nul n'étaient pas remplies.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.