CA Pau, 2e ch. sect. 1, 15 décembre 2020, n° 19/01792
PAU
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Pyre Nees Gascogne (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Salmeron
Conseillers :
M. Darracq, M. Magnon
FAITS-PROCEDURE-PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES
Par ordonnance du 03 mars 2014 le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Tarbes a autorisé la société caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne (ci-après la banque) a pratiqué une saisie conservatoire sur les biens meubles de M. Jacques T. pour sûreté et conservation d'une créance provisoirement évaluée à 1.684.900,92 euros en vertu de deux actes de prêt du 29 octobre 2008.
Par procès-verbal du 14 mars 2014, l'huissier instrumentaire a procédé à la saisie conservatoire de tableaux et meubles au domicile du M. T..
Suivant exploit du 14 mars 2014, la banque a fait assigner M. T. par devant le tribunal de grande instance de Tarbes en paiement des prêts du 29 octobre 2008, outre le solde débiteur d'un compte courant.
Par jugement du 11 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Tarbes a condamné M. T. à payer à la banque :
- la somme de 1.684.900,92 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 9,75 % l'an à compter du 03 février 2014, et ce avec anatocisme en application de l'article 1154 du code civil
- la somme de 27.862,89 euros au titre du remboursement du solde débiteur du compte courant, outre les intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 2014, et ce avec anatocisme
- une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Le jugement a été signifié le 23 janvier 2018.
L'appel tardif de M. T., formé le 23 mars 2018, a été déclaré irrecevable par ordonnance du conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Pau en date du 07 novembre 2018.
Le 01 août 2018, la banque a fait signifier au débiteur un procès-verbal de conversion de la saisie conservatoire en saisie-vente avec commandement de payer la somme de « 8.322.765,54 euros », en vertu du jugement du tribunal de grande instance de Tarbes.
Le 01 octobre 2018, la banque a fait signifier un nouveau procès-verbal de conversion, venant en régularisation du précédent comportant une erreur matérielle dans son décompte, pour avoir paiement de la somme de « 2.592.707,50 euros ».
Suivant exploit du 30 août 2018, M. T. a fait assigner la banque par devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Tarbes en nullité du « commandement de payer ».
Par jugement du 13 mai 2019, le juge de l'exécution a :
- déclaré irrecevable M. T. en sa demande tendant à voir constater l'intervention d'une compensation
- débouter M. T. du surplus de ses demandes
- dit que l'acte de conversion en saisie-vente avec commandement de payer signifier le 01 août 2018 à M. T. en exécution du jugement rendu le 11 janvier 2018 par le tribunal de grande instance de Tarbes est valide à concurrence du décompte des sommes figurant à l'acte de conversion avec commandement de payer venant en régularisation signifié à M. T. le 01 octobre 2018
- condamné M. T. aux dépens et au paiement d'une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration faite au greffe de la cour le 24 mai 2019, M. T. a relevé appel de ce jugement.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 10 mars 2020.
Vu les dernières conclusions notifiées le 18 juillet 2019 par M. T. qui a demandé à la cour, au visa de l'article R. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution, de :
- infirmer le jugement entrepris
- prononcer la nullité du commandement portant conversion en saisie-vente délivré le 01 août 2018
- ordonner à la banque, au visa des articles 1289 et suivants anciens du code civil, de produire un décompte à jour comprenant les imputations suivantes, sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard commençant à courir huit jours après la signification du « jugement » (sic) à intervenir, soit :
- le 18 décembre 2012, la somme de 373.888,89 euros sur le principal du prêt de 1.200.000 euros
- le 18 décembre 2012, la somme de 246.545,08 euros sur le principal du prêt de 800.000 euros
- en juillet 2013, la somme de 350.000 euros sur le principal des deux prêts
Vu les dernières conclusions notifiées le 07 août 2019 par la caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne qui a demandé à la cour, au visa de l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de condamner M. T. au paiement d'une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS
M. T. reprend devant la cour ses deux moyens de contestation de l'acte de conversion de la saisie conservatoire en saisie-vente signifié le 01 août 2018, sans apporter de critiques sérieuses à l'encontre du jugement déféré qui, par des motifs pertinents, a rejeté ses demandes.
En effet, s'agissant d'abord du moyen tiré de la nullité de l'acte de conversion du 01 août 2018 affecté d'une erreur de décompte, au visa de l'article R. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution, ce moyen manque en droit alors que ce texte est applicable à la saisie-vente et non à la saisie conservatoire convertie en saisie-vente qui est régie par les articles L. 522-1 et R. 522-1 et suivants du même code.
En outre, si l'article R. 522-7 du code des procédures civiles d'exécution prescrit également à peine de nullité que l'acte de conversion contient un décompte des sommes à payer, le premier juge a exactement retenu que l'erreur affectant le décompte de la créance constitue un vice de forme qui entraîne la nullité de l'acte à charge pour celui qui l'invoque de rapporter la preuve d'un grief, en application de l'article 114 du code de procédure civile, et alors, au surplus, que l'erreur avait été régularisée dans l'acte de conversion rectificatif du 01 octobre 2014 qui n'avait fait l'objet d'aucune contestation.
M. T., sans critiquer même les motifs du premier juge, n'a invoqué, ni a fortiori caractérisé, un quelconque grief au soutien de son moyen qu'il s'est borné à reprendre en appel.
Le moyen a donc été rejeté, à bon droit, par le premier juge.
S'agissant ensuite du moyen tiré d'une exception de « compensation » au visa des articles 1289 et suivants anciens du code civil, M. T. reproche à la banque de ne pas avoir imputé dans le décompte de créance les paiements qu'elle a encaissés en 2012 et 2013 au titre des deux prêts, pour un montant, selon l'appelant, supérieur aux sommes exigibles à ces dates.
Mais, d'une part, force est de constater que M. T. ne se prévaut pas d'une extinction de sa dette par voie de compensation entre des créances réciproques mais par voie de paiements libératoires, le moyen s'analysant ici en une exception de comptes. D'autre part, en application de l'article 1351 ancien, devenu 1355 du code civil, et de l'article 480 du code de procédure civile, cette exception se heurte à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du tribunal de grande instance de Tarbes du 11 janvier 2018 servant de fondement aux poursuites quand bien même elle n'aurait pas été soulevée devant le tribunal.
En effet, le principe de concentration des moyens découlant de ces textes imposait à M. T. de soumettre dès l'instance au fond l'ensemble de ses moyens de défense de nature à justifier un rejet, total ou partiel, des prétentions de la banque.
A ce titre, le moyen tiré du défaut ou d'une mauvaise imputation des paiements faits en 2012 et 2013 en remboursement des deux prêts du 29 octobre 2008, de nature à écarter, en tout ou partie, la demande de la banque fondée sur lesdits prêts, devait donc être soumis au tribunal saisi du litige.
Et, son appel ayant été déclaré irrecevable, le jugement est revêtu de l'autorité de la chose jugée quant au principe et au montant de la créance de la banque à son égard.
Il s'ensuit que le premier juge a, à bon droit, déclaré M. T. irrecevable de ce chef de contestation.
Le jugement sera entièrement confirmé, y compris sur les dépens et les frais irrépétibles et M. T. condamné aux dépens d'appel et au paiement d'une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRMES-en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
y ajoutant,
CONDAMNE M. T. aux dépens d'appel,
CONDAMNE M. T. à payer à la caisse régionale de crédit agricole mutuel Pyrénées Gascogne une indemnité de 2.500 euros sur le fondement euros l'article 700 du code de procédure civile,
AUTORISE la SCP F. C., avocat, à procéder au recouvrement direct des dépens d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.