Cass. soc., 1 avril 1993, n° 91-11.649
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 18 décembre 1990) d'avoir décidé que la présomption de l'article L. 762-1 du Code du travail n'était pas contraire aux dispositions du traité de Rome et au principe de la libre circulation des travailleurs, alors que, selon le moyen, d'une part, la cour d'appel ne pouvait affirmer l'inapplicabilité de la règlementation européenne aux régimes complémentaires de retraite sans s'expliquer sur l'interprétation donnée par la Commission, dans une lettre du 17 décembre 1987, invoquée par la CAPRICAS, et sur la délibération 28A de la commission paritaire de l'ARRCO qui prévoit une exonération des cotisations pour les salariés détachés en France et dispensés d'affiliation à un régime de base français, en vertu du règlement 1408-71 ; qu'ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs au regard de l'effet du règlement 1408-71, relatif au régime de base, sur la règlementation nationale concernant le régime obligatoire de retraite complémentaire, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; et alors que, d'autre part, la circonstance que le règlement communautaire 1408-71, fondé sur le principe de l'unicité de la législation applicable aux travailleurs circulant à l'intérieur de la Communauté, ne concerne que les régimes de sécurité sociale et non les régimes complémentaires de retraite, ne fait pas obstacle à la prééminence du droit communautaire sur la législation nationale ; qu'exiger une double affiliation des travailleurs migrants à un régime de retraite complémentaire dans l'Etat membre où ils ont leur résidence et dans l'Etat membre où ils exercent une activité occasionnelle est contraire aux dispositions des articles 48 et 59 du traité de Rome et constitue une entrave à la libre circulation des travailleurs ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles 48 et 59 du traité de Rome ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel, qui a motivé sa décision, a exactement énoncé que les régimes complémentaires de retraite n'entraient pas dans le champ d'application du règlement n° 1408-71 de la Communauté économique européenne ;
Attendu, d'autre part, que pour qu'un organisateur de spectacles en France ne soit pas redevable de cotisations au régime de retraite complémentaire au titre des artistes qu'il emploie, ressortissants d'autres Etats membres de la Communauté, c'est à la condition qu'il soit établi que les intéressés sont affiliés et cotisent, en raison de leur activité artistique, au régime obligatoire d'assurance vieillesse d'un autre Etat membre de la Communauté ; qu'il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt ni des productions, que l'association organisatrice de spectacles ait soutenu devant les juges du fond que chacun des artistes concernés remplissait cette condition ;
D'où il suit que le moyen, qui n'est pas fondé dans sa première branche, est inopérant pour le surplus ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré applicable la présomption de l'article L. 762-1 du Code du travail à des contrats conclus entre une association et des ensembles orchestraux étrangers et d'avoir condamné l'association festival Pablo X... à payer à la CAPRICAS les cotisations concernant les artistes de ces formations pour les années 1982 à 1984 et une provision à valoir sur le montant des cotisations à calculer sur les sommes payées aux artistes étrangers pour les années 1985 à 1988, alors que, selon le moyen, d'une part, la présomption de contrat de travail doit être écartée lorsque l'organisateur de spectacles contracte avec une formation juridiquement constituée, composée notamment d'artistes étrangers, qui assure elle-même la protection sociale des musiciens salariés qui la composent ; que tel est le cas de l'association Pablo X... qui n'a aucun lien de subordination avec les membres de la formation constituée ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 762-1 du code du travail ; et alors que, d'autre part, l'affiliation à un régime complémentaire de retraite d'artistes étrangers, exerçant leur activité dans plusieurs pays, est liée à l'existence d'une relation de travail avec le débiteur des cotisations ; que la relation de travail est, dans cette hypothèse, régie par le droit du lieu où se trouve l'établissement de rattachement de l'artiste concerné ; qu'en ne recherchant pas le droit régissant la relation de travail et l'identification de l'employeur débiteur des cotisations pour un artiste étranger appartenant à un orchestre étranger et effectuant en France des prestations ponctuelles, la cour d'appel a violé l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que le fait que le contrat passé par l'organisateur de spectacles avec un ensemble artistique soit commun aux artistes composant cet ensemble et, contrairement aux prescriptions de la loi, ne porte pas mention du nom de chacun d'eux, n'est pas de nature à exclure l'application de la présomption légale de contrat de travail entre l'organisateur de spectacles et les artistes qui y participent ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que c'était au cours de spectacles musicaux organisés en France par l'association Pablo X... que s'étaient produits les artistes étrangers pour lesquels avaient été réclamées les cotisations litigieuses, les juges du fond ont, à bon droit, fait application à l'association, quelle que soit la nationalité de son cocontractant pour réaliser les spectacles ou celle des artistes appelés à y participer, de la présomption instituée par l'article L. 762-1 du Code du travail ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.