Cass. 1re civ., 29 mai 2013, n° 12-16.583
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que reprochant à l'Institut national de l'audiovisuel (INA) d'avoir commercialisé, sous la forme d'un vidéogramme, l'enregistrement de l'interprétation de l'oeuvre de Molière intitulée « Le Bourgeois gentilhomme » diffusée par l'ORTF en 1968, sans l'autorisation des trente-et-un artistes-interprètes de la partie musicale de ce programme, la Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse (Spedidam) a sollicité, sur le fondement de l'article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle, réparation tant du préjudice personnel de chacun des artistes-interprètes que du préjudice collectif de la profession ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la Spedidam fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable à agir pour la défense des intérêts des trois artistes-interprètes qui ne sont ni ses adhérents ni ses mandants, alors, selon le moyen :
1°/ que pour dénier à la Spedidam le droit d'agir en justice pour la défense des intérêts d'artistes-interprètes qui n'étaient pas ses membres, la cour d'appel a retenu « que les statuts de la Spedidaménoncent à l'article 3 précité, que cette société civile de gestion collective n'a été constituée qu'entre les membres fondateurs et tous les artistes-interprètes qui seront admis à y adhérer » ; que l'article 3 des statuts de la Spedidam ne contenant pas une telle affirmation, la cour d'appel a dénaturé les statuts de la Spedidam, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
2°/ que pour dénier à la Spedidam le droit d'agir en justice pour la défense des intérêts d'artistes-interprètes qui n'étaient pas ses membres, la cour d'appel a retenu « que les statuts de la Spedidam... à l'article 3 précité, ... précisent qu'elle a pour objet la défense des intérêts matériels et moraux de ses membres ou de leurs ayants droits » ; qu'en statuant ainsi, alors que l'article 3 des statuts de la Spedidam prévoyait que la société avait pour objet notamment « la défense des intérêts matériels et moraux des ayants droits », la cour d'appel a dénaturé les statuts de la Spedidam, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
3°/ qu'aux termes de l'article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle, « les sociétés de perception et de répartition des droits d'auteur et des droits des artistes-interprètes ont qualité pour ester en justice pour la défense des droits dont elles ont statutairement la charge » ; que le législateur a ainsi accordé aux sociétés de gestion collective des droits des artistes-interprètes la faculté de déterminer, dans leurs statuts, l'étendue de leur droit d'action en justice ; que les statuts de la Spedidam précisent, en leur article 3, que « la société a pour objet l'exercice et l'administration dans tous pays, de tous les droits reconnus aux artistes-interprètes par le code de la propriété intellectuelle et par toute disposition nationale, communautaire ou internationale » et qu'« à cette fin, la société a qualité pour ester en justice tant dans l'intérêt individuel des artistes-interprètes que dans l'intérêt collectif de la profession pour faire respecter les droits reconnus aux artistes-interprètes par le code de la propriété intellectuelle ainsi que par toute disposition nationale, communautaire ou internationale » ; que ces dispositions ne font aucune distinction entre ceux qui ont adhéré à la Spedidam ou lui ont donné mandat de défendre leurs droits et les autres artistes-interprètes ; qu'en procédant cependant à une telle distinction, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Mais attendu qu'il résulte de l'article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle que, quels que soient ses statuts, une société de perception et de répartition des droits d'auteur, des droits des artistes-interprètes et des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes ne peut être admise à ester en justice pour défendre les droits individuels d'un artiste-interprète qu'à la condition qu'elle ait reçu de celui-ci pouvoir d'exercer une telle action ;
Que c'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel a retenu que la Spedidam était irrecevable à agir dans l'intérêt individuel de trois artistes-interprètes qui n'étaient ni ses adhérents ni ses mandants ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en ses deux premières branches qui critiquent des motifs surabondants, est mal fondé en son dernier grief ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu les articles L. 212-3 et L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que la signature d'un contrat entre un artiste-interprète et un producteur ne vaut autorisation de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l'artiste-interprète que s'il a été conclu pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle ;
Attendu que pour débouter la Spedidam de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt retient que l'accompagnement musical n'est aucunement séparable de l'oeuvre audiovisuelle mais en est partie prenante, dès lors que son enregistrement est effectué pour sonoriser les séquences animées d'images et constituer ainsi la bande son de l'oeuvre audiovisuelle ; qu'il en déduit que la feuille de présence signée, lors de l'enregistrement, par chacun des musiciens constitue un contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle emportant l'autorisation, au bénéfice de ce dernier, de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l'artiste-interprète ;
Qu'en statuant ainsi, alors que ne constitue pas un contrat conclu pour la réalisation d'une oeuvreaudiovisuelle le contrat souscrit par chacun des interprètes d'une composition musicale destinée à figurer dans la bande sonore de l'oeuvre audiovisuelle, la cour d'appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d'application et le second par fausse application ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare la Spedidam irrecevable à agir pour la défense des intérêts de trois artistes-interprètes, l'arrêt rendu le 18 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne l'Institut national de l'audiovisuel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Institut national de l'audiovisuel à payer à la Spedidam la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt.
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la Société de perception et de distribution des droits des artistes.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la Spedidam irrecevable à agir pour la défense des intérêts des trois artistes-interprètes qui ne sont ni ses adhérents ni ses mandants ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la recevabilité à agir de la Spedidam au titre des droits individuels des non adhérents, ... que l'INA ne conteste pas que les 31 artistes-interprètes cités dans les écritures de la Spedidam ont participé à l'accompagnement musical du programme « Le bourgeois gentilhomme », enregistré et télédiffusée par l'ORTF ; qu'il relève toutefois que 3 de ces participants, à savoir Martine X..., Pierre Y... et Pierre Z... ne sont pas membres de la Spedidam et refuse à celle-ci le droit d'agir dans l'intérêt individuel des artistes-interprètes qui ne sont pas ses adhérents ni ses mandants ; ... que la Spedidam soutient, à l'inverse, qu'elle est recevable à agir non seulement pour la défense de l'intérêt collectif de la profession à raison de l'atteinte à l'intérêt général des titulaires de droits, mais aussi à raison du préjudice personnel tant des 28 artistes-interprètes qui ont adhéré à ses statuts que des 3 artistes-interprètes qui ne sont ni ses adhérents ni ses mandants ; qu'elle fait valoir à l'appui de cette prétention que l'article 3 de ses statuts, auquel renvoie l'article L. 321-1 du Code de la propriété intellectuelle, n'opère aucune distinction selon que les artistes-interprètes pour lesquels elle agit sont ou non ses adhérents, et partant, ne limitent pas sa qualité à agir à ses seuls membres, et qu'aucune disposition légale ne subordonne son droit d'agir à la production d'un mandat spécial ; mais ... que les statuts de la Spedidam énoncent à l'article 3 précité, que cette société civile de gestion collective n'a été constituée qu'entre les membres fondateurs et tous les artistes-interprètes qui seront admis à y adhérer et s'ils indiquent qu'elle a qualité pour ester en justice tant dans l'intérêt individuel des artistes-interprètes que dans l'intérêt collectif de la profession pour faire respecter les droits reconnus aux artistes-interprètes par le Code de la propriété intellectuelle (...), ils précisent qu'elle a pour objet la défense des intérêts matériels et moraux de ses membres ou de leurs ayants droits, lesquels membres, selon l'article 2 des statuts, lui font apport, du fait même de (I')adhésion (...) du droit d'autoriser ou d'interdire la reproduction, la communication au public de sa prestation (...) ; ... par ailleurs que si les dispositions de l'article L. 321-1 du Code de la propriété intellectuelle, reconnaissent aux sociétés de gestion collective régulièrement constituées, telle la Spedidam, la qualité pour ester en justice pour la défense des droits dont elles ont statutairement la charge, elles se gardent d'instituer au bénéfice de ces sociétés une adhésion obligatoire et ne sauraient en conséquence leur conférer un droit d'agir pour défendre les intérêts d'artistes-interprètes qui n'auraient pas adhéré à leurs statuts ou qui ne leur auraient pas confié le mandat exprès de les représenter en justice, ce qui reviendrait à accepter que ces sociétés puissent gérer les droits d'un artiste-interprète contre sa volonté et au mépris de la libre disposition de ses prérogatives ; qu'il s'ensuit que la Spedidam n'est pas fondée à s'emparer de sa qualité de société de gestion collective pour revendiquer des droits dont elle n'est pas titulaire et s'arroger de manière universelle le droit de poursuivre, à la place de tout artiste-interprète victime supposée d'une atteinte à ses droits, l'indemnisation du préjudice subi par l'artiste-interprète concerné du fait de cette atteinte ; et que, si la Spedidam peut se prévaloir, s'agissant de la défense d'intérêts dont elle a statutairement la charge, d'une atteinte à ses intérêts propres ou d'une atteinte à l'intérêt collectif de la profession, elle ne peut agir, en ce qui concerne le préjudice souffert personnellement par l'artiste-interprète, qu'au nom de ceux qui ayant adhéré à ses statuts, lui ont fait apport de leurs droits, ou encore de ceux qui, s'ils ne sont pas ses membres, lui ont donné le mandat exprès de défendre leurs droits ; ... que la Spedidam n'est pas recevable, en définitive, à agir dans l'intérêt individuel des trois artistes-interprètes précédemment nommés qui ne sont ni ses adhérents ni ses mandants ; que le jugement déféré sera réformé sur ce point » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE pour dénier à la Spedidam le droit d'agir en justice pour la défense des intérêts d'artistes-interprètes qui n'étaient pas ses membres, la cour d'appel a retenu « que les statuts de la Spedidam énoncent à l'article 3 précité, que cette société civile de gestion collective n'a été constituée qu'entre les membres fondateurs et tous les artistes-interprètes qui seront admis à y adhérer » ; que l'article 3 des statuts de la Spedidam ne contenant pas une telle affirmation, la cour a dénaturé les statuts de la Spedidam, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE pour dénier à la Spedidam le droit d'agir en justice pour la défense des intérêts d'artistes-interprètes qui n'étaient pas ses membres, la cour d'appel a retenu « que les statuts de la Spedidam ...
à l'article 3 précité, ... précisent qu'elle a pour objet la défense des intérêts matériels et moraux de ses membres ou de leurs ayants droits » ; qu'en statuant ainsi, alors que l'article 3 des statuts de la Spedidam prévoyait que la société avait pour objet notamment « la défense des intérêts matériels et moraux des ayants droits », la cour a dénaturé les statuts de la Spedidam, violant ainsi l'article 1134 du code civil ;
ALORS, ENFIN, QU'aux termes de l'article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle, « les sociétés de perception et de répartition des droits d'auteur et des droits des artistes-interprètes ontqualité pour ester en justice pour la défense des droits dont elles ont statutairement la charge » ;
que le législateur a ainsi accordé aux sociétés de gestion collective des droits des artistes-interprètes la faculté de déterminer, dans leurs statuts, l'étendue de leur droit d'action en justice ; que les statuts de la Spedidam précisent, en leur article 3, que « la société a pour objet l'exercice et l'administration dans tous pays, de tous les droits reconnus aux artistes-interprètes par le code de la propriété intellectuelle et par toute disposition nationale, communautaire ou internationale » et qu'« à cette fin, la société a qualité pour ester en justice tant dans l'intérêt individuel des artistes-interprètes que dans l'intérêt collectif de la profession pour faire respecter les droits reconnus aux artistes-interprètes par le code de la propriété intellectuelle ainsi que par toute disposition nationale, communautaire ou internationale » ; que ces dispositions ne font aucune distinction entre ceux qui ont adhéré à la Spedidam ou lui ont donné mandat de défendre leurs droits et les autres artistes-interprètes ; qu'en procédant cependant à une telle distinction, la cour d'appel a violé l'article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la Spedidam de l'intégralité de ses prétentions ;
AUX MOTIFS QUE « la Spedidam invoque la violation par l'INA des dispositions de l'article L.212-3 du Code de la propriété intellectuelle en vertu desquelles sont soumises à l'autorisation écrite de l'artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l'image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l'image. Cette autorisation et les rémunérations auxquelles elle donne lieu sont régies par les dispositions des articles L. 762-1 et L.762-2 du code du travail, sous réserve des dispositions de l'article L. 212-6 du présent code. ; que l'INA, pour sa défense, lui oppose le bénéfice des dispositions de l'article L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle, visant spécialement l'oeuvre audiovisuelle, et selon lesquelles, la signature du contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle vaut autorisation de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l'artiste-interprète ;
qu'en l'espèce, chacun des musiciens a signé, pour l'enregistrement de sa prestation, une feuille de présence se présentant sous la forme d'un formulaire-type établi à en-tête de l'ORTF ; qu'il est indiqué sur cette feuille de présence, signée en date du 13 septembre 1968, le nom du réalisateur, le titre de l'oeuvre pour laquelle la prestation de l'artiste-interprète est enregistrée, les modalités de réalisation de la prestation (jour, heure, nature de la prestation, en l'espèce : « séquence enregistrement »), le montant de la rémunération et, au verso, diverses dispositions relatives aux conditions générales d'engagement des artistes-interprètes ; qu'il est en outre expressément mentionné à l'article 11 des conditions générales d'engagement que la feuille de présence signée par le musicien « constitue un contrat de travail à durée et à objet déterminés » ;
que la Spedidam conclut, pour voir écarter l'application en la cause de l'article L. 212-4 précité, que le contrat n'a pas été signé pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle car les musiciens n'ont pas participé à la réalisation de l'oeuvre audiovisuelle mais seulement à l'interprétation et à l'enregistrement d'une oeuvre musicale autonome destinée à être synchronisée, en tant que bande sonore, à l'oeuvre audiovisuelle ; mais
que c'est toujours sans la moindre équivoque que la feuille de présence indique que l'enregistrement musical est destiné à être utilisé pour la bande son de l'oeuvre audiovisuelle désignée, dans la rubrique « titre de la production », par la mention : Le bourgeois gentilhomme, et que l'oeuvre audiovisuelle est réalisée par l'ORTF « service de production dramatique »
ainsi qu'il ressort des informations figurant dans la rubrique « réalisateur » en vue d'une diffusion à la télévision ainsi qu'il est encore énoncé dans la rubrique « direction » ; qu'il est encore clairement énoncé à l'article 7 des conditions générales d'engagement, que le musicien ne pouvait méconnaître dès lors qu'il lui est expressément signalé au bas de la feuille de présence portant sa signature de « voir au verso les conditions générales d'engagement, que l'utilisation commerciale éventuelle des prestations prévues dans le présent engagement est réservée à l'Office selon les modalités définies dans les textes en vigueur à l'ORTF » ; qu'il est en outre spécifié, en première partie de la feuille de présence, dans la rubrique « type de cession », que celle-ci est « libre de droits » ;
qu'il suit de l'ensemble de ces éléments que l'ORTF, en sa qualité de producteur de l'oeuvre audiovisuelle Le bourgeois gentilhomme, destinée à être diffusée à la télévision et diffusée effectivement le 28 décembre 1968, a engagé les 31 musiciens en cause pour la réalisation de cette oeuvre audiovisuelle par l'interprétation de sa partie musicale ; que force est de relever que l'accompagnement musical n'est aucunement séparable de l'oeuvre audiovisuelle mais en est partie prenante dès lors que son enregistrement est effectué pour sonoriser les séquences animées d'images et constituer ainsi la bande son de l'oeuvre audiovisuelle, ce que n'ignoraient pas au demeurant les musiciens qui étaient parfaitement informés, en signant la feuille de présence, que la fixation de leur prestation était destinée à la réalisation de l'oeuvre audiovisuelle Le Bourgeois gentilhomme ; que la Spedidam ne saurait sérieusement soutenir que faute d'apparaître à l'image, les musiciens ne sauraient être regardés comme ayant participé à la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle, l'application d'un tel critère, qui reviendrait à distinguer entre les artistes-interprètes, titulaires des mêmes droits voisins, une distinction selon que la prestation est visible ou non à l'image, n'étant soutenue par aucun texte et ne résultant, en particulier, ni de l'article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle qui définit l'oeuvre audiovisuelle comme une « séquence animée d'images sonorisées ou non », ni de l'article L. 212-4 du même Code qui vise l'artiste-interprète dont la prestation, quelle qu'elle soit, est destinée à la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle ;
que la feuille de présence signée par chacun des musiciens le 13 septembre 1968 constitue en conséquence un contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle emportant, au sens des dispositions de l'article L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle, l'autorisation, au bénéfice du producteur, de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l'artiste-interprète ;
qu'il est constant que l'INA venant aux droits de l'ORTF, est titulaire des droits du producteur sur l'oeuvre audiovisuelle en cause ; qu'il n'est pas davantage contesté que l'exploitation incriminée est la reproduction, sur support vidéogramme, de l'oeuvre audiovisuelle telle que réalisée, enregistrée et diffusée par l'ORTF en 1968 ;
que l'INA est dès lors fondé, par confirmation du jugement entrepris, à revendiquer l'application à son bénéfice des dispositions de l'article L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle et soutenir qu'il n'avait pas à solliciter de nouvelle autorisation aux artistes-interprètes pour l'exploitation de leur prestation ; que la Spedidam sera en revanche, déboutée de toutes ses demandes » ;
ALORS QUE, selon l'article L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle, la signature du contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle vaut autorisation de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l'artiste-interprète ; que ne constitue pas un contrat conclu pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle le contrat relatif à l'enregistrement par des musiciens d'une oeuvre musicale en vue de la composition de la bande sonore d'une oeuvre diffusée à la télévision ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la Spedidam de l'intégralité de ses prétentions ;
AUX MOTIFS QUE « la Spedidam invoque la violation par l'INA des dispositions de l'article L.212-3 du Code de la propriété intellectuelle en vertu desquelles Sont soumises à l'autorisation écrite de l'artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l'image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l'image. Cette autorisation et les rémunérations auxquelles elle donne lieu sont régies par les dispositions des articles L. 762-1 et L.762-2 du code du travail, sous réserve des dispositions de l'article L. 212-6 du présent code. ; que l'INA, pour sa défense, lui oppose le bénéfice des dispositions de l'article L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle, visant spécialement l'oeuvre audiovisuelle, et selon lesquelles, la signature du contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle vaut autorisation de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l'artiste-interprète ;
qu'en l'espèce, chacun des musiciens a signé, pour l'enregistrement de sa prestation, une feuille de présence se présentant sous la forme d'un formulaire-type établi à en-tête de l'ORTF ; qu'il est indiqué sur cette feuille de présence, signée en date du 13 septembre 1968, le nom du réalisateur, le titre de l'oeuvre pour laquelle la prestation de l'artiste-interprète est enregistrée, les modalités de réalisation de la prestation (jour, heure, nature de la prestation, en l'espèce : « séquence enregistrement »), le montant de la rémunération et, au verso, diverses dispositions relatives aux conditions générales d'engagement des artistes-interprètes ; qu'il est en outre expressément mentionné à l'article 11 des conditions générales d'engagement que la feuille de présence signée par le musicien « constitue un contrat de travail à durée et à objet déterminés » ;
que la Spedidam conclut, pour voir écarter l'application en la cause de l'article L. 212-4 précité, que le contrat n'a pas été signé pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle car les musiciens n'ont pas participé à la réalisation de l'oeuvre audiovisuelle mais seulement à l'interprétation et à l'enregistrement d'une oeuvre musicale autonome destinée à être synchronisée, en tant que bande sonore, à l'oeuvre audiovisuelle ; mais
que c'est toujours sans la moindre équivoque que la feuille de présence indique que l'enregistrement musical est destiné à être utilisé pour la bande son de l'oeuvre audiovisuelle désignée, dans la rubrique « titre de la production », par la mention : Le bourgeois gentilhomme, et que l'oeuvre audiovisuelle est réalisée par l'ORTF « service de production dramatique »
ainsi qu'il ressort des informations figurant dans la rubrique « réalisateur » en vue d'une diffusion à la télévision ainsi qu'il est encore énoncé dans la rubrique « direction » ; qu'il est encore clairement énoncé à l'article 7 des conditions générales d'engagement, que le musicien ne pouvait méconnaître dès lors qu'il lui est expressément signalé au bas de la feuille de présence portant sa signature de « voir au verso les conditions générales d'engagement, que l'utilisation commerciale éventuelle des prestations prévues dans le présent engagement est réservée à l'Office selon les modalités définies dans les textes en vigueur à l'ORTF » ; qu'il est en outre spécifié, en première partie de la feuille de présence, dans la rubrique « type de cession », que celle-ci est « libre de droits » ;
qu'il suit de l'ensemble de ces éléments que l'ORTF, en sa qualité de producteur de l'oeuvre audiovisuelle Le bourgeois gentilhomme, destinée à être diffusée à la télévision et diffusée effectivement le 28 décembre 1968, a engagé les 31 musiciens en cause pour la réalisation de cette oeuvre audiovisuelle par l'interprétation de sa partie musicale ; que force est de relever que l'accompagnement musical n'est aucunement séparable de l'oeuvre audiovisuelle mais en est partie prenante dès lors que son enregistrement est effectué pour sonoriser les séquences animées d'images et constituer ainsi la bande son de l'oeuvre audiovisuelle, ce que n'ignoraient pas au demeurant les musiciens qui étaient parfaitement informés, en signant la feuille de présence, que la fixation de leur prestation était destinée à la réalisation de l'oeuvre audiovisuelle Le Bourgeois gentilhomme ; que la Spedidam ne saurait sérieusement soutenir que faute d'apparaître à l'image, les musiciens ne sauraient être regardés comme ayant participé à la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle, l'application d'un tel critère, qui reviendrait à distinguer entre les artistes-interprètes, titulaires des mêmes droits voisins, une distinction selon que la prestation est visible ou non à l'image, n'étant soutenue par aucun texte et ne résultant, en particulier, ni de l'article L. 112-2 du Code de la propriété intellectuelle qui définit l'oeuvre audiovisuelle comme une « séquence animée d'images sonorisées ou non », ni de l'article L. 212-4 du même Code qui vise l'artiste-interprète dont la prestation, quelle qu'elle soit, est destinée à la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle ;
que la feuille de présence signée par chacun des musiciens le 13 septembre 1968 constitue en conséquence un contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle emportant, au sens des dispositions de l'article L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle, l'autorisation, au bénéfice du producteur, de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l'artiste-interprète ;
qu'il est constant que l'INA venant aux droits de l'ORTF, est titulaire des droits du producteur sur l'oeuvre audiovisuelle en cause ; qu'il n'est pas davantage contesté que l'exploitation incriminée est la reproduction, sur support vidéogramme, de l'oeuvre audiovisuelle telle que réalisée, enregistrée et diffusée par l'ORTF en 1968 ;
que l'INA est dès lors fondé, par confirmation du jugement entrepris, à revendiquer l'application à son bénéfice des dispositions de l'article L. 212-4 du Code de la propriété intellectuelle et soutenir qu'il n'avait pas à solliciter de nouvelle autorisation aux artistes-interprètes pour l'exploitation de leur prestation ; que la Spedidam sera en revanche, déboutée de toutes ses demandes » ;
ALORS QUE le contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d'une oeuvre audiovisuelle fixe une rémunération distincte pour chaque mode d'exploitation de son interprétation ou de l'oeuvre reproduisant son interprétation, dont le niveau est déterminé, lorsque ni le contrat ni une convention collective ne mentionnent de rémunération pour un ou plusieurs modes d'exploitation, par référence à des barèmes établis par voie d'accords spécifiques conclus, dans chaque secteur d'activité, entre les organisations de salariés et d'employeurs représentatives de la profession ; qu'en l'espèce, les artistes-interprètes n'avaient reçu de rémunération que pour l'enregistrement de la musique composant la bande originale d'une oeuvre diffusée à la télévision ; qu'en repoussant cependant les demandes tendant à l'indemnisation du préjudice subi par les musiciens en raison de l'absence de versement d'une rémunération complémentaire pour l'exploitation de leur prestation sous la forme nouvelle d'un vidéogramme du commerce, la cour d'appel a violé les articles L. 212-4 et L. 212-5 du code de la propriété intellectuelle ;
ALORS, EN TOUT ÉTAT DE CAUSE, QUE la Spedidam faisait valoir que, dans l'hypothèse où la cour d'appel estimerait l'article L. 212-4 du code de la propriété intellectuelle applicable, l'indemnisation des artistes-interprètes devrait alors être octroyée en raison de l'absence de versement d'une rémunération complémentaire pour l'exploitation de leur prestation sous la forme nouvelle d'un vidéogramme du commerce (conclusions de la Spedidam, p. 43 et 44) ; qu'en s'abstenant de répondre à cette argumentation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.