CA Versailles, 16e ch., 23 novembre 2017, n° 16/01677
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
l'Abreuvoir (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Grasso
Conseillers :
Mme Massuet, Mme Sixdenier
Avocats :
SCP Buquet-Roussel-De Carfort, SCP Hadengue & Associes, Me Buquet-Roussel, Me Bencheikh, Me Chouteau, Me Mendes Gil, Me Regrettier-Germain
FAITS ET PROCEDURE,
Par ordonnance en date du 24 janvier 2014, le comptable du Service des impôts de Marly-le-Roi a été autorisé à inscrire une hypothèque provisoire sur le bien appartenant à la société civile immobilière (SCI) l'Abreuvoir, situé à Marly-le-Roi, l chemin des Rougemonts, à l'encontre de Y… et D… née X…, pour sûreté d'une créance de 7.150.000 €.
Par ordonnance du 30 septembre 2014, le comptable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud a été autorisé à pratiquer une saisie conservatoire sur les biens meubles se trouvant à Marly-le-Roi, 1 chemin des Rougemonts, entre les mains de la SCI l'Abreuvoir, à l'encontre de M. et D… pour sûreté d'une créance de 7.150.000 €.
La saisie conservatoire pratiquée le 10 novembre 2014, en présence de E…, a été dénoncée le 10 novembre 2014.
Par exploit en date du 12 décembre 2014, la SCI l'Abreuvoir a fait citer le responsable du Centre des finances publiques de Saint-Germain-en-Laye Sud, en présence de M. et D… aux fins de voir :
-dire et juger nulle et non avenue l'inscription d'hypothèque provisoire et en ordonner la mainlevée,
-condamner la requise à payer la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'à une indemnité de procédure de 30.000 €.
L'affaire a fait l'objet d' un retrait du rôle le 8 septembre 2015, et a été rétablie à la requête de la SCI l'Abreuvoir sous le nº RG 15/09513.
Par exploit du 19 février 2015, la SCI l'Abreuvoir a fait citer le responsable du Centre des finances publiques de Saint-Germain-en-Laye Sud, en présence de M. et D…, aux fins de voir :
-ordonner la jonction avec l'instance portant sur la mainlevée d'hypothèque,
-dire et juger nulle et non avenue la saisie conservatoire de biens meubles appartenant à la requérante et en ordonner la mainlevée,
-condamner la requise à payer la somme de 25.000 € pour abus de saisie ainsi que 30.000 € au titre de l'indemnité de procédure.
L'affaire a fait l'objet d'un retrait du rôle le 8 septembre 2015 et a été rétablie à la requête de la SCI l'Abreuvoir sous le nº RG 15/09508.
Par jugement rendu le 1er mars 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de
Versailles a :
-ordonné la jonction des dossiers enrôlés sous les nº RG 15/09508 et 15/09513,
-débouté la SCI l'Abreuvoir et M. et D… de toutes leurs demandes,
-débouté le responsable du Centre des impôts de Saint-Germain-en-Laye Sud de sa demande d'indemnité de procédure,
-condamné la SCI l'Abreuvoir aux dépens,
-ordonné la notification du présent jugement aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception et par lettre simple, ainsi qu'à l'huissier de justice par lettre simple.
Le 4 mars 2016, M. et D… ont formé appel de cette décision.
Dans leurs conclusions transmises le 11 septembre 2017, M. et D…, appelants,
demandent à la cour de :
-infirmer en toutes ses dispositions le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Versailles en date du 1er mars 2016,
Et, statuant à nouveau :
A titre liminaire,
-dire et juger que le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud est irrecevable à pratiquer une quelconque saisie conservatoire portant sur des biens n'appartenant pas à ses éventuels débiteurs mais à un tiers, la SCI l'Abreuvoir,
-dire et juger que le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud n'a pas engagé, dans le délai d'un mois à compter des ordonnances du 3 juillet 2014 d'autorisation d'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire et du 30 septembre 2014 d'autorisation de saisie conservatoire mobilière corporelle, des procédures tendant à l'obtention d'un titre exécutoire,
En conséquence,
-constater la caducité des ordonnances du 3 juillet 2014 d'autorisation d'inscription provisoire d'hypothèque judiciaire et du 30 septembre 2014 d'autorisation de saisie conservatoire des meubles corporels,
A titre principal,
-dire que le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud ne justifie pas d'un principe de créance sur le fondement de l'action paulienne à leur encontre,
-dire et juger que le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud ne justifie pas de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa prétendue créance,
-dire que les biens de la SCI l'Abreuvoir, objet des mesures conservatoires ordonnées les 3 juillet et 30 septembre 2014, ne sont pas leur propriété,
En conséquence,
-ordonner la mainlevée des mesures conservatoires ordonnées les 3 juillet et 30 septembre 2014,
A titre subsidiaire,
-dire que le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud ne justifie pas du quantum de sa prétendue créance,
-en conséquence, ordonner la mainlevée des mesures conservatoires ordonnées les 3 juillet et 30 septembre 2014,
A titre reconventionnel,
-condamner le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud à leur payer la somme forfaitaire de 10.000 € chacun, en réparation du préjudice subi du fait de ces mesures conservatoires irrégulières,
En tout état de cause,
-débouter le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud de l'intégralité de ses demandes ;
-condamner le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud à verser à chacun d'eux la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud aux entiers dépens.
Au soutien de leurs demandes, M. et D… font valoir :
-que le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud s'est contenté d'engager une action paulienne qui n'est pas considérée comme une procédure visant à obtenir un titre exécutoire contre les débiteurs objet des mesures conservatoires ; qu'il ne détient aucun titre exécutoire contre la défenderesse objet des mesures conservatoires, à savoir la SCI l'Abreuvoir ; qu'il ne peut se prévaloir de titres exécutoires qu'il détiendrait sur eux, tiers aux mesures conservatoires ; qu'il ne peut pratiquer de mesure conservatoire que sur les biens de ses débiteurs directs et non sur des biens appartenant à des tiers contre lesquels il diligente une action paulienne ;
-qu'il n'appartient pas au juge de l'exécution de se prononcer sur la réalité de la propriété par l'appelante des biens saisis ;
-que les mesures conservatoires engagées visent à se prémunir d'une menace dans le recouvrement de la prétendue créance du responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud au titre de l'action paulienne puisqu'elle est engagée sur des biens appartenant à des tiers, (et ce depuis 17 ans), et non au titre de la créance résultant des redressements fiscaux ;
-qu'aucune des conditions de réalisation des mesures conservatoires ne sont remplies ;
-que l'arrêt du 12 février 2004 de la cour d'appel de Versailles relatif à la procédure pénale pour fraude fiscale à leur encontre a permis de constater l'absence de fraude ; que cette décision (qui intervient avant les 3 décisions administratives), est depuis revêtue de l'autorité de la chose jugée et aurait dû mettre définitivement fin au contentieux fiscal ;
- q u ' a u 8 j a n v i e r 1 9 9 8 , l e r e s p o n s a b l e d u S e r v i c e d e s i m p ô t s d e s p a r t i c u l i e r s d e Saint-Germain-en-Laye Sud ne disposait pas de créance sur eux, de sorte que les opérations litigieuses ne peuvent être considérées comme leur ayant servi à échapper à leurs obligations fiscales ;
-que s'agissant des sociétés, à l'exception de la société SCI l'Abreuvoir, les autres sociétés cédées ont été créées avant le 8 janvier 1998 et pour la plupart plus de dix ans avant l'opération litigieuse; que s'agissant de la SCI l'Abreuvoir, le fait que cette société ait été constituée peu de temps avant l'opération (immatriculation le 23 décembre 1997) ne permet en aucune façon de justifier d'une menace particulière, la constitution de sociétés destinées à l'acquisition de titres étant un procédé courant ne permettant pas de conclure à une constitution frauduleuse ;
-que le quantum de la prétendue créance du responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud n'est pas démontré, malgré leurs multiples relances.
Dans ses conclusions transmises le 26 septembre 2017, la SCI l'Abreuvoir, appelante, demande
à la cour de :
-réformer le jugement rendu par le juge de l'exécution de Versailles du 1er mars 2016, sauf en ce qu'il a déclaré recevables ses prétentions et prononcé la jonction des procédures enrôlées sous le numéro RG 15/1729 et sous le numéro RG 15/2158 du juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Versailles,
Et statuant à nouveau :
A titre principal, sur la demande de mainlevée des mesures conservatoires diligentées par le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud sur ses biens: -dire que le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud ne justifie d'aucune créance, même simplement fondée en son principe, à son encontre,
-dire et juger nulle et non avenue, en ce qu'elle porte sur les biens de tiers, la saisie conservatoire pratiquée sur ses biens meubles corporels, aux termes d'un procès-verbal en date du 10 novembre 2014 dressé par la SCP Xavier Bariani et Odile Blanchet, huissiers de justice associés à Versailles,
-dire et juger nulle et non avenue, en ce qu'elle porte sur les biens d'un tiers, l'hypothèque judiciaire provisoire pratiquée sur l'immeuble qu'elle détient, aux termes d'une inscription prise sous la référence d'enliassement nº2014V2022 en date du 21 juillet 2014 dressé par Me Pascale Germain-Regrettier, avocat au barreau de Versailles,
En conséquence :
-ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée aux termes d'un procès-verbal en date du 10 novembre 2014 dressé par la SCP Xavier Bariani et Odile Blanchet, sur ses biens meubles corporels, à l'exclusion des biens meubles corporels suivants :
*un guéridon pied central, situé dans le petit séjour,
*un tapis à points 370 x 248, situé dans une des chambres,
-ordonner la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire pratiquée sur son immeuble, aux termes d'une inscription prise sous la référence d'enliassement nº2014V2022 en date du 21 juillet 2014 dressée par Me Pascale Germain-Regrettier,
A titre subsidiaire, sur la caducité des mesures conservatoires précitées :
-constater que le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud n'a pas, dans le mois de l'exécution de la saisie conservatoire des biens meubles corporels, accompli les formalités lui permettant d'obtenir un titre exécutoire tel que cela est requis par les dispositions de l'article R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution,
-dire et juger caduque la saisie conservatoire pratiquée aux termes d'un procès-verbal en date du 10 novembre 2014 dressé par la SCP Xavier Bariani et Odile Blanchet, sur ses biens meubles corporels, à l'exclusion des biens meubles corporels suivants,
De même,
-constater que le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud n'a pas, dans le mois de l'inscription de l'hypothèque judiciaire provisoire, accompli les formalités lui permettant d'obtenir un titre exécutoire tel que cela est requis par les dispositions de l'article R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution,
-dire caduque l'hypothèque judiciaire provisoire diligentée par le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud sur l'immeuble détenu par elle ; aux termes d'une inscription prise sous la référence d'enliassement nº2014V2022 en date du 21 juillet 2014 dressé par Me Pascale Germain-Regrettier, avocat au barreau de Versailles,
En conséquence :
-ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée aux termes d'un procès-verbal en date du 10 novembre 2014 dressé par la SCP Xavier Bariani et Odile Blanchet, sur ses biens meubles corporels, à l'exclusion des biens meubles corporels suivants :
*un guéridon pied central, situé dans le petit séjour,
*un tapis à points 370 x 248, situé dans une des chambres,
-ordonner la mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire pratiquée sur son immeuble, aux termes d'une inscription prise sous la référence d'enliassement nº2014V2022 en date du 21 juillet 2014 dressé par Me Pascale Germain-Regrettier,
En tout état de cause, principal comme subsidiaire, sur l'allocation de dommages-intérêts :
-dire et juger fautives et abusives les mesures conservatoires précitées, qui n'ont été diligentées par le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud que dans l'intention de lui nuire à elle et ses associés,
En conséquence :
-condamner le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud à lui verser la somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts pour saisie fautive et abusive,
En toute hypothèse -rejeter toutes les demandes du responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud,
-condamner le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud à lui régler la somme de 25.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, la SCI l'Abreuvoir fait valoir :
-que le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud ne peut appréhender le bien d'un tiers ; que les biens appréhendés sont sa propriété exclusive, et que le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud ne dispose d'aucune créance à son encontre ;
-qu'il n'y a pas confusion entre son patrimoine, celui des SA Licor et Primalin, et celui de M. et D… ;
-que le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud n'a jamais introduit à son encontre d'action tendant à l'obtention d'un titre exécutoire au sens de l'article R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution ;
-que le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud a diligenté une saisie qu'il savait parfaitement irrégulière ; que ce comportement est fautif et même abusif.
Dans ses conclusions transmises le 11 septembre 2017, le responsable du Service des impôts des
particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud (SIP) , intimé, demande à la cour de:
-confirmer purement et simplement le jugement rendu par le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance Versailles le 1er mars 2016,
-débouter M. et D… de l'ensemble de leurs demandes,
-débouter la SCI l'Abreuvoir de l'ensemble de ses demandes,
-les condamner solidairement à lui payer la somme de 10.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, le responsable du Service des impôts des particuliers de Saint-Germain-en-Laye Sud fait valoir :
-qu' il justifie d'une créance certaine, liquide et exigible à l'endroit de M. et D… ; que selon décompte arrêté à la date du 15 avril 2013, M. et D… sont redevables de la somme de 7.049.770,56 € ; que ces créances sont exigibles depuis la décision du tribunal administratif de Versailles du 6 juillet 2004 qui a rejeté leur réclamation d'assiette ; que le Conseil d'Etat a confirmé cette décision, par arrêt du 15 avril 2011, en rejetant les demandes de dégrèvement formulées par les redevables ; que M. et D… ne disposent plus de voies de recours suspensives susceptibles d'interrompre le recouvrement de leur dette ;
-qu'il justifie de menaces pesant sur le recouvrement de sa créance, M. et D… organisant leur insolvabilité ; qu' en 1998, ils ont cédé la totalité de leur patrimoine immobilier à la SCI l'Abreuvoir et aux SA de droit suisse Licor et Primalin, tout en continuant à disposer gratuitement d'une partie des immeubles devenus la propriété de ces sociétés ; qu' en l'absence de convention fiscale entre la Suisse et la France, M. et D… évitent par la conclusion de ces opérations la saisie de leurs avoirs financiers ; que la confusion entre le patrimoine de M. et D… et celui des sociétés est incontestable ;
-que l'action paulienne a pour conséquence la réintégration dans le patrimoine de M. et D… de la totalité des biens immobiliers et mobiliers qu'ils ont fictivement cédés ; que les actes de cession étant inopposables à l'administration fiscale, M. et D… demeurent donc propriétaires des biens objets de la saisie conservatoire.
La jonction des appels enregistrés à la diligence de la SCI l'Abreuvoir, puis de M. et D… sous les nº 16/1677 et 16/ 1732 a été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état de cette cour du 5 avril 2016, l'instruction de l'affaire se poursuivant sous le nº 16/1677.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 26 septembre 2017.
L'audience de plaidoirie a été fixée au 27 septembre 2017.
MOTIFS DE LA DECISION :
En préliminaire, la cour rappelle que l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire confère au juge de l'exécution pouvoir de 'connaît(re) de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit .' Peu importe dès lors que l'action paulienne engagée par le SIP de Saint Germian en Laye Sud n'ait pas abouti à ce jour, la cour statuant en appel du juge de l'exécution étant en mesure d'apprécier les agissements frauduleux imputés à M. et D… comme ayant justifié les mesures conservatoires critiquées.
1/Sur la caducité des mesures conservatoires pour défaut d'engagement d'une procédure afin
d'obtention d' un titre exécutoire :
Aux termes de l'article R 511-7 du code des procédures civiles d'exécution,
' Si ce n'est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire'.
Outre que la Cour de cassation a affirmé qu'au cas où le créancier saisissant aurait déjà introduit contre son débiteur une citation aux fins d'obtention d'un titre exécutoire, une nouvelle citation est superflue, il suffit en l'espèce de relever que les mesures conservatoires litigieuses ont été pratiquées alors que le SIP s'était muni d'un titre exécutoire à l'encontre des époux D…, la créance du centre des finances publiques à l'égard de ces appelants ayant été rendue liquide et exigible par les décisions du tribunal administratif de Versailles du 6 juillet 2004, confirmée par arrêt de la cour administrative d'appel en 2007 et par l'arrêt du 15 avril 2011 du conseil d'Etat, qui ont rejeté les demandes de dégrèvement formées par les redevables. Le CFP n'avait dès lors aucune obligation d'introduire à l'encontre des époux D… une action tendant à l'obtention d'un titre exécutoire constatant le caractère liquide et exigible de sa créance à l'égard du débiteur.
Le moyen de la SCI l'Abreuvoir et des époux D… tiré de la caducité des mesures conservatoires litigieuses est rejeté.
Sur la nullité des mesures conservatoires litigieuses comme portant sur des biens propriétés
d'un tiers :
La demande de mainlevée des mesures conservatoires portant sur l'immeuble de Marly le Roi, des 10 juillet 2014 pour l'inscription d'hypothèque provisoire et 10 novembre 2014 pour la saisie conservatoire du mobilier, est fondée sur le fait que les biens immobilier et mobiliers grevé et saisis appartiennent à un tiers, la SCI l'Abreuvoir, alors que les mesures d'exécution comme les sûretés, provisoires ou non, ne peuvent porter en vertu de articles L 112-1, L 521-1 et R 531-1 du code des procédures civiles d'exécution , que 'sur tous les biens appartenant au débiteur '.
Effectivement le redevable de la dette fiscale en principal et intérêts de 7.807.000 € recouvrée par le Centre des Finances Publiques - service des impôts des particuliers est le couple D…. Cependant le propre de l'action paulienne, engagée ici dès avant les demande d'autorisation de saisie conservatoire et d' hypothèque judiciaire provisoire, est de viser à la réintégration des biens saisis ou grevés dans le patrimoine du débiteur qui les a aliénés dans l'intervalle, en faisant déclarer par le juge cette aliénation inopposable, pour cause de fictivité et donc de fraude, au créancier saisissant. La cause de la fraude revendiquée par le SIP est ici la confusion des patrimoines des époux D… avec celui de la SCI l'Abreuvoir, des parts de laquelle le service intimé entend voir dire que les appelants demeurent en réalité quasi-totalement propriétaires.
Sur la confusion des patrimoine alléguée par le centre des Finances publiques :
Aux termes de l'article L 213-6 du code de l'organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit *** dans les mêmes conditions, il autorise les mesures conservatoires et connaît des contestations relatives à leur mise en oeuvre.' Le juge de l'exécution a ainsi pouvoir juridictionnel dans le cadre de sa compétence spéciale d'attribution, pour se prononcer en l'espèce, sur la validité d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire et d'une saisie conservatoire mobilière sur des biens appartenant à un tiers, dans le contexte d'une action en reconnaissance de fraude paulienne contre ses débiteurs qu'il demande à voir dire auteurs d'une opération fictive entraînant leur appauvrissement, préalablement engagée par le Trésor Public.
En janvier 1998, M. et D… ont cédé la totalité de leur patrimoine immobilier à la SCI l'Abreuvoir et aux sociétés Licor et Primalin, deux sociétés de droit suisse également constituées par eux en décembre 1997, tout en continuant à disposer gratuitement d'une partie des immeubles devenus la propriété de ces sociétés. Les sociétés Licor et Primalin, bien qu'ayant prétendument investi plusierus millions d'euros pour acquérir les immeubles appartenant à la SCI l'Abreuvoir, mais également aux SCI Le Printemps, Jamoune, Les Rougemonts et SAJD, n'ont jamais tiré aucun profit de leur investissement. En effet, l'étude notariale Devaux qui devait percevoir les loyers versés aux SCI, n'a encaissé à son compte clients aucun versement à ce titre, et les relevés bancaires des SCI ne mentionnent aucun versement provenant des époux D… qui pourraient correspondre au paiement des loyers.
S'il ressort des déclarations fiscales effectuées par les SCI au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013, que la SCI l'Abreuvoir- à l'instar des SCI Jamoune et Les Rougemonts -, ont bien déclaré des loyers à la rubrique 'clients et comptes rattachés', on peut s'interroger sur la réalité du versement de ces loyers, les sommes mentionnées à la rubrique susvisée étant très importantes: notamment de 567.544 € pour la SCI l'Abreuvoir, bien supérieures au montant des loyers dont l'appelante déclare avoir convenu avec M. et D…, même l'on considère la période de quatorze ans séparant 1998 de 2012. M. et D… admettent qu'aucun flux de loyers ne vient alimenter les comptes de la SCI l'Abreuvoir, sa bailleresse, mais expliquent cette situation par l'accord spontané qui serait intervenu lors de la cession des parts sociales des différentes SCI aux sociétés suisses Licor et Primalin, entre les cédants et la société Licor, selon lequel les comptes courants d'associés des sociétés civiles immobilières seraient remboursés par cette société par compensation de sa dette avec les loyers dûs par les époux D… à la SCI l'Abreuvoir notamment. Or aucun document ne vient justifier d'un prétendu accord sur le règlement de la créance au titre de comptes courants d'associés. Bien plus, dans l'acte de cession des parts de la SCI l'Abreuvoir, partie à la présente instance, aucun compte courant d'associé n'est mentionné. Enfin, l'argumentation des époux D… en ce qui concerne le manoir de Marly le Roi est particulièrement contrée par la production par le SIP du bail consenti par la SCI L'Abreuvoir le 17 janvier 2013 moyennant un loyer annuel de 45.000 € personnellement à E…, fille des appelants, alors qu'il ne peut être invoqué par celle-ci, pour expliquer l'égal défaut par elle de règlement des loyers, une compensation entre les loyers réglés et un compte courant d'associés.
Tout en alléguant avoir investi dans l'acquisition des biens des époux D… une somme de 29,4 millions de francs, les sociétés Licor et Primalin n'ont à aucun moment justifié, notamment dans les instances judiciaires auxquelles elles ont participé, du règlement de ce prix de cession par leurs soins. En tout état de cause, en plaçant leurs liquidités sur des comptes en Suisse ou au Luxembourg, M. et D… ont continué à empêcher toutes poursuites de l'administration fiscale.
Il peut encore être précisé qu'après avoir pris connaissance des conclusions du service des impôts des particuliers de Saint Germain en Laye, s'interrogeant sur le maintien des sièges sociaux des SCI françaises au domicile de M. et D… malgré la vente de leurs biens immobiliers, les sièges sociaux des SCI l'Abreuvoir, Le Printemps et Jamoune ont été transférés à une société de domiciliation située à Paris en août 2015.
La cour relève que par jugement sur le fond en date du 9 février 2017 rendu en cours de la présente instance d'appel, jugement actuellement objet d'un appel suspensif, le tribunal de grande instance de Versailles a fait droit à l'action paulienne engagée par le responsable du service des impôts des particuliers de Saint Germain en Laye Sud à l'encontre des époux D… et a déclaré inopposables à l'administration fiscale les actes de cession par les appelants des différentes SCI créées par eux à deux sociétés anonymes de droit suisse.
Il apparaît donc qu'en acceptant de conclure le 9 juillet 1998 un contrat de bail avec M. et B… sans en percevoir les revenus locatifs, la SCI l'Abreuvoir, dont les parts sont intégralement détenues par ailleurs depuis le 8 décembre 1997 par les sociétés de droit suisse Licor et Primalin, a favorisé l'organisation par les époux D… de leur insolvabilité, et a participé aux agissements de ces derniers visant à se soustraire à leurs obligations fiscales. Les sociétés de droit suisse propriétaires des parts des différentes SCI constituées par les débiteurs apparaissent comme des sociétés-écran, détenues et agissant sous le contrôle des époux D…; en réalité il n'y a pas investissement mais une véritable confusion entre les patrimoines de la SCI l'Abreuvoir, en France, - et des sociétés Licor et Primalin de droit suisse qui ont acquis la quasi-totalité des parts des SCI créées par les époux D… - avec celui des époux D… eux-mêmes.
Il est de jurisprudence constante que lorsqu'il existe des relations anormales entre le débiteur et un tiers, le créancier peut procéder à la saisie conservatoire de tout bien cédé par son débiteur à une société dont le caractère fictif permet de soustraire le bien immobilier ou mobilier saisi au gage du créancier. Il est également admis que postérieurement ou concomitamment à l'engagement par ses soins d'une action paulienne, le comptable poursuivant peut solliciter du juge de l'exécution l'autorisation de prendre des mesures conservatoires judiciaires. Il a encore été précisé qu'un créancier ne peut prendre une hypothèque provisoire sur un bien dont il demande la réintégration dans le patrimoine de son débiteur, sans solliciter l'autorisation du juge de l'exécution. Contrairement aux allégations des appelants, cette jurisprudence signifie qu' il est possible de prendre une mesure conservatoire, saisie ou hypothèque provisoire, sur le bien du tiers bénéficiaire de l'opération suspectée de fraude, dans l'attente de l'issue d'une action paulienne, à condition de se munir d'une autorisation du juge de l'exécution. La jurisprudence constante et non démentie depuis 1985 affirme que la conscience du préjudice susceptible d'être causé au créancier est suffisante pour caractériser l'intention frauduleuse ayant présidé aux opérations fictives : M. et D… ne sauraient prétendre avoir ignoré que leurs actes de cession de parts de SCI, consistant à remplacer dans un patrimoine des biens corporels par des parts difficilement négociables, puis de céder une seconde fois ces parts à des sociétés de droit étranger, étaient de nature à compromettre le recouvrement de leur dette fiscale.
L'opération de cession réalisée par les époux D… s'analyse sans conteste en un acte d'appauvrissement préjudiciable à l'administration fiscale, la vente des SCI dont celle de la SCI l'Abreuvoir ayant réduit de plus de moitié le gage représenté par le patrimoine immobilier des redevables, dont bénéficiait le SIP de Saint Germain en Laye Sud.
Sur les conditions légales auxquelles est subordonnée la régularité d'une mesure conservatoire
:
Ainsi qu' il a été rappelé plus haut quant au titre exécutoire dont dispose le Trésor Public à l'encontre des époux D…, M. et D… qui ont été déclarés débiteurs d'une créance fiscale d'un montant de 7.049.770,56 € à la suite de décisions des juridictions administratives devenues aujourd'hui irrévocables, ne peuvent qu'être considérés comme débiteurs d'une créance apparemment fondée en son principe.
Par ailleurs, le Centre des Finances Publiques de Saint Germain en Laye justifie des menaces pesant sur le recouvrement de sa créance, par la démonstration de l'organisation complexe et minutieuse par M. et D… de leur insolvabilité entre décembre 1997, soit six mois seulement après la vérification de leur situation fiscale personnelle ayant donné lieu au redressement constitutif de la créance des autorités fiscales, et avril 1998. Il convient de rappeler en effet que du fait de l'apport opéré par eux de leur immeuble de Marly le Roi à la SCI l'Abreuvoir qu'ils ont constituée en décembre 1997, M. et D… étaient restés propriétaires de 99,5 % des parts de cette SCI, qu'ils se sont empressés de vendre à des sociétés de droit étranger également reprises ou constituées par eux.
Sur la demande d'exclusion de la demande de mainlevée de la saisie conservatoire de deux
meubles meublants :
Cette demande formulée par la SCI l'Abreuvoir dans le dispositif de ses écritures, outre qu'elle n'est pas explicitée dans le corps desdites conclusions, se trouve couverte par le rejet de la demande de mainlevée de l'entière saisie conservatoire du mobilier garnissant la maison de Marly le Roi.
Sur les demandes de dommages-intérêts pour mesures abusives :
Les époux D… comme la SCI l'Abreuvoir apparaissent mal venus, du fait de la validation des mesures conservatoires litigieuses et du rejet de leur appel par le présent arrêt, à solliciter la réparation du préjudice que leur auraient causé une inscription d'hypothèque provisoire et une saisie conservatoire abusives. Leurs demandes de dommages-intérêts sont rejetées.
Sur les autres demandes accessoires :
L'équité commande d'allouer au responsable du service des impôts des particuliers de Saint Germain en Laye Sud, une somme ainsi qu'il sera dit au dispositif au titre des frais irrépétibles de procédure qu'elle a été contrainte d'exposer en défense à des appels injustifiés.
Succombant en leur recours, la SCI l'Abreuvoir ainsi M. et C… supporteront les dépens d'appel comme de première instance.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Versailles le 1er mars 2016 ;
Déboute la SCI l'Abreuvoir et M. et D… de toutes leurs demandes ;
Condamne la SCI L'Abreuvoir, in solidum avec Y… et X…, à payer au responsable du Service des impôts des particuliers de Saint Germain en Laye Sud une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SCI L'Abreuvoir avec Y… et X…
in solidum aux entiers dépens, ceux d'appel pouvant être directement recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.