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Décisions

Cass. soc., 18 juillet 2015, n° 13-27.526

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Paris, du 10 oct. 2013

10 octobre 2013

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Paris, 10 octobre 2013), que Mme X... a signé le 26 octobre 2001, avec la société Universal Music France un contrat d'exclusivité en vue de la réalisation de quatre albums phonographiques, en contrepartie d'une rémunération composée d'une somme par enregistrement, de redevances calculées sur le produit de la vente de ces derniers et d'avances ; que la société a rompu le contrat la liant à l'intéressée, le 14 décembre 2009, et lui a adressé une indemnité correspondant à la rémunération de sa participation aux albums non réalisés ; que Mme X... a saisi la juridiction prud'homale ;

#1 Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée une somme, au titre de la rémunération lui restant due, et de rejeter sa demande de compensation, alors, selon le moyen :

1°/ que les redevances versées à l'artiste-interprète rémunèrent les droits voisins qu'il a cédés au producteur ; qu'il s'en déduit que les redevances et les avances sur redevances ne peuvent être prises en considération dans l'évaluation du montant des rémunérations qu'aurait perçues l'artiste-interprète jusqu'au terme du contrat de travail à durée déterminée, montant représentant le minimum des dommages-intérêts dus en application de l'article L. 1243-4 du code du travail ; qu'en retenant, pour prendre en considération les avances sur redevances dans le calcul de l'indemnité minimum due à Mme X... à raison de la rupture anticipée de son contrat d'enregistrement, que les avances sur redevances, non remboursables, constituaient une avance minimale garantie, peu important qu'elles n'aient pas la nature de salaire, la < cour > d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé l'article L. 1243-4 du code du travail ;

2°/ qu'en toute hypothèse, l'article 20.3 du contrat d'enregistrement conclu entre la société Universal Music France et Mme X... stipulait que « toutes les avances payées à l'artiste seront récupérables, par compensation directe de créances, sur toutes les sommes dues ou à devoir à quelque titre que ce soit par la société à l'artiste » ; qu'en application de cette clause, la société Universal Music France sollicitait en cause d'appel, à titre subsidiaire, la compensation du solde débiteur du compte de redevances de Mme X..., constitué de la part non récupérée des avances sur redevances versées au titre des albums LP1 et LP2, avec les dommages-intérêts qu'elle serait, le cas échéant, condamnée à payer à l'artiste ; qu'en affirmant, pour refuser à la société Universal Music France le bénéfice de la compensation, que le mécanisme prévu à l'article 20.3 du contrat d'enregistrement ne pouvait être mis en oeuvre qu'une fois les avances dues payées et portées au débit du compte de l'artiste, sans rechercher si le solde débiteur du compte de redevances de Mme X... n'était pas, précisément, constitué de la part non récupérée des avances sur redevances relatives aux albums LP1 et LP2, régulièrement payées et portées au débit du compte de redevances de l'artiste par le producteur, la < cour > d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, selon l'article L.7121-8 du code du travail, que la rémunération due à l'artiste à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l'employeur ou tout autre utilisateur n'est pas considérée comme salaire dès que la présence physique de l'artiste n'est plus requise pour exploiter cet enregistrement et que cette rémunération n'est pas fonction du salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation, mais est fonction du produit de la vente ou de l'exploitation de cet enregistrement ; qu'ayant relevé que le contrat d'exclusivité prévoyait une avance minimale garantie sous la seule condition de ne la devoir qu'au jour de l'entrée en studio pour l'enregistrement de l'album inédit suivant et indépendamment des ventes réalisées et de l'exploitation éventuelle de cet enregistrement, la < cour > d'appel en a exactement déduit, abstraction faite de la référence au caractère non salarial des avances, que celles-ci devaient être prises en compte pour le calcul des dommages-intérêts dus en application de l'article L.1243-4 du code du travail ;

#2 Et attendu que la cour d'appel, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a constaté que les avances n'étaient pas payées et portées au compte de l'artiste ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Dispositif

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Universal Music France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X...la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la < Cour > de < cassation >< chambre >< sociale >, et prononcé par le président en son audience publique du huit < juillet > deux mille quinze.

Annexe

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Universal Music France

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la société Universal Music France à payer à Mme X... la somme de 152.449,02 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er février 2010, au titre de la rémunération lui restant due, et d'avoir rejeté sa demande de compensation,

AUX MOTIFS QUE l'article L. 7121-8 du code du travail dispose que « la rémunération due à l'artiste à l'occasion de la vente ou de l'exploitation de l'enregistrement de son interprétation, exécution ou présentation par l'employeur ou tout autre utilisateur n'est pas considérée comme salaire dès que la présence physique de l'artiste n'est plus requise pour exploiter cet enregistrement et que cette rémunération n'est pas fonction du salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou présentation, mais est fonction du produit de la vente ou de l'exploitation de cet enregistrement » ; qu'il n'est pas contestable que les sommes réclamées par l'appelante correspondent aux avances sur redevances dont elle estime avoir été privée à raison de la rupture de son contrat d'exclusivité et que, de telles avances ou redevances rémunérant les exploitations commerciales, sous quelque forme que ce soit, de l'enregistrement de son interprétation, n'ont pas la nature de salaire ; que, pour autant, l'alinéa 1er de l'article L. 1243-4 du code du travail, qui dispose expressément que « la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l'initiative de l'employeur (¿) ouvre droit pour le salarié à des dommages et intérêts d'un montant au moins égal aux rémunérations qu'il aurait perçues jusqu'au terme du contrat » n'exclut pas ipso facto de son champ d'application toute forme de rémunération qui n'aurait pas la nature d'un salaire ; qu'en assurant à l'artiste, au terme du contrat d'exclusivité querellé, une avance minimale garantie sous la seule condition de ne la devoir qu'au jour de l'entrée en studio pour l'enregistrement de l'album inédit suivant, voire même dans l'hypothèse d'un compte débiteur et donc indépendamment des ventes réalisées et de l'exploitation qu'elle pourrait faire de cet enregistrement, la société Universal a pris l'engagement de verser une telle rémunération jusqu'au quatrième album initialement prévu ; que, dans ces conditions, il n'est pas justifié d'exclure ces sommes des rémunérations visées à l'article L. 1243-4 du code du travail, de sorte qu'il y a lieu d'infirmer la décision des premiers juges et de faire droit aux prétentions de Mme X... de ce chef, sans qu'il y ait lieu de procéder à la compensation sollicitée à titre subsidiaire par la société Universal, dès lors qu'en application de l'article 20.3, la récupération par compensation directe de créances sur les sommes dues ou à devoir ne peut intervenir qu'une fois les avances dues payées et portées au débit du compte de l'artiste, sauf à dénaturer la portée des dispositions précitées ;

1°/ ALORS QUE les redevances versées à l'artiste-interprète rémunèrent les droits voisins qu'il a cédés au producteur ; qu'il s'en déduit que les redevances et les avances sur redevances ne peuvent être prises en considération dans l'évaluation du montant des rémunérations qu'aurait perçues l'artiste-interprète jusqu'au terme du contrat de travail à durée déterminée, montant représentant le minimum des dommages-intérêts dus en application de l'article L. 1243-4 du code du travail ; qu'en retenant, pour prendre en considération les avances sur redevances dans le calcul de l'indemnité minimum due à Mme X... à raison de la rupture anticipée de son contrat d'enregistrement, que les avances sur redevances, non remboursables, constituaient une avance minimale garantie, peu important qu'elles n'aient pas la nature de salaire, la < cour > d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé l'article L. 1243-4 du code du travail ;

2°/ ALORS QU' en toute hypothèse, l'article 20.3 du contrat d'enregistrement conclu entre la société Universal Music France et Mme X... stipulait que « toutes les avances payées à l'artiste seront récupérables, par compensation directe de créances, sur toutes les sommes dues ou à devoir à quelque titre que ce soit par la société à l'artiste » ; qu'en application de cette clause, la société Universal Music France sollicitait en cause d'appel, à titre subsidiaire, la compensation du solde débiteur du compte de redevances de Mme X..., constitué de la part non récupérée des avances sur redevances versées au titre des albums LP1 et LP2, avec les dommages et intérêts qu'elle serait, le cas échéant, condamnée à payer à l'artiste ; qu'en affirmant, pour refuser à la société Universal Music France le bénéfice de la compensation, que le mécanisme prévu à l'article 20.3 du contrat d'enregistrement ne pouvait être mis en oeuvre qu'une fois les avances dues payées et portées au débit du compte de l'artiste, sans rechercher si le solde débiteur du compte de redevances de Mme X... n'était pas, précisément, constitué de la part non récupérée des avances sur redevances relatives aux albums LP1 et LP2, régulièrement payées et portées au débit du compte de redevances de l'artiste par le producteur, la < cour > d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.