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Décisions

Cass. 1re civ., 19 juin 2013, n° 12-18.032

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Paris, du 14 déc. 2011

14 décembre 2011

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 décembre 2011), que soutenant que plusieurs albums et compilations commercialisés en France reproduisaient, sans autorisation, les enregistrements de leurs prestations, fixés entre 1964 et 1985 en Jamaïque, MM. X..., dit ...Y..., Z...et A...ont recherché la responsabilité des sociétés Culture press et Emi music France (les sociétés) sur le fondement de l'article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle ; que ces dernières, invoquant l'application du Copyright Act de 1911 en tant que loi du pays de la première fixation, ont prétendu détenir les droits sur les enregistrements en cause ;

Attendu que la société Culture press fait grief à l'arrêt de faire application de la loi française et, en conséquence, de dire que les sociétés ont, en fabriquant et commercialisant les phonogrammes en litige, reproduisant sans leur autorisation les interprétations de MM. Y...et Z..., porté atteinte aux droits d'artistes-interprètes de ces derniers, d'interdire sous astreinte la poursuite de ces agissements, de condamner les sociétés au paiement de certaines sommes à titre de dommages-intérêts et de condamner la société Culture press à garantir la société Emi music France du montant de ces condamnations, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article 19 du Copyright Act de 1911 dispose que « la personne qui est propriétaire des bandes mères à la date où elles ont été réalisées sera considérée comme étant le titulaire des droits » ; qu'en affirmant que la généralité des termes de ce texte ne permettait pas de regarder le producteur de la première fixation, détenteur de la bande-mère à la date où celle-ci a été réalisée, comme titulaire de l'ensemble des droits nés ou à naître dans les cinquante années suivant la fixation, sur l'enregistrement, et plus spécialement des droits voisins d'artistes-interprètes, la cour d'appel a dénaturé le droit étranger applicable, violant l'article 3 du code civil, ensemble le texte précité ;

2°/ qu'il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger d'en rechercher, soit d'office, soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger ; qu'en évinçant le Copyright Act de 1911, au profit de l'article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle, en raison de « la généralité de ses termes », la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 3 du code civil ;

3°/ que la Convention de Rome du 26 octobre 1961 prévoit, en son article 20, qu'elle ne porte pas atteinte aux droits acquis dans un Etat contractant avant qu'elle n'y entre en vigueur ; qu'il s'en déduit qu'elle n'a pu remettre en cause ni les droits des producteurs d'origine sur les prestations fixées en Jamaïque avant le 27 janvier 1994, ni la validité des chaînes de contrats subséquentes ; qu'en affirmant que les dispositions nouvelles issues de l'article 4 de la Convention de Rome, selon lesquelles chaque Etat accordera le bénéfice du traitement national aux ressortissants des autres Etats signataires, ont vocation, sans pour autant rétroagir, à gouverner l'appréciation des atteintes portées aux droits des artistes-interprètes à raison d'actes de reproduction et de commercialisation commis après son entrée en vigueur, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 20 de la Convention précitée, ensemble et par fausse application l'article 4 de la même Convention ;

4°/ que la Convention de Rome du 26 octobre 1961 prévoit, en son article 20, qu'elle ne porte pas atteinte aux droits acquis dans un Etat contractant avant qu'elle n'y entre en vigueur ; qu'il s'en déduit qu'elle n'a pu remettre en cause ni les droits des producteurs d'origine sur les prestations fixées en Jamaïque avant le 27 janvier 1994, ni la validité des chaînes de contrats subséquentes ; qu'en affirmant néanmoins que les sociétés Culture Press et Emi music France étaient mal fondées à se prétendre titulaires, sur les enregistrements litigieux de l'ensemble des droits d'exploitation, du seul fait qu'elles tenaient leurs droits d'utilisation du producteur d'origine, propriétaire des bandes-mères et qu'elles auraient dû solliciter, pour les enregistrements en cause, une autorisation expressément consentie par l'artiste-interprète, la cour d'appel a derechef violé par refus d'application l'article 20 de la Convention précitée, ensemble et par fausse application l'article 4 de la même Convention ;

5°/ que les effets des contrats conclus antérieurement à une loi nouvelle dépourvue d'effet rétroactif demeurent régis par les dispositions antérieures, même s'ils continuent à se réaliser postérieurement ; que l'autorisation d'utiliser la prestation d'un artiste-interprète régulièrement obtenue avant l'entrée en vigueur de l'article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle continue à produire ses effets après 1er janvier 1986, sans que la poursuite de l'exploitation soit subordonnée à la délivrance d'une nouvelle autorisation écrite de l'artiste-interprète ; que les sociétés Culture Press et Emi music France, qui tiennent leurs droits d'utilisation des producteurs d'origine, régulièrement investis, avant le 1er janvier 1986, de l'ensemble des droits de propriété intellectuelle sur les enregistrements litigieux, n'avaient pas à solliciter l'autorisation écrite des artistes-interprètes ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble le texte précité par fausse application et le principe de sécurité juridique qui découle de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que la règle de conflit de lois applicable à la détermination du titulaire initial des droits d'artiste-interprète désigne la loi du pays où la protection est réclamée ; que la cour d'appel a relevé qu'elle était saisie des atteintes qui auraient été portées à compter de 1996 aux droits de MM. Y...et Z...des suites de la fabrication et/ ou de la commercialisation en France des enregistrements litigieux ; qu'il en résulte que, suivant la règle de conflit applicable, le litige est soumis à la loi française ; que par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Culture press aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Culture press.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que les sociétés Culture Press et EMI Music France avaient, en fabriquant et commercialisant des phonogrammes en litige, reproduisant, sans leur autorisation, les interprétations de ...Y... et Léonard Z..., porté atteinte aux droits d'artistes-interprètes de ces derniers, d'avoir interdit à ces sociétés, sous astreinte de 1000 euros par infraction constatée, à compter de la signification de l'arrêt, de poursuivre la fabrication, l'importation, la distribution et la commercialisation des albums cités et d'avoir condamné la société Culture Press à verser, à titre de dommages-intérêts, la somme de 30 000 euros à ...Y... et celle de 25 000 euros à Léonard Z...et d'avoir condamné la société EMI Music France à verser, à titre de dommages-intérêts, la somme de 5 000 euros à ...Y... et celle de 3 000 euros à Léonard Z..., la société Culture Press devant garantir la société EMI Music France du montant de ces condamnations,

AUX MOTIFS QUE la généralité des termes de l'article 19 du Copyright de 1911, invoqué par les sociétés intimées, ne permet pas de regarder le producteur de la première fixation, détenteur de la bande-mère à la date où celle-ci a été réalisée, comme titulaire de l'ensemble des droits, nés, ou à naître dans les cinquante années suivant la fixation, sur l'enregistrement, et plus spécialement des droits voisins d'artistes-interprètes ; que la cour est saisie des atteintes qui auraient été portées à compter de 1996 aux droits des appelants des suites de la fabrication et/ ou de la commercialisation en France par les sociétés intimées, des enregistrements litigieux ; qu'il est constant que la France et la Jamaïque sont, pour ce qui est de la période postérieure à novembre 1996, concernée par le litige, signataires de la Convention de Rome qui érige en principe en son article 4, que chaque Etat accordera le bénéfice du traitement national aux ressortissants des autres Etats signataires ; que ces dispositions nouvelles ont vocation, sans pour autant rétroagir au sens de l'article 20 de la Convention, à gouverner l'appréciation des atteintes portées aux droits des artistes-interprètes à raison d'actes de reproduction et de commercialisation commis à compter de 1996 soit postérieurement à l'entrée en vigueur de celles-ci ; qu'il s'ensuit que ...Y...et Leonard Z...sont bien fondés à se prévaloir du bénéfice de la protection de la loi française du 3 juillet 1985 en vertu de laquelle : Sont soumises à l'autorisation écrite de l'artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public (...) ; que les sociétés intimées, en revanche, sont mal fondées à se prétendre titulaires, sur les enregistrements litigieux, de l'ensemble des droits d'exploitation, du seul fait qu'elles viendraient aux droits du producteur d'origine, propriétaire des bandes-mères ; qu'il est constant que les sociétés intimées sont dans l'incapacité de justifier pour les enregistrements en cause, d'une autorisation expressément consentie par l'artiste-interprète à la reproduction de la première fixation de sa prestation au sens de l'article L. 213-3 du Code de la propriété intellectuelle issu de la loi du 3 juillet 1985, autorisation que ne saurait se déduire, ainsi qu'il résulte des développements qui précèdent, de la titularité, à la supposer établie, des droits de production ; qu'il s'en infère, qu'en fabricant et en commercialisant en France, après le 22 novembre 1996 pour la société CULTURE PRESS et à compter de 2001 pour la société EMI MUSIC FRANCE des enregistrements reproduisant, sans avoir recueilli leur autorisation, des prestations de ...Y...et de Leonard Z..., les sociétés intimées ont porté atteinte aux droits d'artistes-interprètes dont ces derniers sont respectivement investis ;

1°/ ALORS QUE l'article 19 du Copyright Act de 1911 dispose que « la personne qui est propriétaire des bandes mères à la date où elles ont été réalisées sera considérée comme étant le titulaire des droits » ; qu'en affirmant que la généralité des termes de ce texte ne permettait pas de regarder le producteur de la première fixation, détenteur de la bande-mère à la date où celle-ci a été réalisée, comme titulaire de l'ensemble des droits nés ou à naître dans les cinquante années suivant la fixation, sur l'enregistrement, et plus spécialement des droits voisins d'artistes-interprètes, la cour d'appel a dénaturé le droit étranger applicable, violant l'article 3 du code civil, ensemble le texte précité ;

2°/ ALORS QU'en toute hypothèse, il incombe au juge français qui reconnaît applicable un droit étranger d'en rechercher, soit d'office, soit à la demande d'une partie qui l'invoque, la teneur et de donner à la question litigieuse une solution conforme au droit positif étranger ; qu'en évinçant le Copyright Act de 1911, au profit de l'article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle, en raison de « la généralité de ses termes », la cour d'appel a méconnu son office et violé l'article 3 du code civil ;

3°/ ALORS QUE la Convention de Rome du 26 octobre 1961 prévoit, en son article 20, qu'elle ne porte pas atteinte aux droits acquis dans un Etat contractant avant qu'elle n'y entre en vigueur ; qu'il s'en déduit qu'elle n'a pu remettre en cause ni les droits des producteurs d'origine sur les prestations fixées en Jamaïque avant le 27 janvier 1994, ni la validité des chaînes de contrats subséquentes ; qu'en affirmant que les dispositions nouvelles issues de l'article 4 de la Convention de Rome, selon lesquelles chaque Etat accordera le bénéfice du traitement national aux ressortissants des autres Etats signataires, ont vocation, sans pour autant rétroagir, à gouverner l'appréciation des atteintes portées aux droits des artistes-interprètes à raison d'actes de reproduction et de commercialisation commis après son entrée en vigueur, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 20 de la Convention précitée, ensemble et par fausse application l'article 4 de la même Convention ;

4°/ ALORS QUE la Convention de Rome du 26 octobre 1961 prévoit, en son article 20, qu'elle ne porte pas atteinte aux droits acquis dans un Etat contractant avant qu'elle n'y entre en vigueur ; qu'il s'en déduit qu'elle n'a pu remettre en cause ni les droits des producteurs d'origine sur les prestations fixées en Jamaïque avant le 27 janvier 1994, ni la validité des chaînes de contrats subséquentes ; qu'en affirmant néanmoins que les sociétés Culture Press et Emi Music France étaient mal fondées à se prétendre titulaires, sur les enregistrements litigieux de l'ensemble des droits d'exploitation, du seul fait qu'elles tenaient leurs droits d'utilisation du producteur d'origine, propriétaire des bandes-mères et qu'elles auraient dû solliciter, pour les enregistrements en cause, une autorisation expressément consentie par l'artiste-interprète, la cour d'appel a derechef violé par refus d'application l'article 20 de la Convention précitée, ensemble et par fausse application l'article 4 de la même Convention ;

5°/ ALORS QU'en toute hypothèse, les effets des contrats conclus antérieurement à une loi nouvelle dépourvue d'effet rétroactif demeurent régis par les dispositions antérieures, même s'ils continuent à se réaliser postérieurement ; que l'autorisation d'utiliser la prestation d'un artiste-interprète régulièrement obtenue avant l'entrée en vigueur de l'article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle continue à produire ses effets après 1er janvier 1986, sans que la poursuite de l'exploitation soit subordonnée à la délivrance d'une nouvelle autorisation écrite de l'artiste-interprète ; que les sociétés Culture Press et Emi Music France, qui tiennent leurs droits d'utilisation des producteurs d'origine, régulièrement investis, avant le 1er janvier 1986, de l'ensemble des droits de propriété intellectuelle sur les enregistrements litigieux, n'avaient pas à solliciter l'autorisation écrite des artistes-interprètes ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 2 du code civil, ensemble le texte précité par fausse application et le principe de sécurité juridique qui découle de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.